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L'Antiquité
et le Haut-Moyen âge
Les Sicules, qui arrivèrent dans l'île
vers l'an 1000 av. J.-C, étaient
probablement de même origine que les Latins;
établis dans l'angle Sud-Est, ils fondèrent un certain nombre
de villes, parmi lesquelles Menae (Mineo), Hybla minor (Paterne) ,
Centuripae (Centorbi), Agyrium (Agyra), Aluntium (San Marco). Les Sicules
coexistèrent avec les Phéniciens,
qui fondèrent des établissements sur les côtes, en
particulier à l'Ouest, Motya, Panorme (Palerme)
et Soloeis. Enfin au VIIIe
siècle vinrent des Grecs,
qui colonisèrent toute la partie orientale de la Sicile. Les Ioniens
de Chalcidique
fondèrent Naxos (735), puis
les Corinthiens créèrent Syracuse
(734 av. J.-C.), Leontini et Catane
(729), Zancle (Messine); les Doriens,
Mégare (728); les Crétois,
Géla sur la côte Sud (689); progressant vers l'Ouest, les
gens de Zancle fondèrent Himera (618);
ceux de Mégare ,
Selinonte
(628), et ceux de Géla
la célèbre Agrigente
(580). Le progrès des Grecs
en Sicile s'arrêta à l'occupation des îles Lipari
(580).
A partir de ce moment commença leur
rivalité avec les Phéniciens, qui appelèrent à
leur aide les Carthaginois. Repoussés
par la victoire d'Himera (480), ces
derniers, profitant des querelles intestines des villes grecques, de leurs
luttes entre Ioniens et Doriens, de l'échec de l'expédition
d'Athènes contre Syracuse (415-413),
recommencèrent leurs attaques à la fin du Ve
siècle et prirent successivement Sélinonte, Himera,
Agrigente, Camarina, Messana, (409-396).
Tenus en échec, soit par Denys l'Ancien
de Syracuse
(406-367)
qui étendit sa domination sur presque toute la Sicile, soit par
quelques-uns de ses successeurs, Timoléon (344-336)
et Agathocle, qui fit en Afrique une expédition
brillante (310), soit enfin par Pyrrhus,
qui dut précipitamment retourner en Italie
(278-276),
ils engagèrent contre les Romains,
une lutte qui dura vingt ans (Première guerre punique ,
264-241)
et se termina, par leur expulsion définitive.
La domination
romaine et byzantine.
La Sicile devint entièrement romaine
après que la prise de Syracuse
par Marcellus (214-212)
eut mis fin à l'existence du petit royaume indépendant qu'avait
gardé Hiéronyme, successeur de
Hiéron
ll. Devenue province, elle fut divisée en deux questures Lilybetana
et Syracusana. A peine maîtres du pays, les Romainscherchèrent
à l'exploiter pour en mettre en valeur les richesses en minéraux
et en céréales; ils y envoyèrent
des colonies d'esclaves dont la révolte donna lieu aux deux guerres
serviles (139-131
et 104-101).
Plus tard, un de leurs gouverneurs, Verrès (73-71),
s'y illustra par ses déprédations. Enfin la guerre civile
entre César et Pompée
accéléra la décadence de la Sicile, attestée
par Strabon, de sorte qu'Auguste
fut obligé d'en rebâtir les villes et d'envoyer des colonies
à Tauromenium, Catane ,
Syracuse, Thermae et Tyndaris. C'était une province sénatoriale
proconsulaire. Enfin l'île eut à subir le contre-coup d'invasions
barbares .
Désolée par une nouvelle guerre des esclaves (259),
pillée par une horde de Francs (278),
rattachée en 395 à l'empire
d'Occident ,
puis successivement conquise par Genséric,
par Odoacre et par les Ostrogoths,
elle fut reconquise par Bélisaire (535)
et réunie à l'empire d'Orient .
La domination byzantine dura plus de trois siècles.
Arabes et Normands.
En 827,
les Arabes commencèrent la conquête de la Sicile. Appelés
par le gouverneur Euphemias, ils débarquèrent à Mazzara,
s'emparèrent de Palerme en 831,
de Syracuse en 878
et refoulèrent les chrétiens dans l'angle Nord-Est de l'île.
