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Les
Ibères
et les Celtes pénétrèrent
en Espagne à une époque aussi incertaine que celle où
les Phéniciens y abordèrent.
Ces derniers y fondèrent Gadès (Cadix)
qui fut l'entrepôt de toutes les colonies qu'ils créèrent
dans la Bétique, pour en exploiter
les mines d'or et d'argent. Les Grecs
visitèrent les côtes orientales, où ils ne fondèrent
qu'un petit nombre d'établissements permanents. Les Carthaginois ,
peuple issu des Phéniciens, étendirent leur domination sur
la majeure par partie du pays; mais ils en furent dépossédés
par les Romains, qui en achevèrent
la conquête par la prise de Gadès, en 206
av. J. C., et en restèrent maîtres
jusqu'au Ve
siècle de notre ère, faisant
de l'Espagne une province du nom d'Hispania
.
Quand l'Empire
romain tomba, l'Espagne connut un sort analogue à celui des
autres pays soumis à la domination romaine. Tandis que, du Rhin
aux Pyrénées, la domination gallo-romaine avait été
remplacée par celle de trois populations germaniques : les Francs,
les Burgondes, et les Wisigoths;
au Sud des Pyrénées, la puissance romaine fut remplacée
par celle des Suèves,
des Vandales
et des Alains, qui l'envahirent en 409.
Le royaume que les Suèves y fondèrent dans la Galice, la
Lusitanie
et la Bétique, fut détruit par Léovigilde, roi des
Wisigoths, en 585.
Les Vandales ne firent qu'un court séjour dans la Bétique,
et passèrent en Afrique. Les Alains,
dont une partie avait suivi les Vandales en Afrique, succombèrent
en 418
sous les coups de Wallia, roi des Wisigoths.
Présents en
Espagne dès 415,
pour y rétablir l'autorité romaine, les Wisigoths se rendirent
maîtres du pays sous leurs rois Théodoric
II, 453-466,
et Euric, 466-484.
Ce dernier est, l'auteur de la collection de lois appelée Forum
Judicum, que le roi Ferdinand fit traduire en castillan, sous le nom
de Fuero Juzgo. Les Wisigoths étaient arrivés en Espagne
ariens ;
mais la conversion au Catholicisme
de leur roi Récarède, en 587,
détermina celle de toute la nation. Les célèbres conciles
de Tolède et les enseignements de saint Léandre et de son
frère saint Isidore, évêques
de Séville, ont puissamment contribué à installer
dans le pays cette foi chrétienne. La monarchie
des Wisigoths, dont le siège fut établi à Toulouse
en 419,
transféré à Narbonne
en 508,
et à Tolède en 512,
était élective ( L'Espagne
au Moyen Âge ).
Vers la fin du Ve
siècle, l'Espagne presque tout
entière, sauf la partie Nord-Ouest, était déjà
au pouvoir des Wisigoths. Vers la fin du siècle suivant, la
conquête était complète. Les nouveaux maîtres
du pays, qui fondèrent ainsi en Espagne ,
une sorte d'empire unitaire, adoptèrent la langue romane. Ce fut
l'ère de splendeur de l'empire des Wisigoths. Mais leur puissance
se disloqua ensuite pour faire place au morcellement de la féodalité;
après quoi, l'on vit paraître de nouveau un autre État
unitaire. Cependant, ce développement fut interrompu par la domination
des Arabes, venus d'Afrique
à partir de 712.
Vainqueurs de Rodrigue (Roderic), dernier roi de la monarchie
wisigothique, à la bataille de Jerez de la Frontera, les Arabes
achevèrent en trois ans la conquête de l'Espagne, qui devint
une province de l'empire des califes Omeyyades
( L'Espagne musulmane ).
