.
-

Histoire de l'Europe > L'Espagne > Au Moyen âge > Les royaumes chrétiens
Histoire de l'Espagne
Histoire de l'Aragon
[Géographie de l'Aragon]

Aperçu
L'Aragon, habité dans les temps les plus reculés par les Celtibères, fut compris par les Romains dans la Tarraconaise, à la fin du Ve siècle (~470); les Wisigoths y établirent leur domination, qui fut remplacée par celle des Maures en 714.

Au IXe siècle l'Aragon était compris dans la Marche carolingienne de Gascogne (expédition de Charlemagne, en 778), et, sous le nom de comté, appartint jusqu'en 1035 aux rois de Navarre (L'Espagne médiévale). A la mort de Sanche III, dit le Grand, ses fils se partagèrent ses Etats; l'un d'eux, Ramire, fils naturel de Sanche; eut pour sa part cette contrée (qui s'étendait aux alentours de Jaca), qu'il érigea en royaume et qu'il agrandit par ses conquêtes. La dynastie qu'il fonda augmenta ses possessions de Sobrarbe (autour d'Ainsa) et de Ribagorza (autour de Roda), et enleva aux Maures les villes de Huesca et de Saragosse, qui devinrent tour à tour les capitales du royaume (1096-1118). 

Après l'abdication de Ramire II, dit le Moine, sa fille Pétronille prit, le titre de reine, et son fiancé, Raymond Bérenger, comte de Barcelone, l'épousa, en 1151, et administra le royaume en son nom. Par ce mariage, l'Aragon s'augmenta du comté de Barcelone, en Catalogne, de l'autre côté des Pyrénées. 

Cette dynastie nouvelle, dite Barcelonaise, ajouta au royaume d'Aragon : la Provence, Montpellier, acheté à son seigneur; le Roussillon et la Cerdagne, les îles Baléares, d'où elle chassa les Zéreïdes (1229-1235), une grande partie du royaume de Valence conquise sur les Maures d'Espagne (1238) la Sicile, lors des Vêpres siciliennes (1282), une partie du royaume de Murcie (1305), et la Sardaigne, enlevée aux Pisans (1323-1326). 

Différentes provinces se séparèrent de ce royaume, de 1285 à 1409, mais elles furent définitivement réunies à la couronne sous Jayme II, roi de Majorque, à l'exception de Montpellier, qui fut vendu au roi de France, en  1349.

L'Aragon, augmenté de la couronne de Naples (1435), s'unit à la Castille par suite du mariage de Ferdinand le Catholique, héritier du trône d'Aragon, et d'Isabelle, héritière de Castille (1469), à l'avènement de ce prince. Cette union fut affermie par Charles-Quint (1516). La couronne d'Aragon se composait alors de l'Aragon, du comté de Barcelone (Catalogne et Roussillon), le royaume de Valence et de Murcie, en Espagne, et des îles Baléares, de la Sardaigne et des Deux-Siciles. 

Souverains de l'Aragon

Maison de Navarre.

Création du royaume d'Aragon, en 1035

Ramire I, 1035-1069
Sanche Ramirez, 1063-1094
Pierre I, 1094 - 1104
Alphonse I, le Batailleur, 1104-1134
Ramire II, le Moine, 1134-1137
Pétronille (avec Raymond Bérenger), 1137-1164

Maison de Barcelone

Création de la Couronne d'Aragon (union dynastique des rois d'Aragon et des comtes de Barcelone), en 1164

Alphonse II, le Chaste, 1164-1196
Pierre II, le Catholique, 1196 - 1213
Jacques I, le Conquérant, 1213-1276
Pierre III, le Grand, 1276-1285

Alphonse III, le Libéral, 1285-1291
Jacques II, le Juste, 1291-1327
Alphonse  IV, le Débonnaire, 1327-1333
Pierre IV, le Cérémonieux, 1336-1387
Jean I, l'Aimable, 1387-1396
Martin I, l'Humain, 1396-1410

Interrègne (1410-1412), terminé par le Compromis de Caspe.

Branche de Castille (Trastamare). 

Ferdinand I d'Antequera, 1412-1416
Alphonse V, le Magnanime, 1416-1458
Jean II, 1458-1479
[Pierre de Portugal
René d'Anjou]
Ferdinand II (V de Castille), 1479-1516

Union dynastique de la Couronne d'Aragon et de celle de Castille, en 1516.

Charles-Quint, en 1516, réunit toute l'Espagne sous sa domination. L'Aragon ne fut plus, dès lors, qu'une province de la grande monarchie espagnole. Néanmoins, les Aragonais conservèrent longtemps leurs privilèges ou fueros (fors), auxquels ils étaient fort attachés, avec l'obstination que constate le proverbe :

"Donnez un clou à l'Aragonais. il l'enfoncera avec sa tête mieux qu'avec un marteau". 
Sous le règne de leurs princes nationaux fut établie la constitution célèbre d'Aragon, limitant l'autorité royale par celle des barons, des comtes et d'un magistrat spécial, appelé Justicia (Grand justicier). On connaît la fameuse formule dont se servait le justicier en déférant la couronne au nouveau roi : 
"Nous qui, séparément, sommes autant que toi, et qui, réunis, pouvons davantage, nous te faisons roi, à condition que tu garderas nos privilèges; sinon, non."
(L'actuelle communauté autonome d'Aragon a recréé l'institution du Justicia de Aragon, qui a aujourd'hui pour fonctions la défense des droits et des libertés des citoyens et la supervision de l'activité de l'administration).
-
Carte de l'Aragon au XVIIIe s.
Carte de l'Aragon au XVIIIe s.