Ils fondèrent un émirat particulier, sous la dynastie des
Fatimides,
et accrurent la richesse du pays par le développement donné
à l'agriculture, à l'industrie et au commerce.
Au XIe
siècle, les Arabes durent à leur tour céder
la place aux Normands; les fils
d'un chevalier normand, Tancrède de Hauteville, avaient peu à
peu conquis, de 1016 à 1071,
tous les territoires grecs de l'Italie méridionale; en 1061,
le plus jeune d'entre eux, Roger, franchit le détroit de Messine,
appelé par les chefs sarrasins
qui se disputaient la suprématie, les battit les uns après
les autres et termina en 1091 l'assujettissement
de l'île tout entière; pendant ce temps, son frère
aîné,
Robert Guiscard, étendait
sa domination jusqu'à Naples. Son fils,
Roger II, lui succéda en Sicile (1111),
puis devint duc de Pouille et de Calabre
(1127) quand la descendance de Robert
Guiscard se fut éteinte; enfin il fut sacré roi des Deux-Siciles
par le pape Anaclet II (1130).
La Sicile avait désormais perdu son autonomie politique, et ses
destinées devaient être associées jusqu'à nos
jours à celles de l'Italie méridionale.
Le Royaume des Deux-Siciles
La domination normande.
Sous Roger II (1130-1154),
le royaume des Deux-Siciles
atteignit un haut degré de prospérité. Palerme
et Amalfi devinrent les rivales commerciales de Venise
et de Pise; une école de médecine
célèbre s'établit à Palerme. Les Arabes purent
exercer librement leur religion, moyennant un tribut annuel, et furent
utilisés comme soldats. Les fils de Roger, Guillaume
ler (1154-1166)
et Guillaume II (1166-1189),
maintinrent, malgré leur médiocrité, les traditions
paternelles. En 1177, ce dernier maria
sa soeur et héritière, Constance,
avec le fils de l'empereur Frédéric
Ier, Henri
VI. Ce mariage allait faire passer les Deux-Siciles dans la maison
des Hohenstaufen.
Après la mort de Henri VI (1197),
son fils Frédéric II
lui succéda. Né en Italie, il fit de Palerme sa résidence
favorite et s'attacha à réorganiser complètement le
royaume. De 1222 à 1225
il y raffermit son autorité; en 1231,
il lui donna une constitution dans laquelle il s'efforçait de rajeunir
les institutions normandes; en même temps, il centralisait, comme
dans les Etats modernes, l'administration des finances et de l'armée
et créait des Etats provinciaux pour servir de contrepoids au pouvoir
de ses agents. Il affichait une prédilection particulière
pour les lettres et les arts, bâtissait des villes, fondait des universités
et faisait de sa cour la plus brillante et la plus policée de l'Europe .
Son fils, Conrad ler (1250-1254),
ne laissa qu'un enfant de dix ans, Conradin,
qu'il institua son héritier, et un frère naturel, Mainfroi,
qui profita de cet événement pour se faire proclamer roi,
en répandant le bruit de la mort de son neveu. Cette usurpation
servit de prétexte au pape Clément
IV, qui n'aimait pas la maison de Souabe ,
pour donner l'investiture des Deux-Siciles
au Français Charles d'Anjou, père de Louis
IX (1265). Ce dernier vint se faire
sacrer à Rome, avec le consentement de
son frère, battit et tua Mainfroi près de Bénévent
(1260), vainquit à Tacliacozzo
(1268) et fit décapiter à
Naples
le jeune Conradin, et put se croire le maître des Deux-Siciles.
La souveraineté
de la maison d'Anjou et de la maison d'Aragon.
Mais sa domination ne devait qu'être
éphémère en Sicile. Il froissa les sentiments et les
intérêts des habitants du pays par la lourdeur des impôts,
par des confiscations sans motifs, par sa prédilection pour ses
compagnons français, par la hauteur de ces derniers; le 30 mars
1282
éclata à Palerme un formidable
soulèvement resté célèbre dans l'histoire sous
le nom de Vêpres siciliennes; des centaines de chevaliers
français furent massacrés; toute l'île suivit ce mouvement
et Charles d'Anjou
prit la couronne de Sicile.