La domination arabe
allait jeter un vif éclat, fit fleurir les arts et les sciences,
se distingua même par sa tolérance religieuse, mais elle devait
être vite contestée. Les anciens maîtres du pays, les
Wisigoths chrétiens ,
qui avaient été refoulés dans les montagnes des Asturies ,
au Nord, par les musulmans ,
s'y maintinrent dans une sorte d'indépendance. Les chefs wisigoths
et les populations qui les avaient suivis proclamèrent don Pélage
(Pelayo) roi en 718.
Ce premier roi des Asturies, mort en 737,
inaugura par une première victoire une longue période, appelée
la Reconquista, qui allait durer sept siècles, et au cours
de laquelle les Arabes allaient être refoulés vers le
Sud ( Les royaumes chrétiens
au Moyen âge ).
La Reconquista.
Pelage eut pour
successeur son fils Favila. Alphonse
Ier,
auquel on donna le surnom de Catholique, était fils du duc
des Cantabres et gendre de Pélage. Il profita
des divisions qui paralysaient les forces des Arabes pour reconquérir
la plus grande partie de la Galice, une partie du Portugal
et de la Navarre ,
le royaume de Léon et la Castille .
Abderrahman
Ier
fonda en Espagne
en 756
un empire omeyyade, indépendant des califes Abbassides
d'Orient, et dont la capitale était Cordoue.
Il prit le titre d'Emir-al-Mouménin, c'est-à-dire chef
des croyants. Froila, fils et successeur d'Alphonse Ier,
défit en 760
les Arabes, et bâtit avec le produit du butin qu'il leur enleva la
ville d'Oviedo, dont il fit sa capitale. Mais il se rendit odieux par le
meurtre de son frère, et fut assassiné par les grands du
royaumes, qui placèrent sur le trône d'Oviedo son cousin germain
Aurèle. Bermude Ier, frère
d'Aurèle, quoique diacre, porta la couronne de 788
à 791;
mais il la restitua à Alphonse Il,
dit le Chaste, fils de Froila, qui remporta une grande victoire
sur les troupes du calife Hescham en 794.
Ce calife, qui fit au christianisme une guerre
impitoyable, obligea tous ses sujets chrétiens à parler et
à écrire la langue arabe à l'exclusion de la leur.
Son fils et successeur, Al-Hakkam, passa sa vie,
dans ses voluptueux jardins de Cordoue ( L'Espagne
musulmane ).
Abderrahman
II, fils d'Al-Hakkam, ne se plaisait qu'à
nuire aux chrétiens, suivant l'expression plutôt partisane
d'un historien espagnol. Ramire Ier et
Ordoño Ier, son fils, dignes successeurs
d'Alphonse le Chaste, se signalèrent
par leur piété et par leurs exploits contre les Arabes et
contre les Vikings. Après un règne
glorieux, Alphonse III, dit le
Grand, forcé d'abdiquer par les prétentions à
la couronne de son fils aîné Garcia, partagea ses États,
et donna la Galice avec ses conquêtes au Portugal
à son deuxième fils Ordoño. L'exemple de ce partage,
imité par ses successeurs, devint funeste à l'Espagne. Ordoño
Il transporta en 914
le siège du gouvernement d'Oviedo à Léon, et depuis
cette époque les souverains espagnols sont appelés rois de
Léon. Son frère Froila II fut un tyran. Alphonse
IV, fils d'Ordoño II, monté sur le trône en 924,
le céda à son frère Ramire II en 927;
et se retira dans le monastère
de Sahagun. Il voulut reprendre la couronne en 928;
mais son frère lui fit crever les yeux, et l'enferma dans une prison,
où il mourut en 932.
Ramire II remporta en 938
contre le calife Abderrahman III une victoire
éclatante, que les Espagnols attribuèrent à l'intercession
de saint Jacques, et le nom de cet apôtre devint dès lors
leur cri de guerre. Ordoño III, fils de Ramire II, battit les Arabes,
et leur prit Lisbonne en 953.
Sanche Ier,
autre fils de Ramire II, s'empara du trône devenu vacant par la mort
d'Ordoño III. Il lui fut disputé par Ordoño le Mauvais,
fils d'Alphonse IV. Ramire III, fils
et successeur de Sanche Ier, perdit une
bataille contre les grands du royaume révoltés, et mourut
en 982.
