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Charles X

Charles X (Charles Philippe) est un roi de France, né à Versailles le 9 octobre 1757, mort à Göritz (en Illyrie) le 6 novembre 1836. Ce prince était le quatrième enfant du dauphin, fils de Louis XV, et de Marie-Josèphe de Saxe. L'aîné de ses frères, le duc de Bourgogne, mourut fort jeune en 1761. Les deux autres étaient le duc de Berry et le comte de Provence, qui ont régné en France le premier sous le nom de Louis XVI, le second sous celui de Louis XVIII. Pour lui, il reçut dès sa naissance le titre de comte d'Artois. Enfant gracieux et vif, il charma par sa pétulance et sa légèreté une cour corrompue, sous l'influence de laquelle ses défauts natifs purent se développer à l'aise. Son instruction fut fort négligée. 

Son esprit était naturellement étroit, et l'éducation qu'il reçut, sous la direction bigote et mesquine du duc de La Vauguyon, n'était pas de nature à le lui élargir. Son caractère devait rester toujours ouvert et généreux. Mais ses moeurs se ressentirent dès sa première jeunesse des tristes exemples qu'il avait sous les yeux. Si l'on ajoute que, rejeton d'une dynastie amollie par l'absolutisme et l'oisiveté, il n'eut jamais les goûts militaires auxquels ses ancêtres avaient dû leur gloire, on comprend qu'un tel personnage n'était guère fait pour relever aux yeux de la France une royauté chancelante qui, finalement, lui a dû sa ruine.

A l'âge de seize ans, le comte d'Artois épousa la princesse Marie-Thérèse de Savoie, qui était fille du roi de Sardaigne, et dont la soeeur aînée était mariée au comte de Provence (16 novembre 1773). Il en eut trois enfants, une fille qui vécut peu, et deux fils, le duc d'Angoulême et le duc de Berry (nés le premier en 1775, le second en 1776). Mais il ne tarda pas à délaisser une compagne dont les charmes, fort médiocres, ne purent captiver son humeur volage. Il fut, sous le règne de Louis XVI, le roi de cette noblesse désoeuvrée, libertine, qui vivait à la cour de gaspillage et de scandale, et dont la frivolité ne semblait pas se douter qu'une grande révolution était proche. 

Il eut des maîtresses dans tous les mondes, depuis Mlle Guimard et Mlle Duthé jusqu'à Mme de Polastron, dont l'ascendant sur son âme légère devait survivre aux orages de 1789. La malveillance publique incrimina, sans preuves, il est vrai, son intimité avec sa belle-soeur, la reine Marie-Antoinette. Il dut un jour, en 1778, accepter une rencontre avec le duc de Bourbon, dont la femme avait été l'objet de son impertinence au bal de l'Opéra. Les deux princes se battirent, ou firent semblant, car ils n'avaient ni l'un ni l'autre l'humeur fort belliqueuse. Le comte d'Artois était arrivé à vingt-cinq ans sans avoir rendu d'autre service à l'Etat que de visiter pour son plaisir quelques ports de mer, où il s'était fait donner des fêtes (1777), lorsqu'il partit brusquement pour aller assister au siège de Gibraltar. Il s'y rendit en effet, mais n'y resta que huit jours (août 1782), pendant lesquels ses exploits se bornèrent à donner des indigestions aux officiers espagnols qu'il invitait à dîner.
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Charles X.
Charles X, par François Gérard.

Il reprit bientôt à Versailles et à Paris une vie dissipée et dispendieuse, que la complaisance du ministre Calonne lui permit de mener sans souci jusqu'à la veille de la Révolution. Il protégeait, paraît-il, quelque peu les écrivains et les artistes, sans s'intéresser sérieusement ni aux lettres ni aux arts. Mais ce n'est pas sans doute en pensionnant l'abbé Delille et quelques autres rimeurs qu'il dépensait ses trois ou quatre millions de revenus et qu'il contractait en peu d'années pour 56 millions de dettes, qui furent payées par l'État. On comprend que, vu son éducation et ses habitudes, ce prince ne fût nullement porté aux réformes que réclamaient alors les plus sages amis de la monarchie, et que le régime d'arbitraire et de privilèges dont il vivait lui parût le meilleur des gouvernements. On le vit bien par l'attitude qu'il prit en 1787 à la première assemblée des notables, où, au contraire, le comte de Provence, esprit plus cultivé et plus politique, se montra disposé à faire quelques concessions à l'opinion publique. Aussi lorsque, peu après, les deux frères furent chargés par le roi d'aller faire enregistrer à la chambre les comptes et à la cour des aides, les deux édits du timbre et de la subvention territoriale, Monsieur fut-il accueilli par les applaudissements de la foule, tandis que le comte d'Artois fut insulté et dut se faire protéger par ses gardes à la sortie du palais.

