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Dioclétien
(d'abord nommé Dioklès, puis devenu empereur sous
le nom de Gaius Aurelius Valerius Diacletianus) est un empereur
romain de 284 à 305, né à Dioclea (auj. en Croatie)
en 239 ou 245, mort à Split (l'ancienne
Spalato, non loin de Salona, la capitale la
Dalmatie
romaine) en 313. Son père était un fils d'esclave; lui même
entra jeune au service militaire; il se fit apprécier surtout par
son intelligence et avança rapidement, sous le règne de Probus;
il devint gouverneur de Moesie, puis consul substitué et, en 284,
comte des domestiques. Après la mort de Numérien,
il accusa son beau-père Aper, préfet du prétoire,
de l'avoir assassiné. Les soldats l'élurent empereur à
Chalcédoine. Il tua de sa main
Aper (17 septembre 284).
Le nouvel empereur
eut à lutter contre Carinus, fils de Carus,
qui disposait de l'armée du Danube. La bataille eut lieu à
Margus, sur la Morava, en mars ou avril 285; Carinus vainqueur fut assassiné
par un de ses officiers. Dioclétien resta maître de l'empire.
Il s'efforça de réconcilier tout le monde, n'exila, ne déposséda
personne. Il voulait avant tout rétablir un gouvernement régulier.
L'état de l'empire était précaire, la misère
générale, aggravée par les guerres civiles, et l'audace
croissante des Barbares rendait le poids des impôts très lourd.
En Gaule avait éclaté la grande insurrection des Bagaudes.
Pour faire face à tous ces dangers, Dioclétien jugea nécessaire
de prendre un collaborateur : il associa au pouvoir Maximien,
général éprouvé. Ce fait, qui s'accomplit le
1er mars 285, eut une importance
capitale; il prépara la division de l'empire romain en deux parties.
Dioclétien,
dont le titre complet était déjà Imperator Caesar
Gaius Aurelius Valerius Diocletianus pius Felix, Invictus Augustus, Pontifex
maximus, Pater Patriae,Proconsul, se plaça sous la protection
de Jupiter ,
et ajouta encore le titre de Jovius; il mit l'image de ce dieu ( Religion
romaine )
sur ses monnaies, lui bâtit plus tard un temple dans son palais de
Split ;
il donna à Maximien l'épithète
d'Herculius. Maximien ne fut d'abord qu'un collègue subordonné.
Il n'avait que le titre de césar, Dioclétien se réservant
celui d'auguste. Mais, dès l'année suivante, Maximien, vainqueur
des Bagaudes, devint auguste et fut qualifié de frère de
Dioclétien. Maximien, qui vainquit ensuite les envahisseurs, Burgondes,
Alamans et Hérules,
restait en Occident, tandis que Dioclétien se portait en Orient
pour combattre les Perses. Pendant quelques années, il y eut un
troisième auguste, l'usurpateur Carausius,
maître de la Bretagne, à qui on reconnut ce titre en 290.
Dioclétien, ayant conclu la paix avec le roi de Perse Bahram, rétablit
sur le trône d'Arménie un protégé romain, Tiridate
(287), qui demeura son vassal et couvrit cette frontière. Les deux
empereurs se réunirent en Perse et la frontière du Danube
fut garantie contre les invasions des Barbares. Maximien revint en Gaule
et Dioclétien retourna en Orient, descendant lentement le Danube
et réorganisant les provinces; en mai 290, il est en Syrie d'où
il chasse les Sarrasins; en juillet, il revient à Sirmium
pour surveiller les Germains engagés dans des guerres acharnées,
Goths contre Burgondes,
Taïfales et Thervinges contre Gépides
et Vandales.
Nous sommes très peu renseignés sur cette période
d'activité militaire de la vie de Dioclétien. Les historiens
anciens sont presque muets sur ce souverain; les chrétiens
se contentent de le calomnier; les monnaies ne peuvent suppléer
à ce silence.
En l'année
291 les deux empereurs se réunirent de nouveau à Milan,
pour délibérer sur les affaires de l'empire. La division
de la tâche entre eux deux ne suffisait pas : les Germains remuaient
sur toute la ligne du Rhin; la Bretagne était séparée,
l'Égypte s'insurgeait ( L'Égypte
romaine ),
de même les Maures africains; les Perses allaient reprendre les armes.
Malgré les garanties qu'offrait contre l'ambition des usurpateurs
la collaboration de deux empereurs, on jugea utile de leur adjoindre deux
lieutenants, leurs successeurs désignés, sous le nom de césars.
Le 1er mars 293, on donna cette dignité
à Constance Chlore et à
Galère, deux généraux illyriens
comme les deux augustes. Les deux césars répudièrent
leurs femmes pour épouser, Constance la fille de Maximien,
Galère celle de Dioclétien; chacun des gendres fut particulièrement
subordonné à son beau-père.