Jalons

Histoire du royaume d'Aragon

Il est difficile de dire quelque chose de précis et de bien certain sur les origines du royaume d'Aragon. Les annalistes et historiens du pays se sont plu à orner cette histoire primitive de contes et de légendes et ils ont mentionné des faits et des personnages dont la réalité est loin d'être assurée. C'est ainsi qu'ils indiquent comme embryon du futur royaume d'Aragon, un petit royaume de Sobrarbe, comprenant la haute vallée du Cinca, reconquis sur les Maures au commencement du VIIIe siècle. Les gentilshommes chrétiens de ce canton auraient choisi pour chef Garci-Ximénès en 724. On montre encore, dans la petite ville de Ainsa, le vieux palais des rois de Sobrarbe et à Saragosse, dans la salle de la Députation, on peut voir les portraits des six rois élus, successeurs de Garci-Ximénès. D'autre part, les annalistes mentionnent un comté d'Aragon à l'Ouest du Sobrarbe et lui donnent pour premier seigneur un certain Azinarius ou Aznar, qui commandait, pour Louis le Débonnaire, la marche de Vasconie, en 831; ils lui attribuent pour successeurs, d'abord son frère Sanche, puis les comtes Galindo, Ximino, Fortunio, Aznar Il et Endregot. On voit également leurs portraits à Saragosse, mais il se pourrait que ces personnages, ainsi d'ailleurs que les rois de Sobrarbe, soient tout à fait imaginaires. 

Le premier fait historique relatif à tout le pays montagneux au pied des Pyrénées, noyau du futur royaume d'Aragon, c'est sa conquête par Sanche, premier roi de Navarre à la fin du IXe siècle. Toute cette région se trouva ainsi fondue dans le royaume de Navarre, dont elle devait suivre, pendant plus d'un siècle, les destinées. D'ailleurs, une situation à peu près semblable sur les vallées des affluents de l'Ebre supérieur, la ressemblance de climats et d'aspects, la communauté de langage, devaient alors unir ces deux pays. Ce n'est que plus tard, quand l'Aragon s'étendit, et descendit pour ainsi dire vers la vallée moyenne de l'Ebre, qu'il fut séparé pour toujours par les intérêts et la politique de la région navarraise et tendit à se joindre à la Catalogne. L'Aragon et la Navarre demeurèrent sous les mêmes lois jusqu'à la mort de Sanche Ill le Grand, qui avait réuni sous son autorité à peu près toute l'Espagne chrétienne, au XIe siècle.
-

Généalogie des rois d'Aragon.
La généalogie des rois d'Aragon (manuscrit du XVIe siècle).

L'Aragon sous la dynastie navarraise.
Ce puissant monarque partagea ses Etats entre ses quatre fils. Le deuxième d'entre eux, Ramirez, obtint pour sa part une étroite bande de terre au pied des Pyrénées, le comté d'Aragon, âpre et montagneux avec quelques cantons voisins, et eut le titre de roi. Peu après nous voyons ce Ramirez maître du comté de Ribagorza et du Sobrarbe, royauté qui aurait été la part de son frère Gonzalo, un roi que les chroniqueurs anciens ne nomment pas et que les historiens ont peut-être inventé. Tel fut l'humble commencement du royaume d'Aragon. 

Ramirez (Ramire Ier), Sanche Ramirez (Sanche Ier), Pierre Ier.
Ramirez s'allia sans scrupule avec les émirs musulmans qui étaient maîtres de la plus grande partie de la vallée de l'Ebre, de Saragosse, de Tudela et de Huesca, puis il envahit les Etats de son frère Garcia de Navarre; mais battu il perdit une partie de son royaume, ne conservant, dit-on, que Sobrarbe et Ribagorza (vers 1040). Il reconquit peu à peu ce qui lui avait été enlevé et montra une très grande activité. Les chroniqueurs lui attribuent de nombreuses entreprises, une alliance avec son ancien ennemi Garcia contre leur frère de Castille, Ferdinand, puis contre le même roi avec Sanche de Navarre, quelques conquêtes sur les walis de Huesca et de Lérida, enfin la prise d'un bon nombre de places enlevées aux Musulmans et qui furent annexées au royaume naissant d'Aragon.

Il semble, d'après les témoignages obscurs des chroniques et les conjectures des historiens postérieurs, que Ramirez, ce premier roi d'Aragon, succomba dans une guerre contre Sanche de Castille allié à l'émir de Saragosse. Sanche espérait même ajouter l'Aragon à ses Etats, mais les Aragonais se hâtèrent d'élire et de faire proclamer roi le fils de Ramiro, Sanche Ill. Celui-ci, à la mort de Sanche IV, roi de Navarre, fut encore appelé en qualité de souverain par les Navarrais; il put prendre possession de la Haute-Navarre depuis les Pyrénées jusqu'à I'Ebre avec Pampelune pour capitale; mais Alphonse de Castille lui enleva et garda pour son compte la Rioja et la Biscaye.

Sanche ler, dont les forces étaient notablement accrues, reprit la guerre contre les Musulmans de la vallée de l'Ebre, leur enleva plusieurs cantons, construisit des forts pour approcher de Huesca et de Saragosse et fut tué au siège de la première de ces villes. Avant de mourir, il fit prêter serment à son fils et successeur de ne pas abandonner cette entreprise. 

Pierre ler (Pero, Pedro I) tint parole et inaugura son règne par une grande victoire sur les Sarrasins, qui amena la prise de Huesca, le faubourg avancé de Saragosse. Il continua avec bonheur et ténacité la reconquête du pays sur les Maures jusqu'en 1104, année où il mourut sans héritiers et laissant la couronne à son frère, Alphonse Ier (Alifonso).
-

Ramire I d'Aragon.
Alphonse le batailleur.
Urraca.
Ramire I. Alphonse le Batailleur. Urraca.

