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Le Moyen Âge
La Guerre de Cent ans
La guerre de Cent Ans correspond à une série de conflits fondés sur des considérations dynastiques qui ont opposé la France et l'Angleterre au Moyen âge. Elle commença en 1337 et finit en 1453. Cette guerre eut pour principales causes la rivalité séculaire des deux pays et les prétentions d'Édouard III, roi d'Angleterre, au trône de  France. Cette guerre, qui occupe les règnes des rois de France Philippe VI, Jean II, Charles V, Charles VI et Charles VII, et des rois d'Angleterre Édouard III, Richard II, Henri IV, Henri V et Henri VI, peut se diviser en quatre périodes. Pendant la première, l'Angleterre marque sa domination en infligeant à la France des défaites désastreuses, encore aggravées par une crise révolutionnaire (1337-1364); pendant la seconde, la situation se rééquilibre sous l'habile gouvernement de Charles V (1364-1380); pendant la troisième, la France est accablée de nouveaux revers et par des discordes civiles (1380-1429); Enfin, pendant la quatrième, les Anglais (1429-1453) se trouvent mis en difficulté, en partie du fait de l'aide que la Flandre, la Bretagne, la Bourgogne, l'Écosse, la Castille, la Navarre apportent à la France, en partie aussi à cause de la situation intérieure qui prélude en Angleterre à la guerre des Deux Roses. Cette dernière peut d'ailleurs être vue comme la principale cause de la fin de la Guerre de Cent ans.
Causes et première période

Depuis que la Normandie, en 1066, l'Aquitaine ou Guyenne, le Maine, la Touraine et l'Anjou, en 1154, appartenaient aux rois d'Angleterre, les rois de France avaient toujours essayé de leur enlever ces possessions. Philippe-Auguste s'était emparé de celles du Nord (1203-1206), mais l'Angleterre avait encore une grande partie de la Guyenne quand Édouard III monta sur le trône (1327). Petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, Édouard III aurait pu, sans la loi salique, aspirer à la couronne de France, mais il laissa Philippe VI de Valois, petit-fils du roi Philippe III, prendre cette couronne (1328), et il lui rendit même hommage en 1329 et 1334 pour la Guyenne et le Ponthieu. Bientôt l'intervention de Philippe VI dans les affaires de Flandre et d'Écosse irrita Édouard III. Excité par Robert d'Artois, ennemi de Philippe VI, et par les Flamands, que leurs intérêts commerciaux attachaient à l'Angleterre, Édouard prit le titre de roi de France, réclama la couronne usurpée par Philippe de Valois, et la guerre de Cent ans commença (1337). La France semblait plus forte que l'Angleterre, mais celle-ci l'emporta longtemps par la supériorité de son organisation militaire.

Les Flamands, avec leur chef Jacques Artevelde, s'étant révoltés contre leur comte, Louis de Male, vassal fidèle de Philippe VI, le roi d'Angleterre débarqua en Flandre et s'avança jusqu'à l'Oise, pendant que les Français attaquaient la Guyenne et les côtes anglaises, mais le principal événement fut la défaite de la flotte française près de l'Écluse (24 juin 1340). Une trêve de deux ans fut ensuite conclue près de Tournai, le 25 septembre 1340. Dès l'année suivante, les hostilités recommencèrent, quand Philippe VI et Édouard III intervinrent dans la guerre de la succession de Bretagne, le premier pour son neveu Charles de Blois, l'autre pour Jean de Montfort. En 1341, ce prince fut pris dans Nantes, mais sa femme, Jeanne de Flandre, résista et fut secourue par Édouard III, qui, d'ailleurs, échoua aux sièges de Rennes, de Nantes et de Vannes (1342). Cette guerre de Bretagne fut interrompue par la trêve de Malestroit (19 janvier 1343), mais elle se ralluma bientôt, par la faute de Philippe VI, qui fit exécuter sans jugement le sire de Clisson et dix autres chevaliers ou écuyers bretons (1343). Charles de Blois chasse la comtesse de Montfort, qui va demander secours à Édouard III. Cette nouvelle phase de la guerre est signalée, en Bretagne, par le retour de J. de Montfort, qui s'est évadé et qui meurt peu après; en Flandre, par un soulèvement populaire contre J. Artevelde, qui est tué; en Guyenne par une invasion des Français, battus à Auberoche (1345). C'est alors qu'Édouard III, sur les conseils d'un seigneur normand, Geoffroy d'Harcourt, débarque dans le Cotentin, ravale la Normandie, entre en Picardie, gagne la grande victoire de Crécy (26 août 1346), et assiège Calais

