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Le Carbonarisme |
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Le
Carbonarisme est une société
secrète qui atteignit son plein développement sous la Restauration
et le règne de Louis-Philippe. Son origine
n'a jamais pu être précisée d'une façon bien exacte, quoiqu'elle ait
donné lieu à de multiples controverses. Quelques historiens en font remonter
les débuts au règne de François ler,
d'autres lui assignent une naissance encore plus ancienne. C'est ainsi
qu'au XIe siècle, s'il faut en croire
Benoist Malon (Histoire du socialisme), un moine de Sarrebruck,
nommé Théodebald, fonda une association secrète composée exclusivement
de charbonniers et de bûcherons. Cette société avait pour but d'obtenir
« que les affaires publiques fussent réglées d'après la volonté du
suffrage de tous », et d'arriver ainsi à fonder ce que Théodebald nommait
l'Etat démocratique égalitaire. Jésus
était le grand-maître «-honorifique-»,
pour ainsi dire le président d'honneur de cette association, dont les
affiliés étaient divisés en groupes appelés ventes. Le mot d'ordre
était : Espérance et Foi. Mais il y avait, en outre, des mots
de passe, qui changeaient fréquemment, et de mystérieux signes de reconnaissance.
D'après une autre opinion, l'Italie![]() Quoi qu'il en soit, ce n'est réellement qu'à la fin du XVIIIe et au commencement du XIXe siècle que le Carbonarisme a joué le rôle qui lui a fait dans l'histoire une place si marquée. Son but était essentiellement politique; ses adhérents se proposaient de combattre la tyrannie sous toutes ses formes et d'arriver à doter leur pays d'institutions démocratiques. Le roi de Naples On a souvent confondu le Carbonarisme avec
la Franc-maçonnerie, dont il n'est,
en réalité, qu'un dérivé. Comme la Franc-maçonnerie, ou l'ordre des
Illuminati ( Chaque associé jurait de garder le secret sur l'existence du Carbonarisme, sur ses signes, son règlement et ses mots de passe; d'obéir aveuglément et sans réserve aux ordres intimés par la vente suprême, les choses commandées cessant d'être injustes dès qu'elles deviennent un moyen d'arriver au bonheur commun et, d'obtenir le but général; de dévouer sa fortune et même sa vie à la cause de la liberté et de la patrie. En outre, pour être prêt à résister à l'oppression, à secourir ses « frères », appelés ici ses bons cousins, tout Carbonaro devait se munir, à ses frais, d'un fusil de munition et de cinquante cartouches à balle. Le parjure était puni de mort. Les grades par lesquels devait passer successivement le « bon cousin » étaient ceux d'apprenti, de maître et de grand-élu. Un
rituel d'initiation.
« LE GRAND ÉLU. - Bon cousin, premier éclaireur, quelle heure est-il?Les sept avantages étant célébrés par les acclamations d'usage, lecture est faite aux assistants du procès-verbal de la dernière séance; puis, le procès-verbal adopté, le grand élu donne la parole à l'orateur appelé Etoile. Celui-ci explique et développe le but de la réunion. Après avoir fait une description de l'âge d'or, où les humains, obéissant aux lois de la nature, étaient bons et vertueux, l'orateur décrivait la situation malheureuse de la belle Ausonie et présentait le tableau navrant de son affreuse destinée. « Elle obéit maintenant, disait-il, à trente soi-disant souverains, qui, rétrécis dans ce qu'ils appellent leurs domaines, n'en tyrannisent qu'avec plus d'impudence les peuples infortunés soumis à leur autorité dure, mais chancelante. C'est pour en débarrasser le sol que nos aïeux, les premiers bons cousins, ont établi la respectable Carboneria. Exilées du monde, n'osant se montrer au grand jour, la liberté, l'égalité, se réfugièrent dans les rand se cachèrent dans les ventes, dans les grottes les plus reculées, et là , reprenant la robe virile dont nous sommes revêtus, aiguisèrent leurs hachettes et leurs poignards et jurèrent de renverser en un seul jour tous les oppresseurs de ces belles contrées. Nous avons tous fait, sur le signe éclatant de la rédemption du Sauveur du monde, le serment sacré de rétablir sa sainte philosophie. Le moment est arrivé, mes bons cousins ; le tocsin de l'insurrection générale a sonné, les peuples armés sont en marche. Au lever de l'astre du jour, les tyrans auront vécu, la liberté sera triomphante. Employons