Alphonse Ier, le Batailleur.
Ce prince, surnommé le Batailleur, peut être considéré comme le second fondateur du royaume. Il avait de son chef l'Aragon et la Navarre, puis comme il avait épousé doña Urraca, veuve de Raymond de Bourgogne et fille d'Alphonse VI de Castille, il put prétendre à l'héritage de ce puissant souverain en 1109. Il s'empara sans résistance du Léon et de la Castille, au nom de son épouse, et il parut sur le point de réunir sous son sceptre toute l'Espagne chrétienne. Mais, l'année suivante, Urraca, de qui il s'était séparée, souleva les Etats de Castille et de Léon, et, malgré quelques succès et une lutte de plus de dix ans, Alphonse ne parvint pas à se maintenir en possession de ces pays. Il fut beaucoup plus heureux dans ses campagnes contre les Maures et la guerre aux Musulmans devint la préoccupation constante de sa vie. 

Descendant le cours de l'Ebre, il vint mettre le siège devant Tudela, qu'il enleva, après avoir gagné une grande bataille sous les murs de la place (1110). Il vint même attaquer Saragosse, mais il fut obligé de reculer devant les bandes des Almoravides; peu après, comme ceux-ci étaient odieux aux Musulmans d'Aragon, Alphonse s'allia avec l'émir de Saragosse et, avec son appui, battit les Africains. Ayant ainsi ruiné la seule force musulmane qui fut capable de résistance, le roi chrétien se retourna contre son ancien allié, l'émir de Saragosse, et, aidé de nombreux chevaliers français, il força, après un long siège, la ville à capituler (1118). 

L'Aragon avait enfin sa capitale véritable, au milieu géométrique du pays, près du confluent de l'Ebre et de nombreuses rivières, à la jonction de toutes les routes naturelles du royaume. Alphonse poursuivit le cours de ses succès, s'empara des importantes cités de Tarrazona, Calatayud, Daroca et tua 20,000 Maures, à la grande bataille de Cutanda, en 1120. En 1125, appelé par les Mozarabes d'Andalousie, il partit avec quelques milliers de chevaux et fit une aventureuse algarade dans les Etats musulmans de Valence, de Murcie et de Grenade. Il resta plus de six mois, dévastant toute l'Espagne musulmane, mais ne pouvant, faute de matériel, enlever aucune place; il alla jusqu'à Velez-Malaga d'où il pouvait voir les eaux de la mer d'Afrique et revint par une pénible et glorieuse retraite au milieu de son royaume. 

Quelques années après, Alphonse le Batailleur compléta ses conquêtes sur les Musulmans de la vallée de l'Ebre, prit la forte ville de Mequinenza, mais il périt dans une grande bataille, sous les murs de Fraga. Ce héros, sous lequel l'Aragon avait joué un rôle éclatant, mourut sans héritiers; tout préoccupé de la continuation de la croisade contre les Musulmans, il avait laissé par testament son royaume d'Aragon et de Navarre aux ordres militaires du Temple et de Saint-Jean de Jérusalem (1134).

Ramire II, le Moine, Pétronille, Raymond Bérenger.
Les Aragonais n'étaient pas disposés à se laisser gouverner par les Templiers ou les chevaliers de Saint-Jean (Hospitaliers); après quelques hésitations sur le choix d'un roi, ils tirèrent du fond d'un couvent un frère d'Alphonse, qu'ils proclamèrent sous le nom de Ramirez II, tandis que la Navarre se déclarait indépendante et reconnaissait pour souverain Garcia III, le Restaurateur. Ainsi fut consommée la séparation de ces deux pays, qui avaient depuis peu des tendances distinctes et des intérêts contraires. Quant à l'Aragon, gouverné par le faible Ramirez, il devint un simple fief de la Castille et le souverain, qui se sentait plus moine que prince, parlait dès 1137 de se retirer dans son cloître.

Ramire II reconnut pour héritière du trône sa fille Pétronille, promise au fils aîné d'Alphonse VII de Castille. Mais les nobles d'Aragon, redoutant l'ambition et la puissance de ce monarque, qui avait pris le titre d'empereur, ne voulurent pas souscrire à cet acte; ils disposèrent sans leur roi de la main de sa fille alors âgée de deux ans et négocièrent son mariage avec le comte Raymond de Barcelone, qu'ils désignèrent en même temps pour héritier de la couronne, même dans le cas où il survivrait à sa femme.

Dans cette espèce de testament anticipé qu'on fit faire à Ramirez II, les limites de la Navarre et de l'Aragon étaient définies et les droits de suzeraineté de l'empereur sur Saragosse étaient expressément réservés, ce qui prouve que le reste de l'Aragon n'était déjà plus considéré comme un fief de la Castille. Ce traité contenait en germe la grandeur future de royaume d'Aragon, car il ajoutait à la région montagneuse et âpre de la vallée moyenne de l'Ebre, les riches plaines de la vallée inférieure et le littoral prospère de la Catalogne; les deux pays gardaient pour le moment une administration et des lois distinctes, mais ils unissaient leurs forces, leurs ressources diverses, leurs intérêts, et ils formaient un Etat étendu, riche, puissant à la fois sur terre et sur mer, capable de s'étendre vers le Sud, au détriment des principautés musulmanes (1137).
-

Pétronille et Raymond Berenger.
Pétronille et Raymond IV Berenger.