Les Écossais, alliés de la France, sont battus à Nevil's Cross (17 octobre); Charles de Blois est défait et pris par les Anglais à la Roche-Derrien (20 juin 1347), et Calais capitule, après un siège de onze mois, le 3 août 1347. La trêve de Calais (28 septembre 1347), plusieurs fois renouvelée, suspendit les hostilités pendant quelques années, sans qu'on pût arriver à faire la paix. En 1355, Édouard III envahit l'Artois, tandis que son fils, le prince Noir, pillait le Languedoc, et que son allié, Charles le Mauvais, roi de Navarre, attaquait la Normandie. La guerre continuait aussi en Bretagne, où le jeune Bertrand Du Guesclin se signalait déjà parmi les partisans de Charles de Blois
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En 1356, le roi Jean II jeta en prison le roi de Navarre, puis il repoussa le duc de Lancastre, qui avait envahi la Normandie, mais il fut vaincu et pris par le prince Noir à la bataille de Poitiers (19 septembre) Cette nouvelle défaite de la noblesse française souleva l'indignation du peuple et amena une crise terrible. Les États généraux, dirigés par Etienne Marcel, exigèrent des réformes et voulurent s'emparer du gouvernement; les Jacques, ou paysans insurgés, commirent d'atroces cruautés (La Jacquerie).

Charles le Mauvais s'évada et vint à Paris disputer le pouvoir au jeune dauphin Charles, régent du royaume. Innocent VI avait fait conclure, à Bordeaux, une trêve de deux ans (23 mars 1357), mais Édouard III n'en songeait pas moins à se partager la France avec le roi de Navarre, et il signait avec Jean II le traité de Londres (24 mars 1359), qui lui enlevait la plus grande partie de son royaume. Le dauphin aima mieux combattre que d'accepter une pareille convention. Édouard revint en France, s'avança jusqu'à Paris, puis jusqu'à Chartres, en perdant inutilement beaucoup de monde, et consentit à signer, le 8 mai 1360, le traité de Brétigny, moins ruineux pour la France que celui de Londres.

Deuxième période

Charles V (1364-1380) profita des contestations auxquelles donna lieu le traité de Brétigny pour en différer l'exécution. D'ailleurs, les Anglais et les Français avaient encore l'occasion de se combattre, soit en Normandie, où les Anglo-Navarrais furent défaits par Du Guesclin à Cocherel (16 mai 1364), soit en Bretagne, où Charles de Blois fut vaincu et tué à Auray (28 septembre 1364) par Jean IV, fils de Jean de Montfort, soit en Castille, où Du Guesclin renversa Pierre le Cruel, défendu par le prince Noir et mit sur le trône Henri de Trastamare, allié de la France (1366-69).

Charles V déclara la guerre à Édouard III, en soutenant contre lui les seigneurs gascons, sous prétexte qu'il avait manqué à ses engagements et outrepassé ses droits (avril 1369). Les populations du Midi se révoltaient contre la domination anglaise. Du Guesclin, nommé connétable de France, battit R. Knolles à Pontvallain (1370); le prince Noir, après avoir saccagé Limoges, revint malade en Angleterre; Charles V fit la paix avec Charles le Mauvais (1371); une flotte anglaise fut détruite, près de La Rochelle, par une flotte castillane (1372), et Jean IV fut chassé par les Bretons pour s'être allié avec Édouard  III (1373). Battus encore par Du Guesclin à Chizé (21 mars 1373), les Anglais perdirent toutes les possessions qui leur restaient entre la Loire et la Gironde; le duc de Lancastre traversa la France, de Calais à Bordeaux, sans pouvoir livrer bataille, en perdant peu à peu son armée (1373); le duc d'Anjou conquit une partie de la Guyenne et reçut la soumission des seigneurs gascons (1374). Alors Édouard III conclut la trêve de Bruges (27 juin 1375), qui fut prolongée jusqu'au 24 juin 1377

