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La Première Guerre mondiale 
La Grande Guerre (1914-1918)
Aperçu Les origines 1914 1915 1916 1917 1918 La paix
La guerre de 1914-1918 a eu pour causes essentielles, sur fond de nationalismes exacerbés, les prétentions de l'Allemagne à l'hégémonie et la volonté de revanche de la France, qui avait perdu l'Alsace et une partie de la Lorraine lors de la guerre de 1870; elle a eu pour cause directe la politique de l'Autriche-Hongrie dans les Balkans. Par le jeu des alliances, cette guerre fut la guerre de deux coalitions. Les Empires centraux, Allemagne et Autriche-Hongrie, furent soutenus par la Turquie et la Bulgarie. Les Alliés (France, Belgique, Empire Britannique, Russie, Serbie, Monténégro) obtinrent successivement l'appui de l'Italie, du Portugal, de la Roumanie et de la Grèce, en Europe, et, en Amérique, celui des Etats-Unis.

La Grande Guerre, conclue par la défaite des Empires Centraux, a mobilisé 65 millions de combattants, et a fait près de 10 millions de morts et plus de 20 millions de blessés. Les traités de Versailles avec l'Allemagne, de Saint-Germain avec l'Autriche, de Neuilly avec la Bulgarie, de Trianon avec la Hongrie et de Sèvres, modifié par celui de Lausanne, avec la Turquie, ont bouleversé la carte politique de l'Europe. La France a recouvré les provinces qui lui avaient été arrachées par l'Allemagne en 1871. De nouveaux Etats ont été créés  sur les débris des Empires allemand et austro-hongrois, mais leur délimitation a donné lieu à de nombreuses contestations.

L'origine de la guerre

La compétition économique est l'une des causes principales de la Première Guerre mondiale. L'Allemagne, qui manque de ressources pour assurer son développement industriel, cherche à y remédier par une politique expansionniste. Elle parvient ainsi à expulser la Grande-Bretagne des marchés balkanique et proche-oriental (construction, notamment, du chemin de fer entre Constantinople et Bagdad). 

Une autre cause du conflit est l'effrayante bêtise des foules dont on transforme si facilement les frustrations en haines, qu'il suffit ensuite de déguiser en nationalismes, comme si cela les rendait plus acceptables. En Allemagne, le pangermanisme se nourrit déjà des théories de la prétendue race supérieure; en Russie le panslavisme n'est pas si différent. En France, on rumine depuis 1870 la perte de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine et remâche ses rancœurs contre « le Boche ». En Italie, on ne pardonne pas à la France sa main basse sur la Tunisie, et en Turquie, c'est la désagrégation de tout un empire que l'on impute à la France et à l'Angleterre.

Ces motifs ont conduit à la formation de deux blocs antagonistes : la Triple Entente (1908) que forment la France, la Grande-Bretagne et la Russie, et la Triplice ou Triple Alliance (1882) qui groupe l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie. A l'intérieur de chaque bloc, les relations sont complexes et des antagonismes existent aussi :  l'Italie, par exemple, se considère spoliée par l'Autriche-Hongrie d'une partie de son territoire et, de l'autre côté, malgré l'Entente cordiale, France et Angleterre, chacune à la tête d'un empire colonial, sont en compétition pour l'appropriation des richesses d'une grande partie du globe.

Déjà, depuis quelques années, les tensions ont suscité plusieurs incidents graves et même des guerres localisées : Allemands et Français se sont opposés au Maroc (1905 et 1911), les Balkans se sont embrasés plusieurs fois (1908 et 1912). A la vieille de la Grande Guerre, les Puissances sont engagées dans une course aux armements, tandis que leurs armées gonflent comme jamais leur effectifs (750 000 soldats en France, 820 000 en Allemagne). Le climat est devenu explosif. Il ne reste plus qu'un prétexte pour que la grande conflagration commence. 

1914

L'engrenage.
Le déclencheur de la Grande Guerre est un événement d'apparence mineure : il s'agit de l'assassinat, à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, le 28 juin 1914,  de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d'Autriche. L'assassin, un bosniaque du nom de Prinzip, est membre - on ne le saura qu'après la guerre, d'une société secrète, la Main Noire, créature des services secrets serbes. Vienne, soutenue et encouragée par l'Allemagne, envoie à Belgrade un ultimatum sévère (23 juillet), exigeant que ce soit l'armée autrichienne elle-même qui se charge de capturer les terroristes. Rejet serbe le 25 juillet, avec le soutien de la Russie. La Serbie et l'Autriche mobilisent. Le jeu des alliances (Triple Entente contre Triplice) peut désormais déployer toute sa logique. la machine infernale est en route.
Le 28 juillet, l'Autriche déclare la guerre à la Serbie.

Le 30, la Russie mobilise.

Le 31, l'Allemagne somme la Russie de cesser la mobilisation dans les 12 heures. Un autre ultimatum est adressé à la France pour qu'elle reste neutre. Refus de la Russie et de la France. Le député socialiste et pacifiste Jean Jaurès est assassiné à Paris.

