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Fontainebleau,
Fons
Blaudi ou Fons Bellaqueus, est une ville de France
(Seine-et-Marne), chef-lieu d'arrondissement.
Elle est située à 14 km Sud-Est de Melun,
et à 57 kilomètres au Sud-Sud-Est de Paris.
Située au milieu d'une vaste et belle forêt, appelée
Forêt
de Fontainebleau, cette ville doit son importance à un magnifique
château,
dont l'origine remonte au XIIe siècle,
et qui a été particulièrement embelli sous François
Ier, Henri
IV, Louis XIV et Napoléon
ler (V.
plus bas). Les environs de Fontainebleau fournissent les grès employés
au pavage de Paris, et l'excellent raisin appelé chasselas de Fontainebleau.
La ville de Fontainebleau,
qui a grandi autour du château, s'est grandement transformée
pendant le cours du XVIIIe siècle.
Après l'incendie du 9 juin 1702 qui fit d'énormes dégâts
et coûta 200 000 livres de réparations, jusqu'au jour où
le palais, devenu propriété nationale, il se vit dépouillé
de beaucoup de ses objets d'art, aux dépens de la capitale et du
musée constitué aux Petits-Augustins. Auprès du pare
s'était élevé l'hôtel Pompadour, construit par
ordre du roi sur les dessins de l'architecte Gabriel, et devenu de nos
jours successivement la propriété de Michel Ephrussi et du
comte de Gramont; l'hôtel de Foix était devenu la surintendance
des bâtiments; l'hôtel du Maine allait être converti
en maison commune, qui se transforma en 1865 pour devenir le bel hôtel
de ville actuel; l'hôtel des Quatre-Secrétaires fut acquis
en 1666; l'hôtel de la Coudre fut occupé par diverses manufactures
royales; l'hôtel de Guise fut converti en bureaux pour les contrôleurs
des bâtiments; l'hôtel de Conti devint la petite écurie
du roi; l'hôtel de la Vieille-Poste fut réservé aux
officiers du dauphin; l'hôtel du Grand-Ferrare aux officiers du duc
d'Orléans ; l'hôtel d'Ecosse et l'hôtel de Villequier
aux compagnies des gardes du corps. L'hôtel de Sens appartenait aux
princes de Condé; l'hôtel de Schomberg aux Rohan-Soubise.
Pour les agrandissements
du château et de ses dépendances,
le roi avait acheté l'hôtel d'Albret jadis habité par
le cardinal de Richelieu, l'hôtel d'Armagnac, l'hôtel de Chevreuse,
l'hôtel de Bassompierre et l'hôtel d'Estrées dont le
dernier propriétaire fut le maréchal de Noailles. Dans les
rues avoisinantes se trouvaient encore les hôtels de Toulouse, d'Eu,
de Rohan, de Béthune ,
de Charost, de La Vrillière, de Biron, de Maillebois, de La Rochefoucauld,
d'Humières, etc. L'hôtel de Madame Elisabeth était
devenu l'hôtel Guérin. L'ancien hôtel de Martigues avait
fait place à la maison de la Mission, construite en 1663 et donnée
aux lazaristes. L'hôtel de Brionne est devenu aujourd'hui la maison
des soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. Un hôtel-Dieu avait été
créé par Anne d'Autriche,
en 1646, pour recevoir les pauvres femmes et filles de la ville; un autre
hôpital, dit de la Sainte-Famille ou du Mont-Pierreux, et qui existe
toujours, avait été fondé par Mme
de Montespan, en 1686, pour les orphelins et les vieillards. Signalons
enfin, pour être complet, l'érection d'une chapelle de Bon-Secours,
sur la route de Paris, au XVIIe
siècle, en mémoire d'un miracle
arrivé en ce même lieu à Dauberon, capitaine au régiment
de Condé.