Le vieux roi d'Angleterre, après avoir perdu son fils, le prince Noir (17 juillet 1376), mourut le 21 juin 1377, laissant le trône à son petit-fils, Richard II, âgé de dix ans. Aussitôt, le roi de France recommença la guerre, sur mer, en Artoiset en Guyenne contre les Anglais, en Normandie et en Navarre contre Charles le Mauvais, redevenu leur allié (1377-78). Le duc de Lancastre essaya vainement de rétablir Jean IV en Bretagne et de reprendre Saint-Malo (1378); Charles V fit condamner Jean IV et voulut réunir son duché à la France, mais les Bretons, jaloux de leur indépendance, rappelèrent leur duc et le soutinrent, avec l'aide des Anglais. Du Guesclin lui-même ne voulait pas combattre ses compatriotes. D'ailleurs, il mourut le 13 juillet 1380. Le règne de Charles V, après tant de succès, se termina au milieu de ces revers (16 septembre 1380), tandis que le comte de Buckingham conduisait une armée anglaise de Calais en Bretagne.

Troisième période (1380-1429)

Pendant la plus grande partie du règne de Charles VI, la guerre fut beaucoup moins active, à cause des troubles qui eurent lieu en Angleterre et en France. En 1381, le duc de Bretagne fut obligé de faire la paix avec Charles VI (janvier). En 1383, les Anglais vinrent attaquer le comte de Flandre, mais ils furent repoussés, et une trêve fut signée à Leulinghen le 26 janvier 1384. Quelques jours auparavant, était mort le comte de Flandre, Louis de Male (9 janvier). Ses vastes domaines passèrent à son gendre, Philippe le Hardi, déjà duc de Bourgogne, fils du roi Jean le Bon.

Après d'inutiles et coûteux préparatifs pour un débarquement en Angleterre, une nouvelle trêve fut conclue le 18 août 1388, et elle fut renouvelée en 1389, en 1394, en 1396. Richard II était occupé à lutter contre ses oncles; le duc de Bourgogne disputait le pouvoir au connétable Olivier de Clisson et il était parvenu à le ressaisir, depuis que Charles VI était tombé en démence (1392). Des négociations, entamées pour amener un rapprochement entre la France et l'Angleterre, aboutirent à la trêve de Paris, conclue pour vingt-huit ans, le 9 mars 1396, et Richard II épousa Isabelle de France, fille de Charles VI, le 26 septembre suivant. Trois ans plus tard (août 1399), Richard II fut renversé par H. de Lancastre, qui régna sous le nom de Henri IV (1400-1413). Cette révolution, suivie de la mort violente de Richard II (février 1400), ranima les hostilités entre la France et l'Angleterre, sans que la trêve fût formellement rompue. Elle fut même confirmée en 1400 et en 1403, et il y eut des pourparlers pour la paix. 

Henri IV était occupé à consolider son trône; le duc d'Orléans, frère de Charles VI, soutenu par la reine Isabeau de Bavière, disputait le gouvernement au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi (1403), puis à son fils, Jean sans Peur, qui le faisait assassiner en 1407, et bientôt commençait une véritable guerre civile, la lutte des Armagnacs et des Bourguignons. Henri IV vit son alliance recherchée par les uns et par les autres. Il envoya des secours aux Armagnacs, en 1412, mais il profita peu de ces discordes. Son fils, Henri V, (1413-1422) signa bien, le 25 septembre 1413, une trêve, qui fut prorogée en 1414 et en 1415, mais il réclama l'exécution du traité de Brétigny, se rapprocha de Jean sans Peur, puis, après l'expiration de la trêve, il débarqua en Normandie et remporta la grande victoire d'Azincourt (25 octobre 1415). 

Le duc de Bourgogne reprit les armes contre le connétable Bernard d'Armagnac, beau-père du jeune duc Charles d'Orléans, captif en Angleterre, et contre le dauphin Charles, qui laissait le pouvoir aux Armagnacs. Pendant que Henri V s'emparait de Caenet d'une partie de la Normandie, Jean sans Peur s'alliait avec la reine Isabeau (1417); les Bourguignons entraient, par surprise, dans Paris (nuit du 28 au 29 mai), où ils massacraient les Armagnacs, gardaient le vieux roi Charles VI et établissaient dans la capitale un gouvernement opposé à celui du dauphin, qui se retirait à Poitiers. En 1419, la prise de Rouen par Henri V et l'assassinat de Jean sans Peur par les Armagnacs (10 septembre) rendirent la situation de la France encore plus critique. Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur, s'entendit avec le roi d'Angleterre, avec la reine Isabeau de Bavière, et fit conclure le traité de Troyes (21 mai 1420) qui donnait à Henri V la main de Catherine, fille de Charles VI, avec les titres de régent et d'héritier du royaume de France. Le dauphin Charles, encore soutenu par l'Écosse et par de fidèles partisans, . devint le dernier espoir de salut. Henri V fit capituler Melun (novembre 1420) et retourna en Angleterre. 