Sous Bermude II, fils d'Ordoño III. Almanzor,
régent de l'empire de Cordoue, porta
la dévastation dans les États chrétiens de la péninsule,
prit et rasa de fond en comble la ville de Léon en 996.
Mais Bermude, Garcia Il, roi de Navarre ,
État fondé en 831,
et le comte de Castille ,
oubliant les dissensions qui avaient favorisé les succès
des Arabes, s'unirent contre Almanzor, et le défirent dans les champs
de Calatañazor en 998.
Alphonse
V, fils de Bermude II, rebâtit la ville de Léon, et fut
blessé mortellement au siège de Viseu en 1027.
Bermude III succéda à son père Alphonse V, et maria
sa soeur avec Ferdinand Ier, second fils
de Sanche III, dit le Grand, roi de Navarre, à qui son père
donna la Castille, qui fut érigée en royaume en 1033.
Sanche III laissa en mourant, en 1035,
le royaume de Navarre à Garcia, l'aîné de ses fils,
l'État de Sobrarbe
à Gonzalo, le troisième, et l'Aragon
à Ramire, son fils naturel.
L'État de
Sobrarbe se fondit bientôt dans le royaume d'Aragon, dont l'origine
date de ce partage. Bermude III fut tué en 1037,
dans une bataille contre Ferdinand Ier,
à qui il voulait reprendre les places qu'il lui avait données
avec la main de sa soeur. En lui s'éteignit la postérité
masculine de l'étage. Ferdinand Ier
fut son héritier, et réunit les couronnes de Léon
et de Castille. Depuis l'usurpation du trône
de Cordoue par Mahmoud al-Mahadi en
1000,
plusieurs ambitieux aspirèrent à la souveraineté de
l'empire arabe, dont une sanglante anarchie hâta la ruine. Un prince
de la famille des Omeyyades, Hescham III, occupa une dernière fois
le trône des califes de 1027
à 1038,
et périt massacré par ses sujets. Ainsi finit le califat
des Omeyyades en Espagne, et du démembrement de l'empire de Cordoue
se formèrent autant de principautés (émirats) indépendantes
et rivales qu'il comptait de villes importantes (Saragosse,
Valence, Tolède, Séville, etc.).
Ferdinand Ier
divisa ses États entre ses trois fils et ses deux filles; mais Sanche
le Fort, qui avait eu en partage la Castille, voulut dépouiller
ses frères et ses soeurs de leur héritage, et fut tué,
par trahison, en 1072,
devant Zamora, domaine de sa soeur Urraca. Garcia, qui avait reçu
la Galice et le Portugal ,
fut enfermé en 1075
dans le château de Lima par son frère
Alphonse
VI, roi de Léon, qui réunit les trois couronnes. Les
forces de l'Islam
s'accrurent en 1086
par l'arrivée en Espagne des Almoravides ,
venus du Maroc ,
d'où les avaient appelés les Arabes de la péninsule.
Le mariage de l'infante Urraca, fille unique d'Alphonse
VI, avec le comte Raymond, de la maison française de Bourgogne ,
fit passer la couronne de Castille et de Léon dans cette maison
par l'avènement au trône, en 1126,
d'Alphonse VIII, né de cette
union. Après les coups portés à l'islam par Alphonse
le Batailleur, roi d'Aragon, Alphonse VIII soutint contre les
Arabes les couleurs de la chrétienté. L'ordre religieux d'Alcantara
prit naissance sous son règne, et celui de Calatrava
sous celui de Sanche, son fils. Cette chevalerie religieuse, bâtie
sur les débris de l'ordre des Templiers
s'investit puissamment dans la poursuite de la Reconquista ( Les
royaumes chrétiens au Moyen âge ).
Vers ce même
temps, Alphonse Henriquez conquit le
titre de roi de Portugal
par une victoire remportée sur les musulmans en 1139.
