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Bordeaux
sous la domination romaine.
On ne sait rien sur la fondation de la
ville de Bordeaux. Strabon
est le premier qui fasse mention de la cité de Burdigala,
nom que l'on retrouve dans Ptolémée. Située
sur la Garonne ,
qui séparait les populations ibères des
pays
celtiques, cette ville était habitée, au moment de la conquête
romaine et de son apparition dans l'histoire, par les Bituriges Vivisci,
qui paraissent avoir été, comme les Boïens et les Médulles, un peuple
celtique qui, ayant émigré, était venu s'installer sur la rive gauche
de la Garonne. Que Bordeaux ait été soumise aux Romains, lors de la victoire
de Crassus, lieutenant de César,
sur les Aquitains, ou sous le règne d'Auguste,
la conquête paraît s'être effectuée sans violence : il est même permis
de supposer que les Bituriges, peuple de navigateurs et de commerçants,
se soumirent volontairement à César et qu'ils lui fournirent peut-être
des navires pour l'expédition de Bretagne,
comme les Pictons et les Sanctons. Ils
jouissaient en effet de privilèges particuliers, et Strabon nous apprend
qu'ils ne payaient pas le tribut avec les Aquitains.
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Les
Piliers de Tutelle. (Dessin de Hermann van der Hem).
Les habitants de Bordeaux eurent la civitas
de bonne heure et furent inscrits dans la tribu Quirina; ils eurent leur
collège de magistrats, leur culte d'Auguste,
comme le prouve une inscription trouvée jadis aux Piliers de tutelle et
dédiée à Auguste et GENIO CIVITATIS BITVRIGVM VIVICORVM. Au lendemain
de la conquête romaine, elle fut tout d'abord classée parmi les civitates
liberae. Bordeaux resta fidèle aux Romains et ne prit part ni à l'insurrection
de Vercingétorix, ni au soulèvement de
l'Aquitaine, après le meurtre de Jules
César (44 av. J.-C.). Lorsqu'en l'an
28 avant notre ère, Auguste réorganisa
les provinces de la Gaule, Bordeaux
fut classée parmi les quatorze cités de l'Aquitaine seconde, qui s'étendait
de la Loire
à la Garonne.
Cette ville qui,
avant la conquête romaine, paraît avoir été un centre de commerce assez
important, puisque Strabon la nomme Emporium
Burdigala, fut choisie comme résidence par les gouverneurs ou présidents
des Aquitaines et prit un grand développement; Ptolémée l'appelle Aquitaniae
urbs insignis. Parmi les gouverneurs d'Aquitaine qui habitèrent Bordeaux,
on cite Agricola, beau-père de Tacite
(74 à 76); Galba, qui devint empereur; Tétricus,
qui fut élu empereur par les soldats et qui, suivant Eutrope,
revêtit la pourpre impériale à Bordeaux, en 271; le jurisconsulte Salvius
Julianus, etc. Vers le milieu du IIIe siècle,
peut-être pendant un séjour de l'empereur Gallien
à Bordeaux, la ville fut agrandie ou plutôt rebâtie entièrement sur
le plan des cités latines. Les Romains
l'embellirent alors de nombreux monuments et les arènes que Gallien fit
construire en dehors de la ville, sont un des vestiges les mieux conservés
de la domination romaine à Bordeaux. Entraînée dans la révolte de Tetricus,
la ville lutta contre l'empereur Aurélien et
fut reconquise, en 274, après la mort de l'usurpateur. Elle n'eut pas
à souffrir de l'invasion des Bagaudes, mais dut cependant leur payer rançon;
les Romains jugèrent alors prudent de fortifier la ville, qui sous Dioclétien,
vers l'an 300, fut entourée de nouvelles murailles. Bordeaux devint Ã
cette époque le centre littéraire de la Gaule; ses écoles comptèrent
parmi les plus florissantes de l'Empire
romain et produisirent une foule d'hommes remarquables, parmi lesquels
on peut citer les grammairiens Leontius et Glabrio, les rhétoriciens Exupère
et Minervius, Sedatus, Alcimus, le poète Clementinus Théon, l'orateur
Delphidius, saint Paulin et surtout le poète
Ausone,
qui a célébré sa ville natale et en a laissé des descriptions qui permettent
de se faire une idée de Bordeaux au IVe
siècle.
La
ville romaine.
La ville romaine, bâtie, quoi qu'on en
ait dit, sur la rive gauche de la Garonne, avait la forme d'un carré et
était défendue par une enceinte garnie de tours
: Quadria murorum species sic turribus allis ardua. La ville occupait
un espace de 740 m de long sur 480 de large, entre le Chapeau-Rouge et
la petite rivière du Peugue, et ses hautes murailles étaient percées
de quatorze portes placées symétriquement les unes en face des autres.
A l'Ouest la ville avait pour limite une ligne qui irait de la cathédrale
Saint-André à l'extrémité du cours de l'Intendance. L'enceinte
méridionale allait du cloître Saint-André au Palais, anciennement
Castrum regium, placé entre la rue des Bahutiers et celle des Argentiers;
trois portesdonnaient accès dans
la ville de ce côté, la porte Basse, celle de la Cadène on des Trois-Maries,
placée près de la rue du Loup et démolie en 1728, et la porte Vegeira
ou Vigeria (Begueyre), faisant face aux rues du Pas-de-Saint-Georges et
des Epiciers. A l'Est le mur d'enceinte était entre les maisons de la
rue Saint-Pierre et celle de la rue des Argentiers, et aboutissait à l'hôtel
de la Bourse. Il avait aussi trois portes l'une dans la rue de Tour-de-Gassies,
où se trouvait au XIVe siècle la tour
de Saint-Aubin; la porte Saint-Pierre. qui paraît avoir été la même
que la Porta Navigera, dont parle saint Paulin,
et la Porta de Palis ou porte Despaux, au bout de la rue Saint-Rémy.
Au Nord le mur commençait, non dans l'alignement de la porte Médoc, mais
plus dans l'intérieur de la ville, aux environs de la chapelle
de la Bourse, traversait la place Saint-Rémy et continuait vers l'ancienne
maison de Puy Paulin, hôtel de l'Intendance; il longeait les possessions
de l'hôtel du Temple et se terminait à une tour qui subsistait encore,
au XVIIIe siècle, dans la rue du Canon.