le peu d'heures qui vont s'écouler avant d'arriver aux moments d'une courte et terrible vengeance, à relire et proclamer les nouvelles lois qui vont régir la belle Ausonie, la réunir en un seul peuple dans ses limites naturelles et la rendre libre, heureuse, florissante à l'exemple du reste de l'univers. »Ce discours achevé, le grand élu président prononçait à haute voix la formule du serment : « Moi, citoyen libre de l'Ausonie, réuni avec mes frères sous le même gouvernement et les mêmes lois populaires que je me dévoue à établir, dût-il m'en coûter tout mon sang, je jure, en présence du grand maître de l'univers et du grand élu, bon cousin, d'employer tous les moments de mon existence à faire triompher les principes de liberté, d'égalité, de haine à la tyrannie, qui sont l'âme de toutes les actions publiques et secrètes de la Carboneria. Je promets de propager l'amour de l'égalité dans toutes les âmes sur lesquelles il me sera possible d'exercer quelque ascendant. Je promets, s'il n'est possible de rétablir le régime de la liberté sans combattre, de lutter jusqu'à la mort. Je consens, si j'ai le malheur de devenir parjure à mes serments, à être immolé par mes bons cousins les grands élus, de la manière la plus douloureuse. Je me dévoue à être mis en croix au sein d'une vendita, nu, couronné d'épines et de la manière que le fut le Christ, notre rédempteur et notre modèle. Je consens de plus à ce que mon ventre soit ouvert de mon vivant, que mon coeur et mes entrailles soient arrachés et brûlés, que mes membres soient coupés et dispersés et mon corps privé de sépulture. Telles sont nos obligations à tous, mes bons cousins, jurez-vous de vous y conformer?L'orateur donnait ensuite lecture du pacte constitutionnel de l'Ausonie, qui devait être soumis à la sanction de la nation libre et unie. Le
Carbonarisme en Italie et en France.
Au mois de juillet 1820, deux jeunes gens affiliés à la Franc-maçonnerie, Dugied et Joubert, se rendirent à Naples et offrirent leurs services au gouvernement constitutionnel. Tandis que Joubert restait à combattre les Autrichiens, Dugied, qui s'était fait initier aux mystères de la Carboneria, revint à Paris, assembla chez l'étudiant en médecine Bazard (un des futurs animateurs du Saint-Simonisme) un certain nombre de ses amis, et là , jeta les bases de la Charbonnerie française. La pensée dominante de l'association, dit Louis Blanc, n'avait rien de précis ni de déterminé. Les considérants, tels qu'ils furent rédigés, se réduisaient à ceci : « Attendu que force n'est pas droit et que les Bourbons ont été ramenés par l'étranger, les Charbonniers s'associent pour rendre à la nation française le libre exercice du droit qu'elle a de choisir le gouvernement qui lui convient. »Un Carbonaro, Jean Witt, donne cette autre version touchant l'origine de la Charbonnerie française : « Dans l'été de 1821, les onze chefs s'assemblèrent à CapoueLa Charbonnerie française avait adopté les règlements de la Carboneria italienne, modifiés et appropriés aux moeurs et aux idées françaises. Elle se divisait en cercles ou ventes de quatre classes : ventes particulières, ventes centrales, hautes ventes, vente suprême. Contrairement à ce qui se passait en Italie ![]() A côté de cette Charbonnerie civile existait une charbonnerie spéciale à l'armée. La haute vente s'y appelait Légion; les ventes centrales, cohortes; les ventes particulières de premier ordre, centuries; les ventes particulières ordinaires, manipules. Dans les temps de calme, l'élément militaire disparaissait, en quelque sorte, ou plutôt se confondait avec l'élément civil; au contraire, dans les moments de trouble et lorsque une insurrection était décidée, il reprenait logiquement le dessus et acquérait une importance majeure. De même que les loges maçonniques, chaque vente avait un nom particulier. Parmi les plus florissantes à Paris, on comptait la Washington, la Victorieuse, la Bélisaire, la Sincère, la Réussite, les Amis de la vérité, la Westermann, etc. L'association devint rapidement prospère,
grâce au concours que lui apportèrent spontanément les notabilités
du parti libéral : Lafayette, de Corcelle, Jacques
Koechlin, députés, de Schouen, conseiller à la cour royale, Mauguin,
Barthe et Merilhou, avocats, Cauchois-Lemaire et Arnold Scheffer, etc.
