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La
poursuite des découvertes
Le XVIIe
siècle.
Au XVIIe
siècle, nous relevons dans l'Asie antérieure une série de
voyages de touristes : Della Valle, Tavernier,
Thévenot, Le Bruyn, Kaempfer, Chardin
surtout, classique pour la Perse ;
en Chine ,
les travaux des missionnaires et la fameuse mission des jésuites
(1687) à laquelle les géographes
et les orientalistes durent de si précieux documents. Les Hollandais
font un peu connaître le Japon .
Mais, en ce siècle, les grandes acquisitions de la géographie
asiatique se firent au Nord par les Russes
qui explorèrent la Sibérie ,
descendirent l'Amour en 1646,
doublèrent la pointe Nord-Est du continent (1647).
Plus tard, viendra Bering, qui visitera les îles
Aléoutiennes, l'Alaska et le détroit qui a gardé son nom (1728-1741).
En Afrique ,
les détails se multiplient; mais, bien que les Portugais
du Congo
et du Mozambique semblent avoir eu des notions sur l'intérieur, la cartographie
positive n'en profite pas; au delà de la bande côtière, on n'a pas de
connaissances solides. On est forcé de s'en tenir aux relations des missionnaires.
Pour l'intérieur des Amériques ,
elles sont aussi fort utiles. Les Français
ont parcouru les bassins du Saint-Laurent
et du Mississippi ,
les Espagnols
celui de l'Amazone .
Dans les régions arctiques, Hudson
(1607-1610)
fait de vains efforts pour atteindre le pĂ´le
et conjecture l'existence de la mer qu'il baptisa et qu'explora Button
(1612-1613).
Baffin s'enfonce dans la mer qui est Ă l'Ouest
du Groenland jusqu'au détroit de Smith par 78° de latitude Nord, relève
ceux de Jones et de Lancastre.
Dans l'hémisphère austral, les Portugais
avaient aperçu l'Australie, l'appelaient Grande Java. Les Hollandais
en relèvent partiellement la côte occidentale. On pensait qu'elle faisait
partie du continent austral que l'on traçait en face de l'Asie et de masse
Ă©gale. En 1642, le gouvernement hollandais
chargea Abel Tasman d'examiner cette « grande
terre du Sud ». Il la dépassa, découvrit la terre qui a gardé son nom
sans reconnaître son caractère de petite île, vit et longea la Nouvelle-Zélande,
qu'il nomma Terre des États, revint par le Nord, apercevant les îles
des Amis et Fidji. Il avait fait le tour de l'Australie ou Nouvelle-Hollande
et en démontrait l'isolement. Ce voyage eut donc une extrême importance
en rectifiant les idées sur une portion considérable du globe. En 1606,
les Espagnols
Torres et Quiros avaient visité Tahiti, les Nouvelles-Hébrides,
et Torres avait passé entre la Nouvelle-Guinée et l'Australie; Tasman
ne put le faire, mais explora, en 1644,
le golfe de Carpentarie. La physionomie générale de l'Océanie était
donc à peu près révélée.
La géographie générale se constitue
en France
aux XVIIe
et XVIIIe siècles.
L'Académie des sciences fait mesurer par Picard,
entre Paris et Amiens, un degré avec une
exactitude dont nul n'avait approché ; on entreprend la mesure du méridien
sur toute la largeur de la France (1683-1748).
Dominique Cassini exécuta ce travail qui fournit
une base excellente aux calculs ultérieurs. On en put conclure les dimensions
réelles du globe, le rayon terrestre, l'aplatissement de la Terre
aux pôles, constaté déjà par Richer à l'aide
du pendule (1673), etc. Pour les mesures
de longitude, Cassini avait dressé ses tables des satellites de Jupiter
(1666); s'aidant des travaux de son
maître de Chazelle (1694), il mesura
la longueur de la Méditerranée, d'Alexandrette
à Gibraltar, et trouva le chiffre réel, rectifiant l'exagération de
Ptolémée et des Arabes. Grâce aux tables
de Cassini, les observations se multiplièrent, corrigeant les longitudes
et donnant des chiffres très proches de la vérité. Pékin,
Malacca furent ainsi situés exactement.
