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Une
bibliothèque (du grec biblion = livre, et thèkè
= dépôt, lieu où l'on cache) est un collection de livres et lieu où
on les conserve. Les bibliothèques furent connues de toutes les grandes
civilisations de l'Antiquité .
L'histoire des bibliothèques, des collections de livres destinés à un
nombre plus ou moins restreint de lecteurs est intimement liée à celle
de la littérature. Du jour où l'invention
de l'écriture permit aux humains de conserver
les productions des poètes et des prosateurs, il y eut des collections
de manuscrits.
L'Antiquité.
Il y eut très tôt
des bibliothèques en Chine
et en Inde .
Pour s'en tenir au monde méditerranéen, on peut remarquer que ces premières
collections avaient un caractère sacré, hiératique et qu'elles étaient
en général placées dans les temples. C'est ainsi qu'on a retrouvé Ã
Babylone, Ã Ninive,
à Mari, etc. quantité de briques émaillées ou des tablettes de terre,
portant des textes sacrés, des listes de divinités, des tables
astronomiques, des traités d'histoire et
de grammaire et quantité d'autres informations.
Disposées sur des tablettes dans une des salles supérieures du palais
de Kouioundjik, par les soins du roi Assurbanipal,
elles ont en partie péri; les débris en sont conservés aujourd'hui au
British Museum (Perret, Histoire de l'Art, Il, 45-48).
Ces antiques bibliothèques
étaient évidemment réservées à l'usage du souverain, mais on retrouvait
un peu partout des collections de livres dans les temples. Chez les Hébreux,
par exemple, on conservait les livres de la loi et les écrits saints;
les livres de Moïse ( Le
Pentateuque ),
de Josué ,
des Rois
et des Prophètes étaient conservés dans le temple de Jérusalem,
que brûla Nabuchodonosor. Après le retour de la captivité de Babylone,
Esdras et Néhémie prirent soin de reformer
une collection des livres sacrés. Dans chaque synagogue,
il y avait une bibliothèque où on allait lire l'Écriture sainte ;
tout Juif avait en quelque sorte sa bibliothèque
particulière, puisque c'était pour chacun une obligation de posséder
les livres qui concernaient la religion et de faire de sa propre main une
copie de la loi. Tous ces dépôts ont péri lors de la conquête romaine .
En Egypte ,
chaque édifice sacré possédait des rituels et des livres usuels de médecine
et d'agriculture. Si l'on en croit Diodore de Sicile,
un roi d'Egypte, qu'il appelle Osymandias, aurait même formé une riche
collection de livres à laquelle il aurait donné le nom de Médecine
de l'âme (ou Trésor des remèdes de l'âme). Le nom de ce
roi ne se retrouve pas dans les listes des rois égyptiens, mais la description
du monument que l'historien grec attribue à ce prince fabuleux, paraît
s'appliquer au célèbre Ramesséum ,
construit par Ramsès II
aux environs de Thèbes ,
et dans ce palais, on a retrouvé une salle ayant renfermé des papyrus
et placée sous l'invocation des divinités Toth et Saphré. Memphis
avait une bibliothèque dans le temple de Phtha.
Ctésias dit avoir consulté les livres conservés
en Perse ,
et on sait que Mégasthène explora la bibliothèque
de Suse. La littérature égyptienne est
d'ailleurs aujourd'hui suffisamment connue; on a publié et traduit des
traités théologiques, des ouvrages de médecine, des contes,
des apologues, des poèmes, etc.
En Grèce ,
dès le VIe siècle av. J.-C., des collections
particulières avaient été formées par Polycrate à Samos ,
par Pisistrate à Athènes.
Celle de Pisistrate fut emportée en Perse par Xerxès,
et rapportée, si l'on en croit Aulu-Gelle,
par Séleucos Nicator. On peut citer encore
les bibliothèques particulières d'Aristote,
Euclide, Euripide,
Nicocrate de Chypre ,
les bibliothèques publiques d'Héraclée, d'Apamée ,
et surtout celle de la ville de Cnide ,
composée spécialement d'ouvrages de médecine .