La Révolution,
en modifiant absolument l'état de choses établi de tout temps
à Fontainebleau, en éloigna pour toujours les vieilles familles
attachées à la cour, et fit disparaître en partie les
serviteurs dévoués à la royauté, de père
en fils, depuis deux siècles, les Dubois, les Dorchemer, les Chabouillé,
les Desboutz, les Nivelon, les Jamin un descendant des Jamin devint maire
de Fontainebleau en 1800. A cette époque, la ville eut à
lutter contre Nemours, sa voisine, qui ambitionnait de devenir sous-préfecture;
Fontainebleau finit par l'emporter.
Napoléon,
à peine devenu empereur, reprit cependant les traditions de la cour.
En même temps qu'il affectait l'aile neuve du palais à l'École
militaire, qui ne devait pas tarder à être transférée
à Saint-Cyr, il ordonna les réparations les plus urgentes,
et remeubla avec luxe les appartements
qu'il occupait, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage,
avec l'impératrice Joséphine. La première fois que
le pape Pie VII vint en France, pour le couronnement de l'empereur (novembre
1804), celui-ci alla au-devant de son hôte en forêt jusqu'à
la croix de Saint-Hérem, et les premières entrevues eurent
lieu dans l'appartement des Reines-Mères, au château. La seconde
fois (juin 1812), Pie VII revint en prisonnier; l'arrivée fut moins
triomphale et le séjour se prolongea dix-neuf mois.
Le château
de Fontainebleau.
Ce palais, qui, depuis le XIIe
siècle, fut le séjour, d'abord habituel, puis passager, des
rois
de France ,
offre un assemblage irrégulier de constructions élevées
à différentes époques et en divers genres d'architecture
: on y compte jusqu'à six châteaux,
attachés, avec leurs cours, les uns aux autres, chaque cour étant
entièrement ou à peu près entourée de corps
de bâtiments. C'est la Renaissance
qui a imprimé au château son caractère le plus remarquable
: mais une partie des peintures qu'y exécutèrent
les artistes italiens appelés par
François
ler a
été détruite, sous la minorité de Louis
XIV, par ordre d'Anne d'Autriche.
Le site de l'actuel château
fut d'abord un rendez-vous de chasse que les rois
de France possédaient au milieu de la giboyeuse forêt
de Bierre. Son nom, qu'on a voulu attribuer à une fontaine «
belle eau » ou à l'épisode d'un chien nommé
Blaud, lui vient plus probablement d'un nom d'homme dont l'origine et l'histoire
sont inconnus. Ce fut Louis VII qui le premier
donna plus d'importance à Fontainebleau, en y tenant sa cour et
en y édifiant une chapelle dédiée à saint Saturnin,
que consacra Thomas Becket, archevêque de
Canterbury, alors réfugié en France .
Cette localité dépendait du Gâtinais français,
réuni au domaine royal par Philippe Ier,
de la paroisse d'Avon et de l'archevêché de Sens.
Le château
primitif, construction fort peu importante, paraît avoir occupé
une partie des édifices qui entourent la cour Ovale actuelle, et
l'entrée devait être à l'endroit où se trouve
aujourd'hui la porte Dorée; des fossés
tout à l'entour en défendaient l'accès. Les rois qui
préférèrent le séjour de Fontainebleau furent
Philippe-Auguste,
Louis
IX, qui donna la chapelle à l'ordre des religieux mathurins;
Philippe
IV, qui y naquit et y mourut; Charles V,
qui y fonda une bibliothèque, et François
Ier qui
fit agrandir, embellir et orner le château par des maîtres
chargés de le transformer.