Le XVIIIe
siècle.
En 1734,
Hadley invente son sextant, Ă l'aide duquel tout
marin put aisément prendre la hauteur du Soleil et la latitude. Harrison
perfectionna le chronomètre. Euler et Mayer
donnèrent de nouvelles tables lunaires ;
la géographie astronomique fournit désormais, par des milliers d'observations
facilement renouvelées et contrôlées, une base inébranlable à la cartographie.
Parmi les premières, il faut citer celles du franciscain Louis
Feuillée (1708). Rappelons encore
la mémorable mesure de l'arc par Maupertuis,
Clairaut, Lemonnier,
etc., en Laponie, La Condamine, Bouguer,
Godin au PĂ©rou (1735
et suiv.). A la tête de ces investigations marchait l'Académie des sciences
de Paris, qui les coordonnait.
La transformation des méthodes
de la géographie mathématique appelait une rénovation de la cartographie ,
oeuvre formidable, car il fallait en reprendre, et critiquer une Ă une
les données accumulées depuis des siècles. Cette oeuvre fait la renommée
de Guillaume Delisle (1700
et 1723); sa mappemonde et ses cartes
ont été éclipsées par celles de d'Anville,
qui déploya une habileté bien supérieure (1761),
sans oublier l'élégance de l'exécution. Les cartes de Delisle furent
les premières où les terres et tout d'abord les contours de la Méditerranée
furent figurés avec leurs dimensions exactes. En Angleterre ,
il y eut de bons cartographes, Desparres, Rennell, Arrowsmith;
aucun en Allemagne ,
où les gouvernements leur étaient hostiles. La chorographie se développa
également en France où Cassini de Thury commença,
en 1744, sa grande carte de France ,
achevée seulement en 1783. Elle réalisait
un immense progrès et n'a été égalée que vers le milieu du XIXe
siècle.
La géographie physique peut revendiquer
Edmond Halley qui dressa la première carte des
courants atmosphériques (1686) et
celle des courbes magnétiques. Il indiqua la cause des alizés et des
moussons. Scheuchzer appliqua méthodiquement
le baromètre à la mesure des hauteurs (1702-1711).
Tournefort jeta le fondement de la géographie
botanique
et observa, en montant les pentes de l'Ararat, qu'Ă mesure que croissait
l'altitude, reparaissaient les végétaux caractéristiques des latitudes
plus élevées. Buache (Essai de géographie
physique, 1756) fonda la description
de la Terre
sur son hydrographie, sur la division en bassins fluviaux séparés les
uns des autres par les chaînes de montagnes. Bien qu'il eût outré sa
théorie et, qu'elle ait abouti à dénaturer parfois l'orographie, ce
n'en est pas moins à lui que revient le mérite d'avoir indiqué le rôle
prépondérant du relief du sol.
La géographie étant devenue ainsi scientifique,
les nouveaux principes en furent mis en pratique et, après les voyages
commerciaux ou politiques, on vit commencer les voyages scientifiques.
On ne se contente plus d'à peu près, on veut se livrer à une exploration
méthodique et complète du globe; géologie ,
zoologie ,
botanique ,
astronomie ,
physique, antiquités, langue, histoire, il faudra que le voyageur sache
un peu de tout cela et que sur tout il emmagasine des documents précis.
Le premier des grands voyages scientifiques fut celui de Niebuhr
(1783) en Arabie (YĂ©men); c'est peut-ĂŞtre
celui qui satisfit le mieux aux multiples données du programme. Puis vinrent
ceux de Byron, Wallis
et Carteret, Bougainville;
ils furent rejetés dans l'ombre par ceux du capitaine James
Cook; il dressa les cartes de Tahiti et des îles de la Société,
de la Nouvelle-Zélande, côtoya pour la première fois le rivage oriental
de l'Australie (1768-1770)
; il avait croisé jusqu'au 38e degré
de latitude Sud sans trouver trace du prétendu continent austral; le capitaine
Marion en vérifia l'absence jusqu'au 47e
degré au Sud de Madagascar
(1771).
