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L'Agenais

L'Agenais (Pagus Agennensis, Agennesium) est un ancien pays de France qui dépendait de la province de Guyenne, ét était représenté, à peu de chose près, par le département actuel de Lot-et-Garonne.

On présume que l'ancien Agenais ou mieux l'ancien diocèse d'Agen, qui s'étendait sur les deux rives de la Garonne, déterminait approximativement les frontières des Nitiobroges, peuple celte de la confédération des Arvernes. Il comprenait, au-delà des limites actuelles du Lot-et-Garonne : au Sud, Condom et Montréal (Gers); au Nord-Ouest, Sainte-Foy-la-Grande (Gironde); une région au Sud-Est jusque près de Moissac (Tarn-et-Garonne). Toutefois, cette assimilation de l'ancien diocèse d'Agen avec le pays des Nitiobroges est sujette à des objections. Les limites du côté des Pétrocores au Nord et des Cadurkes à l'Est sont peut-être exactes, mais les Nitiobroges s'étendaient-ils au Sud, sur la rive gauche de la Garonne? César et Strabon font de ce fleuve la limite entre les Celtes et les Aquitains. Mêmes incertitudes pour la limite à l'Ouest : la station Fines de l'Itinéraire d'Antonin et la Table Théodosienne, qui semble devoir être placée près d'Aiguillon, indique une ancienne frontière bien en deçà des limites du diocèse d'Agen à l'Ouest. Ces questions de bornage sont peut-être insolubles. Du moins on ne conteste pas qu'Agen ait été la capitale des Nitiobroges, qui se confondirent plus tard avec les Agennenses de la Notitia provinciarum. 

Ceci est déjà du domaine de l'histoire, mais, bien avant l'occupation des Nitiobroges, toute la partie Nord, du territoire précité parait avoir été occupée par une population relativement nombreuse. Des stations du Paléolithique et du Néolithique ont été reconnues en grand nombre sur la rive droite du Lot. Au contraire, ces armes et ces outils d'une.

époque primitive sont rares au Sud de cette rivière. Des haches en pierre polie ont été trouvées à la surface du sol sur tout le territoire de l'ancien Agenais. Un cromlech, dix-sept dolmens, trois menhirs doivent être rapportés à la période préhistorique. On pourrait citer aussi vingt-neuf tumulus et vingt-huit refuges en terre dont l'origine ancienne n'a pas été toujours déterminée par des fouilles ou des découvertes. Le sommet de Pech de Bere (Nicole), le camp de Baruteau (Brugnac), le plateau de l'Ermitage (Aven) ont quelques-uns des caractères des anciens oppidum. 

Les Commentaires de César font connaître deux rois nitiobroges : Ollovicon, allié des Romains, et son fils Teutomatus,, qui embrassa la cause des défenseurs d'Alise. Après la conquête, les Nitiobroges furent compris parmi les peuples de la Gaule celtique. Auguste les unit à l'Aquitaine. Le pays prospéra sous la domination romaine. De grandes routes furent établies, l'une parallèle à la Garonne dans la direction d'Agen à Toulouse et de Toulouse à Bordeaux; une autre vers le Nord (la Burdigala Argantomago) par Agen, Villeneuve (Excisum), Montaut, Cavarc; une troisième, la Peyrigne, se dirigeait vers le Sud (Agen, Boé, Le Pergain, etc.). La Ténarèse, qui aboutissait à Thouars, s'étendait jusqu'aux Pyrénées, passant par Sos (mutatio Scittio). D'Agen à Cahors (Bibona), on avait deux grands chemins, l'un par Puymirol et Castelsagrat; l'autre, dit le chemin de Bruniquel, par Darel, Roudoulous, les Tricheries, Saint-Amans. L'importante position stratégique d'Aiguillon, au confluent du Lot et de la Garonne, était fortifiée par deux castellum. Les villes d'Eysses et du Mas-d'Agenais rivalisèrent de luxe avec Agen. De riches villas s'élevaient en grand nombre dans les campagnes jusque sur les limites des terres cultivées, notamment dans la portion de l'arrondissement de Nérac qui confine à la région sablonneuse des Landes.