L'année suivante, ce prince, qui siégea aussi dans la seconde assemblée des notables, ne se montra ni plus clairvoyant ni plus raisonnable. Car il vota obstinément contre le doublement du tiers état aux Etats généraux. Quand les Etats furent réunis (mai 1789), il fut, avec la reine, l'âme de la coterie contre-révolutionnaire qui s'agitait follement à Versailles et dont les provocations incohérentes amenèrent le serment du jeu de paume et la prise le la Bastille. Après ce dernier événement, le comte, dont impopularité croissait chaque jour, prit peur et, au lieu de rester sur les marches du trône pour défendre son frère aîné, donna le signal de l'émigration qui devait le perdre. Dès le 17 juillet, il partit avec la comtesse et ses deux fils et se rendit à Turin, où beaucoup de grands seigneurs ne tardèrent pas à aller le rejoindre. Dès lors, il se donna pour tâche d'ameuter les souverains de l'Europe contre la Révolution, dénonçant son pays aux gouvernements étrangers, provoquant l'invasion de sa patrie, sans se douter qu'il commettait un crime en même temps qu'une faute, que les alliés ne feraient rien pour rien, que s'ils étaient vainqueurs ils se paieraient aux dépens de notre territoire et que, dans le cas contraire, la France nouvelle non seulement se vengerait sur Louis XVI, mais ne pardonnerait jamais aux Bourbons d'avoir sollicité contre elle le concours de l'ennemi.

Il eut à Mantoue, le 20 mai 1791, avec l'empereur  Léopold II, une entrevue célèbre dans laquelle il s'efforça de déterminer ce souverain à une intervention militaire en faveur de Louis XVI. Peu après, il était en Belgique, où il retrouvait le comte de Provence qui, plus heureux que le roi (arrêté à Varennes), avait réussi à sortir de France. Les deux frères, autour desquels se pressaient plusieurs milliers d'émigrés, s'arrogèrent le droit de parler et d'agir au nom du gouvernement français, sans tenir compte de Louis XVI, qu'ils regardaient comme captif, ni de ses ministres constitutionnels, qui n'étaient à leurs yeux que des factieux. La cour des Tuileries, sans les désavouer en tout, les suspectait et les surveillait. Elle donnait principalement sa confiance au baron de Breteuil. Mais l'émigration et surtout le comte d'Artois suivaient plutôt l'inspiration de l'ancien ministre Calonne, rival de ce personnage. Les deux frères du roi ne s'entendaient pas, du reste, parfaitement. Le comte de Provence demeura en Belgique pendant que le comte d'Artois allait provoquer à Pilnitz (27 août 1791), où il rencontra le roi de Prusse et l'empereur, la déclaration fameuse d'où devait sortir la guerre entre la France révolutionnaire et l'Europe monarchique. Par ce manifeste, ces deux princes s'engageaient à faire marcher leurs troupes et invitaient les autres souverains à employer le même moyen « pour mettre le roi de France en état d'affermir, dans la plus parfaite liberté, les bases d'un gouvernement monarchique, également convenable aux droits des souverains et air bien-être de la noblesse française ». Il n'était pas question du tout des droits de la nation.

Pour le moment, l'Europe, qui avait d'autres préoccupations, ne répondit pas à l'appel de Pilnitz. L'Autriche et la Prusse remirent à un peu plus tard l'ouverture des hostilités. Mais, en France, l'opinion publique se déchaîna contre les frères du roi et surtout contre le comte d'Artois. Invité officiellement par Louis XVI à reconnaître la constitution de 1791 et à ne plus demeurer à l'étranger, ce prince, ainsi que Monsieur, s'y refusa formellement et répondit avec impertinence qu'il n'obéirait plus aux ordres d'un souverain captif. Sommé par l'Assemblée législative de rentrer en France dans un délai de deux mois, il persista dans son opposition et ne parut pas s'émouvoir des décrets qui le mirent en accusation et prescrivirent la, saisie de ses revenus (2 janvier - 19 mai 1792). Il était, au commencement de 1792, retourné à Turin pour s'entendre avec les conspirateurs royalistes de Lyon et du camp de Jalès. Au bout de quelques mois, il quitta de nouveau l'Italie et se rendit en Allemagne pour se mettre à la tête d'un corps d'émigrés qui devait opérer sur notre territoire avec l'armée prussienne, prête enfin à entrer en ligne. Mais la coalition dédaigna son concours. On sait du reste par quelle retraite piteuse se termina l'expédition de Brunswick en Champagne (septembre - octobre 1792).

Après cette première déconvenue, le comte d'Artois se retira avec Monsieur à Hamm, en Westphalie. C'est là que les deux frères apprirent l'exécution de Louis XVI (janvier 1793). Le comte de Provence se hâta de proclamer roi, sous le nom de Louis XVII, son neveu, alors prisonnier au Temple, prit le titre de régent et donna celui de lieutenant général du royaume à son frère. Ce dernier partit bientôt (février) pour la Russie, où Catherine II, qui affectait un zèle fort vif contre la Révolution, le reçut avec de grands honneurs, lui promit un corps d'armée de vingt mille hommes et lui fit don d'une épée enrichie de diamants, en exprimant l'espoir qu'il « s'en servirait pour le rétablissement et la gloire de sa maison ».