Vers la fin du IVe siècle av. J.-C., Ptolémée
Soter fonda la fameuse bibliothèque
d'Alexandrie, formée d'après ses
ordres par les soins de Démétrius de Phalère,
et qui devait s'accroître de la bibliothèque des rois de Pergame ,
Eumène II et Attale
Il.
Les premières collections
importantes de livres que Rome
ait possédées furent celles que Paul-Émile
et Sylla rapportèrent de la Grèce
après leurs victoires. Plutarque parle de
la bibliothèque de Lucullus
comme d'une des plus belles du monde. Cicéron
et Atticus possédèrent de belles collections.
Au temps d'Auguste, les bibliothèques se multiplièrent.
Elles furent alors placées sous les portiques
des temples. Ce fut un exemple dont les grands profitèrent; ils firent
disposer leurs collections dans les vestibules de leurs maisons et quelquefois
dans leurs bains. Sous les empereurs,
on distinguait à Rome quatre bibliothèques principales : celle d'Apollon
Palatin, rassemblée par Jules César et par Auguste,
et où les beaux esprits du temps se réunissaient pour se communiquer
leurs ouvrages; celle d'Octavie, sous le portique du temple d'Octavie ,
près du théâtre de Marcellus ;
celle de Trajan, connue sous le nom d'Ulpienne,
placée d'abord sur le Forum ,
et transportée plus tard dans les Thermes
de Dioclétien; et celle d'Asinius
Pollion, l'ami de Virgile, placée sur l'Aventin ,
dans l'atrium
du temple de la Liberté, et la première qui ait été véritablement
publique.
On peut citer encore
la bibliothèque de Pline le Jeune dans sa villa
de Laurentum; celle de Sammonicus Sérénus, précepteur de l'empereur
Gordien le Jeune, si vantée par Isidore
de Séville et par Boèce;
celle que Vespasien plaça dans le temple de
la Paix, et qui fut brûlée sous Commode; celle
du grammairien Epaphrodite, qui rassembla 30 000 volumes; l'Athénée,
qui dut son origine à l'empereur Hadrien. En
334, une bibliothèque fut fondée à Constantinople
par Constantin le Grand; une loi de Valens,
en 362, rapportée dans le Code théodosien, y attacha sept copistes, quatre
grecs, trois latins, sous les ordres du bibliothécaire principal.
Dans ces bibliothèques
de l'Antiquité ,
il y avait peu de libri proprement dits ou de codices; on n'y voyait guère
que des volumes ou rouleaux. Les volumes, garnis de leurs étiquettes,
étaient disposés dans des casiers; la case s'appelait loculus
ou nidus, le casier pegma, un ensemble de casiers armarium.
II ne faut pas s'abuser sur l'importance des bibliothèques anciennes :
celle des Ptolémées, avec ses 200.000
volumes, ne contenait pas plus de matière qu'une de nos bonnes bibliothèques
privées.
Les chrétiens
ne se montrèrent pas moins soucieux que les païens de la conservation
des trésors de la littérature : au IIIe
siècle, chaque église avait sa bibliothèque.
Dispersées et détruites dans les persécutions, ces collections se reformèrent
dès que la paix eut été rendue à l'Église .
L'évêque entretint pour cet objet des gardes-notes, des copistes,
parmi lesquels on comptait nombre de jeunes vierges. Les bibliothèques,
composées principalement de livres ecclésiastiques, de leçons données
de vive voix par les docteurs chrétiens et recueillies par les tachygraphes,
n'excluaient pas cependant les poésies et
les traités de philosophie naturelle. Saint Basile
recommande aux adolescents la lecture d'Homère,
d'Hésiode et de Théognis.
Saint Augustin nous apprend que, dans la bibliothèque
d'Hippone ,
on lisait assidument Homère et Virgile. Les
historiens parlent avec éloge des bibliothèques formées par Saint Jérôme,
Georges, évêque d'Alexandrie, Isidore
de Péluze, Isidore de Séville; Jules l'Africain
en fonda une à Césarée ,
laquelle fut augmentée par Eusèbe et Grégoire
de Nazianze.