Tandis que Ramirez II s'éteignait dans un cloître, ne gardant qu'un vain nom de roi, le comte Raymond prenait possession de ses Etats avec le titre de régent, recevait d'Alphonse VII, à titre de fiefs, Saragosse, Tarrazona, Calatayud et Daroca, et engageait ensuite une longue guerre avec Garcia de Navarre, revendiquant les droits anciens des rois d'Aragon sur ce pays. Dans cette guerre, il perdit Tarrazona en 1143, mais, en 1144, il hérita de la Provence par la mort de son frère, enleva aux Sarrasins Tortosa, Lérida et Fraga en 1149. Ce prince habile autant que brave avait recouvré la pleine souveraineté des pays qu'il n'avait d'abord qu'à titre de fiefs (1157) et il mourut à Turin en 1162. 

La dynastie barcelonaise.
Raymond , laissa ses vastes Etats à son fils aîné, issu de son mariage avec Pétronille, l'infant Raymond Bérenger, qui fut reconnu roi d'Aragon, sous le nom d'Alphonse II

Alphonse II.
Ce prince ajouta bientôt à ses titres celui de marquis de Provence, et passa les monts en 1167 pour disputer ce riche héritage au comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles. En 1168, il céda le fief de Provence à son frère Pedro (Pierre), en échange de la Cerdagne et du Narbonnais, cantons plus voisins de son royaume, et dont la possession lui était bien plus profitable, L'Aragon commençait à déborder hors de la Péninsule et à jouer un rôle considérable dans l'histoire du midi de l'Europe; en même temps il continuait à s'étendre vers le Sud. 

Alphonse Il fit plusieurs campagnes heureuses dans le royaume de Valence, fit tributaire l'émir de Murcie, et fortifia, pour servir de boulevard contre les Musulmans, la grande ville de Teruel (1172). En 1176, il avait fait aussi une expédition dans le sud de la France; en 1181, il alla encore recueillir l'héritage du Roussillon et châtier quelques vassaux rebelles; il y resta plusieurs années, pendant lesquelles l'Aragon fut en proie à toutes sortes de violences, et mourut en 1196, puissant et respecté.

Pierre II.
Pierre Il, fils et successeur d'Alphonse II, fut aussi très occupé à soutenir ses parents, maîtres de riches domaines au nord des Pyrénées; il y séjourna pendant les années 1202 et 1203, acquit par son mariage la seigneurie de Montpellier, puis offrit son royaume à Saint-Pierre et se reconnut vassal du pape. S'étant procuré avec assez de peine quelque argent, il tourna ses armes en 1209 contre les Musulmans, fit quelques conquêtes dans la province de Valence et prit une part glorieuse à la grande victoire chrétienne de Las Navas de Tolosa  (La Reconquista). Il fut moins heureux en soutenant, dans la guerre des Albigeois, le parti de son beau-frère, le comte Raymond IV de Toulouse, contre qui était dirigée la croisade de Simon de Montfort, et il périt les armes à la main à la bataille de Muret (1213).

Jacques Ier, le Conquérant.
Jayme (Chaime, Jaime, Jacques), âgé de six ans, fils de Pierre II,  était entre les mains de Simon de Montfort et plusieurs princes aragonais s'apprêtèrent à faire valoir par les armes leurs prétentions à la couronne; mais le pape, en qualité de suzerain de l'Aragon, prit en main la cause du roi enfant, le fit relâcher par Simon de Montfort et Jayme fut reconnu roi par la grande majorité des Aragonais. On introduisit même à cette occasion un usage nouveau; les Cortès assemblées prêtèrent serment de fidélité à leur souverain. Comme il était trop jeune pour régner, le gouvernement fut confié à son oncle, le comte Sanche, qui avait espéré être roi lui-même; mais la mauvaise administration de celui-ci et l'exagération des impôts déterminèrent une sorte de ligue du bien public. 
-

Château de Monzon.
Le château de Monzon.

Quelques nobles enlevèrent Jayme  Ier du château de Monzon, où il était élevé, lui firent prêter de nouveau serment de fidélité à Saragosse et voter un subside extraordinaire (1217). Pendant six ans il lutta sans succès contre ses vassaux rebelles; il chercha en vain un appui auprès du Saint-Siège et de la Castille; il fut forcé de se remettre entre les mains des révoltés, et le pouvoir passa à leur chef Fernando (Ferrando), neveu de Sanche. En 1225, âgé de dix-sept ans, Jayme s'échappa de la captivité où on le tenait et commença avec quelques nobles fidèles une lutte acharnée contre ses ennemis qui étaient maîtres des places les plus importantes, notamment de Saragosse, de Huesca et de Jaca. En 1228, il avait réussi, et la soumission presque générale de l'Aragon lui permit de reprendre la guerre contre les Maures. Il tourna d'abord ses regards vers les îles  Baléares dont la conquête devait être précieuse pour la marine du royaume uni d'Aragon et de Catalogne.

Dès 1228, étant à Barcelone, il fit les premiers préparatifs d'une expédition contre Majorque; les ricos hombres, le clergé, le peuple y contribuèrent avec une grande ardeur; des gentilshommes du midi de la France accoururent à cette croisade et une flotte imposante porta à Majorque une armée de plus de 30,000 hommes. D'avance, le roi avait donné en fiefs les terres de l'île aux croisés; les montagnards se défendirent avec rage et la ville de Palma résista avec énergie; elle fut prise d'assaut après un long siège, puis il fallut combattre pendant plusieurs mois encore et le roi ne quitta l'île qu'après plus d'un an, quand la pacification fut complète. On dit que 50,000 Musulmans avaient péri et que 30,000 avaient été emmenés en captivité. 

Jayme revint encore l'année suivante et donna l'île en fief, sauf quelques places importantes, à l'infant Don Henri de Portugal, en échange de la souveraineté du comté d'Urgel. En 1242, il revint une troisième fois à Majorque, puis conquit l'île de Minorque avec le beau port de Mahon. L'année suivante, l'évêque de Tarragone, avec l'aide de quelques seigneurs, s'empara d'Iviça (Ibiza) et ainsi les îles Baléares, enlevées aux Musulmans, appartinrent à des seigneurs chrétiens et furent peuplées de colons catalans qui y affluèrent.