Vu le caractère peu martial du prince, ces paroles étaient peut-être une épigramme. Quoi qu'il en soit, les vingt mille hommes ne partirent pas. Le comte retourna tranquillement à Hamm, ne se servit point de l'épée et finit même par la vendre. Après avoir consumé en vaines intrigues les années 1793 et 1794, qui furent en somme, si favorables aux armes de la République, il résolut de consacrer tous ses soins à entretenir l'insurrection royaliste de l'Ouest, dont les chefs étaient depuis longtemps en correspondance avec lui. Il se rendit en Angleterre, et après l'échec de l'expédition de Quiberon (juillet 1793), il s'embarqua lui-même sur la flotte de l'amiral Warren, qui était chargé de le transporter en Bretagne. Les défenseurs du drapeau blanc qui, depuis plus de deux ans, luttaient contre la Convention avec une constance héroïque, étaient las de dévouement; ils appelaient à grands cris un prince français qui vint les commander et qui payât enfin de sa personne. A la nouvelle que le comte d'Artois arrivait, ils firent un effort désespéré et virent encore accourir près d'eux tout ce qu'il y avait dans les départements de l'Ouest de royalistes déterminés. Le lieutenant général vint en effet, mais il s'arrêta à l'île d'Yeu (septembre 1795). Ni les supplications, ni le péril des siens, inutilement compromis, ni le sentiment de l'honneur ne purent le déterminer à aller plus loin. Au bout de six semaines, il se rembarqua et retourna honteusement en Angleterre. 

« Sire, écrivit Charette à Louis XVIII, la lâcheté de votre frère a tout perdu; il ne me reste plus qu'à me faire tuer inutilement pour Votre majesté. » 
Fort peu après, en effet, il était fusillé comme Stofflet. La Vendée succombait, et le comte d'Artois, léger comme toujours, ne semblait pas avoir conscience du tort irréparable qu'il venait de se faire dans l'histoire.

Le fils de Louis XVI était mort au Temple le 8 juin 1793. Le comte de Provence s'était aussitôt proclamé roi sous le nom de Louis XVIII. Le titre traditionnel de Monsieur avait alors passé au comte d'Artois. Ce dernier prince, après sa triste équipée de l'île d'Yeu, était rentré à Londres. Là, pourvu d'une pension de 24,000 livres sterling que lui faisait le gouvernement britannique, il continua de fomenter des complots et des prises d'armes contre la République, mais se tint à l'écart du danger. De Londres, il se retira bientôt à Edimbourg, où il habita plusieurs années le château historique de Holy-Rood. Les grands succès remportés par la seconde coalition et l'espoir de rentrer en France grâce à elle le déterminèrent en 1799 à quitter la Grande-Bretagne, pour aller rejoindre l'armée de Condé, alors soldée par la Russie et qui devait opérer avec Korsakov. Mais arrivé à Bâle il apprit que la fortune des armes avait tourné et que les Russes, chassés par Masséna, avaient dû évacuer l'Helvétie. Il reprit donc la route de Londres. Il était dans cette ville au commencement de l'année 1800 et il y reçut le duc d'Orléans (Louis-Philippe) et ses deux frères, jusqu'alors brouillés avec la famille royale et en faveur desquels il intercéda auprès de Louis XVIII. Il retourna ensuite à Holy-Rood, qui fut plusieurs années encore sa résidence habituelle. Il n'avait pas renoncé aux conspirations. C'est dans son entourage que furent ourdies la plupart de celles qui menacèrent le premier consul de 1800 à 1804 (notamment celle de Cadoudal et de Pichegru). La comtesse d'Artois, qui vivait depuis longtemps loin de lui, mourut en 1805 à Klagenfurt. Peu de temps après, il perdit aussi la comtesse de Polastron. Il mena dès lors une vie relativement sérieuse et s'adonna de plus en plus aux pratiques d'une piété étroite et rigoureuse, mais qui ne lui fit pas oublier la politique.

Tant que l'Europe subit l'ascendant de Napoléon, les Bourbons durent demeurer dans l'ombre. Monsieur avait été rejoint en 1805 par son second fils, le duc de Berry, et en 1807 par son fils aîné, le duc d'Angoulême (qui avait épousé en 1799 Madame Royale, fille de Louis XVI). En 1809, il alla se réunir à son frère qui, lui aussi, était venu se réfugier en Angleterre et s'était fixé au château d'Hartwell, dans le Buckinghamshire. Mais quand, à la suite de la campagne de Russie, l'Empire commença à chanceler, le comte d'Artois, retrouvant toute sa jeunesse, passa sur le continent pour surveiller les événements et réveiller le zèle des grandes cours en faveur de la légitimité. Il débarqua secrètement à Héligoland, puis à Lubeck (1813) et, après Leipzig, se rapprocha des frontières de France. Appelé par quelques royalistes, il pénétra par Bâle dans les départements de l'Est (février 1814) et arriva jusqu'à Vesoul, pendant que la coalition négociait encore avec l'empereur à Châtillon. Les alliés n'osaient le favoriser ouvertement. Cependant il était visible qu'ils faisaient des voeux pour le drapeau blanc. Car autrement ils eussent expulsé le prince. En mars, ils l'autorisèrent à s'établir à Nancy, sous la protection de leurs armées. On sait qu'à la fin de ce mois ils entrèrent à Paris et que le rétablissement des Bourbons fut résolu. Le baron de Vitrolles et le prince de Talleyrand, principaux auteurs de l'intrigue d'où résulta la Restauration, engagèrent aussitôt Monsieur à se rendre sans retard dans la capitale. 