Il devait y avoir une porte au haut de la rue Sainte-Catherine, répondant
directement à la porte de la Cadène ou des Trois-Maries; une autre porte
devait être située place Saint-Rémy, en face de la porte Begueyre; une
troisième vers l'hôtel de l'Intendance. Enfin les portes qui s'ouvraient
sur le côté occidental étaient la porte Dijaux, une porte à l'extrémité
de la rue de l'Hôpital-Saint-André, en montant vers la rue des Remparts,
et une troisième répondant à la porte Saint-Pierre. Plus tard, on agrandit
l'enceinte et l'on transporta dans le nouveau mur les portes Dijaux, Médoc
et Despaux. Au centre du mur qui regardait la Garonne, s'ouvrait la porta
Navigera qui donnait accès dans un port intérieur ou bassin à flot,
dans lequel se jetait la Devise et qui devait être comblé plus tard pour
former le quartier Saint-Pierre.
Ausone, qui exerça
en 379, sous Valentinien ler,
la charge de consul à Bordeaux, nous apprend
que la ville était administrée par un sénat et un collège de consuls
ou de décurions. Dès cette époque, les vins et les huîtres de Bordeaux
jouissaient d'une grande réputation et le commerce de la ville, qui, d'après
Ausone, consistait surtout dans la vente des suifs, des cires, de la poix,
de la résine et du papyrus, avait pris une grande extension.
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Plan
de Bordeaux en 260 ap. J.-C.
L'introduction
du christianisme.
Le christianisme
paraît n'avoir pénétré qu'assez tard en Aquitaine. On attribue généralement
à saint Martial les premières prédications chrétiennes
à Bordeaux; mais le triomphe définitif du christianisme est dû surtout
à saint Hilaire et à saint Martin. Ce n'est qu'au commencement du IVe
siècle (315) que l'on trouve les traces d'une communauté chrétienne
à Bordeaux; on cite cependant, à l'époque des persécutions de Dioclétien,
le martyre de saint Fort, dont les reliques
furent découvertes dans l'église
Saint-Seurin et qui fut plus tard l'objet d'un culte populaire. Dès
le IVe siècle, on constate à Bordeaux
la présence d'hérétiques; en 386, un concile, présidé par l'évêque
S. Delphin et auquel assistait saint Martin, condamna à Bordeaux l'hérésie
de Priscillius, déjà condamnée par le concile de Saragosse,
et des poursuites rigoureuses furent exercées contre ses adeptes.
Bordeaux sous
les Wisigoths, les Mérovingiens et les Carolingiens.
Survint l'invasion des Barbares;
envahie par les Alains, les Suèves
et les Vandales, la ville de Bordeaux
fut incendiée en 408.
La
période wisigothique.
Au cours de l'automne de
413, elle fut occupée par les Wisigoths
d'Ataulf, qui venaient de s'emparer de Toulouse
et, en 419, elle fut cédée par le patrice Constance, lieutenant de l'empereur
Honorius,
aux Wisigoths de Wallia, qui fit de Bordeaux sa résidence préférée,
bien que Toulouse fût la capitale du royaume wisigoth fondé dans le Sud
de la Gaule. Les vainqueurs s'emparèrent des deux tiers des terres et
du tiers des esclaves de la cité; mais la
ville conserva son administration, et ses écoles continuèrent à jeter
un certain éclat. Sidoine Apollinaire, qui a
tracé un tableau de la cour des rois Wisigoths, cite les noms de Leo,
Severianus et Lampridius, orateurs et poètes bordelais, et il déclare
que la « puissante Garonne protégea le Tibre affaibli ».
La
période mérovingienne.
Bordeaux fut occupé par
les Francs après la bataille de Vouillé;
Clovis y passa l'hiver de 507 à 508, et l'évêque
de la cité, Cyprien, dont le nom figurait, en
506, parmi ceux des prélats du concile wisigoth
d'Arles, assistait, en 511, au concile d'Orléans.
Après la mort de Clovis, cette cité fit partie du royaume de Childebert
Ier, puis; en 561, du royaume de Caribert.
Elle figure parmi les cités données, en 567, par Chilpéric
à sa nouvelle épouse Galsuinthe et passées
peu de temps après à sa soeur Brunehaut,
épouse de Sigebert. Dans la guerre civile
qui s'éleva, en 574, entre Sigebert et Chilpéric, le fils de celui-ci,
Clovis, vint s'établir à Bordeaux, d'où il ne tarda pas à être chassé
par Sigulf, partisan du roi d'Austrasie.
La métropole de la seconde Aquitaine dut cependant se soumettre à Chilpéric
à la suite du meurtre de Sigebert (575).
En 584, après l'assassinat
de Chilpéric, Bordeaux fut occupée par le roi Gontran,
à qui le pacte d'Andelot en assura la paisible possession; il fut seulement
convenu qu'à la mort de Gontran, cette ville ferait retour à Brunehaut
et à ses héritiers. Grégoire de Tours
parle de trois basiliques qui existaient
de son temps à Bordeaux; l'une était dédiée à saint Martin, une autre
à saint Pierre, la troisième à saint Séverin, l'un des premiers évêques
de Bordeaux.
A partir du règne
de Dagobert, Bordeaux suivit les destinées
de l'Aquitaine; le VIIe et le VIIIe
siècles sont une période de décadence pour la cité gallo-romaine, si
florissante au IVe siècle. Elle resta
dans la dépendance des ducs d'Aquitaine, mais ne paraît cependant pas
avoir souffert de l'invasion des Vascons, qui n'atteignirent pas Bordeaux.
En 729, les Sarrasins d'Abdérame,
appelés par le duc Eudes, dans sa lutte contre
les Francs de Charles
Martel, prirent et saccagèrent Bordeaux, et le duc d'Aquitaine dut
aller implorer le secours de son rival pour repousser ses trop dangereux
alliés; il contribua à la victoire de Poitiers
(732).
