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Baptistère

Baptistère est un mot dont l'origine remonte seulement à l'époque romain, car les Grecs appelaient loutron (Loutron) ce que nous voyons désigné par Pline le Jeune (lettre à Gallus, II, 17 ; id. à Apollinaire, V, 6) et autres écrivains latins sous le nom de baptisterium, c.-à-d. toute piscine placée soit au centre, soit sur les côtés du frigidarium, dans les bains publics ou privés. Le baptisterium qui existe à Pompéi, dans le grand établissement situé au Nord du Forum (fig. 1), a été décrit maintes fois. Entièrement revêtu de marbre blanc il a la forme d'un bassin rond dont le diamètre mesure 4,50 m et la profondeur 1,17 m. Deux degrés permettent d'y descendre et un troisième qui ne décrit guère qu'un tiers de la circonférence, sert de siège aux baigneurs. L'eau arrivait par un tuyau de bronze aplati, large de 0,15 m, qui se voit à la partie supérieure; mais très probablement ce conduit dut être masqué par une statue qui jouait le rôle de fontaine. Au fond du bassin est une ouverture pratiquée pour le vidage et le nettoyage; une seconde, près du bord, laissait écouler le trop-plein.
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Baptistère de Pompéi.
Fig. 1. - Baptistère de Pompéi.

Tous les baptistères ne ressemblent pas à celui dont nous venons de donner la description. Quelques-uns se creusent en carré, en ellipse ou en demi-lune. Au lieu d'un seul bassin on en trouve aussi quelquefois deux. Ces derniers, alors, sont très rapprochés et mis en communication l'un avec l'autre, ou bien, au contraire, séparés par un assez grand espace, ils se font vis-à-vis, décrivant dans le même sens une courbe semi-circulaire. En France l'on peut citer comme particulièrement intéressant le baptisterium de Fréjus. Il occupe le centre d'une pièce circulaire qui fit autrefois partie des Thermes établis non loin du canal de Béal, dans le quartier dit la Tourache.

Du langage civil, avec l'introduction du christianisme, le mot baptisterium est passé dans le langage religieux. Mais le changement ne s'est pas produit tout d'un coup et il nous faut étudier comment on a procédé. A l'origine, pour l'administration du baptême, on choisissait de préférence les fontaines et les rivières. C'est ainsi que, suivant les Actes des Apôtres (VIII, 38 et XVI, 15) l'eunuque de la reine de Candace fut régénéré par saint Philippe dans une fontaine qui se rencontra sur leur chemin; qu'une marchande de pourpre, du nom de Lydie, reçut le baptême dans le fleuve qui coule aux portes de la ville de Philippes, en Macédoine. Nous devons rappeler en outre certaines fontaines des Catacombes qui ont une grande célébrité. Celle des Grottes Pontiennes était décorée de belles peintures représentant le baptême du Christ; une autre, dans le cimetière Ostrien, portait l'appellation significative de ad nymphas sancti Petri ou de fons sancti Petri.

De même qu'il n'y avait pas alors d'endroits fixes pour le baptême, ce sacrement pouvait être administré à quelque époque que ce fût. Mais plus tard l'Église n'autorisa cette cérémonie que deux fois l'an, la veille de Pâques et celle de la Pentecôte. Or, comme à la première date la température se trouvait souvent peu élevée, il devint difficile de plonger les catéchumènes dans l'eau froide. En second lieu la pudeur faisait un devoir de ne pas exposer aux regards des passants non plus un homme ou une femme isolés, mais toute une foule déshabillée. Aussi, après avoir vainement essayé, de trouver dans les églises ce que l'on cherchait, comme le prouvent les débris de piscine découverts à Saint-Irénée de Lyon et à Saint-Réparat de Chlef (anc. Orléansville ou el-Asnam), en Algérie, a-t-on eu recours aux salles de bains possédées par de riches particuliers. Là, du moins, on était non seulement à l'abri, mais de l'eau tiède pouvait être amenée par des conduits dans des bassins plus ou moins grands. Les baptistères eurent donc pour type le frigidarium des thermes romains et l'on appliqua à l'ensemble de la construction un nom qui ne convenait, à proprement. parler, qu'à la piscine creusée à la partie centrale. Du reste, non contents d'utiliser les salles de bains qu'ils possédaient, certains chrétiens s'étaient fait bâtir, en même temps qu'un oratoire, un petit baptistère. A Rome, par exemple, il en était ainsi dans la maison du sénateur Pudens, dans celle que Domitien avait donnée à saint Cyriaque, etc.