Ce prince avait déjà répandu des proclamations par lesquelles il promettait l'entier oubli du passé et annonçait la prochaine abolition de la conscription et des droits réunis, c.-à-d. plus qu'il ne pouvait donner. Il savait, du reste, se faire des amis par l'aménité de ses manières et de son langage. Aussi fut-il bien accueilli, non seulement dans les départements qu'il traversa, mais à Paris où il entra le 12 avril. Le Sénat, il est vrai, fit difficulté de le reconnaître comme lieutenant général du royaume tant qu'il n'aurait pas consenti à recevoir l'investiture de cette assemblée et adhéré au projet de constitution qu'elle venait de voter. Le prince prétendait que ni lui ni son frère ne tenaient leurs droits que de leur naissance, et ne voulait subir aucune condition. Grâce à Talleyrand, des formules équivoques mirent fin au différend. Le Sénat admit l'autorité provisoire du comte d'Artois. Le 15 avril, ce corps fut solennellement reçu par Monsieur.

" J'ai pris connaissance, dit ce dernier, de l'acte constitutionnel qui rappelle au trône de France le roi mon auguste frère. Je n'ai point reçu de lui le pouvoir d'accepter la constitution, mais je connais ses sentiments et ses principes, et je ne crains pas d'être désavoué en assurant en son nom qu'il en acceptera les bases. » 
Le frère de Louis XVIII n'exerça le pouvoir que fort peu de jours. Mais ce rapide passage aux affaires lui suffit pour commettre une faute capitale. L'opinion publique ne devait pas lui pardonner l'inexcusable précipitation avec laquelle il signa la convention militaire du 23 avril qui, par la remise aux alliés de 53 places fortes, de 12,000 canons, de 13 vaisseaux de ligne, 27 frégates, etc., mettait la France désarmée dans la nécessité de subir à peu près sans réserve les exigences de la coalition. Le roi, qui arriva bientôt après, blâma cet arrangement dans les termes les plus vifs. Mais il était malheureusement trop tard pour qu'on y pût rien changer.

Louis XVIII nomma Monsieur colonel général des gardes nationales de France et lui rendit l'office de colonel général des Suisses, qu'il avait exercé avant 1789. Mais, malgré certaines démonstrations publiques, les deux frères ne s'entendaient que médiocrement. M. de Blacas, favori du roi, était antipathique à Monsieur. Ce dernier fit quelque temps mine de bouder et, vers la fin de 1814, alla longuement visiter les départements du Midi. Les populations le reçurent bien; mais la prédilection  que le
prince ne pouvait s'empêcher de témoigner aux partisans de l'Ancien régime et son insurmontable aversion pour tout ce qui rappelait la Révolution et l'Empire produisirent partout un effet assez fâcheux pour le gouvernement qu'il servait. La désaffection de la France à l'égard des Bourbons éclata au retour de Napoléon. A la nouvelle du débarquement de l' « usurpateur » en Provence (5 mars 1815), le comte d'Artois fut chargé d'aller avec le duc d'Orléans réunir à Lyon des forces suffisantes pour l'arrêter. Mais à peine arrivé à sa destination (8 mars) ce prince constata avec effroi que l'armée, comme la population, n'attendait l'empereur que pour se rallier à lui. Il reprit en toute hâte et presque seul (10 mars) le chemin de Paris où, après avoir avec le roi solennellement prêté serment à la Charte devant la Chambre des députés (16 mars), il essaya vainement d'organiser contre Bonaparte une défense que Louis XVIII jugea bientôt impossible. Monsieur partit quelques heures après le roi, dans la nuit du 19 au 20 mars, et courut comme lui se réfugier à Gand.