Mais le partage des États d'Alphonse
VIII entre ses deux fils, Sanche III, roi de Castille ,
et Ferdinand II, roi de Léon, affaiblit la puissance des chrétiens.
Ferdinand II enleva plusieurs places aux musulmans, et repeupla les villes
de son royaume que la guerre avait laissées désertes. Il
apaisa aussi les troubles de la Castille, qu'il gouverna comme tuteur de
son neveu
Alphonse IX, fils de Sanche
III, et mourut en 1188.
Son fils et successeur, Alphonse IX, fut excommunié par le pape
Innocent III pour avoir épousé sans dispense sa cousine Bérengère,
fille d'Alphonse IX, roi de Castille. II remporta en 1230
une grande victoire sur les Arabes, et mourut cette même année.
Alphonse IX, roi de Castille, un des plus grands princes qui aient régné
en Espagne, fut battu par les Almohades
à Alarcos en 1193.
Mais il gagna sur eux, dans la Sierra Morena, en 1212,
la bataille de Las Navas de Tolosa ,
ainsi appelée du nom des plaines (navas en espagnol) où
elle se donna.
De cette sanglante
journée date la décadence de la puissance musulmane en Espagne.
Alphonse
IX eut pour successeur son fils Henri
Ier,
mort en 1217,
et Ferdinand, fils de Bérengère de Castille
et d'Alphonse IX, roi de Léon, fut reconnu alors roi de Castille,
et devint roi de Léon à la mort de son père, en 1230.
Ces deux royaumes furent ainsi réunis pour ne plus se séparer
Sanche IV, deuxième fils d'Alphonse X,
s'empara du trône en 1284,
au détriment des infants de La Cerda,
fils de son frère aîné, Ferdinand, mort en 1275,
et cette usurpation, qu'on prétendit fonder sur le droit des
Goths, fut pour l'Espagne, une source de longues discordes. A la faveur
de ces troubles, les rois musulmans de Grenade,
soutenus par leur coreligionnaires d'Afrique, reprirent plusieurs places
aux chrétiens. Mais Alphonse XI,
par une victoire remportée avec l'aide d'Alphonse
IV, roi du Portugal ,
sur les bords du Salado en 1340,
porta le dernier coup à leur puissance. Les rois musulmans d'Afrique
cessèrent désormais de venir au secours de ceux de la Péninsule,
et le royaume de Grenade, le dernier État musulman en Espagne, ne
subsista jusque vers la fin du siècle suivant qu'à la faveur
des divisions qui paralysaient les forces chrétiennes. Le mariage
d'Isabelle, parvenue au trône
de Castille en 1474,
avec Ferdinand le Catholique, héritier
du royaume d'Aragon
en 1479,
constitua la monarchie
espagnole par la réunion de ces deux couronnes. Ce couple royal
mit fin au règne des Arabes en Espagne. Grenade fut reconquise en
1492.
C'est cette même année que les caravelles de Christophe
Colomb atteignent l'Amérique ,
ouvrant la voie à ce qui va devenir l'empire colonial espagnol ( Les
Grandes découvertes ).
Une Espagne trop
catholique.
Dans l'esprit fanatique
de l'époque, la destruction de la puissance musulmane
ne pouvait être consommée que par l'expulsion des Juifs
( La Diaspora juive ),
qui furent les victimes d'un déchaînement de haine.
Cette mesure d'expulsion fut exécutée dans cette même
année 1492.
L'Inquisition ,
que Ferdinand et Isabelle
établirent à Séville en 1481,
eut officiellement pour but de combattre l'apostasie, devenue fréquente
chez les Juifs convertis. Philippe II,
dont les vues étaient essentiellement catholiques ,
allait se servir de l'institution, plus politique que religieuse, de Ferdinand
et d'Isabelle, pour couronner l'oeuvre de son père Charles-Quint,
et pour achever de fonder la monarchie absolue en Espagne ( L'Espagne
pendant la Renaissance ).