Cook fut chargé
de résoudre définitivement ce problème. Il s'avança jusqu'au 67e
degré (au Sud de l'Afrique )
oĂą l'arrĂŞta la banquise, puis jusqu'au 71e
degré (par 109° de longitude Ouest) et, entre-temps, leva la carte des
îles des Amis, des Marquises, des Nouvelles-Hébrides, découvrit la Nouvelle-Calédonie
; après une dernière pointe vers le Sud, il trouva ensuite la Georgie
méridionale, les Sandwich du Sud, et revint, ayant démontré le néant
du continent austral et déterminé l'aspect de l'hémisphère méridional.
Dans son troisième voyage, il découvrit les îles Hawaii (Sandwich),
explora la côte d'Alaska et le détroit de Béring, dessinant le contour
exact de L'Amérique
au Nord-Ouest. Ce qui a contribué à la gloire de Cook, non moins que
l'étendue de ses découvertes, c'est la précision de ses travaux; où
il a passé, les navigateurs ne trouvent rien à corriger. L'hydrographie
de l'océan Pacifique fut complétée sur bien des points par les voyages
de La PĂ©rouse (Japon
septentrional, Mandchourie), d'Entrecasteaux,
Marchand et Vancouver. Ce dernier (1792-1794)
constata l'absence de tout passage vers l'Atlantique dans les parages de
l'île qui a reçu son nom (découverte par Bodega y Quadra). La carte
du Grand Océan était complète.
La fin du XVIIIe
siècle vit l'exploration scientifique de l'empire russe ,
conduite par une pléiade de savants, Gmelin,
Pallas, Georgi, Falk, Rytschov, Lepekhin, Guldenstaedt,
de 1768 Ă 1774;
celles du Nord du continent américain
par Hearne (1769)
et Mackenzie (1789);
des frontières du Brésil par Azara (1781).
Pour l'Afrique ,
le voyage de Bruce en Abyssinie
(1769-1871)
est moins important que la fondation de l'African Association (1788)
qui donna une impulsion active et une direction scientifique aux voyages
dans le continent noir : Hornemann explora
le Fezzan
(1799); Mungo Park
le Soudan et fit connaître le Niger. Il ne faut pas oublier l'expédition
d'Égypte
(1798-1801).
Mais tous ces titres pâlissent devant ceux d'Alexandre
de Humboldt, dont la science universelle n'a jamais été égalée
par un autre géographe et dont les travaux sont restés longtemps le fond
de la géographie du bassin de l'Orénoque, des Andes équatoriales, du
Mexique .
-
Un
des bâtiments de la Royal Geographical Society, à Londres.
Source : The World Factbook.
Le XIXe
siècle.
Le XIXe
siècle a sinon complété, du moins fort avancé l'étude descriptive
de la Terre .
Il n'y a plus alors de région inconnue un peu étendue qu'autour des deux
pĂ´les .
A aucune époque, les voyages d'exploration n'ont été aussi multipliés
et aussi fructueux. Il ne restait pas de grand problème de géographie
générale à résoudre, mais beaucoup à faire pour compléter la connaissance
des continents et presque tout pour la fonder sur des données scientifiques.
Ceci n'a été réalisé, et partiellement, que dans les pays européens,
aux États-Unis ,
en Égypte ,
en Inde
et dans quelques colonies européennes (Algérie ,
Cap, Canada ,
Australasie, etc.). L'intérieur de l'Asie où subsistaient de vastes lacunes
a été parcouru en tous sens. L'intérieur de l'Australie, complètement
inconnu, l'a été également. Celui des Amériques
n'a plus de secret. La mystérieuse Afrique
a plus résisté et coûté plus d'efforts, mais la carte en est à la
fin du siècle presque complète. Nous n'avons pas à retracer les voyages
qui ont amené ces résultats. Nous donnerons seulement quelques indications
très générales sur ces découvertes continentales, un peu plus de détails
sur les explorations maritimes dans les deux régions polaires; puis nous
exposerons l'état de la géographie au seuil du XXe
siècle, la constitution de ses différentes branches, et nous
dirons les savants qui s'y sont illustrés et qui en ont tracé les cadres.