La révolution opérée dans l'Agenais par la prédication du christianisme ne nous est connue que par des épisodes. Aux martyres de saint Caprais et de sainte Foy, dont s'honore l'église d'Agen, il faut ajouter celui que saint Vincent subit (in agro Vellano) près du Mas-d'Agenais (Pompejacum). Les luttes les plus vives entre les partisans des deux religions durent avoir lieu dans le cours du IIIe siècle. Elles continuèrent au IVe. Tandis qu'une capitale voisine, Auch, offre encore l'exemple de sépultures païennes (hypogée de Lagrange), dans l'Agenais, les chrétiens sont déjà divisais et saint Phébade, évêque d'Agen, combat l'hérésie arienne. Un personnage consulaire, Claudius Lupicinus, (seconde moitié du IVe siècle), fait graver le monogramme du Christ sur les trois diplômes d'honneur que lui ont décernés les villes d'Auxerre, de Sens et d'Orléans (inscriptions: sur plaque de bronze découvertes à Monségur, Lot-et-Garonne, en 1880). Une lampe portant également le monogramme du Christ est rencontrée parmi les ruines de la villa romaine de Bapteste (Moncrabeau). 
 Au Ve siècle, l'Agenais eut sans doute à souffrir de l'invasion des Vandales (407). Il resta pendant près d'un siècle au pouvoir des Wisigoths (418 -507). Clovis le réunit au royaume de France et, sous le règne de ses successeurs, il subit, au point de vue politique, le sort du reste de la province. Didier, comte de Toulouse, s'empara d'Agen en 587 et, l'année suivante, Lupus, due de Gascogne, conquit le territoire situé sur la rive gauche de la Garonne. En 630, l'Agenais fut rattaché au pays toulousain, sous la domination de Caribert. En 766, la soumission de l'Aquitaine à Pépin commença par la défection de l'Agenais. Ce pays devint un comté. Son histoire durant la période carolinienne est mêlée de beaucoup d'incertitudes. De l'année 833 à l'année 848, tout le pays paraît avoir été ravagé par les Vikings. Il passe pour avoir quelque temps appartenu à un comte d'Angoulême (886). On ne peut ensuite déterminer sa condition qu'à partir du dernier quart du XIe siècle où il paraît réuni au comté de Toulouse. Rattaché quelque temps à la couronne de France (1135-1154) il subit pendant trois siècles les plus grandes vicis situdes; il appartint successivement aux comtes de Toulouse; à Richard, roi d'Angleterre (1189-1196); aux comtes de Toulouse (1196-1215); à Simon de Montfort (1215-1218); aux comtes de Toulouse (1218-1270); aux rois de France (1271-1279); aux rois d'Angleterre (1279-1324); aux rois de France (1324-1397); aux rois d'Angleterre (1327-1337); aux rois de France (1337-1360); aux rois d'Angleterre (1360-1370); aux rois deFrance (1370-1373). 

A partir de cette date, jusqu'en l'année 1453, la confusion est grande; tandis qu'une partie des villes et des forteresses est occupée par les Anglais ou par leurs partisans, la capitale, Agen, se maintient presque constamment sous l'obéissance des rois de France. Un exposé de ces divisions et le détail de tant de luttes et de tant de révolutions politiques ne sauraient figurer dans un article comme celui-ci. Souvent deux sénéchaux d'Agenais exerçaient simultanément leurs pouvoirs, l'un pour le roi de France, l'autre pour le roi d'Angleterre. Depuis l'année 1453, l'Agenais ne devait plus être distrait du domaine immédiat de la couronne que pour être donné en apanage, à Charles, duc de Guyenne (1469-1472); à la reine Marguerite (1578-1615) ; aux duchesse et ducs d'Aiguillon (1642-1789).

L'Agenais se couvrit d'églises à partir de l'an 1000. Il subsiste encore dans le Lot-et-Garonne 184 églises de style roman, par conséquent antérieures au milieu du XIIIe siècle. Le pouillé dit de Jean de Valier, qui fournit un état des dîmes du diocèse d'Agen pour la seconde moitié du XIIIe siècle, mentionne un millier d'églises. On comptait alors dans le diocèse environ 115 abbayes ou prieurés, presque tous de l'ordre des bénédictins et 15 commanderies ou établissements de l'ordre du Temple ou de celui de Saint-Jean de Jérusalem. En 1317, le pape Jean XXII érigea l'abbaye de Condom en évêché. Le diocèse d'Agen, ainsi démembré, fut dès lors limité par la Garonne au Sud. Les évêques avaient le titre de comtes d'Agen. Dès le XIIIe siècle, ils n'exercent plus aucun pouvoir temporel. 

Le pays d'Agenais était divisé en 14 bailliages au XIIIe siècle, en 50 dans la seconde moitié du XIVe. Quelques bailliages, situés sur la rive gauche de la Garonne, ne furent rattachés au Condomois que, dans le cours du XVe siècle. 

On n'est pas fixé sur toutes les frontières de la baylie d'Agenais ultra Garumnam, citée en 1259. Montréal (Gers) était sur une de ces limites. Certains sénéchaux d'Agenais ont porté le titre de sénéchaux d'Agenais et de Quercy, d'Agenais et de Gascogne. On possède une liste presque complète de ces fonctionnaires depuis le commencement du XIIIe siècle. 

