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Saint-Gelais

Octavien, ou mieux Octovien de Saint-Gelais est un poète français, né à Cognac en 1466, mort en 1502; évêque d'Angoulême à partir de 1494. 

Ses poésies originales (publiées seulement après sa mort), sont médiocrement intéressantes : la Chasse ou le Départ d'Amour, qu'il signa avec Blaise d'Auriol (1509, in-8); n'est qu'un plagiat presque continuel des oeuvres de Charles d'Orléans et des poètes de son groupe, Blosseville, de Garençières, etc.; dans le Séjour d'honneur (1524, in-4), qui contient aussi des oeuvres de son ami André de la Vigne, il raconte sous forme allégorique les événements auxquels il a assisté et déplore les égarements de sa jeunesse. 
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Portrait de l'homme de cour

« ... homme de court,
Doit estre diligent et court, 
Voire s'il veult son entreprinse 
Mettre à effet et qu'on le prinse; 
C'est le train commun de ce temps 
Car on peut dire; attens, attens, 
Si chascun n'a à soy attente 
Rien n'y fait l'oncle ni la tante; 
Chascun est huy assez expert 
D'éloingner celluy la qui pert, 
Et d'aymer cil à qui fortune
Est gracieuse et opportune. 
Toutes eanes vont à la mer. 
Au malade tout est amer. 
Brief, affin que le tout conclue, 
On juge le malheureux grue; 
Et cil qui a la voille au vent 
A gré on le juge savant, 
Et fust Virgile ou Aristote 
On lui ferait porter la hotte 
S'il n'avoyt faveur ou appuy, 
Car c'est la mode du jour d'huy.»
 

(O. de Saint-Gelais, Le Séjour d'honneur).

Ses traductions en vers (des Héroïdes d'Ovide, Paris, 1500; de l'Enéide, Paris, 1509) nous montrent en lui un des premiers précurseurs de la Renaissance. C'est dans celle des Héroïdes qu'apparaît pour la première fois l'alternance régulière des rimes masculines et féminines. (A.-J.).

Mellin de Saint-Gelais est un poète français, né à Angoulême en 1491, mort à Paris en octobre 1558, fils naturel ou neveu du précédent. Il fit de fortes études de droit, d'abord à Poitiers, puis à Bologne et Padoue, et rapporta d'Italie un goût très vif non seulement pour la poésie, mais pour la philosophie, les mathématiques et l'astrologie, auxquelles il ne cessa de s'adonner dans la suite. Quand il revint en France, il trouva sur le trône son compatriote François Ier, qui lui fit le meilleur accueil et le combla de charges et de faveurs : il fut notamment (car il était d'église, pour la forme) aumônier du dauphin, puis, à la mort de celui-ci, du futur Henri II, abbé de Notre-Dame de Reclus et « garde des livres » du roi à Fontainebleau

Jusqu'à la mort de François Ier et même un peu au delà, il fut le poète attitré de la cour, jouissant d'une faveur bien supérieure même à Marot, avec lequel il était du reste en fort bons termes et qui se croyait obligé de le dire son égal. Quand parut Ronsard, son étoile pâlit. Du Bellay l'attaqua vivement, sans le nommer toutefois, dans la Deffence et Illustration (1548). Il eut l'imprudence de vouloir lutter et essaya un jour de discréditer Ronsard auprès du roi en lisant une de ses odes avec une emphase ridicule; mais Marguerite, soeur de Henri Il, lui arrachant le livre des mains, la relut avec tant d'art et de charme, qu'elle réussit à la faire applaudir; Mellin dut s'excuser et Ronsard lui pardonna; il alla même peu après jusqu'à lui dédier une ode (la 21e du livre IV). Du Bellay fut moins généreux et fit de lui, dans le Poète courtisan, un portrait d'une cruelle ressemblance. 

En 1554, il fit représenter à Blois, devant la jeune reine Catherine de Médicis, une traduction (en prose, avec « intermèdes » en vers) de la Sophonisbe du Trissin (qui fut imprimée en 1559). On a cru longtemps, sur la foi de Pasquier, que Saint-Gelais n'avait rien publié de son vivant. C'est une erreur; il avait fait imprimer un mince recueil (Saingelais : oeuvres de luy, tant en composition qu'en translation ou allusion aux auteurs grecs et anciens, Lyon, in-8 de 79 pages), dont il n'y a qu'un seul exemplaire connu. 
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Description d'amour

Sibilet, dans son Art poétique (Il, X; folio 65, verso, édit. de 1553) cite cette description de Mellin de Saint-Gelais imitée d'une chanson du poète italien Bembo, comme exemple du genre qu'il appelle définition. Elle est en tercets ou rimes florentines.