-
Les Vêpres
siciliennes
On
a donné le nom de Vêpres siciliennes au massacre des
Français par les Siciliens en 1282 : Charles
d'Anjou y perdit la souveraineté de la
Sicile.Selon la tradition, le massacre débuta à Palerme
le lundi de Pâques
(30 mars 1282), au son de la cloche des vêpres, et le massacre s'étendit
dans le courant d'avril à toute la Sicile près de 8000 Français
périrent.
On
a souvent affirmé que les Vêpres siciliennes avaient été
préméditées par Jean de Procida, gentilhomme sicilien
du nom de Jean de Procida et agent de Pierre III d'Aragon
(compétiteur de Charles d'Anjou et gendre de Minafroi), et l'heure
de la révolution fixée d'avance.
Il
paraît plus vraisemblable que les Siciliens, exaspérés
par la dureté de la domination de Charles d'Anjou, n'attendaient
qu'une occasion de se soulever : une insulte du Provençal Drovet
à une Sicilienne, à l'heure où la foule se rendait
à l'église de Montréal,
aurait déchaîné l'émeute. Les Français,
surpris sans défense, périrent sans distinction des femmes
ni des enfants.
Charles
d'Anjou qui était à Orvieto près du pape, chercha
vainement à agir contre la Sicile : le 30 août, Pierre d'Aragon
débarqua à Trépani et enleva à la maison d'Anjou
la souveraineté de la Sicile au profit de sa femme et de son fils
Jacques. |
Les maisons d'Aragon
et d'Anjou
devaient régner parallèlement en Sicile et à Naples,
jusqu'en
1442. Elles se combattirent
d'abord sous le règne de Charles d'Anjou (1266-1285), qui vit même
la flotte sicilienne, sous le commandement de Roger de Loria, faire prisonnier
son fils Charles. Celui-ci, devenu roi sous le nom de Charles II, après
sa délivrance, essaya vainement de prendre sa revanche, perdit son
fils aîné, Philippe, à la bataille de Falconera (1299)
et dut reconnaître définitivement en 1302
l'indépendance de la Sicile. Son successeur, Robert (1309-1343),
suivit au contraire une politique pacifique. Il laissait comme héritière
une nièce, Jeanne (1343-1382),
dont les quatre mariages successifs avec André d'Anjou, Louis de
Tarente (1346), Jacques d'Aragon (1362)
et Othon de Brunswick (1376) amenèrent
à Naples
une série de guerres intestines et de complications extérieures.
La Sicile, au contraire, avait mené
depuis la paix de 1302 une existence
des plus tranquilles. Ses souverains, Frédéric (1296-1337),
Pierre II (1337-1342),
Louis (1342-1355),
Frédéric II (1355-1377),
Marie (1377-1402),
Martin d'Aragon (1402-1409),
l'avaient tenue à l'écart de la politique générale.
Martin n'ayant pas laissé d'enfants, son père, déjà
roi d'Aragon ,
recueillit son héritage, qu'il ne garda d'ailleurs qu'un an (1409).
Lorsque sa famille se fut éteinte avec lui (1410),
Ferdinand, prince de Castille ,
réussit, avec un interrègne de deux ans, à lui succéder
en Aragon et en Sicile (1412) et à
léguer ses Etats (1446) à
son fils Alphonse. Ce dernier devait encore réunir Naples
à ce vaste domaine. Il réussit à se faire reconnaître
un instant comme héritier par la dernière souveraine de ce
royaume, Jeanne (1114-1135),
triompha de la résistance de l'héritier légitime,
René d'Anjou, et s'empara de Naples en 1412.
Le royaume des Deux-Siciles
se trouvait désormais reconstitué et devait rester près
de trois siècles sous la domination espagnole.
La domination
espagnole.
Alphonse
V résida presque uniquement en Italie et mérita par sa
sage politique et sa bonne administration le surnom de Magnanime.