-
Tombeaux
de rois d'Espagne, à l'Escurial, près de Madrid.
Source
: The World Factbook.
L'acquisition du
royaume des Deux-Siciles
et de la Navarre
espagnole par Ferdinand le Catholique,
la découverte et la conquête du Mexique ,
du Pérou et des autres possessions espagnoles en Amérique
du Sud sous Chartes-Quint, et la réunion
du Portugal
à l'Espagne sous Philippe II,
avaient fait de la monarchie
espagnole la première puissance de l'Europe.
Mais
cette monarchie, arrimée au catholicisme
le plus réactionnaire et intolérant, n'avait cessé
d'accumuler des fautes de tout genre, Après l'expulsion des Juifs
(1492)
eut lieu, sous Philippe III, celle
des Maures (1609);
une foule d'Espagnols, écrasés à la fois par la misère
et la chape de plomb que le régime faisait peser sur eux, émigraient
en masse et allaient chercher fortune en Amérique
ou dans les autres colonies; enfin, les guerres continuelles devaient précipiter
bientôt la ruine du pays qui se vit enlever successivement, en 1609,
sept des 18 provinces des Pays-Bas ,
en 1640,
le Portugal ,
en 1659,
le Roussillon
et la Franche-Comté ,
de 1674
à 1679.
En trois-quarts de siècle, l'Espagne perdit ainsi sa population,
son industrie et sa vigueur. Ce déclin fut consommé lorsque
la branche de la maison de Habsbourg-Autriche,
qui gouvernait l'Espagne depuis 1516,
s'éteignit à la mort de Charles
II, en 1700.
Les
Bourbons d'Espagne.
La maison de Habsbourg-Autriche
fut remplacée par la maison de Bourbon,
et Philippe V, premier roi de cette
dynastie, fut forcé de renoncer, par les traités qui terminèrent
la guerre de la Succession, à toutes les possessions européennes
de l'Espagne hors de la Péninsule ( L'Espagne
au XVIIIe siècle ).
Ses deux successeurs: Ferdinand VI et Charles
III, s'efforcèrent comme lui de relever l'Espagne de son abaissement.
Mais le dernier s'entoura de ministres nourris des idées des Lumières,
qui se heurtèrent rapidement au conservatisme ambiant. La monarchie
espagnole était arrivée au dernier terme de sa décadence
lorsque Napoléon Ier
profita des dissensions entre Charles IV
et son fils Ferdinand pour placer sur le trône d'Espagne, en 1808,
son frère Joseph. Mais la nation se souleva avec énergie
contre la domination étrangère. Ses efforts furent dirigés
par une ,junte centrale et une régence, établies d'abord
à Séville, puis à Cadix ,
où fut promulguée, en 1812,
une constitution rédigée par des Cortès
extraordinaires sur le modèle de la constitution française
de 1791.
-
Le
serment des Cortès de Cadix, en 1812.
L'issue de la campagne
de Russie aida les Espagnols, secourus par les Anglais, à repousser
les Français de leur territoire. Ferdinand VII, rendu à son
pays en 1814,
était incapable d'en guérir les plaies ( L'Espagne
au XIXe siècle ).
Une expédition vainement destinée à replacer les colonies
révoltées d'Amérique
sous l'autorité de la métropole s'insurgea en 1820
à Cadix ,
et la constitution de 1812
fut imposée au roi. Remis en liberté en 1825
par une armée française, il changea en 1830
par un auto acordato, conforme d'ailleurs à l'ancienne constitution
castillane, l'ordre de succession établi en 1713
par Philippe V, et suivant lequel les
femmes n'étaient appelées à régner qu'à
défaut de toute postérité mâle. Sa fille Isabelle,
qu'il avait fait reconnaître pour son héritière par
les Cortès en 1853,
lui succéda cette même année, sous la tutelle de sa
mère, Marie-Christine. Mais don Carlos,
frère de Ferdinand VII, soutenu par le parti opposé aux idées
du libéralisme moderne, fit valoir ses prétentions à
la couronne, et une longue et cruelle guerre civile désola l'Espagne.