L'Agenais occupe le centre d'une région où se produisit au Moyen âge un fait des plus considérables. Entre les années 1250 et 1320, plus de trente villes furent fondées par les rois d'Angleterre, par Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse, par des abbayes, etc. Les juridictions seigneuriales se dépeuplèrent alors au profit des villes neuves dotées de grands privilèges. Tel fut le succès de ces fondations que, de ces trente communes agenaises, une, Villeneuve-sur-Lot, est devenue un chef-lieu d'arrondissement et douze sont actuellement des chefs-lieux de canton. Bâties sur des plans réguliers et fortifiées par leurs habitants, les bastides devinrent pour la plupart des places de guerre importantes. D'ailleurs, dans le cours du XIVe siècle, l'Agenais n'avait plus de villes ouvertes. Tout centre de population était ceint de murs; les abbayes, les églises, les moulins même étaient appropriés à la défense. Les principaux épisodes des guerres albigeoise, féodales, anglaises seront rapportés sommairement dans les articles spéciaux consacrés aux villes du pays. Dans l'Agenais les juridictions royales l'emportèrent en étendue sur les juridictions seigneuriales avant la guerre de Cent ans. Après la guerre de Cent ainsi ce fut le contraire et, dans le cours du XVIe siècle; les barons, maîtres de la majeure partie du territoire, augmentèrent les charges de leurs anciens tenanciers et réduisirent à la condition de censitaires les propriétaires libres. Toutefois le privilège de franc-alleu fut efficacement défendu par quelques grandes villes jusqu'en 1789. A partir du XVIe siècle, l'Agenais comprenait 118 juridictions seigneuriales et 19 juridictions royales.

Le pays d'Agenais fut primitivement du ressort de la cour des aides de Montpellier (XIIIe siècle) et du parlement de Toulouse (1443). Son association avec le Languedoc fut même plus intime. Ses députés prirent part à des assemblées des états de cette province. La création du parlement de Bordeaux (1461) fit rattacher l'Agenais à la Guyenne au point de vue judiciaire. Il y eut d'autres changements. Après avoir fait partie de la recette de Gascogne, l'Agenais eut ses états particuliers complètement organisés par Louis XI (1476) avec des aides pris en dehors du pays : les comtés de l'Île-Jourdain et de Carmaing, les vicomtés d'Auvillars, de Bruilhois et de Lomagne, les baronnies de Faudoas, Terride, Launac, Marestaing. Les États d'Agenais subsistèrent jusqu'en 1621, malgré les tentatives faites par François ler (1519), Henri III (1582), Henri IV (1603-1610) pour les abolir et les remplacer par une élection. Les consuls d'Agen, syndics du pays, qui avaient toujours lutté énergiquement pour le maintien des états, après s'être heurtés à l'obstination de Sully, perdirent ce privilège sous Richelieu. Plus heureux dans une série de procès, soutenus de 1508 à 1528, les consuls d'Agen avaient réussi à empêcher le démembrement du pays, qui aurait été la conséquence de la création éphémère des sénéchaussées de Sainte-Foy-la-Grande et de Villeneuve-d'Agenais. Un présidial fut établi dans la ville d'Agen en l'année 1551. L'Agenais fit partie de l'intendance de Guyenne (1618-1789).

Après avoir beaucoup souffert des garnisons et du passage des gens de guerre sous François ler (1520-1532) l'Agenais participa à toutes les guerres civiles des XVIe et XVIIe siècles. Dans le voisinage, le protestantisme s'était rapidement développé à Nérac. Agen eut toujours une majorité catholique qui fixa son parti, mais les villes principales du pays étaient fort divisées d'opinion et ce qu'on pourrait dire de la capitale serait faux pour Puymirol, pour Tonneins, pour Clairac. L'Agenais fut successivement un champ de bataille pour Blaise de Monluc (1561-1575) pour le roi de Navarre, qui devait être Henri IV, et pour les Ligueurs (1575-1594). Le règne de Henri IV pacifia le pays qui reprit les armes sous son successeur. Après la campagne de 1621-1622, qui entraîna la prise de Tonneins, Clairac et, sur la rive gauche, de Nérac, Caumont, Monheurt, Louis XIII fit raser ou démanteler toutes les forteresses de l'Agenais. La peste fit de grands ravages dans le pays de 1628 à 1631. Les guerres de la Fronde devaient entraîner de nouvelles calamités. L'Agenais fut mis à contribution et ruiné par les armées du prince de Condé et du comte d'Harcourt. L'échec du premier devant Miradoux (Gers, 25 km d'Agen), et celui du second devant Villeneuve-d'Agenais, en 1652, furent les épisodes les plus importants de ces campagnes. 

L'Agenais fut peu éprouvé durant la période révolutionnaire qui lui fit perdre son nom. Il est remarquable que la constitution du département du Lot-et-Garonne (1790) et celle du nouveau diocèse d'Agen (1803) aient à peu près rétabli les plus anciennes limites du pays. Le Lot-et-Garonne fut divisé primitivement en neuf districts, La création du département du Tarn-et-Garonne (1808) lui a fait perdre quelques cantons des anciens districts de Valence et de Villeneuve-d'Agenais. (G. Tholin).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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