La
période carolingienne.
Pendant la révolte
de l'Aquitaine ,
Bordeaux suivit le parti de Hunald et de Waïfre et fut soumise par Pépin,
en 768, et par Charlemagne en 778. L'empereur,
pour se concilier les habitants, fit de Bordeaux la capitale du royaume
d'Aquitaine. En 826, Azo, gouverneur de l'Aquitaine, s'étant révolté
contre l'empereur Louis et ayant appelé
à son secours les Sarrasins d'Espagne,
fut battu par Adelbrant et Donat, lieutenants de l'empereur, qui firent
rentrer Bordeaux dans l'obéissance. La cité souffrit cruellement des
invasions des Vikings; ceux-ci, en
857,
après avoir ravagé les côtes de l'Aquitaine et tué le comte Seguin,
lieutenant de Charles le Chauve, prirent Bordeaux,
qu'ils pillèrent, brûlèrent et détruisirent entièrement. En 877, Frontaire,
archevêque de Bordeaux, avait été obligé
d'abandonner son siège à cause des incursions des Barbares. Après le
traité conclu par Charles le Simple, en 911,
les Vikings évacuèrent la Gascogne, qui
devint un duché distinct de celui d'Aquitaine sous Sanche Mitarra et ses
successeurs, ducs de Gascogne, qui fixèrent leur résidence à Bordeaux,
au château de I'Onibrière, bâti vers 982
et démoli en 1800. Mais en 1039, Guillaume VII de Poitiers réunit par
héritage le duché de Gascogne à celui d'Aquitaine et Poitiers
resta la capitale du duché. Les ducs de Gascogne et d'Aquitaine rebâtirent
la plupart des monuments et des monastères
détruits par les Vikings (Saint-Seurin
en 1032, Saint André
en 1096, Saint-Michel
en 1093), et rendirent à Bordeaux une partie de son ancienne prospérité;
mais ce n'est qu'Ã partir du
XIIe siècle
que la ville retrouva avec la domination anglaise son importance et son
antique splendeur.
Bordeaux sous
la domination anglaise.
Aliénor
d'Aquitaine, fille et héritière de Guillaume X de Poitiers, épouse
divorcée de Louis VII, roi
de France ,
avait apporté en dot Bordeaux et l'Aquitaine Ã
Henri Plantagenet, duc d'Anjou, qui
devint en 1154roi d'Angleterre .
Pendant trois siècles, Bordeaux resta au pouvoir des Anglais
(1152-1451). L'administration anglaise fut très favorable au développement
de la ville, qui acquit de nombreux privilèges politiques et commerciaux.
Des relations très étroites s'établirent entre l'Angleterre et ses possessions
de
Guyenne; aussi, lors de la conquête de
ce pays par Charles VII, les Bordelais opposèrent-ils
une vive résistance à l'occupation française. Dès le XIIe
siècle, les Plantagenets édictaient des
mesures favorisant les libertés communales et destinées à accroître
l'importance maritime et commerciale de Bordeaux. Aliénor publiait un
code maritime connu sous le nom de Rôles d'Oléron
ou de Jugements de la mer, complété plus tard par son fils Richard-Coeur-de-Lion.
Henri II, en 1172, publiait une charte concernant le maire et les jurats
de Bordeaux.
Le
XIIIe Siècle.
En 1206,
Jean-Sans-Terre
accordait aux Bordelais l'exemption de toute maltôte et coutume sur leurs
marchandises et favorisait l'accroissement de la ville en accueillant les
étrangers qui, après un séjour d'un mois, prêteraient seraient au roi
et à la commune. Mais ce n'est qu'en 1235 qu'Henri
III, alors en lutte avec ses barons, concéda à Bordeaux
une charte de commune; entre autres privilèges, il accordait aux Bordelais
le droit d'élire leur maire qui jusqu'alors avait été un fonctionnaire
royal. Le maire était élu pour un an avec mille livres d'appointements;
il était assisté d'une jurade ou conseil de vingt-quatre jurats, qui
élisaient le maire et qui, en quittant leurs fonctions, désignaient leurs
successeurs. La jurade nommait en outre un corps de trente prudhommes appelés
les seigneurs Trente, chargés plus spécialement de l'administration;
un collège de trois cents notables, analogues aux pairs
des villes normandes, était appelé à délibérer dans certaines circonstances.
Pour l'administration
de la cité, le maire avait au-dessous de lui le clerc de ville, élu par
la jurade et chargé particulièrement des finances. En 1242, Henri III
reconnut aux Bordelais le privilège de n'être pas tenus au service militaire
pour le roi en dehors de leur diocèse. Mais après la bataille de
Taillebourg, Ã la suite des exactions de Simon
de Montfort, comte de Leicester, les barons gascons formèrent une
ligue, à laquelle se joignirent les Bordelais, qui menacèrent même de
se donner au roi de Castille. La commune
fut en outre divisée par les querelles des deux maisons rivales, les Colomb
et les Solers, et le prince Edouard, chargé par son père de l'administration
de la Guyenne, en profita pour réformer la charte bordelaise au profit
de l'autorité royale. Les statuts de 1261 enlevaient à la jurade la nomination
du maire, qui était choisi par le roi ainsi que le clerc de ville; les
appels des sentences du maire venaient devant le sénéchal de Guyenne
ou devant le prince.