A sa mort, ses Etats furent séparés une dernière fois
: son frère Jean reçut la Sicile et l'Aragon; son fils, Ferdinand
Ier (1458-1494),
le royaume de Naples. Ce dernier mécontenta les barons et permit
ainsi au roi de France'
Charles
VIII de faire revivre, sous le règne de son fils Alphonse
II (1494-1493),
les prétentions de la maison d'Anjou. On sait quelle fut l'issue
de l'expédition de Charles VIII. Après être rentré
sans obstacle à Naples et s'être fait couronner roi (février
1495),
il fut rappelé en arrière par une coalition européenne
et dut laisser le fils d'Alphonse II,
Ferdinand
II (1495-1496),
reconquérir son royaume. Ferdinand II eut pour successeur son oncle
Frédéric (1496-1501),
contre lequel se liguèrent le nouveau roi de France Louis
XII et Ferdinand le Catholique,
déjà souverain de l'Aragon
et de la Sicile depuis 1479. Frédéric
fut fait prisonnier et perdit ses Etats (1402)
que Gonzalve de Cordoue réussit
aussitôt après à conquérir sur les Français
(batailles de Séminara, de Cerignola et de Garigliano, 1503).
Naples et la Sicile se retrouvaient dans la même situation qu'en
1442.
Leur histoire fut peu agitée pendant
le XVIe
et le XVIIe siècle
: une incursion du Français Lautrec jusqu'à Naples
en 1527, une tentative infructueuse
d'un vice-roi espagnol, le duc d'Ossuna, pour se rendre indépendant
(1620), en sont les principaux incidents.
En 1647, un simple pêcheur, Masaniello,
souleva le peuple contre le duc d'Arcos qui avait établi des impôts
écrasants sur les vins et les fruits; il fut facilement saisi et
fusillé. A la suite de la guerre de la succession d'Autriche ,
les traités d'Utrecht
et de Rastadt donnèrent Naples à la maison d'Autriche et
la Sicile au duc de Savoie. Mais en 1721,
ce dernier échangea la Sicile contre la Sardaigne .
D'autre part, en 1735, l'empereur Charles
VI céda Naples et la Sardaigne à l'infant Charles d'Espagne ,
à condition qu'il ne pourrait être en même temps roi
d'Espagne. Le royaume des Deux-Siciles
recouvrait ainsi son indépendance.
La domination
des Bourbons.
Le premier Bourbon,
Charles
III (1735-1759),
fut surtout un prince réformateur. Il appela aux affaires le libre
penseur Tanucci et s'efforça de restreindre
les privilèges du clergé en concluant un concordat avantageux
avec Benoît XIV (1746),
en supprimant le droit d'asile dans les églises et les juridictions
épiscopales, en réduisant les biens de mainmorte et en abolissant
l'Inquisition. Il développait en
même temps le commerce, augmentait les revenus de l'Etat et repoussait
à Velletri (1744) une invasion
autrichienne. Lorsque la mort de son frère, Ferdinand
VI (1759), l'eut appelé
au trône d'Espagne ,
son troisième fils, Ferdinand Ier,
lui succéda (1759-1825)
et régna d'abord sous la tutelle de Tanucci, qui continua la politique
du règne précédent en expulsant les Jésuites
(1767). A sa majorité, Ferdinand
épousa une fille de Marie-Thérèse, Marie-Caroline,
qui appela aux affaires son favori Acton, et exerça
une influence prépondérante sur les affaires de l'Etat. Sous
cette influence, il entra dans la première coalition (1793),
dont il se détacha à la suite des victoires de Bonaparte
(traité de Brescia ,
1796).
Mais, à la suite du départ de ce dernier pour l'Egypte
et de la fondation d'une république
romaine, Marie-Caroline travailla activement à former une seconde
coalition, demanda à l'Autriche
le général Mack pour commander les troupes napolitaines et
leur fit passer la frontière; elles s'emparèrent de Rome
(novembre 1798), mais durent l'évacuer
au bout d'un mois et reculer devant l'armée de Championnet qui s'avança
jusqu'à Naples
et fit capituler Mack (janvier 1799).
Le roi et la cour étaient partis pour Palerme.
La République
parthénopéenne.
Championnet, maître de Naples, confia
le pouvoir à un gouvernement provisoire dirigé par deux partisans
des idées révolutionnaires, Cirillo et Pagano; ils proclamèrent
la République parthénopéenne et rédigèrent
une constitution calquée en partie sur celle qui régissait
alors la France ,
en partie sur celle de Sparte. Elle fut presque
aussitôt détruite que mise en vigueur. Dès le mois
de mars 1799, les provinces, agitées
par les prêtres et les nobles, se soulevaient contre le gouvernement
central, le cardinal Ruffo, commandant des troupes royales, débarquait
à Reggio ,
et Macdonald, successeur de Championnet, était rappelé vers
le Nord par la défaite des Français à la Trebbia.