Lafayette fut nommé président. En trois mois, Paris avait vu se former
une cinquantaine de ventes. Les plus jeunes adhérents furent chargés
de propager l'association sur les divers points de la France « La question n'est pas, dit Jean Reynaud, que ceux qui conspiraient contre la royauté aient employé dans leurs attaques plus ou moins de savoir-faire ou de prudence, la question est uniquement que ce concert hostile ait existé; le Carbonarisme n'a peut-être pas été une grande manoeuvre politique, mais il a été du moins un grand symptôme politique, et c'est sous ce point de vue et par cette raison qu'il mérite d'être étudié. S'il n'a pas réussi à affranchir la France du joug qui lui avait été imposé par l'étranger, il a servi du moins à témoigner de l'invincible attachement du peuple français aux principes de la Révolution et à le justifier du reproche d'inconstance. »Il faut citer, comme un document caractéristique, la proclamation affichée à Pau et dénoncée avec une certaine solennité en 1822 par l'avocat général Marchangy. Elle indique très clairement le but poursuivi par la charbonnerie française : « Devise des Français, constitution nationale acceptée par le peuple français; Honneur et patrie! Une constitution nationale est un contrat entre le peuple et le chef de l'Etat; elle doit être consentie par les deux parties qu'elle oblige, non octroyée par l'une d'elles. De ce principe de la souveraineté des nations découle cette conséquence que la source de tous les pouvoirs de l'organisation sociale émane du peuple qui les distribue en différentes branches dans la constitution soumise à son acceptation ; car sans cette acceptation il n'y aurait pas de constitution, mais bien usurpation sur la souveraineté du peuple. Ainsi, pour le redire, la devise des Français est : Constitution nationale acceptée par le peuple ou Honneur et patrie! Vive la nation française !!! »Remarquons, en passant, qu'il n'est nullement question de la République dans ce manifeste. C'est qu'en effet, si bien organisée que fût l'association, elle n'avait pas, à proprement parler, de dessein bien arrêté. Ses aspirations n'étaient, dans certaines ventes, que vaguement démocratiques. La plupart se proposaient, avant tout, de remettre la nation en possession de ses droits et se bornaient à demander la nomination d'une assemblée constituante. Un premier essai d'insurrection eut lieu à Belfort ![]() ![]() « La Charbonnerie, dit Louis Blanc, ne fit plus, depuis, que se traîner dans le sang de ses martyrs. »Cependant, en Italie ![]() ![]() « Les sociétés secrètes sont défendues à Rome et dans tout l'Etat pontificalBulle et décret ne suffisaient pas d'ailleurs à tranquilliser le gouvernement pontifical. Léon XII tenta d'opposer à la Carboneria une société secrète de propagande catholique les San-fédistes. Les adeptes se recrutaient principalement dans les cours et le haut clergé. Le pape en était le grand-maître, les Jésuites les plus ardents propagateurs. A l'exemple du Carbonarisme, cette secte avait ses statuts, ses grades, ses emblèmes. Les San-fédistes dissimulaient sous le prétexte de favoriser l'indépendance italienne, leur véritable but : le retour au régime catholique et féodal (Charles Didier, Rome souterraine). La véritable pensée de l'association se manifestait clairement dans le serment qui était imposé au récipiendaire : « Je jure de maintenir ferme dans la défense de la sainte cause que j'ai embrassée, de n'épargner aucun individu appartenant à l'infâme secte des libéraux, quelles que soient sa naissance, sa parenté ou sa fortune; de n'avoir aucune pitié des larmes des enfants ou des vieillards et de verser jusqu'à la dernière goutte le sang des infâmes libéraux, sans égard pour le sexe, l'âge ni le grade. Je jure enfin une haine implacable à tous les ennemis de notre sainte religion catholique et romaine, qui est la seule vraie. »A Naples ![]() ![]() En France Parmi les personnalités historiques qui ont participé au mouvement Carbonariste, il faut citer Buonarotti, un des plus ardents propagandistes du parti, Horace Vernet, Voyer d'Argenson, Dupont (de l'Eure), Laffitte, Armand Carrel, Victor Cousin, Chaix d'Est-Ange, Boulay (de la Meurthe), etc. Après eux, l'association carbonariste n'exista plus qu'à l'état de souvenir. (A. Crié). |
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