Une constitution,
promulguée en 1834,
sous le nom de Statut royal (Estatuto real), établit
le gouvernement constitutionnel, avec deux chambres, le sénat et
le congrès, sans satisfaire les exigences révolutionnaires.
Une quadruple alliance des cours de Paris,
Londres,
Madrid
et Lisbonne ne réussit pas à
calmer les agitations de la Péninsule. Les ministères se
succédèrent sans remédier à l'anarchie. Le
pays tout entier était en proie à la division des Carlistes,
des Modérés et des Exaltés ou Progressistes. Une insurrection
militaire força, à la Granja, en 1836,
la régente Marie-Christine d'accepter la constitution de 1812.
Des Cortès constituantes s'assemblèrent, et proclamèrent
en 1837
une constitution qui modifiait celle de 1812
dans le sens de la constitution française de 1850.
Une convention conclue à Bergara, en 1839,
par la trahison du général carliste Maroto, avec l'armée
d'Isabelle, mit don Carlos dans l'impossibilité
de continuer une lutte que Cabrera essaya vainement de prolonger. Mais
un mouvement progressiste éclata en 1840
contre le parti modéré; Marie-Christine fut obligée
de se réfugier en France ,
et les Cortès attribuèrent la régence à Espartero
en 1841.
La confiscation de biens de l'Église ,
commencée sous Marie-Christine fut poursuivie, et le pape protesta
en 1842.
Une manifestation générale (pronunciamento) força
Espartero de s'enfuir en Angleterre en 1843.
Les Cortès déclarèrent la reine Isabelle Il majeure,
et reproduisirent en 1845
la constitution de 1837
révisée.
Le
règne d'Isabelle II.
Une insurrection
militaire, dite des Vicalvaristes, parce qu'elle eut lieu à Vicalvaro,
et à la tête de laquelle figura le général O'Donnell,
imposa à la reine en 1854
un ministère formé par un accord passager du maréchal
Espartero,
chef des partis révolutionnaires, et du général O'Donnell,
chef du parti constitutionnel. Des Cortès constituantes votèrent
en 1855
une nouvelle constitution, basée sur la souveraineté du peuple
et violatrice du concordat conclu avec le Saint-siège en 1851.
Le pouvoir royal fut annulé et la monarchie
menacée dans son existence. Espartero se retira du ministère
en 1856,
et le général O'Donnell resta maître du pouvoir après
une lutte sanglante à Madrid et à
Barcelone.
Isabelle II rétablit
la constitution de 1845
et le concordat de 1851,
dont, une convention conclue avec le saint-siège en 1859
garantit l'exécution. L'Espagne, dont les Marocains contestaient
continuellement les présides en Afrique, déclara en 1859
au Maroc
une guerre qui fut très populaire chez une nation que son histoire
avait rendue sensible à la propagande contre l'Islam .
Commandée par le général, puis maréchal O'Donnell,
l'expédition espagnole remporta sur les Marocains deux victoires
signalées, dont la dernière, la prise de Tétouan,
fut suivie de la prise de cette ville en 1860.
L'empereur de Maroc demanda alors la paix, qui lui fut accordée
à la condition d'une cession de territoire, du paiement d'une indemnité
de guerre et de l'établissement à Fès
d'une maison de missionnaires espagnols.
Une tentative de
renversement du gouvernement de la reine Isabelle Il en faveur du comte
de Montémolin, fils aîné de don
Carlos, faite en 1860
par le général Ortega, capitaine général des
Îles Baléares ,
échoua complètement. Le comte de Montémolin et son
frère, don Ferdinand, furent arrêtes près de Tortosa.
Ils furent ensuite compris dans une amnistie générale accordée
par la reine Isabelle II, et furent transportés hors d'Espagne.
Ils renoncèrent à leurs prétentions au trône;
mais leur frère, l'infant don Jean, déclara qu'il n'y renonçait
pas. Le comte de Montémolin et l'infant don Ferdinand moururent
presque subitement, le premier à la fin de 1860,
et le second au commencement de 1861.