En Asie, les recherches archéologiques
et ethnographiques ont eu une grande importance; poursuivies en Inde ,
dans le bassin de l'Euphrate et toute l'Asie occidentale, elles se sont
étendues à l'Asie centrale et septentrionale dont on complétait la chorographie.
Le relief de l'Asie centrale n'a été bien connu que dans la deuxième
moitié du XIXe
siècle. En Australie, toutes les recherches ont été menées
de front. En Amérique ,
le premier rang revient aux magnifiques travaux des ingénieurs des États-Unis
accomplis dans des régions comme celles des Rocheuses dont on ne savait
presque rien jusqu'aux années 1820.
La cartographie des États sud-américains a été continuée, mais non
achevée; l'exploration scientifique y fut surtout due à des étrangers.
L'Afrique, sur laquelle se sont concentrés les efforts des
grands voyageurs, a été visitée bassin
par bassin, le Niger, le Zambèze, puis le Haut-Nil et enfin le Congo .
L'étude du bassin septentrional de ce fleuve par les Français et les
Belges a comblé la dernière lacune sérieuse de la carte du continent.
Les explorations maritimes, malgré le
mérite et le zèle de leurs chefs, ont eu moins de succès que les explorations
continentales en ce qui concerne les découvertes proprement dites. Mais
elles ont donné lieu à d'admirables voyages scientifiques. Ceux de Freycinet
(1847-1820),
Duperrey (1822-1825),
Bougainville (1824-1826),
Dumont d'Urville (1826-1829
et 1837-1840),
Dupetit-Thouars (1836-1839),
Reechey (1825), Belcher (1836-1842),
J. Ross (1841-1843),
Kotzebue (1815-1818
et 1823-1826),
Bellingshausen (1819-1821),
Lutke (1826-1829),
Wilkes (1838-1842),
Bille (1857-1859),
la frégate autrichienne
la Novara (1857-1859),
etc.
La carte de toutes les îles, de presque
toutes les côtes a été levée, et la géographie nautique l'emporte
en précision sur la géographie terrestre de la plupart des contrées.
L'hydrographie, la physique terrestre, la lithologie du fond des mers,
l'ethnographie insulaire ont été renouvelées ou créées; enfin l'histoire
naturelle a été la préoccupation principale des voyages scientifiques
maritimes de la fin du siècle, et les résultats obtenus furent immenses.
L'exploration des régions polaires
a été poursuivie par de véritables savants, mais elle a aussi donné
lieu à des tentatives de simple curiosité géographique pour atteindre
le pĂ´le. L'Angleterre
y eut d'abord le premier rang; après l'échec de la double tentative de
John Ross et de Buchan
(1818), Parry
visita le détroit de Lancastre et le grand archipel polaire dont le Nord
garde son nom (1819 et 1821-1823),
puis se lança en traîneau au Nord du Spitzberg et parvint à 82°43'
de latitude Nord (1827). Franklin
releva les côtes américaines de la mer boréale (1819-1822
et 1825-1827)
depuis la Coppermine jusqu'au 152e degré
de longitude Ouest; Dease et Simpson complétèrent le tracé jusqu'au
cap Barrow oĂą on Ă©tait venu par mer, puis de la Coppermine au golfe Back
(1837-1839),
Rae, de lĂ Ă la baie Repulse de Parry (1846-1854).
La carte du littoral continental fut ainsi Ă©tablie et on se retrouva en
face du problème du passage du Nord-Ouest, aller de l'Atlantique au Grand
Océan par le Nord de l'Amérique .