Les républicains napolitains essayèrent
en vain de se défendre; cernés par les troupes de Ruffo (juin
1799),
réduits à s'enfermer dans les châteaux
de Naples ,
ils durent signer une capitulation que la cour désavoua ensuite;
la plupart passèrent devant des tribunaux militaires et furent exécutés.
Ferdinand et Marie-Caroline, rentrés dans leur capitale, ordonnèrent,
avec la complicité de Nelson, des représailles
impitoyables : 30.000 personnes furent emprisonnées,
7000 bannies, 9000 mises à mort. Ces inutiles cruautés ne
purent assurer à Ferdinand la paisible possession de son royaume;
après Marengo, il fut contraint de
signer avec Bonaparte le traité de Florence
(18 mars 1801) qui lui imposait l'amnistie
pour tous les condamnés suspects ou exilés politiques et
l'occupation par les troupes françaises d'Otrante, Tarente
et Brindisi. Après la rupture de la paix d'Amiens,
l'armée de Gouvion Saint-Cyr envahit
ses Etats ; lorsqu'elle les eut évacués en 1805,
il en profita pour se joindre à la troisième coalition. Le
châtiment ne se fit pas attendre. Napoléon déclara
dans son 37e bulletin que la maison de
Naples avait cessé de régner, fit occuper toute la terre
ferme par l'armée de Masséna (février
1806),
proclama son frère aîné,
Joseph,
roi de Naples
(mars), et réduisit le couple royal à la possession de la
Sicile, dont il devait chercher en vain à le déposséder.
La domination
française.
Joseph ne régna que deux ans et,
pour lui, régner se réduisit à combattre (1806-1808).
Il eut en effet à prendre Gaëte
où les troupes bourbonniennes résistèrent jusqu'en
juillet 1806, à vaincre l'insurrection
de Fra Diavolo dans les Calabres
et à chasser les Anglais de Capri .
A l'intérieur, il commença la réforme des institutions,
abolit le système féodal (août
1806),
promulgua le code civil français et établit une constitution
libérale qu'il n'eut pas le temps d'appliquer. En mars 1808,
il était appelé à Bayonne
pour y recevoir le trône d'Espagne ,
et le 6 septembre, suivant, son successeur, Murat,
faisait son entrée à Naples .
Soldat plus qu'administrateur, Murat tenta un débarquement en Sicile,
dompta définitivement, grâce à son aide de camp Manhès,
l'insurrection des Calabres et forma une solide armée; mais ses
collaborateurs, Zurlo, Ricciardi, Delfico, mirent à exécution
les réformes civiles décrétées par Joseph,
donnèrent une vigoureuse impulsion aux travaux publics, ornèrent
Naples de belles promenades et rendirent son nom populaire dans le royaume.
Après la campagne
de Russie ,
qui avait coûté la vie à un fort contingent napolitain,
Murat chercha à séparer sa cause de celle de Napoléon
pour conserver son royaume. Il entama d'actives négociations avec
lord Bentink, commandant des forces anglaises en Sicile, et finit par signer
avec l'Autriche
un traité secret (11 janvier 1814)
qui lui promettait, en échange de son concours militaire, la garantie
de ses Etats. Il l'exécuta assez mollement en conduisant une armée
napolitaine contre celle d'Eugène de Beauharnais et envoya au congrès
de Vienne un plénipotentiaire demander aux puissances de le
reconnaître. Les résistances que rencontra son envoyé
lui firent craindre de se voir enlever sa couronne par le Congrès;
pour la conserver, il changea brusquement de tactique, se déclara
le défenseur de l'unité et de l'indépendance italiennes,
appela tous les
Italiens aux armes et s'avança
avec une armée jusqu'à Bologne .
D'abord vainqueur, il fut repoussé par l'armée autrichienne
de Blanchi, dut rétrograder jusqu'à Naples ,
et capituler dans cette ville où le remplaça Ferdinand, accouru
de Sicile (mai 1815). Un débarquement
qu'il tenta quatre mois après au Pizzo (Calabre ),
échoua misérablement. Il fut traduit devant une commission
militaire et fusillé (13 octobre 1815).
Le royaume des
Deux-Siciles de 1815 à 1860.