Les droits de justice
étaient mieux définis et partagés entre le roi
d'Angleterre et la commune. Un noble ne pouvait devenir bourgeois de
Bordeaux sans l'autorisation du prince; enfin le roi se réservait de faire
construire un château-fort dans la cité et d'en couvrir les frais au
moyen d'une taxe perçue par le maire et les jurats. Enfin la coutume de
Bordeaux devait être réformée et révisée,
de manière à garantir aux bourgeois leurs libertés et privilèges, tout
en assurant les droits du roi. Depuis l'occupation anglaise, Bordeaux s'était
considérablement agrandie; en
1235, un hôtel de ville, la maison de Saint
Eloi ou Saint Eliège, avait été construit sur l'emplacement occupé
plus tard par le Grand-Marché. Une nouvelle ville s'était créée sur
la rive droite du Peugue : c'étaient les quartiers du Cahernan, de Saint-Eloi
et de la Rousselle. Une nouvelle enceinte, terminée en 1251, partait de
la Porte-Basse, longeait les fossés des Tanneurs, se continuait jusqu'Ã
la porte de la Rousselle et à la rue de la Rousselle, et rejoignait l'enceinte
primitive à la porte du Chapeau-Rouge. Cette enceinte avait 3000 m de
longueur et était percée de dix portes nouvelles, dont une seule subsiste,
la porte Saint-James, construite en 1246 et où se trouvent l'horloge et
les cloches de la ville. En dehors des murailles s'élevaient les riches
abbayes de Saint-Seurin, dont le chapitre avait des droits de juridiction
assez étendus, de Saint-Germain, occupant l'espace qui forme aujourd'hui
la place Tourny, etc.
L'histoire intérieure
de Bordeaux au XIIIe siècle se résume
dans les luttes de la jurade contre le doyen et le chapitre de Saint-Seurin,
et plus tard contre le prévôt de l'Ombrière, et dans la rivalité des
Colomb et des Solers pour la mairie. Le commerce de Bordeaux avait pris
un grand développement; les vins que l'on exportait en Angleterre et en
Espagne en étaient l'aliment principal; ceux des bourgeois de Bordeaux
avaient libre circulation sur la Garonne
et les rois d'Angleterre avaient
accordé de nombreux privilèges aux Bordelais qui venaient faire du commerce
en Angleterre. Edouard ler
établit deux grandes foires de huit jours, qui sont l'origine des Foires
de Bordeaux. En 1283, Bordeaux fut choisie comme lieu de rendez-vous pour
le duel de Charles lerd'Anjou
contre Pierre d'Aragon. A la suite des luttes
des marins normands et bayonnais, Philippe le
Bel prononça la saisie du duché de Guyenne et envoya le connétable
Raoul de Clermont prendre possession de Bordeaux, qui resta quelques années
au pouvoir des Français. En 1295, le roi
de France ,
pour s'attacher les Bordelais, leur accorda une charte, la Philippine,
qui confirmait leurs coutumes et privilèges, maintenait les droits de
justice de la jurade et autorisait le maire à établir des droits d'entrée
sur les blés, vins et autres marchandises. Mais à la suite d'une insurrection,
Philippe le Bel révoqua ces privilèges, abolit la jurade et confia l'administration
municipale au maire nommé par le roi.
Le
XIVe siècle.
A la suite du traité de Montreuil-sur-Me ,
Bordeaux fut restituée à Edouard Ier,
mais ne rentra pas en possession de tous ses privilèges.
Cette courte occupation française fut signalée par un nouvel agrandissement
de la ville par l'adjonction des faubourgs où se trouvaient les principaux
couvents et monastères : en 1302, on construisit de nouvelles murailles
englobant les faubourgs de Tropeyte au Nord, de Saint-Michel, Sainte-Croix
et Sainte-Eulalie au Sud En 1305, Bertrand de Goth, Bordelais, élu pape,
fut couronné à Bordeaux et prit le nom de Clément
V. Il séjourna quelque temps dans cette ville, fit rétablir les privilèges
des Bordelais et reconnut à l'archevêque de Bordeaux le titre de primat
d'Aquitaine. En 1310, Philippe le Bel usa
de son droit de suzeraineté pour obliger Edouard
Il à abolir une maltôte établie par lui. En 1314 et 1321, on réforma
les coutumes de Bordeaux et le roi Edouard II unit solennellement la commune
de Bordeaux à la couronne d'Angleterre. La guerre
de Cent ans fut très profitable à l'indépendance des Bordelais,
car Edouard III et ses successeurs,
obligés de s'appuyer sur Bordeaux dans leur lutte contre le roi
de France, cherchèrent toujours à s'assurer de la fidélité de cette
ville en lui faisant de nombreuses concessions. Aussi les Bordelais restèrent-ils
constamment fidèles à la domination anglaise et, à l'exception de la
grande émeute provoquée en 1365 par les taxes arbitraires du Prince
Noir, on ne trouve aucune trace de rébellion.
Dès 1327, la ville
fut fortifiée de nouveau et ses murailles soigneusement entretenues; on
diminua la largeur des quais en rapprochant les nouveaux murs de la rivière
depuis la porte Sainte-Croix jusqu'Ã
celle du Chapeau-Rouge. Edouard III maintint avec un soin jaloux les privilèges
du maire et des jurats et leurs droits de justice sur les onze paroisses
de la banlieue de Bordeaux : Bruges, Mérignac, Pessac, Eysines, Saint-Médard-en-Jalles,
Sestas, Canejan, Bègles, Léognan, Villenave, Gradignan. Bordeaux, pendant
tout le cours de la guerre, fut le quartier général des Anglais. Le Prince
Noir en fit sa résidence et c'est à Bordeaux qu'il ramena le roi Jean
après la défaite de Poitiers (1356). Une
ordonnance de 1376 réforma l'administration de Bordeaux en réglant d'une
manière plus précise les attributions des officiers et des corps municipaux.
Les jurats qui gardaient, depuis le commencement du XIVe
siècle, le droit d'élire le maire, sont réduits de vingt-quatre à douze
et une des conditions de leur élection est de n'étre pas noble, mais
d'avoir 1000 livres de revenus. Le clerc de ville a voix consultative au
sein de la jurade, auprès de laquelle il remplit les fonctions de juge
d'instruction et de greffier. Le procureur-syndic est chargé de l'administration
financière de la cité. Le sous-maire est un des jurats remplaçant le
maire absent. Le prévôt de la ville on prévôt des marchands, élu par
le maire et les jurats, est chargé de la police du commerce et devient
le gardien des marques et étalons des mesures. Le conseil des Trente et
le conseil des Trois-Cents sont aussi élus par la jurade parmi les prud'hommes
de la ville.