John Ross découvrit la presqu'île Boothia, le pôle magnétique, fit
la carte des 700 milles de côtes nouvelles du détroit du Prince-Régent
(1829-1833).
La disparition de Franklin
suscita plus de vingt expéditions polaires de 1848
à 1859; tous les défilés de ce labyrinthe
glaciaire furent fouillés et la cartographie du redoutable archipel très
avancée; le passage du Nord-Ouest fut trouvé par Mac
Clure en 1850. Les Américains
reprirent la recherche de la route vers le pĂ´le; Kane
(1853) remonta jusqu'au 80° degré
Ă l'Ouest du Groenland, Hayes (1861)
jusqu'au 81,35e degré et crut voir la
mer libre dans des parages oĂą l'Anglais Nares
ne trouva que des glaces qu'il juge persistantes. Du côté du Spitzberg,
une expédition autrichienne découvrit la terre du roi François-Joseph.
Au Nord-Est du détroit de Bering on a trouvé la terre de Wrangel. Nordenskjöld
a réussi à franchir le fameux passage du Nord-Est et à aller d'Europe
en Chine
par le Nord de l'Asie. La découverte du courant polaire qui, de cette
région de l'embouchure de la Léna, se porte par la région du pôle vers
le Nord de l'Europe reste attachée au naufrage de la Jeannette
et Nansen essaye d'en profiter pour gagner le
pĂ´le Nord (1893).
Du côté du pôle Sud on a trouvé enfin
quelque chose qui ressemble au continent austral si longtemps rêvé, un
ensemble de terres antarctiques. Biscoe en vit quelques-unes, celles d'Enderby
(1831) et de Graham (1832);
elles furent reconnues par l'expédition de Dumont
d'Urville (1838-1840)
vers 64° de latitude Sud (Terre Louis-Philippe) ou vers 66° (terre Adélie);
Wilkes (1839-1840)
les aperçut de loin; James Ross (1841-1843),
mieux équipé, s'enfonça plus près du pôle jusqu'au 74° degré le
long de la Terre Victoria; il reconnut que la terre Louis-Philippe est
une île. Après ces trois expéditions simultanément décidées, aucun
progrès sérieux n'a été fait dans la région polaire antarctique jusqu'au
début du XXe
siècle. C'est donc la partie du monde où ont subsisté le
plus longtemps les plus vastes espaces inconnus. Pour ĂŞtre complet, nous
ne devons pas omettre les travaux des cartes des fonds océaniques; qui
eux aussi ont dĂ» attendre jusqu'au XXe
siècle pour produire une première idée approximative
de cette partie du relief terrestre. A ces deux réserves près, qui ne
sont pas des points de détail, on peut dire que le XIXe
siècle avait déjà bien avancé la cartographie générale
du globe.
La
science géographique
La géographie scientifique a aussi réalisé
entre le XVIIe
et le XIXe siècle
d'énormes progrès. Les tables de Laplace ont
complètement résolu le problème des longitudes,
«
plus exactement que ne le demandait l'art nautique dans ses derniers raffinements
».
La géodésie
s'est signalée dans les pays civilisés par d'admirables travaux qui en
ont amené la chorographie à une précision extrême. La mesure des altitudes
par le baromètre a été perfectionnée par Ramond, Laplace
et Gauss; Bessel en a
établi les formules rigoureuses, mais, en somme, pour la géographie mathématique,
on n'a fait que perfectionner les inventions du siècle précédent. La
géographie physique a été transformée, presque créée. Elle le doit
en premier lieu aux géologues dont les constatations en formeront la base
incontestée. Le magnétisme terrestre a été étudié et ses lois précisées;
rappelons les observations de Humboldt, de Ross,
les calculs de Gauss, Weber,
Lamont et Sabine. La
météorologie avait avec Réaumur commencé
les études de température (1735);
l'académie de Mannheim (1780) les
généralisa en Europe. A. de Humboldt lui fit faire de grands progrès,
dessina les îles isothermes, observa les règles de la décroissance de
la température avec l'altitude, la limite des neiges persistantes. L'étude
des courants atmosphériques inaugurée par Halley
a fait des progrès décisifs, grâce aux lois de Dove et de Buys-Ballot.