Son frère, Thomas, duc de Clarence, fut vaincu et tué à Baugé (22 mars 1421), mais les troupes du dauphin furent défaites par le duc de Bourgogne à Mons-en-Vimeu (30 août). Henri V, revenu en France, s'empara de Meaux (2 mai 1422), fit une entrée solennelle à Paris (30 mai) et mourut au château du Bois de Vincennes le 31 août. Il laissait ses deux royaumes à son fils, Henri VI, né le 6 décembre 1421, qui eut pour régents ses oncles, le duc de Bedford en France, le duc de Glocester en Angleterre. Charles VI mourut le 24 octobre suivant 1422) et son fils prit le nom de Charles VII (1422-1461). Ce prince était jeune, faible, insouciant, et Bedford était un homme habile. Sous sa direction habile les Anglais furent vainqueurs à Cravant-sur-Yonne (31 juillet 1423) et à Verneuil (17 août 1424). Alors Charles VII, sur les conseils de sa belle-mère, Yolande d'Aragon, donna l'épée de connétable (7 mars 1425) au comte de Richemont, frère du duc de Bretagne Jean V, et beau-frère du duc de Bourgogne. Richemont voulut réorganiser l'armée et réconcilier Philippe le Bon avec Charles VII, mais, mal secondé par des troupes indisciplinées, battu devant Saint-James-de-Beuvron (6 mars 1426), abandonné par le duc de Bretagne, obligé de lutter sans cesse contre les favoris du roi, il tomba bientôt en disgrâce (1427), et son ennemi, G. de la Trémoille, devint maître du gouvernement. Cependant, les Anglais, quoique vaincus devant Montargis par le bâtard d'Orléans (5 septembre 1427), faisaient des progrès continus et s'avançaient vers la Loire. Le 12 octobre 1428, ils commençaient le siège d'Orléans et, le 12 février 1429, ils battaient, à Rouvray, une petite armée qui venait au secours de la ville (Journée des harengs).

Quatrième période (1429-1453).

C'est ici qu'intervient Jeanne d'Arc, amazone fanatique, mais dont la propagande à laquelle elle donna lieu vint ranimer les courages abattus et préluder, par la délivrance d'Orléans (8 mai 1429) au relèvement de la France. Victorieuse à Patay (16 juin), elle fit sacrer Charles VII à Reims (17 juillet), mais, abandonnée par ce prince indolent, par l'égoïste La Trémoille, elle échoua devant Paris, fut prise à Compiègne (24 mai 1430), livrée par le duc de Bourgogne aux Anglais et brûlée à Rouen le 30 mai 1431. Néanmoins, les spectaculaires exploits de la Pucelle avaient porté un coup mortel à la fortune de l'Angleterre. La Trémoille fut renversé par Yolande et le connétable de Richemont, qui reprirent le pouvoir (juin 1433). Tout en combattant les Anglais et en réprimant les excès des gens de guerre, Richemont prépara un rapprochement entre le duc de Bourgogne et le roi de France. Philippe le Bon, que Glocester avait irrité, et que Bedford lui-même n'avait pas toujours assez ménagé, fit enfin la paix avec Charles VII par le traité d'Arras (20 septembre 1435). 

Avec l'alliance de la Bourgogne, les Anglais, qui avaient refusé de faire la paix, perdirent leur supériorité. Bedford venait de mourir (14 septembre); les populations de la Normandie s'insurgeaient. Le 13 avril 1436, Richemont chassa les Anglais de Paris, avec, l'aide des Bourguignons et des habitants révoltés. Il reprit ensuite Malesherbes, Nemours, Montereau (1437), Meaux (1439), et, encouragé par les réclamations des États d'Orléans, il entreprit la réforme de l'armée, malgré un échec qu'il éprouva devant Avranches, à cause de l'indiscipline des gens de guerre (1439). 