Dès que la conquête de Majorque avait été achevée, c.-à-d. vers 1232, Jayme ler, allié au cid Mohammed bou Abdallah, souverain dépossédé de Valence, avait entrepris la guerre contre le puissant émir de cette ville; il voulait étendre ses Etats au Sud de l'Ebre et une nouvelle croisade excita l'enthousiasme des nobles, du clergé et de toute la population d'Aragon et de Catalogne. Il enleva la forteresse de Morella, puis l'importante place maritime de Burriana après un siège long et pénible; celle de Péniscola, effrayée, se rendit sans coup férir. Pendant près de quatre années les Aragonais guerroyèrent au Nord du Guadalaviar et s'établirent au château fort du Puig, à une dizaine de kilomètres au Nord de Valence. 

Les croisés étaient cependant las de tant de travaux; pour les décider à de nouveaux efforts, il fallut toute l'énergie du roi et plus encore la perspective de conquérir la riche huerta de Valence, perspective si séduisante pour les pauvres montagnards de l'Aragon. Jayme Ier put enfin, en 1238, entreprendre avec des machines le siège de la grande ville. Au bout de quelques mois, les habitants décimés par la famine, voyant leurs murs en ruines et n'ayant à espérer aucun secours, forcèrent l'émir à capituler. Le roi d'Aragon donna aux habitants cinq jours pour se retirer avec ce qu'ils avaient de plus précieux et trompa ainsi l'espoir de pillage de ses soldats. La bannière d'Aragon fut plantée par les Maures eux-mêmes sur les tours de Valence. 

Tout le pays au Nord du Jucar, à l'exception du port de Cullera, fut cédé à Jayme et il le partagea en fiefs entre les croisés. En dehors des ricos hombres, on comptait parmi eux trois cent quatre-vingts chevaliers aragonais et catalans qui prirent pour eux et leurs descendants le nom de chevaliers de la conquête Des Aragonais et surtout des Catalans vinrent peupler le pays, que plus de cinquante mille Maures avaient quitté. Quelques villes qui résistaient encore, au Nord du Jucar, furent prises dans les années 1239 et 1240, puis Denia au Sud du fleuve en 1243, puis Xativa en 1246.

A cette époque, Jayme ler était un des plus puissants monarques de l'Europe; son autorité s'étendait à la fois sur la Catalogne, l'Aragon, le royaume de Valence, les Baléares, le Roussillon et la Cerdagne et la seigneurie de Montpellier. Un grand Etat s'était ainsi formé sur les deux versants des Pyrénées, mais Jayme Ier commit l'erreur de partager ses Etats entre ses divers fils. Dès 1243, dans une réunion des Cortès à Daroca, il reconnut son fils aîné Alphonse pour héritier de la couronne d'Aragon, tandis qu'il assignait la Catalogne à son second fils, don Pedro. Les Aragonais, justement mécontents, se soulevèrent et il fallut l'intervention de Ferdinand III, roi de Castille, pour rétablir l'ordre.
-

Jaime I d'Aragon.
Jayme I. Manuscrit de la seconde moitié du XIIIe s.

Jayme ler ne profita pas de cette expérience. En 1248, il fit de nouveau un semblable partage anticipé, laissant à Alphonse l'Aragon, mais donnant un apanage à chacun de ses quatre autres fils. Cet acte fut même publié aux Cortès d'Alcañiz, en 1250, et il ne se trouva alors personne pour protester contre cette mesure déplorable qui brisait en morceaux le royaume d'Aragon. Mais, en 1258, les réclamations des Aragonais forcèrent le roi à réunir sur la tête de son fils aîné, Alphonse, l'Aragon et le royaume de Valence. 

En 1203, Alonzo étant mort, un nouvel arrangement devint nécessaire. Don Pedro eut l'Aragon, Valence et le comté de Barcelone; Don Jayme eut la royaume composé de Montpellier, des Baléares, du Roussillon et de la Cerdagne; aucun droit de suzeraineté n'était attribué à l'aîné vis-à-vis de son frère; les deux princes furent substitués l'un à l'autre dans le cas où l'un d'eux mourrait sans héritiers mâles. Enfin, un peu auparavant, Jayme avait fait conclure à son fils Pedro un mariage avec Costanza, fille unique de Manfred, roi de Sicile, mariage qui devait donner plus tard à la famille d'Aragon des droits sur le Sud de l'Italie.

Vers cette époque, les Maures d'Andalousie s'étant révoltés contre Alphonse de Castille, celui-ci implora l'appui du puissant et belliqueux roi d'Aragon. Jayme, qui avait besoin d'argent pour cette guerre, convoqua séparément les Cortès de Catalogne et d'Aragon et, pour obtenir des subsides, il dut faire de nombreuses concessions. Libre enfin de marcher contre les Musulmans du royaume de Murcie, il enleva la capitale après un long siège, recouvra trente places fortes et rendit tout le royaume à Alphonse (1265). 
-

Bataille de Maures et de Chrétiens.
Une bataille de Maures et de Chrétiens au XIIIe s.

Quelques années après, le belliqueux vieillard entreprenait une croisade en Palestine, mais, rejeté par la tempête sur le littoral du Languedoc, il dut renoncer à son projet. Il eut encore à guerroyer contre les vassaux rebelles, contre un fils bâtard révolté et il était occupé à faire valoir ses prétentions sur le royaume de Navarre quand la mort vint mettre fin à sa longue carrière, en 1276. 