Les observations hygrométriques et pluviométriques datent à Paris et
en Angleterre
du XVIIe siècle.
Elles ont été systématisées et ont fourni un élément capital de la
Climatologie.
L'océanographie ou hydrographie maritime
n'existait guère avant le siècle XIXe
siècle. On n'avait de relevés de profondeur qu'autour des
cĂ´tes d'Europe ;
jusqu'en 1838 on ne connaissait pas
de fond dépassant 1 200 brasses (2 160 m). La pose de câbles sous-marins
nécessita des recherches et des sondages multiples; on entreprit alors
l'étude méthodique des fonds sous-marins bien connus à la fin du siècle
au moins pour la Méditerranée et l'Atlantique septentrional. Varen
avait, dès le XVIIe
siècle, affirmé l'égalité de niveau des mers, une erreur
dans le nivellement de l'isthme de Suez la fit contester Ă tort. Whewell
dressa en 1833 une carte des heures
de marée
dans toute l'Ă©tendue de la Terre, et Ă©tudia les principes de la propagation.
Les courants marins avaient été marqués sur la carte par le jésuite
Athanase Kircher en 1665.
Rennell en fit une étude méthodique et en détermina les lois. La météorologie
marine fut renouvelĂ©e par Maury. Nous avons dĂ©jĂ
signalé les explorations sous-marines, dont Wyville Thomson fut l'ardent
promoteur.
Les commencements de la géographie
biologique appartiennent eux aussi presque entièrement au XIXe
siècle. Après Tournefort, A.
de Humboldt indiqua les premières lois de la géographie botanique.
Karl Ritter dressa sa première carte en 1806.
La géographie zoologique progressa plus lentement. Zimmermann
fut l'auteur de la première carte de distribution des mammifères
(1777), signala le caractère spécial
de la faune australienne. Buffon avait comparé
celles des deux mondes, dans la zone arctique. L'anthropologie et l'Ă©thnographie
se sont développées à partir de la fin du XVIIIe
siècle. La géographie politique a modifié ses procédés
et étendu son domaine. Limitée jadis à la description des divisions
administratives des villes et localités remarquables, des produits industriels
et commerciaux, elle commence Ă s'appuyer vers la mĂŞme Ă©poque sur une
véritable science, la démographie. L'emploi méthodique de la statistique
a jeté un grand jour sur une foule de questions, et la sociologie
s'y enchevêtre avec la géographie. Le premier grand traité de géographie
politique, avec emploi rationnel de la statistique, fut celui de Busching
(1754-1792).
Mais, Ă partir du commencement du XIXe
siècle, Karl Ritter a imposé sa méthode en prouvant la solidarité
de toutes les branches de la géographie et la subordination de la géographie
politique à la géographie physique. Il fut ainsi le fondateur de la géographie
comparée. A vrai dire, ce qu'il intitule ainsi, c'est la géographie générale
dont le premier il définit la tâche. La comparaison est la méthode,
non le but. Ritter compare les objets de la surface terrestre selon leur
forme, leur position, leur étendue, de manière à déterminer les traits
généraux, les caractères spéciaux à chacun, leurs influences réciproques
et surtout leurs influences sur les hommes. Il s'attacha Ă comparer la
situation d'une même contrée à des époques différentes. Sa méthode
approfondit la connaissance de la terré. Peschel a voulu pousser plus
loin et créer une géographie comparée limitée à des généralités
sur la morphologie de la surface terrestre.