Après l'expansion du christianisme, les baptistères furent établis à proximité des églises-cathédrales, car l'administration solennelle du baptême était alors réservée à l'évêque. Les grandes villes seules faisaient exception et l'on peut citer, à Rome, outre le célèbre baptistère de Constantin, près de Saint-Jean-de-Latran, ceux de Saint-Pierre, de Sainte-Agnès, de Saint-Pancrace et de Saint-Laurent in Damaso. De même les difficultés de communication entre divers points d'un diocèse autorisèrent-elles, dès le premier instant, la création de plusieurs baptistères. Sidoine Apollinaire en avait un annexe à la chapelle de sa maison de campagne (Lib. Il. op. 12) et peut-être faut-il voir également un monument du même genre dans l'octogone découvert à Bapteste (Lot-et-Garonne), en 187, sur l'emplacement présumé de l'Ebromagus de saint Paulin.

Les baptistères s'élevaient généralement au Nord des églises, non loin de la façade. Tous étaient dédiés à saint Jean-Baptiste, et, vu la forme qu'ils présentaient, certains d'entre eux, comme à Paris, avaient reçu du peuple le nom de Saint-Jean-le-Rond. On disait aussi, en parlant de ces édifices, Ecclesia S. Johannis in fonte ou ad fontes. Par exception le voisinage du baptistère de Constantin a fait placer sous le vocable de saint Jean la grande église du Latran. Les mêmes relations topographiques sont indiquées d'une autre façon par les désignations suivantes : à Rome, San Damazo al fonte Vaticano; à Milan, San Ambrogio al fonte di santa Tecla. Enfin, nous ne devons pas oublier certains termes destinés à rappeler les mystères accomplis dans les baptistères. Tels sont principalement ceux de crater vitae, oracula, sacrarium regenerationis, employés par les écrivains latins. Les Grecs préfèrent le mot de fwtisthrion, illuminatorium. A Constantinople, le baptistère de Sainte-Sophie, vu ses grandes dimensions, était appelé mega fwtisthrion, le grand illuminatoire, ou megas fwtisthr, le grand illuminateur.

En France, les baptistères isolés sont assez rares et cela tient à deux causes. Le baptême des enfants, qui se généralisa à partir du VIIIe siècle, fit substituer aux anciennes piscines de simples cuves d'immersion, et comme l'espace occupé par ces dernières pouvait être bien moins considérable, on commença, dès lors, en certains endroits, à tout transporter au rez-de-chaussée d'une tour carrée, contiguë à la cathédrale et faisant porche à l'Ouest. Rien ne prouve, comme on se plaît à le répéter, que dans la ville de Rouen on ait encore construit un baptistère au XIe siècle; Ordéric Vital, le seul historien dont le témoignage puisse être invoqué, semble au contraire faire allusion à un monument déjà vieux et ne servant plus à son premier usage, puisque c'est là que fut établie la sépulture d'un archevêque nommé Jean, en 1079 (Hist. eccles. lib. V.). A la date indiquée et depuis longtemps, on détruisait les baptistères bien plutôt que l'on n'en construisait. Les chanoines surtout, qui étaient de création récente, pour faire place aux cloîtres qu'ils élevaient très souvent au nord des cathédrales, n'hésitèrent pas, au cours des IXe, Xe et XIe siècles, à consommer la ruine d'un grand nombre de baptistères. Puis vint, an peu plus tard, le mouvement de reconstruction qui prit un développement si considérable au nord et au centre de la France. Les architectes des XIIe et XIIIe siècles ne pouvaient se laisser arrêter par des monuments jugés désormais inutiles, et, sans pitié, ils jetèrent bas tous ceux qui faisaient obstacle à leurs desseins. Mais, tandis que la France agissait ainsi, l'Italie au contraire continuait à bâtir des baptistères. Plusieurs de ces édifices, au delà des Alpes, ne remontent pas au delà des XIIIe et XIVesiècles. En 1576, le quatrième concile de Milan, en même temps qu'il recommande de réparer les anciens baptistères, ordonne d'en bâtir de nouveaux partout où il n'y en avait pas encore.