Une révolte militaire et féodale, la Praguerie, eut lieu en 1440 et fut vigoureusement réprimée par Charles VII. 

La Praguerie est une révolte féodale contre Charles VII (1440). On l'appela ainsi en souvenir des troubles qui avaient désolé récemment la Bohème et sa capitale. La Praguerie eut pour causes : les progrès du pouvoir royal et les réformes militaires qui inquiétaient la noblesse et les chefs de bandes; pour principal instigateur, le duc de Bourbon; pour résultat, le triomphe de la royauté. Depuis le traité d'Arras (1435), la puissance de Charles VII n'avait cessé de s'accroître. Ce n'était plus le prince insouciant et faible qu'on appelait dérisoirement le roi de Bourges. Bien secondé par ses ministres et ses capitaines, il avait repris sa capitale (1436); il s'occupait de la guerre et du gouvernement; il voulait chasser les Anglais de son royaume, y établir l'ordre, réorganiser l'administration, l'armée, soumettre à l'autorité royale tous ceux qui s'étaient habitués à s'en affranchir. Pour cela, il lui fallait surtout une armée disciplinée, sûre, au lieu des routiers pillards et vagabonds qui n'obéissaient qu'à des chefs indépendants. Une réforme militaire avait été commencée par plusieurs ordonnances, dont la principale, celle d'Orléans (2 novembre 1439), avait posé en principe que le roi seul avait le droit de lever des troupes. Désormais nul ne pouvait être capitaine de gens d'armes sans avoir été nommé par le roi. Tous ceux qui étaient atteints par ces mesures, princes, seigneurs, chefs de bandes, cherchèrent aussitôt à en empêcher l'exécution, et dès lors « se machina une praguerie ». 

Le duc de Bourbon, Charles ler, prince remuant et ambitieux, se mit à la tête des mécontents, tels que les ducs d'Alençon et de Bretagne, le comte de Vendôme, le bâtard d'Orléans, G. de La Trémoille, et les capitaines de routiers, comme Antoine de Chabannes, etc. Il entraîna même le dauphin Louis, alors âgé de seize ans, dont les mauvais instincts et l'ambition précoce commençaient à s'éveiller. Les princes voulaient chasser les conseillers de Charles VII, mettre le roi en tutelle, donner le pouvoir au dauphin et gouverner en son nom. Envoyé par son père dans le Poitou, pour y réprimer les désordres des routiers, le dauphin était à Niort quand il céda aux pernicieux conseils du duc d'Alençon, gouverneur de cette ville. Après s'être concerté avec eux, Dunois alla rejoindre, à Blois, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme et La Trémoille. La révolte commença dans le Poitou (février 1410) et gagna promptement d'autres provinces. Charles VII, stimulé par le connétable de Richement, agit avec une décision et une vigueur qui déconcertèrent les rebelles. Vaincus dans le Poitou, ils n'eurent pas honte de faire appel aux Anglais qui combattaient encore la France, puis ils continuèrent la lutte dans l'Auvergne et le Bourbonnais

Le roi se mit à leur poursuite, avec Richement, Ch. d'Anjou, Xaintrailles, Gaucourt, pendant que ses troupes contenaient les rebelles dans la Touraine, le Berry, l'Ile-de-France. Chassés des places qu'ils occupaient en Auvergne, Evaux. Ebreuil, Aigueperse, etc., les princes demandèrent à traiter, mais, comme ils prétendaient faire leurs conditions, au lieu de subir celles du vainqueur, Charles VII rompit les négociations, soumit l'Auvergne, le Forez et réduisit les rebelles à implorer sa clémence. Sollicité par le duc de Bourgogne et le comte d'Eu, il consentit à recevoir le dauphin et le duc de Bouchon, qui vinrent à Cusset demander pardon à genoux. Le roi se montra généreux et accorda une amnistie complète, mais en exigeant l'observation de l'ordonnance d'Orléans. La Praguerie se termina ainsi vers le milieu de juillet 1440. Les princes recommencèrent bien leurs menées (1441), en se groupant autour de Ch. d'Orléans, revenu en France, mais ils n'allèrent pas jusqu'à prendre les armes. Ils se réunirent à Nevers et exposèrent au roi leurs plaintes (février 1442). Il répondit qu'il ferait droit à leurs réclamations, si elles étaient fondées, en ajoutant que 

