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Louis Ier, le Débonnaire

Louis I, dit le Pieux ou le Débonnaire (Moyen âge, Carolingiens) est un empereur d'Occident et roi de France,  né à Chasseneuil (Vienne) en 778, mort près d'Ingelheim le 20 juin 840. Fils de Charlemagne et d'Hildegarde, il fut à trois ans couronné roi d'Aquitaine à Rome, par le pape Adrien Ier (15 avril 781); seul survivant de ses frères légitimes, il fut associé officiellement à l'Empire à Aix-la-Chapelle, au mois d'août 813, et succéda le 28 janvier 814 à son père. Il avait alors trente-sept ans, avait épousé en 798 Irmengarde, fille d'un duc de Hasbain et en avait eu trois fils, Lothaire, Pépin et Louis. Bien qu'il eût participé à plusieurs grandes expéditions contre les Saxons, les Lombards, les Gascons et les Arabes, qu'il fût d'un tempérament robuste et cavalier consommé, il semble n'avoir montré ni goût pour la guerre, ni talent militaire. Dans le gouvernement de son royaume d'Aquitaine, il paraît ne s'être intéressé qu'à la réforme du clergé et aux affaires ecclésiastiques. L'un de ses premiers actes fut de congédier de la cour d'abord ses frères illégitimes, ses soeurs et ses nièces, qui se retirèrent dans des monastères, puis les ministres même de l'Empire, Wala, Leidrade et Adalhard. Ensuite il a nistia les Saxons et les Frisons et leur rendit l'usage de leurs lois; et enfin s'adonna à son oeuvre de prédilection, l'administration de l'Eglise. Sur ces entrefaites, le pape Etienne IV, qui venait de succéder à Léon III, vint en France apporter au nouvel empereur la couronne impériale. Louis le Pieux vint à sa rencontre à Reims en octobre 816, et fut solennellement couronné ainsi que l'impératrice dans la cathédrale.

Un accident où l'empereur faillit perdre la vie fut un prétexte pour le provoquer à régler sa succession; en 817, dans un plaid solennel tenu à Aix-la-Chapelle, l'aîné de ses fils, Lothaire, fut associé à l'Empire et chacun des deux autres reçut un royaume, Pépin l'Aquitaine, Louis la Bavière, qu'ils devaient gouverner sous la tutelle de l'empereur. Il semblait que de cette façon on pouvait concilier les anciens principes des partages germaniques avec la doctrine nouvelle de l'unité de l'Empire. Une révolte du roi d'Italie, Bernard, le petit-fils de Charlemagne, dont ce nouveau partage semblait ébranler l'indépendance, fut durement réprimée; Bernard, en dépit d'un sauf-conduit, fut condamné à mort, peine que Louis commua en celle de l'aveuglement, cruel supplice auquel le malheureux ne survécut pas; ses complices furent exécutés de même, tués ou aveuglés, et son royaume fit retour à l'Empire. Les décisions du plaid d'Aix et la répression de la révolte d'Italie avaient été une revanche de l'ancien parti impérial; toutefois les anciens ministres de Charlemagne restaient encore dans l'exil. Les remords de Louis le Pieux, habilement exploités, allaient bientôt leur fournir une occasion de revenir au pouvoir. 

En 822, dans une assemblée solennelle tenue à Attigny, Louis, conseillé par les évêques, fit dans l'église confession de ses péchés, déclara se soumettre à une pénitence publique pour avoir fait tonsurer ses frères, avoir exilé Adalhard et Wala, et avoir livré Bernard aux bourreaux. Adalhard et Wala rentrèrent à la cour tête haute; l'empereur était irrémédiablement courbé désormais sous le joug du parti ecclésiastique. La première femme de Louis le Pieux, Irmengarde, étant morte en 818, Louis avait épousé l'année suivante la fille du comte Welf de Bavière, Judith. Il en eut en 823 un fils qui devait être Charles le Chauve. Faire une part à ce nouveau venu dans l'héritage de l'Empire allait être dès lors la principale préoccupation de sa mère. Contre les grands qui ne voulaient tolérer aucune atteinte au partage de 817, elle usa de toute son influence: les comtes Hugues et Matfried, coupables d'avoir trop mollement aidé le duc Bernard de Septimanie dans sa lutte contre les Arabes, furent condamnés par un plaid tenu en 828 à Aix-la-Chapelle; elle s'appliqua ensuite à contrecarrer l'influence de Wala. En 829, au plaid de Worms, elle obtint de Louis le Pieux la création d'un nouveau royaume, celui d'Alamannie pour le jeune Charles, auquel elle fit donner pour tuteur le duc Bernard, élevé au rang de camérier du palais. Celui-ci devint à ce moment le second personnage de l'Empire; tous les anciens conseillers de Louis furent écartés, et ses créatures furent pourvues de tous les offices du palais. L'abbé Wala, retiré dans son monastère de Corbie, en fit le centre des mécontents. 
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Louis le Débonnaire.
Louis le Débonnaire. Miniature d'une manuscrit de la Bibliothèque Nationale.