Par son testament il avait ordonné que les femmes seraient exclues de la royauté en Aragon, clause qui fut observée, et il avait maintenu le partage de 1263. Ce partage, bien que fâcheux, l'était moins que les partages antérieurs; l'Aragon, Valence et la Catalogue formaient encore un Etat assez puissant, tandis que le royaume de Majorque, donné à Jayme, demeurait un royaume de grandeur et de force respectables.

Pierre III, le Grand.
Pierre III marqua son avènement par une maladresse. Il refusa de confirmer par le serment d'usage les franchises nationales; aussitôt tous les Aragonais se soulevèrent et formèrent une Union dans le but d'appuyer l'opposition des Cortès, union qui, définitivement organisée sous le règne suivant, devait jouer un grand rôle dans l'histoire. Dès sa naissance, elle fut assez redoutable pour forcer Pierre III à céder et à prononcer le serment traditionnel. Libre d'agir, le roi put alors s'occuper des Etats de Sicile que sa femme Constance réclamait comme étant l'unique héritière de Manfred et qu'occupait alors Charles d'Anjou. Pierre envoya une flotte dans les eaux de la Sicile pour soutenir les menées faites en sa faveur par un gentilhomme napolitain, Jean de Procida; le complot des Vêpres Siciliennes éclata; la flotte aragonaise vainquit celle de Charles d'Anjou et Pierre III occupa toute la Sicile.

De retour en Aragon, il espérait pouvoir restreindre les fueros; mais les Cortès de Saragosse le forcèrent à les confirmer. Il était d'ailleurs très menacé, en 1283. Le pape l'avait excommunié et une armée française envahissait son royaume. La difficulté des chemins, le manque de vivres, les maladies eurent facilement raison des Français tandis que Roger de Lauria, amiral d'Aragon, faisait prisonnier Charles Il d'Anjou. C'est à ces succès et surtout à l'acquisition de la Sicile que Pierre III dut le nom de grand qui lui a été donné. Il repoussa  encore une invasion de l'Aragon par Philippe le Hardi, roi de France, père de Charles, et mourut en 1285.

Alphonse III, le Libéral. Jacques II, le Juste.
Alphonse III, son fils, était alors dans l'île de Majorque qu'il cherchait à enlever à son oncle Jayme. Il conquit cette île, puis celle d'Ibiza et crut, à la faveur de ces succès, pouvoir éluder le serment d'usage. Comme son père, il dut céder devant l'énergique obstination des Cortès, et ce ne fut qu'après s'être soumis qu'il fut couronné à Saragosse (1286). Il rendit la liberté à Charles d'Anjou, moyennant renonciation de ses droits sur la Sicile, apanage de Jayme, frère d'Alphonse lII (1288). 

En 1291, quand Alphonse III mourut sans laisser d'enfants, Jayme (Jacques II), qui avait remporté quelques succès sur mer, était en train de conquérir la Calabre et d'étendre son royaume de Sicile. Il abandonna ses conquêtes et son trône à Frédéric, son frère puîné, et se fit reconnaître roi par les Etats d'Aragon, de Catalogne et de Valence. Il conclut une paix honorable avec le roi de France et épousa Blanche, fille de Charles Il d'Anjou, roi de Naples, s'engageant à restituer à celui-ci la Sicile qu'il devait reprendre à son frère Frédéric; mais il ne put l'en déposséder. En 1297, il reçut du pape Boniface VIII l'investiture des îles de Sardaigneet de Corse que se disputaient les Pisans et les Génois

Son fils Alphonse, entre les années 1321 et 1325, put soumettre la première de ces îles; d'autre part, Jacques II avait remporté quelques succès sur les Maures de Grenade. Il fut encore plus heureux dans l'administration intérieure de ses Etats, s'attira l'affection de ses sujets qui l'appelèrent le Juste et obtint de leur attachement qu'ils se relâcheraient un peu de leurs précautions contre le pouvoir royal. Aux Cortès d'Aragon, en 1307, il fit effacer le fuero qui rendait obligatoire la réunion annuelle des Cortes dans la ville de Saragosse; il fut accordé qu'elle n'aurait lieu que tous les deux ans, et que le roi désignerait pour la réunion tel lieu qu'il lui plairait, pourvu que ce fut dans un bourg ouvert de plus de 400 habitants. Jacques II mourut très regretté de ses sujets, en 1327. 
-

Pierre III d'Aragon.
Alphonse IV d'Aragon.
Pierre IV d'Aragon.
Pierre III. Alphonse IV. Pierre IV.

Alphonse IV, le Débonnaire.
Alphonse IV,  second fils de Jayme II, lui succéda par suite de la renonciation de l'aîné, Jayme, qui avait embrassé la carrière ecclésiastique. Malgré le succès de ses armes en Sardaigne, le nouveau roi inspirait quelques défiances à cause de la faiblesse de son caractère. Aussi les Cortès ajoutèrent au serment qu'il devait prêter un article par lequel il s'engageait à n'aliéner, sous aucun prétexte, les possessions de la couronne. Il n'en tint pas compte et donna des apanages à sa seconde femme, Eléonore, et au fils Ferdinand qu'il en avait eu. De là, une révolte à la tête de laquelle se mit son fils aîné, Don Pedro. Le roi Débonnaire, comme on l'appelait, mourut en 1336. 