Dioclétien
restait le principal personnage de cette tétrarchie, et en
particulier la puissance législative, indivise en principe, lui
était dévolue en fait. Les provinces furent partagées
entre les quatre empereurs, chacun étant particulièrement
chargé d'une région. Dioclétien eut l'Orient avec
l'Égypte, la Libye, les îles,
la Thrace; Galère
la presqu'île balkanique ,
Grèce, Macédoine avec les
provinces illyriennes et la Pannonie ;
Maximien l'Italie avec le Rhétie, l'Afrique,
l'Espagne; Constance la Gaule et la Bretagne. Dioclétien résida
à Nicomédie, Maximien à Milan, Galère à
Sirmium, Constance à Trèves
ou à York. Le souci de la défense
militaire semblait primer les autres.
Toutefois, cet abandon
de Rome par les empereurs est un fait d'une haute portée. Constance
reconquit la Bretagne sur Allectus qui avait
tué Carausius (296); Maximien
vint garder le Rhin, où la guerre était continuelle; les
Maures furent vaincus en Afrique (297); Galère
vainquit les Iazyges et les Carpes (297), puis les Sarpiates et les Bastarnes.
Dioclétien se tenait aussi dans ces provinces où renaissait
la sécurité. Les districts dépeuplés sur la
rive romaine du Rhin et du Danube étaient repeuplés par des
colons barbares; ce système, que l'expérience semble avoir
condamné, n'en était pas moins très soutenable et
tous les empereurs l'ont suivi. En 295, Dioclétien fut obligé
d'aller soumettre l'Égypte
où la turbulente Alexandrie, sans
cesse en émeute, avait fait un empereur, Achilleus. Elle résista
huit, mois; après ce long siège auquel Dioclétien
mit fin en coupant les aqueducs, il mit la ville à sac; les exécutions
analogues de Coptos
et de Busiris
furent suivies d'une réorganisation complète du pays; les
livres de sciences occultes
furent brûlés; les garnisons furent concentrées sur
quelques points, et l'île de Philae
fortifiée ; un traité fut conclu avec les Blemmyes; une colonne
(que l'on appelle à tort colonne de Pompée)
perpétua à Alexandrie le souvenir de Dioclétien.
Tandis qu'il était
ainsi occupé, le roi de Perse Narsès passa le Tigre (296)
et chassa Tiridate d'Arménie. Galère,
venu pour le combattre, se laissa attirer dans les plaines de Carrhes où
son armée fut décimée. Dioclétien, qui le reçut
à Antioche, le laissa marcher à
pied durant un mille à côté de son char. Après
cette humiliation, il recommença la campagne avec lui. Des troupes
solides furent appelées des régions danubiennes, Dioclétien
campa sur l'Euphrate, Galère marcha par l'Arménie, surprit
Narsès de nuit et lui infligea un désastre complet; son trésor,
sa famille tombèrent aux mains des Romains; Galère et Dioclétien
se joignirent à Nisibis .
L'auguste refusa de recommencer la campagne d'Alexandre
comme l'eût souhaité Galère; il se contenta d'imposer
au roi de Perse un traité avantageux; la Mésopotamie septentrionale
fut cédée aux Romains avec cinq provinces arminiennes du
nord du Tigre (Corduène, Arsacène, Zabdicène, - avec
l'Intélène et la Saphène ou, d'après Ammien
Marcellin, la Moxoène et la Réhimène), Tiridate ajoutait
l'Arménie, l'Ibérie
et une partie de la Médie Atropatène .
Durant quarante années la paix règne de ce côté.
Ce succès, un des plus considérables qu'aient remportés
les Romains, fut consolidé par la construction de nombreux châteaux
forts tout le long de la frontière orientale. Le sénat romain
décerna à Dioclétien le triomphe
qu'il ne célébra que six ans plus tard.
Quand il eut ainsi
assuré la sécurité extérieure de l'empire romain,
Dioclétien put achever la réorganisation politique et administrative
qui fait de son règne un des plus importants de l'histoire romaine
où il marque une période décisive. L'oeuvre
propre de Dioclétien fut la division de l'empire entre deux augustes,
assistés chacun d'un césar; il espérait ainsi prévenir
les révolutions en assurant une succession régulière
qui n'avait jamais eu lieu jusqu'alors que par exception. La subdivision
des provinces et le perfectionnement de la hiérarchie administrative
par l'institution des diocèses sont un fait notable, moins pourtant
que la formation d'une cour asiatique avec son cérémonial
et son personnel qui isolèrent le souverain et en firent réellement
ce qu'il était en titre, une sorte de dieu vivant. Cette étiquette
officielle, Dioclétien l'institua en s'inspirant de vues politiques
profondes; il jugeait indispensable d'élever davantage l'empereur
au-dessus des soldats et du peuple pour assurer la stabilité. En
important dans le monde occidental la cour, ce soldat de fortune a exercé
sur tout l'avenir de notre civilisation une influence immense. Il déplaça
aussi la notion de la souveraineté, il supprima la fiction d'une
délégation du peuple, ne voulut rien tenir des citoyens,
du sénat, de l'armée; en théorie, cette autorité
est vraiment de droit divin.