« Qu'est-ce qu'Amour? Est-ce une déité 
Regnante en nous? ou loy qui se contente
De nous, sans force et sans nécessité?

C'est un pouvoir, qui, par secretle sente [ = sentier, du latin semita].
Se joint au coeur, dissimulant sa force,
Et se fait maistre avant que l'on le sente.

C'est un discord et general divorce, 
D'entre les sens et le vray jugement, 
Laissans le fruict pour la fueille et l'escorce.

C'est un vouloir qui n'a consentement 
Qu'à refuser ce qu'il voit qui l'asseure 
De luy donner meilleur contentement.

C'est un desir qui, pour attendre une heure [ = l''heure d'être aimé.], 
Perd beaucoup d'ans, et puis passe comme ombre, 
Et riens de luy fors douleur ne demeure.

C'est un espoir qui palie et adombre [affaiblit et couvre d'ombre] 
Le mal passé, et l'estimation
De l'advenir, qui n'a mesure ou nombre.

C'est un travail d'imagination,
Qui, variant par crainte et esperance, 
Qisive rend toute occupation.

C'est un plaisir qui meurt à sa naissance, 
Un desplaisir, qui plus est en saison, 
Quand de sa fin plus on a d'asseurance.

C'est un portier, qui ouvre sa maison 
Aux ennemis, et aux amis la ferme,
Faisant les sens gouverneurs de raison.

C'est un refus, qui asseure et afferme; 
Un affermer, qui desasseure et nie, 
Rendant le coeur en inconstance fermes [3].

C'est un jeusner [ = jeûne] qui paist et rassasie, 
Un devorer [ = une pâture] qui ne fait qu'affamer, 
Un estre sain en fievre et frenesie.

C'est un trompeur qui sous le nom d'aimer
Tient tout en guerre, et tout reconcilie, 
Sachant guerir ensemble et entamer.

C'est un effort qui estraint et deslie,
Une foiblesse en puissance si grande
Que tout bas hausse et tout haut humilie [V. Hésiode (Travaux et Jours, vers 5). De même Horace (Odes, I, XXXIV)].

C'est un subject qui n'a qui luy commande, 
Un maistre auquel chacun va resistant, 
Un nud à qui chacun oste et demande.

C'est un voleur trop ferme et persistant, 
Un obstiné, qui une mesme chose 
Veut et deveut [ = cesse de vouloir] cent fois en un instant.

C'est une peine interieure et close, 
Qu'on veut celer, et que chacun entend, 
Qu'on ne peut taire, et que dire l'on n'ose.

C'est un sçavoir incongnu et latent, 
Et qui se peut trop mieux sentir que dire 
Parquoy je suis de m'en taire content, 
Et pour penser abandonne l'escrire [ = et me contentant d'y penser, je cesse d'écrire]. » 


(M. de Saint-Gelais, Poésies).

Quand ses oeuvres parurent, en 1574, ce fut une déception générale, dont on trouve l'écho dans le jugement de Pasquier que citent tous les manuels et dictionnaires. Ce jugement, dans sa sévérité, est juste : Saint-Gelais n'est même pas un poète d'anthologie (car on trouverait difficilement dans son vaste recueil une pièce parfaite); c'est un poète d'occasion, dont le succès ne fut dû qu'à une exacte adaptation de son talent au milieu : les pensées sont banales, le style est lâche et diffus : la pointe même, que Marot aiguisait si bien, manque presque toujours. Ces défauts de forme sont aggravés par une obscénité raffinée et une impiété froide qui donnent une idée de la cour où il a été tant admiré. 

Si Saint-Gelais garde quelque importance dans l'histoire littéraire, c'est pour avoir été l'un des premiers imitateurs de la poésie italienne et notamment l'introducteur du sonnet (ceux de Marot en effet sont postérieurs aux siens). Ses oeuvres, composées de chansons, rondeaux, mascarades, épigrammes, épitaphes et surtout de pièces fugitives destinées à accompagner des cadeaux, ont été publiées en 1574, 1582, 1656, 1719 et en 1873. (A. Jeanroy).

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