Pierre IV, le Cérémonieux.
Pierre IV, dit le Cérémonieux, montra dès les premiers jours de son règne une grande ambition. D'abord, il soutint contre Pierre le Cruel, roi de Castille, une longue guerre  au sujet des terres données par son père à Eléonore, dans laquelle le pape dut intervenir (1338), et qui aplanit le chemin du trône à Henri de Trastamare. En 1343, il réunit à sa couronne les îles Baléares que le roi dépossédé, Jayme, chercha en vain à recouvrer. En 1350, il combattit avec succès les Génois, puis soumit la Sardaigne révoltée (1354). Enfin, en 1336, la guerre recommença avec la Castille et, sauf quelques trêves assez courtes, dura jusqu'en 1369. Malgré ces embarras et ces guerres, Pierre IV ne négligea pas de poursuivre l'oeuvre tant de fois tentée par ses prédécesseurs, c.-à-d. l'émancipation de la royauté, et il réussit mieux qu'aucun d'eux. Dès son avènement, il avait pris des mains de l'archevêque de Saragosse la couronne royale et l'avait posée lui-même sur sa tête, contrairement au cérémonial jusqu'alors usité. En 1346, il chercha à faire abolir la loi agnatique qui n'admettait à la succession pour la royauté que la descendance masculine et voulut assurer le trône à sa fille Constance. 

Les unions d'Aragon et de Valence protestèrent énergiquement et les Cortès de Saragosse, en 1347, proclamèrent héritier l'infant don Jacques, frère de Pierre. L'infant mourut peu après, peut-être empoisonné; les Cortès reconnurent héritier l'infant Ferdinand, troisième fils d'Alphonse IV. Pierre IV, furieux, appela à lui une armée de mercenaires et combattit ses sujets, mais il vit ses soldats dispersés et fut lui-même fait prisonnier (1348). Il se soumit, promit d'observer les fueros et reconnut la  constitution de l'Union; mais presque aussitôt, ayant repris des forces et ses généraux avant été vainqueurs, il enleva Saragosse et convoqua les Cortès de nouveau. Là, il se montra politique très habile, étendit les fueros en tant qu'ils n'étaient pas contraires aux prérogatives royales, fit des concessions, demandant en retour la suppression définitive de l'Union. On tomba d'accord; Pierre, transporté de joie, se blessa à la main avec son poignard et, faisant couler son sang sur l'acte d'abrogation, s'écria « Que ce privilège d'union, qui a été si fatal à la monarchie et si injurieux envers la couronne, soit effacé par le sang d'un roi. » En mémoire de cet acte, on érigea dans la salle des Cortes, à Saragosse, une statue représentant Pierre IV, tenant d'une main sa dague et de l'autre la charte de l'Union; on le surnomma aussi don Pedro du Poignard. Il mourut en 1387, laissant la réputation d'un prince ambitieux, fourbe et cruel, mais actif, énergique, courageux et habile. 

Jean Ier, l'Aimable. Martin, l'Humain.
Son fils, Jean Ier (Chuan I), lui succéda, mais il mourut, en 1395, sans postérité mâle et, suivant la loi de succession, ce fut son frère, l'infant Martin, qui monta sur le trône, à l'exclusion des filles de Jean. Le nouveau roi était alors en Sicile occupé à assurer ce pays à son fils et il ne vint en Aragon que deux ans après. Il possédait, outre l'Aragon, la Sardaigne et la Corse et son fils avait la Sicile; il dominait par suite sur tout le bassin occidental de la Méditerranée. Il eut des succès contre Mathieu, comte de Foix, qui lui disputait la couronne, au nom de sa femme, Jeanne, fille aînée de Pierre IV, et contre les Génois en Sardaigne; mais il fut précédé dans la tombe par son fils, le roi de Sicile, dont les Etats furent réunis à l'Aragon, et il mourut lui-même sans postérité en 1410. En lui finit la postérité masculine des anciens comtes de Barcelone.

L'Aragon des Trastamare. 
Ferdinand, deuxième fils de Jean ler, roi de Castille, et de Léonore, fille de Pierre IV, roi d'Aragon, fut reconnu légitime héritier de la couronne par les juges assemblés à Caspe pour décider sur les prétentions élevées de toutes parts (Compromiso de Caspe). Le comte d'Urgel refusant de le reconnaître, il le fit prisonnier et confisqua tous ses biens (1413 ).

Ferdinand Ier d'Antequera.
Ferdinand est resté célèbre par la victoire d'Antequera remportée sur les Maures et par les brillantes qualités dont il avait fait preuve comme régent de Castille, au nom de son neveu Jean II. Son règne, qui s'annonçait sous les meilleurs auspices, fut trop court. Ferdinand, dit d'Antequera, ou encore surnommé le Juste mourut en 1416, avant assuré le trône à son fils Alphonse. 

Alphonse V, le Magnanime
Couronné sous le nom d'Alphonse V et surnommé le Magnanime, il fut un monarque très remarquable par ses qualités personnelles, sa justice, sa libéralité, son caractère aimable, son esprit et protection qu'il accorda aux lettres et aux arts. Il se montra aussi très respectueux des libertés et franchises nationales et obtint de ses sujets les ressources nécessaires à ses entreprises extérieures. Il guerroya longtemps en Italie (1422-1444) avec des succès variés, s'empara de l'île de Djerba, voisine de Tunis, fut fait prisonnier par le duc de Milan; mais rendu à la liberté, il prit Naples, conquit la Pouille, la Calabre, les Abruzzes et fit reconnaître pour son successeur en ce royaume son fils naturel Ferdinand. 
-

Ferdiand I d'Aragon.
Alphonse V d'Aragon.
Ferdinand II d'Aragon.
Ferdinand I. Alphonse V. Ferdinand II.

Jean II. Ferdinand II.
Jean II, frère d'Alphonse V, lui succéda en 1458. Comme il était, du chef de sa femme, roi de Navarre, les deux royaumes furent encore une fois administrés par un seul souverain. Ayant convoqué les Cortès à Fraga, en 1460, il fit sanctionner par elles la réunion à perpétuité des royaumes de Sicile et de Sardaigne à la couronne d'Aragon. 