Ferdinand
IV, veuf depuis 1814, accourut
alors de Palerme, reprit possession de ses
Etats et reconstitua le royaume des Deux-Siciles
dont il devint souverain sous le nom de Ferdinand Ier.
La surveillance de l'Autriche
l'empêcha de signaler sa restauration par les mêmes violences
qu'en 1799; mais il abolit la constitution
libérale qu'il avait donnée à la Sicile en 1812,
rendit à l'Eglise ,
par le concordat de 1818, ses biens
et ses privilèges et provoqua par ce régime d'arbitraire
un mécontentement qui se traduisit par le développement du
Carbonarisme,
société secrète née sous la domination française.
En 1820, éclata un premier mouvement
libéral. A la nouvelle de la révolution espagnole, un régiment
de cavalerie se soulève à Nola, marche sur Naples ,
dont la garnison le rejoint, entre dans la ville, et contraint Ferdinand
à promulguer une constitution (juillet). Un parlement se réunit
et une émeute séparatiste est étouffée à
Palerme.
Malheureusement Ferdinand, qui n'avait accordé ces concessions qu'à
contre-coeur, se fit inviter par les puissances européennes à
aller plaider la cause de son peuple au congrès de Laybach. Grâce
à ce subterfuge, il put s'échapper de son royaume (décembre
1820)
et y rentrer à la tête d'une armée autrichienne qui
battit les troupes constitutionnelles à Rieti (7 mars), rétablit
l'absolutisme et fit peser sur les Deux-Siciles
un régime de terreur. Sous l'inspiration du ministre de la police,
le fameux Canosa, plus de 800 personnes périrent pour la cause de
la liberté et 1500 furent envoyées aux galères. L'armée
fut dissoute et l'on brûla sur la place publique les oeuvres de Voltaire,
de Rousseau et de Montesquieu.
La mort de Ferdinand
ler (4
janvier 1825) et l'avènement
de François ler(1825-1830),
n'eurent d'autre résultat qu'un redoublement de rigueurs, François
Ier mourut de la frayeur que lui causait
la révolution de 1830 et laissa
le trône à son fils Ferdinand
II, âgé de vingt ans. Ce dernier devait rester célèbre
dans l'histoire sous le nom de roi Bomba. Moins débauché
et meilleur administrateur que ses prédécesseurs, il montra
une dureté égale à la leur dans la répression
des mouvements constitutionnels en Sicile (1831-1837)
et de deux conjurations militaires à Naples
(1832-1833).
La révolution de 1848 lui fournit
l'occasion de faire preuve du même manque de foi. Dès le mois
de janvier 1848, une insurrection victorieuse
éclate à Palerme, et s'étend
à l'île tout entière, d'où elle chasse les garnisons
bourbonniennes elle a pour conséquence, à Naples, un mouvement
populaire qui force le roi à renvoyer son ministre Delcarretto,
à accorder une constitution et bientôt (mai) à déclarer
la guerre à l'Autriche ,
contre laquelle fut envoyée une armée commandée par
Pepe. En trois mois, Ferdinand avait fait toutes les concessions qu'on
eût pu attendre d'un prince réformateur. Comme son aïeul,
il saisit la première occasion pour les retirer. Le 15 mai, jour
où devait se réunir le nouveau Parlement, il fit attaquer
la garde nationale par les troupes de sa garde, renvoya le ministère,
mit le royaume en état de siège et rappela l'armée
de Pepe. Puis, enhardi par le succès de l'armée autrichienne,
il prorogea ce Parlement pour une date indéterminée (5 septembre).
Restait à reconquérir la Sicile qui, dès le 13 avril,
avait proclamé sa déchéance et offert en vain la couronne
à
un prince savoyard. Il y parvint en écrasant Messine sous une pluie
de bombes (septembre), puis en débarquant une armée d'occupation
qui s'empara de Palerme après un combat acharné (mai 1849).
Il semble dès lors uniquement préoccupé de rétablir
l'absolutisme et de remplir les prisons.