Avec la complicité des fils de l'empereur, Lothaire et Pépin, il réussit dès 830 à soulever toute l'aristocratie franque contre le favori de l'empereur, en l'accusant d'adultère avec l'impératrice, de sortilèges, et surtout en prétendant qu'il tramait un complot contre la vie de Louis. Les conjurés, rejoints par le troisième fils de l'empereur, réussirent à s'assurer de la personne de celui-ci ainsi que de Judith. Bernard s'enfuit à Barcelone; l'impératrice prit le voile au monastère de Sainte-Radegonde de Poitiers, et le malheureux empereur, résigné à toutes les humiliations, enfermé dans Compiègne, y attendait la proclamation de sa déchéance pour se faire moine. La division de ses adversaires le sauva : Pépin et Louis avaient tout lieu d'être mécontents de leur frère aîné, Lothaire, qui semblait devoir recueillir tous les fruits de la révolution, et le tinrent en échec toute décision fit ajournée jusqu'à l'assemblée d'automne qui se tint à Nimègue, en pays germanique dévoué à Louis le Pieux. Lothaire, assuré d'un échec, n'hésita pas à trahir ses partisans et, au moment même où l'action allait s'engager, il se présenta à son père comme un fils repentant, et tous deux se montrèrent ensemble au peuple sur le balcon du palais.

Louis le Pieux retrouvait sa couronne, mais non le prestige impérial. Au plaid réuni à Aix en février 831, les complices de Lothaire furent jugés et condamnés : lui-même dut retourner en Italie privé du titre impérial et après avoir prêté serment de ne plus rien entreprendre sans la volonté de son père. Judith fut rétablie dans son titre et ses droits d'épouse, et Bernard de Septimanie lui-même, revenu à la cour, fut admis à se justifier au plaid d'automne tenu à Thionville. Ce dernier toutefois ne recouvra plus le pouvoir qu'il avait exercé et, quittant brusquement la cour, il alla dans son duché de Septimanie essayer de se constituer une domination indépendante. Au palais, les intrigues reprirent leur cours : Pépin manifesta le premier sa mauvaise humeur en se retirant dans son royaume d'Aquitaine et en faisant alliance avec Bernard; Louis envahit le royaume d'Alamannie maintenu à son jeune frère Charles. Grâce à l'appui des Germains, celui-ci put se maintenir et reçut de plus tout le royaume d'Aquitaine que l'empereur s'était résolu à enlever à Pépin, pour le punir. Ce fut le commencement de la guerre civile. Pépin réussit à tenir en échec son père et son frère; Lothaire, de son côté, s'agitait en Italie et, au nom du principe de l'unité de l'Empire, dont il se prétendait le représentant, il réussit à décider le pape Grégoire IV à intervenir dans la querelle. Tous deux, Lothaire et Grégoire, se mirent en route pour aller trouver l'empereur en Alsace, ils furent rejoints par Pépin et Louis; l'empereur, disait-on, s'avançait à leur rencontre avec une armée puissante; ils l'attendirent entre Bâle et Colmar

Les deux armées se trouvèrent en présence le 24 juin 833; au lieu de combattre on négocia : Louis refusa énergiquement d'abandonner sa femme et de déposséder son jeune fils; mais c'était moins sur lui qu'on avait voulu agir que sur son entourage; il avait commis l'imprudence de recevoir le pape dans son camp; quand il fut décidé à rompre les négociations pour confier sa fortune au sort des armes, il était abandonné; son immense armée s'était évanouie. Réduit à demander protection à ses fils, il se rendit avec Judith dans leur camp : Lothaire déclara que son père avait perdu la couronne impériale et prit lui-même le titre d'empereur; Judith fut reléguée en Italie, à Tortone, le jeune Charles à Prüm, et Louis le Pieux dans le monastère de Saint-Médard de Soissons. Bientôt un mouvement de réaction contre Lothaire se produisit, comme la première fois. Pour rendre définitive la chute de son père, il imagina de faire proclamer officiellement sa déchéance dans un synode. 

L'archevêque de Reims Ebbon se résigna à lui servir d'instrument; condamné par les prélats, Louis le Pieux renouvela à Saint-Médard de Soissons la scène d'Attigny; prosterné à terre, couvert d'un cilice, il fit une confession publique et demanda humblement l'absolution : après quoi il fut solennellement dégradé. L'effet fut diamétralement opposé à celui que Lothaire s'était promis, à ce point qu'il ne sentit plus son prisonnier en sûreté à Soissons. De crainte qu'il ne fût délivré, il l'emmena avec lui à Compiègne, puis à Aix-la-Chapelle. Les deux frères cadets de l'empereur ne tardèrent pas à se rapprocher de leur père. Alliés une seconde fois contre Lothaire, ils soulevèrent les grands contre lui.