Le Moyen âge.
Durant toute la
periode du Moyen âge ,
on ne trouve de nombreuses bibliothèques que chez les Arabes. On sait
que plusieurs califes, Haroun-al-Raschid
et son fils AI-Mamoun entre autres, recueillirent
à grands frais tous les livres de sciences et de philosophie
de l'ancienne Grèce .
On cite parmi les plus importantes bibliothèques arabes, celles de Fès
et de Marrakech, qui comptaient chacune
près de 100.000
volumes, et celle de Cordoue, qui en avait
250.000. En Occident,
au contraire, les livres étaient prodigieusement rares , une bibliothèque
d'une centaine de volumes était une merveille. Les invasions germaniques
avaient améné peu à peu la ruine des bibliothèques et la disparition
des chefs-d'oeuvre de l'Antiquité .
Cependant, indépendamment de la Bible
et de la théologie, la bibliothèque de Cassiodore
contenait encore les livres de trente-sept auteurs. Sidoine
Apollidaire (Ep. II, 9) donne des détails intéressants sur la bibliothèque
du préfet Tonance Ferréol.
Si tout n'a pas péri,
nous en sommes redevables au zèle d'une petite frange du clergé, qui
seule avait conservé le goût des sciences, le sentiment et le regret
du beau dans la littérature, surtout aux religieux de l'ordre
de Saint-Benoît, auxquels leur fondateur avait recommandé la
transcription et la correction des livres. Parmi les bibliothèques monastiques,
nous citerons celles de Mici, près d'Orléans,
vers l'an 520, et de Turnet, près de Vienne ;
celle de Fontenelle, pour laquelle Saint Wandrille
envoyait chercher des manuscrits jusqu'Ã Rome;
celles de Saint-Denis, de Jumièges; de
Saint Médard à Soissons; celle de Saint-Bertin,
qui ne devait pas manquer d'importance, puisque Charlemagne,
dans un diplôme en faveur des moines de cette abbaye,
leur permettait la chasse à l'effet de se procurer les peaux nécessaires
à la reliure; celle de Pontivy ,
la plus considérable de toutes, qui contenait, en 814.200
volumes; celles de Ferrières ,
de Fleury-sur-Loire ( = Saint-Benoît-sur-Loire ),
de Cluny ,
de Saint-Germain-des-Prés ,
du Bec ,
de Gembloux en Belgique ,
de Saint Victor de Marseille, de Saint-Père-en-Vallée
à Chartres.
Les Lettres
de Loup, abbé de Ferrières au IXe siècle,
nous apprennent que ce fut à l'aide d'emprunts faits aux bibliothèques
d'Angleterre
et d'Irlande
que les bibliothèques françaises parvinrent à se reformer. Cet abbé
avait établi des copistes à la Celle de Saint-Josse-sur-Mer,
localité voisine de Montreuil, et, par conséquent, fort bien placée
pour recevoir les premières communications qui venaient des monastères
d'Angleterre. Comme bibliothèques épiscopales, nous citerons, au IXe
siècle, celle de Fréculfe, abbé de Lisieux ;
au XIIe, celles de Pierre de Blois
et de Jean de Salisbury .
Parmi les princes, on sait que Charlemagne
prit soin de réunir les Chants écrits en langue
germanique, et forma pour lui-même une bibliothèque dans le monastère
de l'île Barbe
près de Lyon. Saint Louis
fournit de sa bourse à son lecteur Vincent
de Beauvais les moyens de réunir les
immenses matériaux nécessaires pour la composition de sa Bibliotheca
mundi; il fonda une bibliothèque dans la Sainte-Chapelle
du Palais, à Paris, et en accorda l'entrée
aux personnes studieuses. Charles V établit
une bibliothèque au Louvre, et voulut qu'on
pût y étudier encore après la fin du jour; ce fut l'ancêtre de la Bibliothèque
nationale .