Ce régime de terreur dura jusqu'à
1860,
sans autres incidents qu'une inutile expédition des Mazziniens à
Sapri (1857) et qu'un attentat contre
le roi. En avril 1860, à la
suite de l'ébranlement que la guerre d'indépendance avait
communiqué à l'Italie
tout entière, une insurrection éclate à Palerme; sollicité
d'intervenir par les exilés siciliens, Garibaldi
débarque à Marsala (11 mai); la population se joignant à
lui, il bat les troupes royales à Calatafimi, entre à Palerme
(28 mai), établit un gouvernement provisoire et prend Messine (27
août); un mois lui suffit pour continuer sa marche jusqu'à
Naples ;
il y entre le 7 septembre, tandis que le roi François II se réfugie
avec ses dernières troupes dans la forteresse de Gaëte .
A ce moment, Victor-Emmanuel et Cavour
crurent prudent d'intervenir; craignant l'établissement à
Naples d'un gouvernement révolutionnaire, ils firent passer la frontière
à une armée piémontaise qui se joignit aux troupes
garibaldiennes, occupa tout le royaume et força François
II à capituler dans Gaëte (janvier 1861).
Le 24 octobre, un plébiscite solennel prononça l'annexion
au Piémont des provinces napolitaines et siciliennes; le royaume
des Deux-Siciles
terminait sa longue existence.
-
La Mafia
La
Mafia est une organisation criminelle tenant en Sicile la même
place qu'à Naples
la Camorra. C'est une sorte de brigandage régularisé, de
société privée qui se constitue parallèlement
au gouvernement officiel et en contradiction avec lui. Elle se rattache
aux Compagnie d'armi, formées en 1800 par la monarchie, qui,
pour se défendre contre la Révolution
française et assurer un peu d'ordre, arma et enrégimenta
les brigands. La dissolution du régime féodal avait donné
beau jeu à ceux-ci; la Mafia continua plus méthodiquement
leurs opérations et fit payer tribut aux propriétaires en
garantie de leur sécurité.
Garibaldi,
en 1860, prononça la dissolution des Compagnie d'armi; une
commission extraordinaire en 1875, Nicotera en 1876, Crispi en 1895 firent
de vains efforts pour abolir la Mafia, dont le peuple reconnaît l'autorité;
on s'explique les formidables progrès que firent les Fasci dei
lavoratori organisés par les socialistes,
à leur tête De Felice, groupant le prolétariat sicilien
pour la revendication de réformes sociales. L'état de la
propriété au début du XXe siècle, la misère
générale des travailleurs ont assuré à la Mafia
leurs sympathies. A partir de cette époque, les propriétaires
ont été contraints de se placer sous sa protection, de lui
payer tribut, de prendre ses affiliés pour gardes, jardiniers, etc.
Celui qui refuse ou qui dénonce un Mafioso n'échappe
pas à la vendetta.
La
Mafia est solidement organisée, sous des chefs sévèrement
obéis. Ses adeptes ont à faire la preuve de leur courage
dans un duel au couteau. Ils s'engagent à ne jamais s'adresser aux
tribunaux et à ne jamais témoigner devant eux, à se
faire justice eux-mêmes. Le meurtre ou les vols sont interdits, sauf
en cas de vendetta. La Mafia protège ceux que poursuit la justice;
elle intervient à tous les niveaux de la vie économique de
l'île, etc. Les agents d'exécutions violentes sont appelés
Malandrini;
les Mafiosi s'intitulent Giovanni d'onore. (A. M. B.). |
La Sicile
après l'unité italienne
L'introduction en Sicile d'un régime
libéral ne pouvait faire cesser brusquement ni les aspirations séparatistes
qui avaient toujours distingué les habitants de l'île, ni
les difficultés économiques qui provenaient de l'inégale
répartition de la propriété. Les premières
amenèrent une terrible insurrection qui éclata à Palerme
au lendemain de là guerre contre l'Autriche
(septembre 1866) et fut facilement
réprimée; les secondes s'aggravèrent à mesure
que s'accroissait le poids des impôts et finirent par aboutir, à
la fin de 1893, à une série
d'émeutes qui compromirent gravement la sécurité publique.
Dans plusieurs petites villes, le peuple brûla les bureaux de l'octroi
et pilla l'hôtel de ville. Le gouvernement ordonna une répression
vigoureuse; l'état de siège fut proclamé, un désarmement
général ordonné, et le général Morra
di Lavriano envoyé à Palerme
avec des pouvoirs extraordinaires. Ces mesures mirent fin aux troubles,
mais ne purent en faire disparaître les causes qui tiennent aux conditions
économiques de la Sicile.
(A. Pingaud). |