A l'origine, comme le nombre des catéchumènes qui se présentaient à la fois pour recevoir le sacrement de régénération était très considérable, les baptistères durent affecter de grandes dimensions. On a même conservé le souvenir de quelques-uns d'entre eux (Chalcédoine, Carthage, Bari, etc.) qui servirent à tenir des conciles. Le baptistère de Pise, bien que la première pierre n'en ait été posée qu'en 1153, a un diamètre de 50 m et sa hauteur, combinée en conséquence, atteint 55 m. Dans l'état actuel des baptistères qui nous restent, ce sont là des exceptions et presque toujours ces édifices sont conçus dans des proportions assez modestes.

Le baptistère du Latran a la forme d'un octogone. On n'avait pas, dès le premier instant, des idées bien arrêtées sur la figure que devaient décrire les édifices destinés à abriter la piscine d'immersion. De même le symbolisme dont on fait tant de cas à ce sujet n'a-t-il pris naissance que beaucoup plus tard. Saint Ambroise, du reste, diffère d'opinion avec saint Augustin sur la signification du nombre 8 et, tandis que le premier veut y voir le symbole d'une régénération ou création nouvelle accomplie après celle qui a été faite en sept jours, le second rappelle que la résurrection s'est opérée un dimanche, par conséquent le jour qui, pour le culte et le repos hebdomadaire, a été substitué au sabbat, c.-à-d. au septième jour de la semaine. Quant à la forme ronde elle constituerait, paraît-il, une allusion à la diffusion du christianisme, sous sa forme palpable du baptême, en tous lieux du globe. D'excellentes raisons justifieraient également l'adoption des autres plans qui se rencontrent çà et là, tels que ceux en carré, hexagone ou croix grecque.

Quelle que fût leur forme, d'ailleurs, tous les baptistères se distinguaient par une piscine centrale dans laquelle on descendait par trois degrés, tandis que trois autres degrés servaient à en sortir. La profondeur de l'eau n'était généralement que de 0,30 m à 0,45 m, de sorte que, contrairement à l'opinion de certains liturgistes, l'immersion présentait un caractère absolument partiel. Une infusion abondante que l'évêque ou le prêtre baptiseur faisait sur la tête du catéchumène achevait seule l'action symbolique. A cette fin certaines dispositions étaient prises parfois et nous croyons devoir transcrire un extrait de la description donnée par Anastase le Bibliothécaire, du baptistère de Constantin