Pendant le règne
de Richard II, Bordeaux se voyant
privée de l'appui des Anglais, à cause
des discordes intérieures du royaume, forme, en 1379, une ligue offensive
et défensive contre les Français avec
les villes voisines de Guyenne qu'on appela ses filleules, Blave, Bourg,
Libourne, Saint-Emilion, Saint-Macaire, Castillon, Cadillac et Rions. Cependant
Richard II confirma les privilèges du maire et de la jurade en garantissant
leur indépendance vis-à -vis du sénéchal de Gascogne (1385). Aussi lorsque
Richard Il fut détrôné et emprisonné, les Bordelais menacèrent-ils
de se donner à la France, si leur roi légitime n'était pas mis en liberté;
mais, malgré l'assassinat de Richard, ils ne mirent pas leur menace Ã
exécution et repoussèrent les offres de Charles
VI, dans l'intérêt de leur commerce et de leurs privilèges. Sous
les princes de la maison de Lancaster, Bordeaux
a acquis la plus grande indépendance et est devenue, grâce à son commerce
et à sa population, une des villes les plus importantes de la France.
Le
XVe siècle.
L'histoire de la commune au
XVe siècle est caractérisée, d'abord
par l'intervention des assemblées du peuple dans l'administration le patronage
qu'exerce Bordeaux sur toute la province de Guyenne. En 1401, Henri
IV, après avoir accordé une amnistie aux auteurs des troubles qui
avaient suivi la mort de Richard II,
confirma les privilèges de la ville et dispensa entre autres choses la
jurade de toute reddition de comptes au roi d'Angleterre
pour les droits qu'elle avait touchés sur les biens de la ville. En 1414,
on établit que les jurats ne pourront révoquer un règlement ancien sans
l'avis des trente conseillers de la ville. Enfin en voit l'assemblée de
la commune entière souvent réunie pour approuver la conduite des magistrats
municipaux vis-à -vis de l'administration royale. Ces assemblées devinrent
obligatoires pour toute demande de subsides faite par le roi
d'Angleterre. En même temps la commune a considérablement accru ses
forces militaires et sa milice est lapremière armée que fournisse la
Guyenne;
elle combat pour les Anglais, mais sans être au service de l'Angleterre.
Bordeaux est devenue, au XVe siècle, le
rempart de la domination anglaise en Guyenne. En
1441, une bulle du pape
Eugène IV institue à Bordeaux une université
organisée sur le modèle de celle de Toulouse, sous le patronage des magistrats
de la cité. En résumé, Bordeaux pendant la domination anglaise, profita
du grand conflit qui s'était engagé entre les rois de France et d'Angleterre,
pour étendre ses libertés, accroître ses privilèges et son commerce
et développer les institutions qui assuraient son indépendance.
« La suzeraineté
de l'Angleterre semble s'être réduite à être le témoin et l'auxiliaire
de son émancipation graduelle » (Brissaud).
Bordeaux de
1450 Ã 1900.
Bordeaux, assiégée
par Dunois, en 1431, promit de se rendre, si la
ville n'était pas secourue par les Anglais, à la condition que le roi
de France lui conserverait ses privilèges et coutumes et n'établirait
pas d'impôts nouveaux. Cette dernière condition n'ayant pas été exécutée,
la ville ouvrit, en 1452, ses portes à Talbot,
qui débarquait d'Angleterre et elle eut à subir un siège de trois mois
après la bataille de Castillon (ler août
au 9 octobre 1453). Il ne resta rien du traité de 1451; Bordeaux dut payer
à Charles VII 100,000 écus d'or et perdit
tous ses privilèges, notamment ceux de voter l'impôt, de battre monnaie
et d'avoir un Parlement. En 1454, sur les supplications des députés de
Bordeaux, le roi adoucit un peu ces conditions, réduisit l'amende à 30,000
livres, rétablit quelques-uns des droits et privilèges de la municipalité.
Mais il garda la nomination du maire, réunit au domaine l'impôt sur les
vins et établit un droit de 12 deniers pour livre sur les marchandises
importées et exportées. Pour s'assurer de la fidélité de la ville,
Charles VII éleva deux châteaux-forts qui ont subsisté jusqu'à la fin
du XVIIIe siècle, celui du Far ou du Hâ,
au Sud-Ouest de Bordeaux, remplacé ensuite par la place d'armes et la
prison départementale, et le château Tropeyte ou Trompette, sur l'emplacement
actuel des Quinconces.
-
Ancien
fort du Hâ. (Dessin de Hermann van der Hem).
Louis XI comprit
que pour s'attacher les Bordelais, il fallait leur faire quelques concessions
et il leur rendit une partie de leurs anciens privilèges;
en 1462, il institua dans le palais de l'Ombrière un Parlement, dont le
ressort s'étendait sur le Bordelais, le
Bazadais, les Landes ,
l'Agenais, le Périgord,
le Limousin et la Saintonge.
Il rétablit l'Université et fonda, sous l'invocation de Notre-Dame, une
confrérie de mariniers, à laquelle il fallait appartenir pour pouvoir
naviguer; enfin, en 1474, il accorda des droits importants aux étrangers
qui viendraient s'établir dans la ville. Charles
VIII fit rédiger les Coutumes, réorganisa les corporations
et maîtrises, dont il voulut être le chef, autorisa les nobles et les
prêtres à faire le commerce, etc. Ce ne fut que sous le règne de François
Ier que Bordeaux retrouva son ancienne
splendeur. François Ier passa par Bordeaux
en revenant de sa captivité de Madrid;
Charles-Quint
y fut reçu, en 1539, par les jurats qui lui présentèrent les clefs de
la ville. A l'instigation du roi de France,
les jurats de Bordeaux fondèrent, en 1534, le Collège de Guyenne, où
enseignèrent Scaliger, Buchanan,
Elie Vinet, auteur des Antiquités de Bordeaux, etc.; il était
situé derrière la mairie de Saint-Eloi, à côté de l'église Saint-Paul.
En 1548, l'établissement
de la gabelle souleva à Bordeaux
une insurrection formidable. Le lieutenant du roi, Moneins, fut massacré
par la populace, ainsi que quelques commis de la gabelle. La révolte fut
réprimée par le Parlement; les séditieux furent vaincus et plusieurs
d'entre eux condamnés à mort. Tout était apaisé lorsque Henri
II, qui était alors dans le Piémont,
donna au connétable de Montmorency l'ordre
de châtier Bordeaux. Bien que la ville n'opposât aucune résistance,
le connétable entra par la brèche faite à coups de canon, imposa aux
habitants une amende de 200,000 livres et les priva de tous leurs privilèges.