En 1478, Jean II mourut laissant ses vastes Etats à son fils Ferdinand, surnommé le Catholique. Celui-ci était déjà roi, pour son épouse Isabelle, de Castille et de Léon; il réunit sous son sceptre toute l'Espagne chrétienne et dès lors l'histoire de l'Aragon se confond avec celle de la monarchie espagnole; mais il fut convenu que, quand Ferdinand et Isabelle viendraient en Aragon, le premier seul y donnerait des ordres.
 

Personnalités aragonaises

Le poète latin Martial; le philosophe, musicien et poète Avempace; Les philosophes Juan Gascon, Didace Lopez; les théologiens Perez de Heredia, Juan Antonio Uson, Olivan Maldonado; les jurisconsultes Jaime Cancer, Servato de Aniñon, Antonio Agostin; le savant Migel Servet; le naturaliste Andres Ferrer; l'écrivain et philosophe Baltasar Gracian; les poètes Andres de Ustarroz, Alberto Diaz de Foncalda, Antonio Ribera; les historiens Francisco Ximenez, Juan de Aguas, Jeronimo de Blancaz, Jeronimo Zurita, les frères Argensola; le peintre Francisco Goya; Juan Pablo Bonet, instituteur des sourds et muets; le physiologiste Santiago Ramon y Cajal (prix Nobel de médecine en 1906), les cinéastes Luis Buñuel et Carlos Saura.


Institutions

Les institutions de l'Aragon

Nous venons de tracer rapidement l'histoire du royaume d'Aragon, pendant les cinq siècles de son existence; nous l'avons vu, d'abord tout petit et comme perdu dans une étroite vallée, s'étendre successivement sur la vallée de l'Ebre, la Catalogue, le royaume de Valence, les Baléares, puis sur le versant français des Pyrénées, sur la Sardaigne, la Sicile, le royaume de Naples et devenir un très vaste Etat, noyau de l'empire futur de Charles-Quint. Nous avons dû laisser de côté l'histoire des institutions de ce royaume, malgré l'intérêt particulier qu'elle présente et bien que la nature même de ces institutions soit une des principales causes de la prépondérance des Aragonais pendant une si longue période. Nous en dirons seulement quelques mots.
-
Fueros aragonais.
Extrait des Fueros de l'Aragon sur un manuscrit du XIIIe s.

Le fait caractéristique de la constitution du royaume d'Aragon, c'est que l'autorité du roi y était assez limitée, soumise à des restrictions nombreuses et à un contrôle incessant. Des Cortès étaient réunies chaque année pour accorder au roi le service militaire ou des subsides et pour faire les lois; elles se réunissaient aussi lors de l'avènement d'un nouveau prince pour exiger de lui le serment de respecter les fueros ou constitutions nationales, et en retour elles lui prêtaient serment de fidélité. Ces Cortès n'avaient été composées d'abord que des nobles (ricos hombres) et des chevaliers (infançones). En 1133, il y eut de plus des députés des villes et, à la fin du XIIe siècle, les évêques y furent aussi appelés. Il y eut ainsi quatre ordres ou, comme on disait, quatre bras : le clergé, la haute noblesse, la noblesse inférieure et les villes désignées sous le nom de Universidades. La formule du serment prêté par le roi devant les Etats indique bien sa subordination :

Nosotros. que, cada uno por si, somos tanto como os, y que juntos podemos mas que os, os hacemos a nuestro rey, con tanto que guardareis nuestros fueros; sino, no.

(Nous qui, individuellement, valons autant que vous et qui, réunis, pouvons plus que vous, vous faisons notre roi à condition que vous garderez nos privilèges; sinon, non). 

L'Union qui se forma pour soutenir les Cortès contre le roi, au XIVe siècle, avait même inscrit dans ses statuts le droit de révolte contre le roi et d'alliance avec l'étranger. Outre qu'il n'avait pas le pouvoir législatif et qu'il avait pour les impôts à compter avec les Cortès, le roi voyait encore son autorité limitée par celle du Justiza  (Justicia en castillan)ou grand justicier. Ce personnage, dont l'origine est très ancienne, était une sorte de juge intermédiaire entre le roi et la nation, qui ne faisait d'abord que recueillir les avis des ricos hombres et prononcer une sentence conforme à leur décision. Plus tard, il jugea seul; il avait le droit d'évoquer toute cause portée devant un autre tribunal (jurisfirma); il assurait la liberté personnelle contre les officiers royaux en gardant les personnes poursuivies dans une geôle particulière (manifestatio); il tranchait les questions de droit qui lui étaient soumises par les tribunaux municipaux et royaux; enfin, il pouvait, par son veto, infirmer les ordres du roi, censurer et même destituer ses ministres. Il est vrai que, par une singulière contradiction, il était lui-même nommé par le roi et pouvait être révoqué. En 1442, il fut déclaré inamovible; mais en 1467, il fut rendu justiciable et responsable devant dix-sept membres choisis par les Etats. 

Quand Charles-Quint fit disparaître la plupart des libertés provinciales, les fueros d'Aragon furent en partie respectées et l'autorité du justiza demeura intacte mais sous Philippe II, ce magistrat ayant fait une opposition très vive, le roi envoya des troupes en Aragon et le justiza, Juan de la Nuza, fut décapité sur la place de Saragosse, le 20 décembre 1691. Philippe II profita de la consternation produite par cet acte de vigueur pour réunir les Etats à Tarrazona et leur faire adopter une loi interdisant sous peine de la vie le cri de liberté, qui avait été jusqu'alors le mot de ralliement de tous les rebelles. Enfin, Philippe V, contre qui les Aragonais s'étaient déclarés dans la guerre de la succession d'Espagne, traita la province en pays conquis, supprima les Etats et ce qui restait des fueros. (Edouard Cat).

.


Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

©Serge Jodra, 2007 - 2014. - Reproduction interdite.