Ses deux frères partagèrent son goût pour les livres : Jean,
duc de Berry ,
pour lequel travailla Nicolas Flamel; et Philippe
le Hardi, duc de Bourgogne ,
dont la bibliothèque existe encore en partie à la Bibliothèque de Bruxelles .
Les premières
bibliothèques publiques
La prise de Tolède,
en 1085 par le roi de Castille '
Alphonse VI
, et l'accès qu'elle permettait à la bibliothèque qu'y avaient constitué
les Arabes avait déjà commencé à faire retrouver par l'Europe latine
les auteurs de l'Antiquité. Une école de traducteurs y fut très active
au XIIIe siècle. Les Croisades
avaient été également une occasion d'entrer en contact avec un monde
où les lettres s'étaient beaucoup mieux conservées qu'en Occident. Mais
c'est surtout à la Renaissance ,
dès le XVe siècle, que le goût des livres
s'accrut fortement en Europe; trois causes contribuèrent à ce résultat:
la prise de Constantinople, qui amena
dans l'Occident les lettrés et les savants de l'empire d'Orient ;
la découverte de l'imprimerie;
et l'établissement des postes, qui facilita les relations entre les particuliers.
Un autre progrès,
qui remonte à la Renaissance fut la publicité des bibliothèques : les
bibliothèques de l'Antiquité
étaient plus ou moins accessibles, communes à un plus ou moins grand
nombre de personnes; mais il y en eut peu ou pas de complétement publiques,
dans le sens où nous l'entendons de nos jours. La première idée en appartient
à Richard de Bury, évêque de Durham ,
chancelier d'Angleterre
en 1336, et se trouve exposée dans son intéressant ouvrage, le Philobiblion.
La bibliothèque du Chapitre de Rouen était
accessible aux étrangers, et publique, au moins dans une certaine mesure,
avant 1428, puisque, cette année, des mesures furent prises par les chanoines
pour remédier aux inconvénients causés par une publicité trop étendue
: c'est peut-être là le premier exemple d'une bibliothèque publique
en France ;
la Bibliothèque Mazarine,
qui revendique cet honneur, ne fut ouverte qu'en 1644. L'Italie
et l'Angleterre avaient précédés les Français de quelques années
dans l'adoption de cette utile mesure de la publicité : la Bibliothèque
Angélique à Rome date de 1620; la Bibliothèque
Bodléienne à Oxford ,
de 1612; l'Ambrosienne Ã
Milan, de 1608 ; mais, dès 1437, le Florentin
Nicholi, possesseur des livres de Boccace, avait
ordonné par testament que les 800 manuscrits
qui composaient sa bibliothèque fussent affectés à un usage public;
Cosme de Médicis accepta le legs et fit installer
les livres de Nicholi dans la maison de Saint-Marc de Florence.
La Bibliothèque du Vatican était publique
dès la fin du XVe siècle.
L'importance des
bibliothèques comme moyen d'instruction fut reconnue en France
par l'Assemblée nationale, et posée en principe dans le projet de Talleyrand
et dans celui de Condorcet sur l'organisation
de l'instruction publique. La confiscation des biens des communautés religieuses
et des émigrés avait mis sous la main de la nation une masse énorme
d'objets d'art et de livres, dont il était naturel de songer à tirer
parti. Un décret de la Convention, du 8 pluviôse an II (27 janvier 1794),
ordonna de former une bibliothèque dans chaque chef-lieu de district,
et d'adresser au ministre de l'instruction publique une copie du catalogue
qu'on supposait avoir déjà été fait. Les administrations de district
ne comprirent pas généralement l'importance de ces bibliothèques; elles
les laissèrent périr, faute de surveillance et de secours. L'idée d'une
bibliothèque par district fut donc bientôt abandonnée. Le décret du
3 brumaire an IV (25 octobre 1795), qui créa les écoles centrales, décida
qu'une bibliothèque leur serait annexée; mais cette organisation n'eut
elle-même qu'une courte durée. Plus tard, les bibliothèques furent abandonnées
aux soins et à la charge des administrations municipales.
(B.). |
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