L'hôtel de ville devait être rasé, les cloches transportées au château
Trompette; les jurats furent condamnés, avec 120 bourgeois vêtus de deuil,
à déterrer avec leurs ongles le corps de Moneins et à aller l'inhumer
à Saint-André.
Plus de 150 personnes furent exécutées et Montmorency souilla sa mémoire
par de nombreux actes de barbarie. Enfin en 1550, Henri Il pardonna aux
Bordelais, réinstalla le Parlement, remit à la ville une partie de l'amende
et lui restitua quelques-uns de ses privilèges, entre autres celui d'élire
six jurats et un maire. La Réforme fit de nombreux prosélytes à Bordeaux
et dans les environs; elle fut combattue avec âpreté par le Parlement
de Guyenne, où François Ier
avait institué, en 1542, une chambre spéciale pour poursuivre les hérétiques.
Bordeaux souffrit beaucoup des Guerres de
religion, surtout durant les luttes de Duras et de Blaise de Montluc.
Charles
IX essaya de calmer les esprits en publiant des mesures de tolérance
que le Parlement refusa d'enregistrer.
La Saint-Barthélemy
eut son contre-coup dans cette ville; le 3 octobre 1572, deux cent soixante-quatre
calvinistes furent massacrés, avec l'autorisation
du gouverneur Montferrand. La ville cependant prospérait; son commerce
se développait; Charles IX confirmait les privilèges des foires de Bordeaux
et autorisait la création d'une bourse des marchands (1563). Mais en 1585,
la peste noire fit périr près de 14,000
personnes. Malgré les efforts des Ligueurs, Bordeaux resta constamment
fidèle à Henri III, grâce à la sage administration
et à l'énergie du maréchal Matignon. Le Parlement
de Guyenne fut un des premiers à reconnaître Henri
IV comme roi légitime. Pendant le règne de Louis
XIII et la minorité de Louis XIV, les dissensions
civiles désolèrent la Guyenne. L'histoire de Bordeaux est remplie par
les luttes des ducs d'Epernon, du cardinal de Sourdis et de son frère
l'archevêque Henri de Sourdis, avec le Parlement, par la tyrannie du second
duc
d'Epernon, la Fronde, l'opposition du
Parlement contre la cour, la faction de l'Ormée, etc. Plusieurs émeutes
éclatèrent : en 1635, à propos d'une taxe sur les cabarets; en 1649,
contre le duc d'Epernon; en 1650, contre Mazarin,
les Bordelais ayant pris parti pour Condé; ce
n'est qu'en 1653 que la paix fut rétablie et que Bordeaux obtint, avec
une amnistie, la confirmation de ses privilèges.
La mairie de Bordeaux,
supprimée depuis
1619, fut rétablie; le Parlement ne fut réintégré
qu'en novembre 1654. A l'occasion de son mariage, Louis
XIV, passant par Bordeaux, donna aux jurats des lettres de noblesse
et confirma les privilèges des bourgeois. Le roi fit agrandir le château
Trompette et construire le quai des Enfants-Trouvés aux Chartrons; ces
travaux amenèrent la démolition de la porte Saint-Germain et des Piliers
de Tutelle. Les mesures prises par Colbert pour
développer le commerce contribuèrent à la prospérité de Bordeaux,
où le roi établit un entrepôt de tabacs, créa une chambre de commerce
et exonéra de tous droits les marchandises exportées aux colonies. Mais
en 1675, une émeute éclata au sujet d'un nouvel impôt, dit de la marque
d'étain et du papier timbré, établi pour la guerre de Hollande.
Les troupes royales qui revenaient d'Espagne
furent cantonnées à Bordeaux; les bourgeois désarmés, les impôts
rétablis et le Parlement transféré à Condom,
d'où il ne revint qu'en 1690, moyennant le paiement par la ville de 400,000
livres.
-
Bordeaux
en 1669. (D'après une estampe de Berey).
En 1704, le feu prit
au Parlement et consuma une partie des archives. En 1713, fut fondée l'Académie
des sciences et belles-lettres de Bordeaux, Ã qui Jean-Jacques Bel, conseiller
au Parlement, léguait vingt-cinq ans plus tard son hôtel et sa bibliothèque.
En 1691, les jurats avaient établi une Académie de peinture et de sculpture;
en 1692, une école de marine; en 1694, des collèges de lois et de médecine.
Le règne de Louis XV fut pour Bordeaux une période
de prospérité. Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny, intendant de Guyenne
de 1743 à 1758, en fit, en peu d'années, une des plus belles villes de
France. Il abattit les remparts, combla les fossés et traça une ligne
le cours ou boulevards autour de la ville; c'est ainsi que furent créés
les cours d'Aquitaine, d'Albret, de Tourny, du Jardin public, les places
des Capucins, Saint-Julien, Dauphine, qui ne fut achevée qu'en 1770. Il
créa tout un quartier sur les terrains vagues situés devant le château
Trompette, afin de relier le faubourg des Chartrons à la cité, construisit
les hôtels de la Douane et de la Bourse, sur les plans de l'architecte
Gabriel, la porte des Capucins, démolie en 1885,
les portes Dijaux, de Bourgogne, et eut le premier l'idée d'un Jardin
public. En 1756, un incendie ayant détruit le palais de l'Intendance,
Tourny le fit reconstruire; il dota Bordeaux de fontaines, d'écoles, perça
de nouvelles rues, reconstruisit la ligne des quais, etc. Le duc de Richelieu
continua les embellissements de son prédécesseur; on établit le quai
de Bacalan, la route qui conduisait au passage de Lormont, et Mgr de Rohan,
archevêque de Bordeaux, fit construire un nouveau palais archiépiscopal
sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de Saint-André : c'est cet édifice
qui, en 1835, devint l'hôtel de ville de Bordeaux. En 1773, le roi céda
à la ville un emplacement sur l'esplanade du château Trompette, pour
la construction d'un théâtre
qui, élevé sur les plans de l'architecte Louis, était, avant la construction
du nouvel Opéra de Paris, le plus beau
théâtre de France (1780).