Trois mois plus tard, Waterloo rouvrit aux Bourbons le chemin de la France. Le conte d'Artois rentra avec son frère dans la capitale le 8 juillet. Ce vieil enfant, qui se vantait de n'avoir rien oublié ni rien appris depuis la Révolution, sembla dès lors prendre à tâche d'augmenter par ses imprudences et ses provocations l'impopularité d'une dynastie qui, pour la seconde fois, n'était restaurée qu'au prix de l'invasion et du démembrement de la France. Louis XVIII, très jaloux de son « droit divin », était cependant assez sensé pour se dire qu'il lui fallait s'accommoder dans la pratique des principes de 1789 et que le rétablissement de l'ancien régime était détonnais impossible. C'est ce que son frère, dominé par le parti de l'émigration et de l'Eglise, ne devait jamais comprendre. Le comte d'Artois, héritier présomptif de la couronne, tenait au pavillon de Marsan une cour rivale de celle dit roi. Autour de lui se pressaient les ultra-royalistes, dont les passions aveugles inspiraient la Chambre introuvable, Ce petit monde ignorant et violent applaudissait à la Terreur blanche. S'il n'eût tenu qu'à lui, on ne sait quelles limites eussent atteintes les représailles royalistes qui suivirent la seconde Restauration. Quand le roi, mieux inspiré, eut dissous une assemblée qui le compromettait (5 septembre 1816), Monsieur et ses amis frondèrent ouvertement le ministère, adressèrent au souverain des sommations à peine respectueuses, invoquèrent le concours de l'étranger par une note secrète, dont la publication les couvrit de confusion, et organisèrent un plan de coup d'Etat (la conspiration du Bord de l'eau) dont l'exécution fut déjouée par le ministère Richelieu (1818). Louis XVIII dut retirer à son frère ses fonctions de colonel général des gardes nationales. La coterie n'en cria que plus fort. Le ministère Decazes fut accusé par elle de jacobinisme. Après l'assassinat du duc de Berry (février 1820), Monsieur mit le roi en demeure de choisir entre ses ministres et lui. Louis XVIII, vieux, malade et ami du repos, céda l'abord à demi, en renvoyant Decazes, qui avait toute sa confiance. Mais cet acte de complaisance ne suffit pas aux ultras. Il fallut, pour les contenter, en décembre 1821, renvoyer aussi Richelieu. C'est alors que sous l'inspiration le Monsieur, fut constitué le cabinet Villèle et que la camarilla du pavillon de Marsan entra au pouvoir comme dans un place conquise. Le comte d'Artois était, peut-être sans en avoir conscience, l'instrument docile d'un parti politique qui rêvait de relever, dans la France égalitaire le 1789, le régime des privilèges, et surtout d'une faction religieuse qui, cachant sous le nom vague de Congrégation l'ordre redoutable et prohibé des jésuites, relevait ouvertement en France le drapeau de l'ultramontanisme et de l'intolérance. C'est cette double coterie qui, en 1822, bâillonna la presse, releva les échafauds politiques, terrorisa l'Université, qui, en 1823, opéra par les armes la contre-révolution en Espagne et qui, l'année suivante, se croyant sûre de l'avenir, grâce à la loi de septennalité, obtint, sous une pression jusque-là sans exemple, l'élection de la Chambre retrouvée, c.-à-d. d'une assemblée presque aussi hostile à l'esprit de la Charte que celle de 1815. C'est à ce moment que mourut Louis XVIII qui, fort alarmé depuis longtemps par les tendances de son frère, lui avait prédit qu'il ne mourrait pas sur le trône (16 septembre 1824). Le vieux roi s'était fait amener le jeune duc de Bordeaux, fils du duc de Berry, espoir suprême de la dynastie et, après lui avoir fait ses adieux : « Que Charles X, avait-il dit tristement, ménage la couronne de cet enfant. » Mais son dernier conseil n'allait pas tarder à être oublié.

Le nouveau roi, malgré ses antécédents, ne fut pas mal accueilli par l'opinion publique. On le savait bon et généreux. On répétait de lui quelques mots heureux, que ses courtisans lui prêtaient, comme le point de hallebardes! qu'il aurait dit aux soldats qui, du bois de leur lances, voulaient écarter de lui la foule accourue sur son passade. On lui savait gré d'avoir débuté par une large amnistie et par la suppression de la censure. Mais on ne tarda pas à s'apercevoir que le vieil homme en lui n'avait pas disparu. Le ministère Villèle était maintenu. Dès la session législative de 1825, la contre-révolution s'accentuait par la présentation et le vote de deux lois dont l'une frappait de peines spéciales le prétendu crime de sacrilège et dont l'autre constituait aux émigrés, qui pendant vingt-cinq ans avaient combattu la France, une indemnité d'un milliard pour la partie de leurs biens confisquée et vendue sous la Révolution. Peu après, Charles X, en renouvelant la cérémonie surannée du sacre (29 mai 1825), enhardissait la congrégation qui, disposant à son gré du roi, du cabinet, du personnel administratif, ne crut bientôt plus devoir dissimuler sa prépondérance dans l'Etat.

L'opinion publique, les journaux se déchaînèrent contre le fiction de l'ancien régime et surtout contre le parti prêtre. De fidèles, mais clairvoyants royalistes, comme Montlosier et Madier de Montjau, dénoncèrent publiquement l'existence et les menées illégales de l'ordre des jésuites (1826). Mais Charles X n'en subit que plus passivement le joug de cette compagnie. On le voyait en plein Paris figurer avec affectation dans les processions du jubilé de 1826. On s'indignait en apprenant qu'il venait de désigner comme précepteur du duc de Bordeaux l'évêque de Strasbourg, Tharin, créature de la congrégation; dans le même temps, le public assistait avec une stupeur mêlée de colère à ses efforts pour faire renaître le droit d'aînesse par un projet de loi que la Chambre des pairs, mieux inspirée, eut le bon esprit de rejeter.