Après les publications de Ritter,
la géographie générale a été sans cesse étudiée. La définition
mĂŞme qu'il en donne est excellente. Prenez un fragment de la surface terrestre
: la Grande-Bretagne, par exemple; c'est un individu géographique, caractérisé
par une situation en latitude et longitude, une configuration, un climat,
une végétation, une population, etc. ; bref, une combinaison unique qui
ne se trouve que là . De même, la géographie spéciale envisage une montagne,
un massif, les Alpes, les Andes, en eux-mêmes. Au contraire, la géographie
générale fait abstraction des traits particuliers; elle puise sa matière
dans la géographie spéciale, mais elle l'analyse, classe les objets par
catégories, cherchant à dégager des principes communs aux montagnes,
à créer des types. Elle envisage la Terre
dans son ensemble. Elle s'élève à l'idée d'une vie générale de notre
planète; elle l'envisage comme un organisme et la décrit dans son ensemble.
Les études géographiques ont été, au
XIXe siècle
surtout, florissantes en Allemagne .
Le pays de Humboldt et de Ritter
peut encore nommer Peschel, Wappaeus, Richthofen,
Ratzel, Wagner, Kiepert, qui tous ont marqué
leur trace. L'enseignement est extrêmement répandu : presque toutes les
universités, toutes celles de Prusse ,
ont leur chaire de géographie, et tant pour la géographie générale
que pour la cartographie et l'élaboration des matériaux nouveaux sans
cesse recueillis dans le monde entier, l'Allemagne est au premier rang.
L'Angleterre
a fait beaucoup pour la géologie géographique, pour la connaissance des
mers, de la géographie biologique. Elle revendique Lyell,
Charles Darwin, Murchison,
Geikie. La France ,
malgré le haut mérite de ses cartes officielles, des oeuvres de ses géodésiens
et de ses géologues, est demeurée longtemps en arrière. Après Malte-Brun,
elle peut nommer Vivien de Saint-Martin, Levasseur, Elisée
Reclus. L'enseignement géographique, délaissé jusqu'en 1870,
s'est relevé, mais il reste fort imparfait par son attache aux facultés
des lettres. La Russie
a, à cette époque, d'excellents géographes : Strelbitski pour la partie
mathématique, Voieikov pour la climatologie, Semenov, etc.
(GE).
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Jean-Pierre
Bois, et al., Deux
voyages au temps de Louis XVI, 1777-1780 (La mission
du Baron de Tott en Egypte en 1777-1778 et le journal de bord de l'Hermione
en 1780), P. U. de Rennes, 2005. - Au XVIIIe
siècle, les expéditions maritimes à travers le monde connaissent un
regain d'intérêt. L'état d'esprit des Lumières pousse la société
intellectuelle européenne aux découvertes et la pratique des voyages
à travers l'Europe et le monde devient un passage obligé dans l'éducation
de tout érudit. Mais, lorsque la vogue des grands voyages reprend après
1763 dans un contexte de compétition internationale et de guerre latente
entre la France et l'Angleterre, ce sont des équipes complètes de savants
- géographes, cartographes, anthropologues -, et non plus des aventuriers,
qui dressent une carte plus précise des côtes et des îles de toutes
les mers du globe, à l'exemple des célèbres expéditions de Bougainville
entre 1766 et 1769 ou de Cook entre 1768 et 1779. Dans ce contexte, deux
grands voyages maritimes français sont lancés. En 1777-1778, François
de Tott, militaire, diplomate et homme de renseignements, part Ă la conquĂŞte
de l'Egypte afin de contrebalancer la puissance anglaise grandissante en
Inde. Voyage militaire, il s'agit Ă©galement d'un voyage scientifique.
En 1780, le jeune marquis de La Fayette embarque sur l'Hermione
afin de rencontrer George Washington pour préparer l'envoi d'un corps
expéditionnaire français et venir en aide aux révoltés américains.
Le Journal de bord du commandant Latouche-Tréville constitue un
témoignage précieux non seulement sur ce voyage historique mais aussi
sur le voyage transatlantique en général à la grande époque de l'histoire
maritime de la France. Ce sont ces deux textes, récits de voyages réunis
par leur contexte politique et par leur chronologie, qui constituent le
premier numéro que la revue Enquêtes et Documents consacrera désormais
une fois par an Ă la publication de documents originaux. (couv). |
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