-
Louis-Urbain
Aubert, marquis de Tourny.
Intendant
de Bordeaux de 1743 Ã 1758.
A la fin du XVIIIe
siècle, Bordeaux était une ville des plus florissantes; sa population
atteignait 109,000 habitants et sa flotte marchande 300 navires, qui faisaient
surtout le commerce des
Antilles
et de Saint-Domingue .
Cette prospérité qui reposait donc en partie sur une économie esclavagiste,
réposait également sur l'exportation tous les ans de 125,000 tonneaux
de vin. Le Parlement de Guyenne, supprimé par Maupeou,
avait été rétabli en 1775; il prit part à la lutte qui s'engagea au
sujet des assemblées provinciales, sous le ministère de Brienne, et fut
exilé à Libourne (1787). Il fut un des
premiers à réclamer la convocation des Etats
généraux, mais il fut supprimé en 1790 et le palais de l'Ombrière
fermé. A la nouvelle de la prise de la Bastille,
le peuple courut aux armes et s'empara du château Trompette. L'antique
jurade fut remplacée parles 90 électeurs nommés pour élire les députés
aux Etats généraux. En mars 1790, les citoyens élurent un maire, 20
officiers municipaux, un procureur de la commune et 42 notables. On connaît
le rôle joué à l'Assemblée législative et à la Convention
par la députation de Bordeaux, Vergniaud,
Guadet, Grangeneuve, Gensonné, Ducos et Fonfrède, qui formèrent le centre
du groupe des Girondins. Après
les événements du 31 Juin et du 2 Mai et la proscription en masse des
députés de la Gironde, Bordeaux s'insurgea contre la Convention, qui
envoya quatre de ses membres, Chaudron-Rousseau, Beaudot, Ysabeau et Tallien,
avec mission de terroriser la
ville. Une commission militaire fut instituée dès 1793, et fut présidée
par le fameux Lacombe, ancien maître d'école, qui installa la guillotine
en permanence pendant huit mois sur la place Dauphine, mais qui fut exécuté
lui-même après le 9 Thermidor. Sous le Directoire
Bordeaux fut divisé en trois arrondissements municipaux, avec trois mairies
: les Chartrons, Saint-André, les Fossés, et un bureau central à l'hôtel
de ville. Sous le Consulat, la ville fut le centre d'une vaste conspiration
royaliste qui avorta.
Sous l'Empire, le
commerce de Bordeaux souffrit cruellement du blocus continental et de la
rivalité avec l'Angleterre.
Napoléon contribua
cependant à l'embellissement de Bordeaux, en faisant démolir le château
Trompette, qu'il abandonna à la ville et en ordonnant la construction
du pont de Bordeaux (1808),
qui ne fut achevé qu'en 1822. Bordeaux ouvrit ses portes aux Anglais en
1814, en même temps qu'au duc d'Angoulême. Pendant les Cent-Jours
la ville se soumit sans résistance au général Clausel, qui gouverna
la ville jusqu'au retour de Louis XVIII. La
Restauration
fut pour Bordeaux une époque de renaissance commerciale, littéraire et
artistique; mais son rôle politique est terminé à la fin du XVIIIe
siècle. En 1820, le fils posthume du duc de Berry, neveu de Louis XVIII,
reçut le titre de duc de Bordeaux et fut, jusqu'à sa mort, prétendant
au trône de France sous le nom d'Henri V. En 1818, après la disparition
du château Trompette, furent plantées les allées des Quinconces; en
1825, on construisit l'hôpital sur l'ancienne plate-forme Sainte-Eulalie;
en 1846; fut inauguré le palais da justice, construit en face de l'hôpital,
à la place du fort du Hâ.
Louis-Philippe
créa, en 1838, la Faculté des lettres et la Faculté des sciences de
Bordeaux, et la Société philomatique, fondée en 1808, inaugura, en 1839,
ses classes d'adultes. C'est à Bordeaux que le prince
Napoléon prononça, le 7 octobre 1852, ces paroles célèbres-:
« L'Empire, c'est la paix ! » que dix-huit années de règne ont
cruellement démenties. Le 9 décembre 1870, Bordeaux devint le siège
de la délégation du gouvernement de la défense nationale et fut, pendant
trois mois, la capitale de la France; c'est là que se réunit, le 12 février
1871, l'Assemblée nationale qui nomma, cinq jours après, Thiers président
de la République et vota, le 1er mars,
les préliminaires de la paix. (Léon Cadier).
Personnages
célèbres
Parmi les figures
remarquables qui ont illustré Bordeaux, on peut citer : le poète Ausone
(mort en 394); saint Paulin, évêque de Nole,
et poète (mort en 431); saint Prosper d'Aquitaine (mort en 464); Aliénor
d'Aquitaine, reine de France, puis d'Angleterre (morte en 1204) ; Bertrand
de Goth, pape sous le nom de Clément V (mort
en 1315); le Prince Noir (mort en 1376); Jean
de Grailly, captal de Buch (mort en 1369); Richard
II, roi d'Angleterre (mort en 1399) ; l'archevêque Pey Berland (mort
en 1456); le poète Pierre de Brach; Michel de
Montaigne, né en Périgord (mort en 1592); Etienne
de la Boétie (mort en 1563); les historiens Elie Vinet, Gabriel de
Lurbe; Girard du Haillan (mort en 1610); le cardinal
Gabriel de Gramont; le président de Gourgues (mort en 1626); le théologien
La Peyrère, auteur de la secte des Préadamites (mort en 1676); Jean-Jacques
Bel, conseiller au Parlement (mort en 1738); le marquis de Tourny (mort
en 1764); Berquin (mort en 1791); le président
Dupaty (mort en 1788); le médecin Roux (mort
en 1776); les financiers Beaujon (mort en 1786), et Cabarrus,
ministre du roi d'Espagne Joseph (mort 1840) ; les conventionnels Gensonné,
Ducos, Boyer-Fonfrède et Grangeneuve (mort en 1793); les généraux Bouder
(mort en 1809), et Nansouty (mort en 1815); le comte Jaubert, ministre
(mort en 1822) ; le célèbre avocat de Sèze
(mort en 1828); les ministres Lainé (mort en 1835); Peyronnet (mort 1853);
Ducos (mort en 1855); Elie Gauthier (mort en 1858); le publiciste Henri
Fonfrède (mort en 1841); le chimiste Boucherie; le médecin Magendie
(mort en 1855); le théologien Glaire; le bibliographe Gustave Brunet,
les peintres Carle Vernet (mort en 1836); Alaux, Brascassat,
Rosa Bonheur, Diaz, etc.; le statuaire Ch. Dupaty; les chanteurs Garat
et Laïs; le danseur Trénis, etc.