Traînant toujours son père à sa suite, celui-ci vint d'Aix à Paris et s'établit quelque temps dans l'abbaye de Saint-Denis; mais, à l'approche des armées de ses frères, sentant ses forces insuffisantes, il se déroba et s'enfuit jusqu'en Provence. Louis le Pieux, rétabli une seconde fois sur le trône impérial, refusa de profiter du rassemblement armé pour poursuivre Lothaire et ses partisans; il se contenta de le sommer de se retirer en Italie. Lui-même, après avoir tenu un plaid à Quierzy et licencié l'armée, se rendit dans la capitale de l'Empire, à Aix, où il retrouva Judith et Charles, auxquels, à la nouvelle des événements, leurs gardiens avaient laissé la liberté. Lothaire cependant n'avait pas désarmé et bientôt même il faisait contre l'empereur un retour offensif; vainqueur à Chalon-sur-Saône, il arrivait jusqu'à Orléans et à Laval. Louis le Pieux dut rassembler de nouveau l'armée et marcher contre son fils qu'il joignit à Blois; vaincu sans avoir combattu, Lothaire dut retourner en Italie : il y emmena tous les hommes qui avaient été ses partisans, Wala, Hugues, Matfried. Lambert, les archevêques de Lyon, de Narbonne et de Vienne

Au mois de février 835, dans le synode de Thionville, la couronne impériale fut solennellement replacée sur la tête de Louis le Pieux. C'était son quatrième couronnement comme empereur. Le premier usage qu'il fit du pouvoir qu'il venait de recouvrer fut de remanier encore au profit de son plus jeune fils la division de l'Empire. Au plaid de Crémieux, en juin 835, les royaumes de Pépin et de Louis étaient notablement augmentés et Charles joignait à son ancien apanage d'Alamannie, la Gothie, la Provence, et tous les comtés restés libres de la Bourgogne, de la Neustrie et de l'Austrasie. L'Italie était laissée à Lothaire. Malgré la belle part faite à son fils, Judith n'était pas satisfaite : elle pensait ne pouvoir compter sur l'avenir que si son fils trouvait après la mort de son père un allié sûr dans un de ses frères. Dans ce but elle se mit à négocier avec Lothaire : Wala fut dans ce but rappelé à la cour, mais malheureusement il ne tarda pas à mourir et les négociations furent rompues. Ayant échoué avec Lothaire, Judith se tourna du côté de Pépin; d'accord avec lui le partage de Crémieux fut remanié à l'assemblée d'Aix en 837.

Charles devenait roi de la partie de la Gaule située au Nord de la Loire et Pépin de la Gaule méridionale. Louis lésé songea à renouer avec Lothaire et tous deux eurent une entrevue à Trente; cité à Nimègue, Louis s'y vit dépouiller de tous ses domaines de Germanie. Il semblait dès lors à Judith que le sort de son fils fût assuré; dans une assemblée tenue à Quierzy en septembre 838, on lui ceignit solennellement l'épée en présence de son frère Pépin. Mais bientôt la mort de celui-ci allait tout remettre en question en même temps qu'une révolte ouverte de Louis appelait l'empereur en Germanie; Judith songea de nouveau à Lothaire. Elle lui ménagea une entrevue avec son père qui eut lieu à Worms, au mois de mai 839; Lothaire s'y humilia, confessa ses forts, demanda grâce : trois jours après, un nouveau partage était décidé : Charles gardait la Gaule, et Lothaire, outre son royaume d'Italie, recevait tous les pays de l'Empire situés à l'Est de la Meuse, à l'exception de la Bavière qui demeurait l'apanage de Louis. Le fils de Pépin se trouvait ainsi frustré de l'héritage paternel; il était trop jeune pour rien entreprendre par lui-même, mais les grands et en particulier le comte de Poitiers, Ermenon, provoquèrent une révolte des Aquitains. 

Louis le Pieux marcha contre eux et malgré quelques succès ne parvint pas à les soumettre : il hivernait à Poitiers avec l'intention de recommencer la campagne au printemps lorsqu'il reçut la nouvelle que Louis s'était de son côté révolté. Vieux et malade, il reprit une fois encore le chemin de la Germanie et arriva jusqu'à Aix-la-Chapelle, où sa présence rallia les grands de Germanie; Louis dut fuir de nouveau dans son royaume de Bavière. L'empereur s'achemina vers Worms où devait se tenir l'assemblée du printemps, mais, à bout de forces, il dut s'arrêter et mourut dans une île du Rhin en face d'Ingelheim, entre les bras de son frère naturel Drogon, l'évêque de Metz, qu'il chargea de l'exécution de ces dernières volontés et par les soins duquel il fut enterré à Metz dans l'abbaye de Saint-Arnoul. Avec lui descendit dans la tombe le fantôme de l'unité de l'Empire. Plein de bonnes intentions, préoccupé de justice, appliqué aux affaires publiques, pieux et bon, mais dépourvu de toute énergie, plein d'irrésolution et de faiblesse, il laissait ses Etats en proie aux dissensions civiles. Vingt-cinq ans de troubles avaient suffi à détruire l'ordre établi par Charlemagne. Epuisée par les guerres, en proie de toutes parts aux brigandages et à de nouvelles invasions, l'Europe occidentale allait retomber dans la barbarie pour plus de trois siècles. (GE).

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