« se il povoit estre certainement adverti qu'ils voulsissent traictier ne faire aucune chose contre lui, ne sadicte majesté il lairoit toutes antres besongnes pour eulx courre sus » (Monstrelet).
En somme, la royauté, que la Praguerie voulait affaiblir, sortait plus forte de cette épreuve.
La Praguerie profita peu aux Anglais. Ils prirent Harfleur (octobre 1440), mais ils perdirent Creil et Pontoise, en dépit des efforts du duc d'York (1441), et le duc d'Orléans, sorti de sa longue captivité (novembre 1440), essaya en vain, avec Philippe le Bon, de ranimer la Praguerie. En 1442, Charles VII parut, avec une armée formidable, à la Journée de Tartas (arr. de Saint-Sever), et enleva aux Anglais Saint-Sever, Dax, Marmande, La Réole. En 1443, le fameux Talbot dut lever le siège de Dieppe, et le duc de Somerset fit en France une expédition infructueuse. Sur les conseils de son ministre Suffolk, Henri VI, découragé, conclut la trêve de Tours (28 mai 1444) et épousa la belle Marguerite, fille de René d'Anjou (mars 1445). Pendant la trêve de Tours, prolongée successivement jusqu'au 1er avril 1450, le connétable licencia les bandes de routiers et d'écorcheurs qui avaient fait tant de mal, et organisa les compagnies d'ordonnance, qui furent les premiers éléments de l'armée permanente. 

En 1448, il fallut chasser du Mans les Anglais qui ne voulaient pas rendre cette place à René d'Anjou. Alors, ils surprirent la ville de Fougères, qui appartenait au duc de Bretagne, François Ier, allié de Charles VII (24 mars 1449). Le roi de France, d'accord avec le duc, déclara la guerre à Henri VI (31 juillet 1449). Pendant que le connétable, avec les Bretons, s'emparait du Cotentin et de Fougères, Dunois commençait la conquête de la Basse-Normandie et Charles VII entrait à Rouen le 10 novembre 1449. C'était l'époque où le duc d'York, par ses intrigues contre Suffolk et Marguerite d'Anjou, préparait la terrible guerre civile, ou guerre des Deux Roses, qui devait renverser Henri VI. 

Th. Kyriel, envoyé en France avec une petite armée, levée à grand-peine, fut vaincu à Formigny par le connétable et le comte de Clermont (15 avril 1400); le duc de Somerset fut réduit à capituler dans Caen, et la prise de Cherbourg acheva la conquête de la Normandie (12 août 1450). En même temps, la guerre se faisait en Guyenne, où les Anglais étaient battus à Blanquefort (1er novembre). L'année suivante, Dunois acheva la conquête de la Guyenne, après avoir fait capituler Bordeaux (12 juin) et Bayonne (20 août 1450). Bientôt cette province, mécontente de l'administration française, s'insurgea, rappela les Anglais. Talbot amena d'Angleterre 5 000 hommes, entra dans Bordeaux (22 octobre 1452) et reprit une partie de la Guyenne, mais il fut vaincu et tué à la bataille de Castillon (17 juillet 1453), par J. de Bueil, Jacq. de Chabannes et J. Bureau. Charles VII vint assister au siège de Bordeaux. Cette ville capitula une seconde fois (9 octobre 1453) et la Guyenne fut définitivement reconquise. Ces événements marquent la fin de la Guerre de Cent ans. Elle fut ainsi terminée, non par un traité, mais par le départ des Anglais. (E. Cosneau / A. Giry / L.).



Georges Minois, La guerre de cent ans, Perrin 2008.
9782262024406
La guerre de Cent Ans (1337-1453) est un tournant majeur dans l'histoire. Véritable guerre européenne, elle marque le passage de la chrétienté médiévale à l'Europe des nations. Cette guerre est aussi la première véritable guerre totale qui touche tous les aspects de la culture, de l'économie, de la politique, et la première guerre d'usure. Elle transforme les techniques militaires, les régimes politiques, les économies nationales. Xénophobie, patriotisme, déchaînement d'une violence inouïe, culture de la guerre : en un siècle se forgent les traits de l'Europe des nations. (couv.).
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