Conciles.
Il s'est tenu Ã
Bordeaux neuf conciles, en 885, 1076,
1079,
1098,
1255; 1262,
1582, 1583 et 1624.
Armes.
Les armes de Bordeaux
sont : De gueules à la porte de ville de sable, à cinq tours d'argent
dont l'une porte en girouette un léopard d'or, et baignant dans une mer
au naturel, au croissant d'argent, au chef d'azur semé de fleurs de lis-d'or
avec
la devise-: Lilia sola regunt undas, castra,
leonem. |
Bordeaux depuis
1871.
Après la défaite
de la France lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871) et la chute
du Second Empire, Bordeaux connaît une période de reconstruction et de
modernisation, bénéficiant de la prospérité liée au commerce du vin.
On assiste au développement des infrastructures, comme les quais de la
Garonne, le port, et les voies de chemin de fer qui facilitent les échanges
commerciaux. Bordeaux renforce sa position de capitale mondiale du vin,
avec des exportations croissantes vers l'Europe et les Amériques. Son
industrie se diversindustrielle avec le développement des secteurs de
la construction navale, des conserveries et des industries chimiques.
Au début du XXe
siècle, l'urbanisation avec la construction de nouveaux quartiers et de
bâtiments publics, comme le Grand Théâtre et des boulevards. Bordeaux
émerge comme un centre culturel avec des théâtres, des musées, et des
activités artistiques florissantes. Pendant la Première
Guerre mondiale, la ville joue un rôle stratégique en tant
que centre logistique et militaire. Elle accueille également des réfugiés
et des blessés. Les industries locales s'adaptent aux besoins de l'effort
de guerre.
Bordeaux poursuit
sa modernisation après la guerre. La ville est impactée par la crise
économique mondiale de 1929, mais elle parvient à maintenir un niveau
de prospérité grâce à son commerce du vin. La période est aussi celle
de turbulences politiques avec la montée du mouvement ouvrier et des tensions
sociales.
Lors de la Seconde
Guerre Mondiale, Bordeaux est occupée par les forces allemandes en
juin 1940. La ville est un centre logistique important pour l'armée allemande.
Des réseaux de résistance, mais son confrontés à une répression sévère.
Apès la guerre, l'économie de Bordeaux se diversifie avec le développement
de nouvelles industries et services. Il y a aussi un expansion urbaine
avec la construction de nouveaux quartiers et de grands ensembles. Les
infrastructures de transport sont améliorées, notamment avec le développement
de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac.
A partir des années
1970, le secteur technologique et aérospatial (avec des entreprises comme
Dassault Aviation) prend de l'importance. L'université de Bordeaux est
renforcée. La ville connaît un dynamisme culturel nouveau, avec des festivals,
des événements artistiques, et une scène culturelle florissante.
Le patrimoine architectural est mis en valeur.
Au cours des dernières
décennies, plusieurs projets de modernisation urbaine ont vu le jour,
comme le réaménagement des quais de la Garonne et le développement du
tramway. Des initiatives ont été lancées pour rendre la ville plus verte
et durable, avec des projets écologiques et de développement durable.
Bordeaux est devenue une destination touristique prisée, notamment grâce
à son patrimoine viticole et son inscription au patrimoine mondial de
l'Unesco en 2007. La diversification économique, avec un accent mis sur
l'innovation et les technologies de pointe.
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François
Hubert, François Hubert, Christian Block, Bordeaux
au XVIIIe siècle - le commerce atlantique et l'esclavage,
Festin, 2010.
Anne
De Mathan, Mémoires
de Terreur, l'An II Ã Bordeaux, PU Bordeaux, 2002.
Philippe
Gardey, Négociants
et marchands de Bordeaux : De la guerre d'Amérique à la Restauration
(1780-1830), PU Paris-Sorbonne, 2009. - Des
années 1780 aux années 1820, à Bordeaux, négoce et marchandise constituent
deux mondes distincts, mais qui entretiennent des relations serrées et
s'interpénètrent assez largement. Malgré le pullulement des sociétés
et des micro-entreprises, souvent éphémères, l'isolement de l'entrepreneur
est en permanence compensé par le soutien des parentés et par les solidarités
géographiques et religieuses, qui constituent tout autant un filet de
sécurité qu'une composante essentielle des stratégies commerciales.
Pour ces milieux, la Révolution ouvre un temps de malheurs - perte de
Saint-Domingue, dirigisme, Terreur et guerre maritime perpétuelle -, qui
vont restreindre l'activité portuaire. Mais l'époque est en même temps
celle d'un formidable renouvellement des acteurs, prouvant le dynamisme
extraordinaire d'une société capable, crise après crise, de reconstituer
des effectifs massacrés par la concurrence, les faillites, les abandons,
le repli vers la rente - quand ne s'y ajoute pas l'emprisonnement ou la
mort. En outre, ces années sont propices à la prospection de nouveaux
marchés et aux réussites. Si les vieilles dynasties sont ébranlées,
les opportunités propulsent très haut des hommes qui n'auraient pas eu
leur chance en des temps plus calmes. Dans les années 1820, les niveaux
de fortune, comme les progrès de l'art de vivre, témoignent de la solidité
d'une bourgeoisie marchande, certes moins brillante qu'avant la Révolution,
mais qui occupe désormais la première place devant la noblesse.
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