« La cuve, dit-il, était toute recouverte à l'intérieur et à l'extérieur de lames d'argent très pur, du poids de trois mille huit livres. Au milieu, in medio fontis, des colonnes de porphyre qui supportaient une phiala d'or, où se brûlaient, au jour de Pâques, deux cents livres de parfums [...].  Il y avait un agneau d'or très pur, du poids de trente livres, lequel répandait l'eau dans le bassin. A la droite de l'agneau était une statue du Sauveur en argent très pur, de cinq pieds de haut, pesant cent soixante-dix livres. A sa gauche, celle de saint Jean-Baptiste, de cinq pieds de haut, tenant à la main une tablette où étaient écrits ces mots : Ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi. Item, sept cerfs d'argent, répandant l'eau, et du poids de quatre-vingts livres chacun; enfin un encensoir d'or orné de quarante-deux pierres précieuses, et pesant dix livres. »
La piscine n'était pas seule enrichie des ornements les plus précieux; tout l'édifice, d'ordinaire, étale une grande abondance de peintures et de sculptures en rapport plus ou moins direct avec la cérémonie du baptême. Le moine du mont Athos, dans le chapitre de son Guide de la peinture intitulé Comment on peint la fontaine, s'exprime ainsi : 
« En haut, dans la coupole, faites le ciel avec le Soleil, la Lune et les étoiles. Hors du cercle où est le ciel, faites une gloire avec la multitude des anges. Au-dessous des anges et circulairement, représentez dans une première rangée ce qui est arrivé au Précurseur dans le Jourdain. Du côté de l'Orient, faites le baptême du Christ, un rayon descendant du ciel, et, à l'extrémité du rayon, le Saint-Esprit. Sur le milieu du rayon, et de haut, en bas, on lira ces mots : « Celui-ci est mon bien aimé, dans lequel j'ai mis mes complaisances. » Au-dessous, dans une seconde rangée, faites tous les miracles de l'Ancien Testament qui étaient la figure du divin baptême : Moïse sauvé des eaux ; les Égyptiens engloutis dans la mer; Moïse adoucissant les eaux amères; les douze plaies d'Égypte; l'eau de la contradiction; l'arche d'alliance traversant le Jourdain; la toison de Gédéon>; le sacrifice d'Elie; Elie traversant le Jourdain; Elisée purifiant les eaux; Naaman lavé dans le Jourdain; la fontaine de vie. Sur les chapiteaux, représentez les prophètes et ce qu'ils ont annoncé touchant le baptême. » 
Ces prescriptions sont encore observées aujourd'hui sur la sainte montagne dans les peintures des baptistères.
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Baptistère de Florence.
Fig. 2. - Baptistère de Florence

Les décorations les plus intéressantes que l'on puisse citer en Occident sont celles qui se voient au baptistère de Parme. D'un côté nous avons la naissance du Christ, l'adoration des Mages, le baptême de Jésus, les vertus, le jugement dernier, la parabole du père de famille et, de l'autre, les six âges de l'homme d'après la légende de Saint Barlaam, en même temps que les six oeuvres de miséricorde. Quant à la septième, c.-à-d. l'ensevelissement des morts, si elle fait défaut, c'est qu'elle ne fut adjointe que vers la fin du XIIIe, siècle à celles mentionnées dans saint Mathieu. Tandis que Jésus est ainsi présenté comme la source et l'exemple des vertus recommandées au jeune néophyte, ce dernier est d'abord mis en garde contre l'enfer et les voluptés du monde; puis on lui indique, à chaque époque de la vie, par quels moyens il peut répondre aux désirs du divin père de famille, cultiver avantageusement son champ et recevoir la récompense destinée à ses mérites. Difficilement trouverait-on ailleurs un enseignement plus complet et mieux approprié à un semblable édifice.

En Italie les baptistères sont non seulement nombreux, mais quelques-uns d'entre eux jouissent d'une grande célébrité. Sans revenir sur ceux que nous avons cités (Saint-Jean-de-Latran, à Rome, Pise et Parme), nous devons principalement indiquer le célèbre baptistère de Florence (fig. 2), à qui ses portes de bronze ont vain une réputation universelle, les baptistères de Ravenne, Venise, Sienne, Bari, Cividale, Pistoja, Novare, Pesaro, Padoue, Torcello, Rieti, Vérone, Verceil, Nocera de Pagani, Spolète et Volterra. La France, bien qu'avec une liste infiniment moins longue, se situe au second rang, et tout fait un devoir de rappeler les curieux baptistères possédés par les villes d'Aix-en-Provence, Fréjus, Poitiers (fig. 3), le Puy-en-Velay, Mélas, Riez, Vénasque et Chambéry. Quant à l'Allemagne, depuis la destruction du baptistère de Spire, en 1822, elle ne peut guère mettre en avant que le petit édifice en croix grecque, situé près de la cathédrale de Ratisbonne (Regensburg). Il est vrai que le Frioul, l'Istrie et la Dalmatie, ayant fait partie dans le passé de l'empire d'Autriche, la liste, pour l'espace anciennement germanique, pourrait se grossir des baptistères d'Aquilée, Trieste, Parenzo, et Split. Enfin, nous ne devons pas oublier le petit octogone de Mellifons, en Irlande, non plus que celui de Thécua, en Palestine.
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Fig. 3. - Coupe du baptistère Sain-Jean, à Poitiers.
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