François
Ier, avait
le goût du beau et savait dépenser sans compter. Il s'adressa
aux grands artistes de l'Italie ;
mais Michel-Ange resta sourd à ses
propositions; Léonard de Vinci ne vint guère
en France
que pour y mourir, André del Sarto,
entraîné par une fatale passion pour une femme infidèle,
abusa de la confiance du roi qui l'avait chargé d'acheter en Italie
des objets d'art pour une somme considérable, et n'osa plus reparaître
à la cour. En 1527, on se décida à raser à
peu près complètement le manoir féodal, et l'année
suivante fut dressé le devis général des nouvelles
constructions à élever. On utilisa cependant quelques vieilles
tours d'enceinte. Les religieux mathurins restituèrent, pour une
somme d'argent assez ronde, les terrains voisins qui leur avaient été
jadis concédés, et l'honneur de l'entreprise revint en grande
partie à un architecte parisien, Gilles Le Breton. D'après
les plus récents travaux, cet architecte serait l'auteur, en dehors
du plan général, d'une partie de la façade sur la
cour du Cheval-Blanc, de la galerie de François
Ier, de
la galerie de Henri Il, de la nouvelle chapelle
Saint-Saturnin, du péristyle
de la cour Ovale. Deux contemporains, Pierre Chambiges et Pierre Girard
(dit Castoret) se seraient partagé l'honneur de bâtir le reste
du palais, le premier ayant élevé les bâtiments de
pierre et de brique qui garnissaient la cour du Cheval-Blanc et dont un
seul côté subsiste aujourd'hui; le second ayant construit
le corps de bâtiment fermant la cour de la Fontaine et l'ancien théâtre.
Les travaux durèrent pendant tout
le règne et furent continués, sous le suivant, par Philibert
Delorme. Mais, à côté de ces architectes français,
il y eut toute une pléiade d'artistes italiens qui prirent une part
active et considérable à la construction et surtout à
la décoration du nouveau palais. Le Primatice,
le Rosso, Nicolo dell'Abbate et Sébastien
Serlio formèrent une école qui a conservé le nom d'école
de Fontainebleau. Pour son séjour préféré,
le roi avait rêvé un luxe inusité et permanent: fresques,
marbres, stucs, boiseries l'ornèrent à l'envi. On fit de
magnifiques préparatifs pour la réception de Charles-Quint
à Fontainebleau, en 1540; on fit des fêtes somptueuses à
l'occasion du baptême du futur roi François
Il, et deux ans après, en 1545, pour le mariage d'Élisabeth,
fille de Henri Il, avec Philippe
Il d'Espagne .
Le Primatice, qui fut nommé surintendant des bâtiments de
Fontainebleau après la mort du Rosso, son rival, exécuta
la décoration de la porte Dorée et entreprit celle de la
galerie d'Ulysse ,
qui dura de longues années; mais aujourd'hui on ne peut réellement
le juger que d'après les peintures, d'ailleurs plusieurs fois retouchées,
de la salle de Bal ou galerie Henri II, la merveille du château.
L'art de cette époque a multiplié à Fontainebleau
l'image de Diane ,
la déesse chasseresse, et de ses attributs ,
pour complaire à la maîtresse du roi, Diane de Poitiers, protectrice
des arts et des lettres. Les croissants de la duchesse de Valentinois alternent
partout avec la salamandre ,
emblème de François Ier.
La bibliothèque royale de Blois
fut transportée en 1544 à Fontainebleau et s'augmenta de
nombreuses acquisitions de manuscrits faites en Italie par ordre du roi,
à l'instigation de Janus Lascaris et de Guillaume
Budé; mais elle ne devait pas demeurer longtemps dans ce château
où elle occupait le deuxième étage de la galerie François
Ier; elle
fut transportée à Paris. Les
maîtres et gardes de la librairie royale à Fontainebleau furent
Guillaume Budé, Pierre Duchastel, Pierre de Montdoré, Mellin
de Saint-Gelais, Mathieu La Bisse et Jean Gosselin.
Le pavillon central de la cour du Cheval-Blanc
date du règne de Charles IX. De la même
époque était le premier escalier
auquel succéda le célèbre escalier en fer à
cheval construit par l'architecte Lemercier sous Louis
XIII; de la même époque aussi le cabinet de la Reine,
dit aussi des Empereurs, parce que les douze césars y étaient
représentés à cheval, avant que Louis XIII ne l'eût
fait entièrement modifier. Mais bientôt l'art fut délaissé
et fit place à la politique. La cour vint, il est vrai, au palais,
mais c'était pour y amener a sa suite les soucis et les luttes intestines.