L'opposition n'osait pourtant encore s'attaquer personnellement au roi. Elle s'en prenait à son ministère, dont l'impopularité ne put plus croître quand Villèle eut soumis aux Chambres la fameuse loi d'amour, qui n'était rien moins que la suppression de la liberté de la presse. Il s'éleva contre ce projet une telle réprobation, que le cabinet dut la retirer (17 avril 1827). Quelques jours plus tard, le roi passant en revue la garde nationale de Paris, des cris de : Vive la Charte! A bas les ministres! se firent entendre de toutes parts.

« Je suis venu ici recevoir des hommages et non pas des leçons », dit sèchement Charles X. 
Peu après, la garde nationale était licenciée, la censure était rétablie. Puis, à la suite d'un voyage dans le nord de la France, an cours duquel les remontrances s'étaient souvent mêlées aux témoignages de respect, le gouvernement prenait le parti de renouveler par des élections générales la Chambre des députés, dont il n'était plus assez sûr, et de se former dans la Chambre haute une majorité compacte par une fournée de 76 pairs. A ce moment, il comptait pour séduire l'opinion sur l'éclat récent de sa politique extérieure. La France, unie à l'Angleterre et à la Russie par le traité du 6 juillet 1827 pour l'affranchissement de la Grèce, venait de relever le prestige de ses armes par la victoire navale de Navarin (20 octobre). Les élections, qui amenèrent, surtout à Paris, des troubles assez graves (novembre), n'en furent pas moins fatales au cabinet Villèle, qui dut enfin se retirer dans les derniers jours de décembre 1827. L'avènement du ministère Martignac (4 janvier 1828) était de nature à apaiser les esprits. Le nouveau cabinet était composé de royalistes modérés, également attachés an souverain et à la Charte. L'esprit de liberté reparut dans les grands services publics; la censure fut encore une fois supprimée; deux ordonnances célèbres garantirent l'enseignement public contre les empiétements de la congrégation (juin 1828). 

Au dehors, le nouveau cabinet soutenait assurait par l'occupation de la Morée (septembre-octobre 1828) le triomphe de la cause hellénique. Mais il avait beau faire, Charles X restait toujours le roi des ultras. Ce souverain subissait Martignac, mais ne l'aimait pas et n'aspirait qu'au moment où il pourrait le remplacer par un ministre décidé à réagir plus résolument encore que Villèle contre l'esprit de la Révolution. Un voyage qu'il fit en Alsace et en Lorraine pendant l'automne de 1828 et durant lequel les populations, comme il arrive d'ordinaire, acclamèrent le souverain de passage, aggrava son incurable illusion sur sa popularité et sur les véritables sentiments de la nation. Dès lors, il ne songea plus qu'à préparer les voies au prince de Polignac, le plus aveugle, le moins prévoyant et le plus obstiné des ultras. Aussi se réjouit-il de l'échec parlementaire que Martignac éprouva devant la Chambre des députés dans la discussion du projet de loi relatif aux conseils généraux et aux conseils d'arrondissement; c'était là un excellent prétexte pour le renvoyer, et la session législative de 1829 était à peine close qu'en effet il le remercia de ses services.

Avec le ministère Polignac (8 août 1829), on vit revenir aux affaires les hommes de 1815 et de la Terreur blanche. Mais la France, qui n'était plus sous le coup de l'invasion, n'était plus d'humeur à les supporter. L'attitude de la Chambre des députés, le langage des journaux, les préparatifs manifestes des sociétés politiques qui organisaient partout la résistance, auraient dû le leur faire comprendre. Ils ne virent rien. On les accusait de méditer un coup d'Etat. Ils le niaient, mais on n'ajoutait pas fui à leurs dénégations. Effectivement, ils étaient résolus à employer la force pour réaliser enfin leur programme. Ils comptaient, pour réussir, sur l'inertie de la nation et aussi sur l'autorité que ne pouvait, à leur sens, manquer de leur donner leur politique extérieure. Polignac proposait alors mystérieusement au gouvernement russe un plan chimérique et grandiose, grâce auquel la carte de l'Europe devait être refaite et la France être remise en possession de ses frontières prétendument naturelles. En attendant ce grand résultat, Charles X et son ministre escomptaient le succès d'une expédition contre Alger, dont le dey, auquel on reprochait d'avoir insulté la France, s'obstinait à refuser toute réparation.