L'Espagne a uni ses
armes à celles de la France
dans une expédition dirigée, en 1858
et années suivantes, contre l'empire d'Annam
dans la Cochinchine
et le Cambodge ,
pour tirer vengeance du sang des missionnaires catholiques répandu
par le souverain de cet empire. Le but de cette expédition fut atteint
en 1862
par le traité de paix imposé à l'empereur d'Annam.
L'Espagne avait résolu, par une convention signée à
Londres en 1860,
d'intervenir, avec la France et la Grande-Bretagne, pour mettre un terme
à l'anarchie au Mexique ;
mais, au début de l'entreprise, elle renonça, avec la Grande-Bretagne,
à en poursuivre l'exécution, dont la France resta seule chargée.
Le règne d'Isabelle
II continua d'être troublé par de
nombreuses révoltes ou insurrections militaires. En 1868,
une révolution éclata, dirigée par des chefs militaires
revenus d'exil. Isabelle, sentant sa cause perdue, se réfugia en
France
(septembre), d'où elle lança une protestation contre la révolution.
A Madrid, Serrano maître de la situation,
fut désigné, par la junte de la capitale, comme chef du gouvernement
provisoire. Le 1er juin 1869,
les Cortès constituantes votèrent la nouvelle Constitution,
qui conservait la monarchie
constitutionnelle. Le 15 juin, ces mêmes Cortès nommèrent
Serrano régent du royaume, en attendant qu'un candidat fût
désigné pour occuper le trône. Alors commencèrent,
en vue de trouver ce candidat, les négociations difficiles dont
un des épisodes fut la candidature du prince Léopold
de Hohenzollern, d'où devait sortir la guerre franco-allemande
(1870-1871).
-
Carte
de l'Espagne et de ses anciennes provinces (Tomas Lopez, fin du XVIIIe
s.).
De la Ire
République à la Guerre de 1898.
Au mois de juin
1870,
Isabelle avait formellement abdiqué ses droits en faveur de son
fils Alphonse; mais Alphonse ne fut pas accepté. Finalement, le
duc d'Aoste, Amédée, second fils
de Victor-Emmanuel, accepta la couronne et fut proclamé roi par
les Cortès, le 16 novembre
1870.
Mais il ne devait régner que peu de temps. Il ne trouva d'appui
nulle part, et, découragé, il abdiqua, le 11 février
1873.
C'est alors que la
république
(Ire république) fut proclamée
par les Cortès. Elle ne dura que du 11 février
1873
au 21 décembre 1874.
Les républicains, dont le plus en vue était Emilio Castelar,
ne surent pas créer un gouvernement stable et viable. Le pays était
presque tombé en état d'anarchie, lorsque, le 29 décembre
1874,
le général Martinez Campos fit un pronunciamiento,
et proclama roi d'Espagne le fils d'Isabelle, Alponse
XII. Ce fut la seconde Restauration des Bourbons.
Alponse XII mourut
le 25 novembre 1885,
après un règne relativement réparateur. Sous lui on
organisa, en Espagne, un semblant de régime parlementaire. Il se
forma donc deux grands partis : celui des conservateurs, dirigé
par Canovas, et celui des libéraux, ayant Sagasta pour chef. Les
débuts du règne furent troublés par une nouvelle guerre
carliste (1875-1876),
qui fut réprimée assez facilement. Quand Alphonse
XII (28 ans) mourut, la reine, Marie-Christine, était enceinte.
Elle prit la régence. Le 17 mai 1886,
elle mit au monde un fils, qui fut immédiatement proclamé
roi sous le nom d'Alphonse XIII.