C'est à Fontainebleau que se tint, le 21 août 1560, une assemblée
de notables, provoquée par la reine mère pour calmer les
haines religieuses, et où l'amiral de Coligny,
présent, demanda la tolérance pour les partisans de la nouvelle
religion réformée. C'est à Fontainebleau qu'eut lieu
l'entrevue de Catherine de Médicis
et de Charles IX, le 31 janvier 1564, avec les ambassadeurs du pape, de
l'empereur, du roi d'Espagne
et autres princes catholiques, chargés de demander que le gouvernement
de la France revint sur l'édit de pacification d'Amboise ,
après la réception solennelle eurent lieu de magnifiques
réjouissances, festins et tournois.
Le
Château de Fontainebleau.
Délaissé pendant près
de quarante ans, Fontainebleau reprit une nouvelle vie sous Henri
IV qui y venait fréquemment, soit avec Gabrielle d'Estrées,
soit plus tard avec la reine Marie de Médicis.
Henri IV fit faire de grands embellissements et de nouvelles constructions;
il y dépensa, de 1593 à 1609, la somme énorme de 2
500 000 livres. Entre autres travaux, il fit faire la grande galerie de
Diane, la cour des Offices, les bâtiments de la place d'Armes, le
dôme élevé au-dessus de la porte de la cour Ovale et
appelé depuis le Baptistère
de Louis XIII, parce que ce prince y fut baptisé
solennellement le 14 septembre 1606, les bâtiments de la cour des
Princes, et le pavillon
Sully, destiné spécialement
à son surintendant des finances. Il fit agrandir les jardins, creuser
le grand canal de 1200 m de long sur 39 de large, construire le réservoir
voûté qui fournissait l'eau au château et transformer
le jardin du Roi, qui devint le jardin du Tibre, à cause d'une grande
figure placée sur un rocher et coulée en bronze, le tout
sous l'habile direction de l'ingénieur italien Francini. Henri IV
fit orner la chambre où naquit le
dauphin de tableaux d'Ambroise Dubois et de paysages
de Paul Bril; à l'endroit où se trouvait
le lit de Marie de Médicis se voit aujourd'hui
la première glace apportée en France
et offerte par les Vénitiens au roi. C'est au palais de Fontainebleau
que fut arrêté et détenu le maréchal de Biron,
accusé de trahison, avant d'être emmené à la
Bastille
où il fut exécuté. C'est là que se tint une
célèbre conférence entre le cardinal
Du Perron , alors évêque d'Evreux, et Duplessis-Mornay, au
sujet d'un livre publié par ce dernier pour soutenir les droits
de la religion réformée. C'est là aussi que fut reçu,
en 1608, l'ambassadeur d'Espagne ,
don Pedro de Tolède.
-
Palais
de Fontainebleau : la chambre ovale.
Au début du règne de Louis
XIII, une nouvelle pléiade d'artistes fut invitée, par
ordre du surintendant Sublet de Noyers, à décorer les parties
neuves ou remaniées du château. Les peintures
de la galerie des Cerfs
furent confiées au peintre Pierre Poisson ; les ouvrages de sculpture
de la grande chapelle furent faits par Barthélemy du Tremblay et
par son gendre Germain de Gissey, tandis que toute la décoration
fut l'oeuvre de Martin Fréminet. En même temps, Claude d'Hoey
fut chargé des peintures et dorures de la chapelle basse. Pendant
l'été de 1625, le roi reçut à Fontainebleau
le cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIII, venu pour arranger les
affaires de la Valteline; l'année suivante s'y dénoua l'intrigue
de cour qui coûta la vie au malheureux Henri de Talleyrand, comte
de Chalais. La reine d'Angleterre ,
Henriette de France ,
y fit un court séjour en 1644; deux ans après vint le comte
de La Gardée, ambassadeur de la reine Christine de Suède ,
et, en 1657, cette reine elle-même, qui jeta le trouble dans cette
paisible résidence par une tragique et funèbre histoire,
le meurtre de son secrétaire Monaldeschi, à laquelle fut
involontairement mêlé le père Lebel, supérieur
des mathurins et desservant la chapelle
du château. Un fils naquit à Louis
XIV, dans le château de Fontainebleau, le 1er
novembre 1661.