Il nous faut encore
rappeler que Dioclétien, en l'accomplissant, consomma la déchéance
de Rome. Elle cessa d'être la capitale du monde; les consuls n'ont
plus qu'un titre que l'empereur leur décerne; le sénat est
oublié; des douze cents rescrits connus de notre empereur, aucun
ne fut préparé par le sénat. Les prétoriens
furent réduits à n'être qu'une garde urbaine; deux
légions illyriennes ,
celle des Joviens et celle des Herculiens, les remplacèrent auprès
des empereurs. L'Italie fut réduite au rang de province et soumise
aux impôts comme les autres; on excepta la région urbaine.
Le conseil du prince devint le consistoire sacré et tint la place
du sénat; il accompagna le prince dans ses voyages. Le système
financier fut réformé, l'impôt du vingtième
sur les héritages et les affranchissements
disparut, celui sur les ventes fut augmenté; pour simplifier l'assiette
de l'impôt foncier, on forma une unité imposable (jugum),
dont l'étendue varia selon la nature du sol et de la culture; la
classe urbaine fut exemptée de la capitation; un maximum fut établi
pour le prix des denrées; une réforme monétaire donna
à l'Empire une monnaie fixe, de poids et de valeur définis.
Les effets de ces mesures paraissent avoir été excellents;
l'ordre étant assuré, la frontière bien gardée,
la prospérité reparut. L'activité du souverain est
attestée par les douze cents rescrits que les codes ont conservés;
il fit rédiger une première compilation des lois impériales,
le code Grégorien; il fit écrire, semble-t-il, l'Histoire
Auguste ,
à partir d'Hadrien, le premier des grands
administrateurs.
Dans son oeuvre de
réorganisation de l'État romain, Dioclétien se trouva
aux prises avec les chrétiens; il lui parut qu'ils mettaient en
péril la discipline sociale et militaire, ce qui n'était
nullement inexact. Il avait commencé par les traiter avec mansuétude
et indifférence, leur confiant même des gouvernements de province;
mais l'isolement des communautés chrétiennes, leur hostilité
pour le service militaire finit par indisposer l'empereur, qu'un séjour
de trois années à Nicomédie (299-302) rendit plus
accessible aux influences religieuses. Il ne voulait qu'interdire aux chrétiens
les charges militaires et administratives; Galère
le décida à faire plus. Le 24 février 303 parut l'édit
de persécution : démolition des églises, destruction
des livres, confiscation des lieux sacrés et cimetières des
chrétiens; note d'infamie pour quiconque refuserait de sacrifier,
etc.
La lutte s'engagea
: on brûla le palais impérial; les chrétiens furent
exécutés comme incendiaires, ailleurs pour rébellion
à main armée (à Antioche,
Melitène); en somme, les victimes furent peu nombreuses même
parmi les chefs de l'Église; Dioclétien hésitait devant
les troubles suscités par la persécution. Elle ne paraît
avoir été pour lui qu'un souci secondaire, car il choisit
ce moment pour abdiquer.
Il arrivait alors
à sa vingtième année de pouvoir; il avait avec son
collègue Maximien pris l'engagement solennel
d'abdiquer leur autorité pour cet anniversaire. En 303, il se mit
en marche pour visiter Rome où il n'était pas encore venu,
mais où il avait fait élever des Thermes colossaux; il venait
y célébrer son vingtième anniversaire (Sacra vicennalia)
et son triomphe; les fêtes furent froides et bientôt les empereurs
partirent pour Ravenne d'où Dioclétien revint à Nicomédie
(304); le voyage avait ébranlé sa santé, circonstance
qui acheva de le décider à couronner son système de
gouvernement par une abdication volontaire qui demeure un des faits les
plus extraordinaires de l'histoire.
Dioclétien
choisit le vingtième anniversaire du jour où il avait associé
Maximien à la pourpre; il vint s'asseoir
à Nicomédie au pied de la colonne surmontée par la
statue de Jupiter
et là, en présence des grands de l'empire et des officiers,
il salua Galère du titre d'auguste et remit
son manteau de pourpre à Maximien Daza, le nouveau césar,
le même jour, à Milan, Maximien
nommait césar Sévère. Dioclétien se retira
dans son palais de Split
dont les ruines subsistent encore. Il y vécut encore huit années,
entouré du respect universel, mais assistant à l'échec
de son système. (A19, merci à Laurent Sessa
pour ses corrections). |
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