Le 1er août, l'Allemagne mobilise et déclare la guerre à la Russie. La France mobilise. 

Le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France; la Belgique est envahie. Protestations de l'Angleterre le lendemain, qui menace d'entrer en guerre à son tour.

Le 6 août, la Serbie déclare la guerre à l'Allemagne; l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie;

Le 11 août, la France, et le lendemain, l'Angleterre, déclarent la guerre à l'Autriche-Hongrie. (France et Angleterre, empires coloniaux, impliquant aussi leurs forces d'outre-mer, principalement d'Afrique, pour la France, du Canada, de l'Inde, etc. pour l'Angleterre).

Seule l'Italie se tient pour le moment à l'écart, préférant afficher sa neutralité. Mais de nouveaux pays  font leur entrée dans la guerre au cours de l'année. Le 23 août 1914, le Japon déclare la guerre à l'Allemagne, afin seulement de s'emparer des îles allemandes du Pacifique (Marshall, Carolines, Mariannes) et, en Chine, de la concession allemande de Kiao-Tchéou dans le Chan-toung. Une fois son objectif rempli, Tokyo refusera d'envoyer des troupes sur le front allié (il participera cependant à la guerre maritime). Au mois de novembre, la Russie, le 2, l'Angleterre, le 5, et la France, le 11, déclarent la guerre à la Turquie, après qu'elle ait signé un traité d'alliance avec l'Allemagne.

La campagne de 1914.
Le front de l'Ouest.
En vertu de ce que l'on a appelé le plan XVII, les Français positionnent leurs troupes en vue d'une offensive des Allemands en Lorraine, mais ceux-ci choisissent le contournement des lignes françaises  et arrivent par la Belgique, pourtant neutre. Négligent la résistance des forts belges et, ils dessinent un vaste mouvement tournant qui déborde par l'Ouest le dispositif défensif des Alliés (plan Schlieffen).

Commence alors la bataille des frontières. De durs combats ont lieu dans la région comprise entre Maubeuge et Sarrebourg, qui tournent rapidement au désavantage des Français : la Première Armée (commandée par Dubail) et la 2e (Castelnau), subissent de graves revers, même si elles réussisent une riposte à la Trouée des Charmes.  Même chose pour la 3e Armée (Ruffey, Sarrail) et pour la 4e (Langle de Cary), à Longwy et dans les Ardennes. Au nord, l'Armée britannique et la 5e Armée (Lanrezac) sont forcées à évacuer les secteurs de Mons et de Charleroi. C'est la retraite généralisée.
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Première Guerre mondiale : régiment d'infanterie en 1914.
Régiment d'infanterie française sur le quai d'embarquement (août 1914).

Les troupes allemandes déboulent vers le Sud. Le 2 septembre, la Première Armée allemande (commandée par von Klück) est aux portes de Senlis et de Meaux. Le 5, elle est à 25 km de Paris. Le gouvernement se replie à Bordeaux, tandis que Galliéni, le gouverneur militaire de Paris et Joffre, le général en chef des armées françaises, organisent la contre-offensive. Toutes les forces disponibles sont réquisitionnées pour bloquer la progression de l'ennemi. L'épisode des « Taxis de la Marne », qui acheminent sur le front les troupes stationnées dans Paris, est peut-être secondaire sur le plan militaire, mais reste le symbole de l'énergie du désespoir déployée alors. La première bataille de la Marne (6 au 10 septembre) s'engage et permet effectivement de stopper l'avancée allemande. 

Pour éviter l'encerclement, les Allemands reculent sur l'Aisne, au nord de Reims et en Argonne (13 septembre). Moltke est remplacé par Falkenhayn à la tête de l'État-major allemand, qui tente d'organiser à nouveau un mouvement de débordement par l'Ouest. C'est la course à la mer. Chaque armée essaie de tourner l'autre. Les troupes françaises, britanniques et belges livrent, contre l'armée allemande, des combats acharnés, particulièrement sur l'Yser (octobre), autour d'Ypres (20 octobre-15 novembre).

Le 7 novembre l'offensive allemande s'arrête. Le front s'immobilise : il forme une ligne qui va de la Mer du Nord à la Suisse, et le long de laquelle chacune des armées creuse des tranchées dans lesquelles elle s'enterre. Les soldats vont vivre ainsi pendant près de trois ans, dans la boue et la détresse, lançant de temps à autre des attaques meurtrières contre les tranchées d'en face, parfois situées à seulement quelques dizaines de mètres. Et tandis que la figure tragique du « Poilu » s'inscrit  dans la mythologie française, à l'arrière, les femmes remplacent les hommes dans les usines.
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Poilu, par Desvarreux.
Poilu du monument aux morts de Mane.
Un Poilu, par R. Desvarreux. Ci-dessous, la Femme aux champs, par H. Mouren. Le Poilu du monument aux morts de Mane (Haute-Garonne). Photo : © Jean-Michel Latorre, 2012.