Fontainebleau reçut encore la visite
de quelques ambassadeurs; des fêtes s'y donnèrent fréquemment;
mais déjà ce n'était plus le séjour ordinaire
de la cour. Louis XIV fit transformer Saint-Germain
et construire Versailles. Fontainebleau
demeurera seulement la maison de plaisance d'automne, où le roi
et sa suite viendront surtout pour se livrer aux plaisirs de la chasse
et assister aux représentations des opéras
et des tragédies en vogue. A la fin du XVIIe
siècle, la veuve de Scarron, maîtresse
du grand monarque, fut la véritable reine à Fontainebleau.
Louis
XIV lui fit aménager une série de pièces à
son usage particulier, entre la salle des Gardes et la galerie Henri II.
Elles ont conservé le nom d'appartements de Maintenon.
A Fontainebleau fut signée, le 22 octobre 1685, la révocation
de l'édit de Nantes; à Fontainebleau
moururent, à quelques mois d'intervalle, le prince de Conti
et le prince de Condé. On y reçut
solennellement, en 1695. la princesse Adélaïde de Savoie, fiancée
du jeune duc de Bourgogne ;
on y célébra, avec une magnificence inouïe, en 1697,
les noces d'Elisabeth-Charlotte d'Orléans,
nièce du roi, avec le duc Léopold de Lorraine. Les travaux
faits au château à cette époque, dont on possède
la trace dans les Comptes des bâtiments, sont importants en raison
des dépenses, mais beaucoup moins en raison des résultats;
il n'y a guère lieu de se féliciter des modifications introduites
dans l'aménagement général du palais pendant la seconde
partie du XVIIe siècle. On restaura
toutefois et on entretint.
En 1717, le tsar Pierre
Ier, alla
visiter Fontainebleau que la cour délaissait, mais qui redevint
le séjour ordinaire d'automne, pour le roi et son entourage, à
partir de 1725, année où Louis XV
épousa, dans la chapelle de la Trinité ,
la princesse Marie Leczinska, fille de Stanislas de Pologne .
Mais le goût était bien modifié et tout fut sacrifié
au confortable : c'est là un des effets du progrès. Aussi
vit-on alors détruire l'admirable galerie d'Ulysse ,
dont les peintures nous ont été conservées par les
gravures de Van Thulden, et que remplaça
la très disgracieuse aile gauche (dite aile Louis XV) de la cour
du Cheval-Blanc; aussi vit-on doubler sur le jardin de Diane le bâtiment
où se trouve la galerie de François
Ier, autrefois
éclairée par des fenêtres sur ses deux façades,
pour augmenter le nombre des appartements. Il fallait satisfaire aux exigences
des courtisans qui augmentaient de jour en jour. Au mois d'octobre 1745,
Mme
de Pompadour prenait possession des logements qu'avait occupés,
au dernier voyage, la duchesse de Châteauroux.
Vers la même époque, la salle de la Belle-Cheminée
fut transformée, à grands frais, en salle de spectacle. Les
représentations succédaient aux représentations, les
fêtes aux fêtes.
Voltaire y vint
plusieurs fois surveiller l'interprétation de ses pièces.