L'Espagne assista à une décadence du régime parlementaire,
que Canevas et Sagasta avaient eu tant de peine à organiser. A l'extérieur,
ce fut une catastrophe nationale que l'Espagne a subit. La guerre contre
les États-Unis
(mai-août 1898)
lui fit perdre le reste de son empire colonial (Cuba ,
Porto Rico, les Philippines, Guam), auquel elle a renoncé par le
traité de Paris du 10 décembre
1898
( L'Espagne
au XIXe siècle ).
L'Espagne contemporaine.
La crise suscitée
par la défaite de 1898
s'est prolongée pendant les premières décennies du
XXe
siècle, qui sont aussi celles du
règne d'Alphonse XIII, monté
sur le trône en 1902.
Et si le pays décide de rester neutre pendant la Première
Guerre mondiale, il n'en demeure pas moins miné par l'instabilité
gouvernementale chronique et les difficultés économiques.
Des mouvements sociaux éclatent un peu partout, mais principalement
en Catalogne (1917)
et dans les régions les plus industrialisées. Ils sont durement
réprimés. Le Maroc ,
devenu protectorat de l'Espagne
en 1912
se soulève en 1921
(Guerre du Rif) et ajoute à la crise du régime. En 1923,
Alphonse XIII, laisse le général Miguel Primo de Rivera instaurer
une dictature, mais l'enlisement de l'Espagne
au Maroc, et sont impopularité croissante l'obliquent à quitter
le pouvoir en 1930.
Il est remplacé quelques mois par un autre dictateur, le général
Berenger, qui ne réussit pas mieux. L'année suivante, la
république
est proclamée et le roi doit s'exiler.
Les élections
donnent la majorité la gauche, qui tente de moderniser l'Espagne
en la transformant en une démocratie
parlementaire laïque. L'autonomie de certaines régions est
proposée, en même temps qu'une grande réforme agraire.
Ces mesures se heurtent à une vive opposition des partis conservateurs.
Ceux-ci parviennent à s'allier pour remporter les législatives
de 1933.
Le gouvernement qui accède alors au pouvoir est rapidement confronté
à une insurrection dans le pays minier des Asturies, qui sera matée
par le général Francisco Franco. En février
1936,
la gauche, qui s'est radicalisée, revient au pouvoir. En juillet
la grogne au sein de l'armée aboutit à un soulèvement
d'une grande partie de l'Armée. Franco qui en est l'un des chefs
en prend la direction complète en octobre 1936.
La guerre civile durera jusqu'en 1939
et se terminera par une victoire des franquistes.
Très éprouvée
par cette guerre, l'Espagne
reste neutre lors du Second conflit mondial, et connaît une après-guerre
encore très difficile. Le régime répressif imposé
par Franco ajouté à l'effondrement de l'économie plonge
le pays dans un désarroi dont il ne commence à sortir qu'au
bénéfice de la Guerre froide. Les États-Unis
prennent pied en Espagne en 1953
et commencent à apporter une assistance économique. L'Espagne
entre à l'ONU en 1955
et retrouve une existence diplomatique. Franco parvient ainsi à
se maintenir au pouvoir jusqu'à sa mort en 1975.
La monarchie des
Bourbons
est alors restaurée. Le roi Juan Carlos qui monte sur le trône
organise rapidement un retour à la démocratie. Un nouvelle
constitution est adoptée en 1978.
Les grognements, au début des années 1980,
de l'arrière-garde franquiste, restée puissante dans l'Armée,
n'empêcheront pas la démocratie
de s'ancrer solidement. Les socialistes du PSOE, dirigé par Felipe
Gonzalez dominent la vie politique entre 1982
et 1996.
Cette année-là, c'est la droite modérée du
Parti Populaire (PP) de Jose Maria Aznar qui remporte les élections
et conserve le pouvoir pendant huit ans (deux législatures). L'un
des conséquences des attentats du 11 mars 2004
, perpétrés par un groupe islamiste, et qui ont fait 200
morts à Madrid, a été
la défaite surprise du PP quelques jours plus tard, et le retour
au gouvernement du PSOE, dirigé désormais par José
Luis Rodriguez Zapatero ( L'Espagne
depuis 1898 ). |
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