La Chambre fut prorogée (19 mars). L'agitation qui se produisit aussitôt dans toute la France n'éclaira ni le vieux roi ni son principal conseiller. Vainement quelques-uns des ministres, plus sages, se retirèrent. La prorogation fut, au bout de quelques semaines, transformée en dissolution (16 mai). Les collèges électoraux furent convoqués pour le 20 juin et le 3 juillet, et le roi, se découvrant, contrairement aux principes parlementaires, ne craignit pas d'en appeler personnellement aux électeurs par son manifeste du 13 juin :

 « Je dois exercer librement et faire respecter les droits sacrés qui sont l'attribut de ma couronne, leur disait-il [...]. La nature du gouvernement serait altérée si de coupables atteintes affaiblissaient mes prérogatives; je trahirais mes serments si je le souffrais [...]. Repoussez d'indignes soupçons et de fausses craintes qui ébranleraient la confiance publique et pourraient exciter de graves désordres. Les desseins de ceux qui propagent ces craintes échoueront, quels qu'ils soient, devant mon immuable résolution. »
A cette pression et à ces menaces, le corps électoral répondit en réélisant en masse les 221. Le roi résolut alors de ne plus retarder l'exécution du coup d'Etat qu'il se défendait de méditer. L'expédition d'Afrique, partie en mai, avait réussi à souhait. Les troupes françaises, après de brillants combats, occupaient Alger depuis le 5 juillets. L'arche vêque de Paris, célébrant ce triomphe, ne craignit pas d'exprimer l'espoir qu'il pourrait bientôt féliciter le roi de victoires « non moins douces et non moins éclatantes ». Les ministres, mandés à Saint-Cloud où Charles X était en villégiature, furent appelés à délibérer sur l'opportunité des mesures qu'il se proposait de prendre pour affermir son autorité. Quand on fut sur le point de signer les fatales ordonnances : 
«  Plus j'y pense, dit le vieux roi, et plus je demeure convaincu qu'il est impossible de faire autrement. » 
Chose étrange, et qui prouve combien l'esprit étroit et faible de Charles X était facile à égarer, ce prince prétendait faire dériver d'un article de la Charte (l'art. 14) son droit de porter des ordonnances dont l'effet devait être le renversement de la Charte elle-même, et rien ne prouve qu'il ne fût pas absolument de bonne foi.

Les ordonnances, qui dissolvaient la Chambre récemment élue, modifiaient la loi électorale et supprimaient la liberté de la presse, furent signées le 25 juillet et parurent le lendemain matin dans le Moniteur. Le roi et son principal ministre ignoraient à tel point l'état des esprits qu'ils n'avaient pris aucune disposition sérieuse pour réprimer le soulèvement qui allait se produire dans Paris. Ils supposaient que l'émeute se bornerait à quelques criailleries et à des attroupements faciles à disperser. Ils n'avaient que 19,000 soldats pour tenir tête à la capitale. On leur fit distribuer quelque argent et on désigna d'avance pour les commander en cas de troubles un des hommes les plus impopulaires de l'armée, le maréchal Marmont. Le 26 juillet Charles X alla fort tranquillement chasser à Rambouillet. Pendant ce temps, la protestation des journalistes appelait le peuple à la résistance légale. Dès le 27, Paris se hérissa de barricades; l'insurrection se propagea rapidement; mais la confiance de Polignac dans le succès final ne fut pas ébranlée. Le soir, le roi tint sa cour à Saint-Cloud et joua, comme à l'ordinaire, assez gaiement sa partie de whist. Les progrès de la révolte, dans la journée du 28, affaiblirent quelque peu son assurance. Mais ils ne lui inspirèrent aucune résolution pratique. 

A ce moment encore, le retrait des ordonnances et le renvoi du ministère eussent fait poser les armes aux insurgés. Mais le roi, avec une obstination d'enfant, refusait toute concession. Puisqu'il voulait lutter, au moins aurait-il dû se montrer à Paris. Une contenance ferme de la part de la famille royale aurait sans doute intimidé l'émeute. C'était l'avis de la duchesse de Berry; mais cette courageuse princesse ne put même pas obtenir la permission de mener son jeune fils, le duc de Bordeaux, à l'Hôtel de ville et de le présenter au peuple « J'aime mieux monter à cheval qu'en charrette », avait dit quelque temps auparavant Charles X; mais c'était toujours l'homme de l'île d'Yeu.
Le 29 juillet., l'insurrection, déjà maîtresse de l'Hôtel de ville, où s'était aussitôt installée une commission municipale dirigée par Lafayette, força le Louvre et obligea Marmont d'évacuer les Tuileries. Ce qui restait de troupes royales dans Paris prit le chemin de Saint-Cloud. La cause de Charles X était maintenant tout à fait perdue. C'est seulement après cette défaite décisive que le vieux souverain consentit à transiger avec la révolution. On obtint enfin de lui qu'il révoquât les ordonnances et qu'il changeât de ministère. Mais il était trop tard; les vainqueurs ne voulaient plus traiter. Ni Sémonville envoyé à Paris pour faire connaître les nouvelles décisions du roi, ni Mortemart, chargé de composer un nouveau cabinet, ne réussirent à faire agréer des arrangements que, deux jours plus tôt, en eût acceptés avec reconnaissance. Les regards se tournaient maintenant vers le duc d'Orléans, que ses amis allaient chercher à Neuilly et qui, dans la nuit du 30 au 31 juillet, arrivait à Paris pour y prendre la lieutenance du royaume, en attendant la couronne. Pendant ce temps, Charles X, qui ne se jugeait plus en sûreté à Saint-Cloud, se retirait à Trianon, puis à Rambouillet, où ses gardes du corps et quelques troupes restées fidèles faisaient mine de vouloir le défendre.