Rousseau
y vint à son tour en 1752, à l'occasion de la première
audition de son opéra, le Devin du village, qui obtint un
grand succès. Le lendemain on devait présenter l'auteur au
roi; mais Rousseau prit peur, s'enfuit sans crier gare, et perdit ainsi
la pension qui lui était promise. En 1768, Christian
VII, roi du Danemark ,
qui voyageait en France ,
visita Fontainebleau et y vit jouer
Tancrède. En 1771 et
1773, de nouvelles et brillantes fêtes furent données au palais
à l'occasion du mariage du comte de Provence et du comte d'Artois
avec les princesses de Savoie. La tradition des voyages annuels à
Fontainebleau se continua sous Louis XVI jusqu'en
1786; Marie-Antoinette affectionnait
particulièrement ce séjour; le roi y chassait et s'y occupait
de serrurerie artistique qui constituait son plaisir favori. Le 31 janvier
1784, le roi dota la ville d'une administration, composée d'un maire,
de deux échevins, d'un procureur-syndic, d'un secrétaire-greffier
et d'un receveur. Ainsi se complétait l'organisation de la localité,
devenue paroisse seulement en 1661. Le premier maire, entièrement
dévoué aux intérêts de la ville, fut le comte
de Montmorin, massacré dans la prison de l'Abbaye le 12 septembre
1792.
Le 31 mars 1814, le jour même où
l'empereur de Russie
et le roi de Prusse
entraient à Paris,
Napoléon
gagnait Fontainebleau; le 5 avril, il y signait son abdication sur un guéridon
devenu historique et religieusement conservé. Après des adieux
à ses vieux soldats de la garde douloureusement émus, dans
la cour du Cheval-Blanc, l'empereur se décida à partir et
quitta le palais le 20 avril, à destination de l'île d'Elbe.
Louis
XVIII et Charles X vinrent peu au château;
Louis-Philippe
s'y plaisait, au contraire, beaucoup, et fit exécuter, notamment
dans la galerie de Diane et dans la galerie des Assiettes, de nombreux
aménagements et d'importantes restaurations, pour lesquels il a
été dépensé une somme de 3 millions et demi;
en général, les anciennes peintures
retouchées ont perdu de leur originalité, par exemple dans
la galerie de Diane où le peintre Alaux travailla de longues années,
et les décorations nouvelles se ressentent du funeste et déplorable
goût de cette époque, dont Abel de Pujol et Blondel
ont été à Fontainebleau les tristes interprètes.
C'est au palais que fut reçue en grande pompe la princesse Hélène
de Mecklembourg, fiancée du duc d'Orléans.
Le 30 mai 1837, au milieu de fêtes superbes, le mariage civil fut
célébré dans la galerie Henri II, le mariage catholique
dans la chapelle de la Trinité, et le mariage protestant dans la
salle qui s'étend sous la galerie Henri II. La cour de Napoléon
III a fréquemment visité Fontainebleau, qui disputait
à Compiègne l'honneur d'être choisi pour la résidence
d'automne. On y donna des fêtes nombreuses et brillantes et l'on
y construisit la gracieuse salle de spectacle située à l'extrémité
de l'aile neuve de la cour du Cheval-Blanc, et due à l'architecte
Lefuel. Les deux hôtes étrangers de marque qui vinrent à
Fontainebleau furent le grand-duc Constantin de Russie et le roi de Bavière.
L'impératrice prit un grand intérêt à la création
et à l'organisation du musée chinois, formé par de
précieux objets enlevés à Pékin
par le général Palikao et installé dans un pavillon
donnant sur la cour de la Fontaine.
Après la guerre de 1870 et la perte
de la ville de Metz, l'École d'application
de l'artillerie et du génie fut installée à Fontainebleau,
et la cour des Princes, isolée pour ainsi dire du reste du palais,
fut affectée aux différents services de cette école,
qui tend d'ailleurs chaque jour à s'agrandir et à empiéter
sur les parties avoisinantes. L'administration des beaux-arts n'a pas négligé,
de nos jours, les restaurations devenues nécessaires au château.
La galerie des Cerfs a été rétablie dans son état
primitif par l'architecte Paccard; les peintures du Primatice
et du Rosso ont été refaites par le peintre Brisset, et,
en 1885, enfin, a été achevée la réparation
de la chapelle Saint-Saturnin et la restitution
du clocheton qui surmontait autrefois l'abside
de cette chapelle, du côté du parc, et qui, ayant disparu,
lui enlevait son caractère. Une partie des appartements compris
dans l'aile Louis XV ont été aménagés
pour recevoir l'été au palais le président Carnot,
sa famille et sa maison militaire, à partir de 1888; le chef de
l'État y vécut sans faste et sans luxe, recevant simplement
ceux qui lui demandent audience ou avec qui il désirait s'entretenir.
Le roi de Grèce
et quelques autres princes étrangers y sont venus lui rendre visite
dans le cours de ses dernières années.
Le
Baptistère de Louis XIII.
Tel qu'il nous apparaît aujourd'hui,
le château de Fontainebleau est formé de nombreux bâtiments
construits à des époques bien éloignées, imposants
par leur grandeur, confus dans leur disposition générale,
disparates dans leur architecture, mais dont la diversité même
est un objet d'admiration pour nos yeux éblouis.
Il ne nous est pas possible de donner ici
une description même sommaire des diverses pièces du palais,
telles que l'étranger les visite, et à énumérer
les plus précieuses oeuvres d'art qui les ornent. On y remarque,
notamment dans les appartements de Maintenon,
dans l'escalier de stuc, et dans les appartements du Pape, de magnifiques
tapisseries
des Gobelins
représentant entre autres Histoire de Psyché ,
les Triomphes ,
d'après N. Coypel, les Saisons ,
d'après Le Brun; l'Histoire d'Esther ,
les
Chasses de Louis XV, les Éléments, d'après Audran.
On y remarque les curieuses toiles d'Oudry, représentant des chasses,
et une série de tableaux de toutes les écoles et de toutes
provenances, déposées par le musée du Louvre
pour former galerie. On y remarque de superbes pendules-gaines
de Boulle, de l'époque Louis
XIV, et d'autres de l'Empire ; des commodes et des bureaux de Boulle
et de Riesener; des appliques, consoles et
ciselures
de Gouthière; de curieux
cabinets et
crédences
de la Renaissance ,
en ébène ou en noyer; le lit de Marie-Antoinette,
le trône de Napoléon
et le berceau du roi de Rome; le charmant salon du Conseil peint par Boucher
et Vanloo; de précieuses lanternes en bronze doré de l'époque
Louis
XV, parmi lesquelles une de Philippe Caffieri; les plafonds peints
par Barthélemy; le cabinet des glaces installé pour Marie-Antoinette;
de nombreux vases de Sèvres, des marbres,
des sculptures, des curiosités de
toute espèce. On peut compter, parmi les curiosités peu artistiques,
la galerie des Assiettes, ainsi nommée parce qu'elle est ornée,
depuis le règne de Louis-Philippe,
de cent dix-huit assiettes de Sèvres, représentant des vues
de châteaux nationaux, ou reproduisant des faits historiques qui
ont eu le château de Fontainebleau pour témoin.
La cour du Cheval-Blanc ou des Adieux est
ainsi nommée à cause du cheval en plâtre moulé
sur celui de la statue de Marc-Aurèle
à Rome, qui y avait été placé et fut détruit
en 1626. Elle mesure 152 m de longueur sur 112 de largeur. Quatre pavillons
à
toits aigus et à deux étages,
reliés entre eux par des bâtiments à un seul étage,
forment la façade principale. Ces pavillons, à partir du
Jeu de paume, qui est à gauche du spectateur, s'appellent pavillon
de l'horloge, pavillon des Armes, pavillon des Peintures, et pavillon des
Poêles ou des Reines-Mères. Toute cette façade était
primitivement en grès ou en brique; sous Charles
IX on fit revêtir de pierre et orner de pilastres les pavillons
des Peintures et des Poêles. Au centre
se développe l'escalier du Fer à cheval, qui manque de proportions
avec la petite porte qui le surmonte et qui donne accès dans les
appartements du premier étage. A gauche, l'aile des Ministres, qui
date de Louis XV, présente un aspect imposant malgré sa simplicité;
à droite, l'aile neuve, qui date de Louis-Philippe,
est banale et sans caractère.