Le roi, qui avait comblé le duc d'Orléans de bienfaits, ne pouvait admettre qu'il fût homme à le trahir. Aussi crut-il devoir lui conférer la lieutenance générale, que ce personnage, acclamé à l'Hôtel de ville, s'était déjà attribuée. Bientôt même il jugea nécessaire de faire un nouveau sacrifice : le 2 août, il signa son abdication; en même temps son fils, le duc d'Angoulême, déclara renoncer à tous ses droits au trône. Le duc, de Bordeaux, âgé de dix ans, fut proclamé roi sous le nom de Henri V. Mais déjà le duc d'Orléans (bien qu'il eût fait encore deux jours plus tût assurer Charles X de sa fidélité et de son dévouement) ne voulait plus se contenter d'une régence. Et comme la cour de Rambouillet, entourée de troupes dévouées et s'appuyant sur les départements de l'Ouest, pouvait redevenir menaçante, le nouveau gouvernement résolut de l'obliger à quitter la France. Trois commissaires, le maréchal Maison, de Schonen et Odilon Barrot, furent envoyés vers le vieux roi pour le déterminer à partir avec sa famille et pour l'escorter jusqu'à son embarquement. Charles X hésitait. Mais huit ou dix mille gardes nationaux, que Lafayette avait dépêchés vers Rambouillet et que Maison lui représenta comme une armée de quatre-vingt mille hommes, eurent raison de ses velléités de résistance. S'il eût donné l'ordre à ses soldats de charger cette troupe sans consistance et sans discipline, il en eût facilement triomphé. Une fois encore la résolution lui manqua. Il préféra donc se retirer sans combattre (3 août 1830). Escorté par les commissaires, il se dirigea, à très petites journées, comme s'il eût espéré un retour de fortune, vers Cherbourg, d'où il devait partir pour l'Angleterre. C'est là qu'il s'embarqua le 16 août, avec tous les siens et un certain nombre de gentilshommes demeurés fidèles au malheur. A ce moment, Louis-Philippe était déjà depuis huit jours proclamé roi des Français.

Le gouvernement anglais, qui avait applaudi à la révolution de Juillet, ne permit à Charles X de s'établir en Grande-Bretagne qu'à titre de simple particulier. CharlesX prit le nom de comte de Ponthieu et, après avoir passé quelque temps à Lullworth, alla tristement occuper, comme au temps de l'émigration, le château d'Holy-Rood. Il n'y resta guère que deux ans. Eprouvé par la rigueur du climat d'Ecosse et tracassé par des créanciers exigeants, il quitta Edimbourg vers la fin de 1832 et alla résider en Bohème, où l'empereur d'Autriche mit à sa disposition une partie du Hradschin, près de Prague. Là, il reprit ses habitudes et vécut tranquillement, partageant son temps entre la chasse, les exercices de piété et l'hospitalité qu'il offrait aux légitimistes fiançais qui fréquemment venaient se concerter avec lui sur les meilleurs moyens de servir son petit-fils. Il avait formellement désapprouve la folle équipée de la duchesse de Berry en Vendée (1832). Après le scandale que cette princesse ne put éviter pendant sa captivité, il rompit avec elle et lui permit à peine, en septembre 1833, de venir passer quelques jours avec ses enfants à Leoben. Il gardait près de lui le duc de Bordeaux et, sous l'inspiration des jésuites, l'élevait dans des idées politiques et religieuses en opposition radicale avec l'esprit de la Révolution. A quatre-vingts ans, il n'avait aucun regret de sa conduite. S'il eût pu, comme autrefois, déterminer les grandes puissances à se coaliser pour lui rendre sa couronne, il eût sans remords provoqué de nouveau l'invasion de la France. Mais les temps étaient bien changés. Les principales cours de l'Europe ne s'entendaient plus; elles n'avaient nul désir le rétablir pour la troisième fois une famille qui avait commis tant de fautes et que le malheur n'avait jamais rendue sage. Charles X, réduit à l'impuissance, passa ses dernières années à rêver une restauration désormais impossible, au milieu d'un petit cercle d'amis aveugles comme lui et dont les illusions entretenaient les siennes. Vers la fin de 1836, il forma le projet d'aller s'établir à Goritz, ville située dans le voisinage de l'Italie et dont le climat lui convenait. Mais à peine y était-il arrivé qu'il fut atteint d'une inflammation des voies digestives qui, en peu de jours, devint incurable. Il mourut, assisté de ses vieux amis, le cardinal de Latil et l'évêque d'Hermopolis, et en présence de toute sa famille. Il laissait le souvenir d'un homme aimable et bon, recommandable, du moins pendant la seconde moitié de sa vie, par ses vertus privées, mais d'un des esprits politiques les moins clairvoyants et les moins sages dont l'histoire de France fasse mention. (A. Debidour).

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