La cour de la Fontaine est moins hétérogène;
pilastres, fenêtres, cheminées, lucarnes forment un ensemble
harmonieux sur lequel se détache très heureusement la terrasse
qui s'étend le long de la galerie de François
Ier. Non
loin de là, la porte Dorée, dont les voûtes
ornées de caissons dorés justifient
le nom qu'elle a reçu, est malheureusement défigurée
par les lourdes restaurations du peintre Picot
sous lesquelles on a peine à reconnaître l'oeuvre primitive
du Primatice ou du Rosso.
La cour Ovale, si charmante avec sa façade
de la galerie Henri Il, et ses deux rangs de vastes arcades
superposées, avec le portique situé
vis-à-vis et la galerie qui règne au rez-de-chaussée,
presque tout autour de cette cour, plaît infiniment, mais exigerait
une sérieuse restauration qui, il faut l'espérer, ne se fera
pas trop longtemps attendre; elle n'a pas subi de transformations depuis
l'époque où a été construit le pavillon des
Chasses, à la fin du XVIe siècle,
et le lourd et bizarre Baptistère
qui en ferme l'entrée du côté méridional, au
commencement du XVIIe.
Le jardin
de Diane, situé entre les bâtiments de la cour des Princes
et les pavillons principaux, s'appelle ainsi à cause d'une statue
en bronze, fondue par les Keller, de cette
déesse chasseresse, élevée au-dessus d'une fontaine
ornée de têtes de cerf en bronze, d'où l'eau s'échappe
et tombe dans un bassin de marbre blanc. C'est
sous Louis XV qu'ont été dénaturées
la plupart des constructions qui entourent ce jardin; on détruisit
alors la galerie des Chevreuils dont la façade était parallèle
à celle de la galerie des Cerfs, et l'orangerie qui reliait ces
galeries et fermait le jardin. On apercevait encore, au milieu de ce siècle,
dans ce jardin, la trace des fossés du vieux château primitif.
Au-dessus de la galerie des Cerfs s'étend et prend jour la galerie
de Diane, devenue la bibliothèque du palais dont les principaux
conservateurs ont été, au XIXe
siècle, Auguste Barbier, Vatout, Champollion-Figeac,
Octave Feuillet et J.-J. Weiss.
A droite de l'étang des carpes
s'étend le jardin anglais, tracé sous le règne de
Napoléon
ler sur
l'emplacement du jardin des Pins, et d'où l'on peut aller visiter
ce qui reste de la fameuse grotte des Pins quatre figures colossales de
thermes, formées de blocs de grès à peine dégrossis,
encadrant au fond d'une cour de service trois arcades maintenant bouchées.
A gauche de l'étang a été dessiné le parterre,
belle esplanade plantée d'arbres qui encadrent quatre massifs de
fleurs et un bassin carré. A l'extrémité se trouve
une pièce d'eau en forme de fer à cheval, au centre duquel
existe le bassin du Tibre. On a derrière soi le pavillon Sully,
devant soi l'allée de Maintenon qui conduit en forêt. Vers
l'Est, le parterre se termine par une terrasse dominant le beau canal de
1200 m de long, accompagné de chaque côté de plusieurs
rangées d'arbres séculaires, et s'étendant jusqu'au
village voisin d'Avon. Le parc est vaste et plein d'ombrageux bosquets;
on ne manque pas d'aller y admirer, le long d'une belle muraille exposée
en plein midi, la fameuse treille du roi, importée des environs
de Cahors sous le règne de François
Ier, et
qui a produit annuellement jusqu'à 4000 kilogrammes d'excellent
chasselas. (H. Stein). |
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