La bataille orientale. 
Sur le front de l'Est des combats tout aussi acharnés ont lieu entre Allemands et Russes. La 8e Armée allemande est commandée par Pritwitz et s'oppose aux troupes russes placées sous les ordres du grand-duc Nicolas, et qui comprennent l'Armée du Niémen (commandée par Rennenkampf) et l'Armée de la Narew (Samsonof). Dans un premier temps, l'armée russe prend largement le dessus en Prusse orientale (19-20 août 1914). Mais la réplique vigoureuse des généraux Hindenburg (successeur de Pritwitz) et son second Ludendorff retourne rapidement la situation. Samsonof est défait à Tannenberg (26-30 août); c'est ensuite au tour de l'Armée du Niémen de connaître la déroute.

Rennenkampf parvient cependant, un mois plus tard, à refouler l'armée allemande sur la frontière. Plus au Sud, le grand-duc Nicolas attaque les Austro-Hongrois sur l'ensemble du front. Il les a déjà battus les 26-30 août, et maintenant à Lviv (8-12 septembre). Bientôt les Carpates sont franchies, tandis qu'une tentative d'encerclement de la 8e armée allemande conduit celle-ci à se replier en Haute-Silésie. Ces opérations permettent aux troupes serbes de reprendre Belgrade, un moment perdue. Mais l'arrivée de l'hiver stoppe les opérations. Le front se stabilise sur une ligne qui relie le Niémen aux Carpates.

La guerre en mer.
Il y a aussi une autre guerre qui bat son plein, celle qui se livre sur les mers, principalement entre les marines britannique et allemande. L'Allemagne mène une guerre sous-marine qui commence par quelques succès en mer du Nord. En septembre 1914, trois croiseurs britanniques ont été torpillés. L'Angleterre coulera à son tour  trois croiseurs allemands aux îles Malouines (8 décembre). Quelques mois plus tard, l'Amirauté allemande donnera l'ordre d'étendre les torpillages aux navires de commerce.
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Malfroy : Bataille navalle des Malouines (1914).
La bataille navale germano-britannique aux Malouines, le 8 décembre 1914. 
Ci-dessous, le raid maritime et aérien de Cuxhaven, le 25 décembre. Tableaux de G. Malfroy.
Malfroy : Raid aérien et bataille navale de Cuxhaven (1914).

1915

La guerre à l'Ouest.
Début 1915, Joffre tente deux vaines offensives pour percer le front allemand (16 février-20 mars) : en Artois puis en Champagne, où l'assaut est précédé d'un effroyable pilonnage d'artillerie : pendant trois jours, plus de 3 millions d'obus s'abattent sur les lignes allemandes. Les Allemands pilonnent de la même façon les positions françaises de l'Argonne. Le 22 avril, ils utilisent même pour la première fois les gaz de combat, dans la région d'Ypres. 

D'autres attaques tout aussi violentes vont se répéter au cours de l'année, sans qu'à aucun moment les Alliés ne parviennent à rompre le front occidental. Les Franco-canadiens échouent ainsi à Vimy (9 mai-23 juillet); les armées commandées par Castelnau connaissaient également un échec en Champagne (22 septembre-26 novembre). La guerre a déjà fait des centaines de milliers de tués. Près de 600.000, rien que pour la France.

Les fronts de l'Est.
La situation est tout aussi défavorable pour les Alliés sur les fronts de l'Est. Dès le début de l'année 1915, les Allemands parviennent à chasser les Russes de la Prusse orientale (bataille des Carpates, bataille des lacs de Mazurie), puis de la Galicie et de la Bukovine (batailles de Tarnov et de Görlitz, en mai). De nouvelles offensives ont lieu au milieu de l'été : les troupes austro-allemandes occupent Varsovie, Kovno et Brest-Litovsk en août; en septembre, elles s'emparent de Vilnius. Le front s'établit désormais sur une ligne qui relie Riga à Chernivtsi (Czernowitz).

Venu en soutien des troupes russes, un corps expéditionnaire franco-anglais formé à l'initiative du  premier Lord de l'Amirauté, Winston Churchill, débarque, le 25 avril, aux Dardanelles, mais il est stoppé dans la presqu'île de Gallipoli (Gelibolu) par les Turcs. L'affaiblissement des Serbes dans les Balkans conduit également les Alliés à débarquer, le 5 octobre, à Salonique, pour leur préter main-forte. Ce qui n'empêche pas la chute de Belgrade, le 29, qui est le prélude de l'occupation de tout le pays par les forces des Empires centraux dans les semaines qui suivent.

Notons enfin que deux nouveaux pays rentrent dans la guerre en 1915. L'ltalie, convoitant certains territoires autrichiens, abandonne sa neutralité et se retire de la Triple Alliance (3 mai) pour déclarer la guerre aux Empire centraux (23 mai). Dès le mois de juin, elle tente de percer sur l'Isonzo. En vain. La Bulgarie, qui a, quant à elle, des visées sur une partie de la Macédoine, entre en guerre aux côtés de l'Allemagne (14 octobre).

1916

Le front occidental.
La bataille de Verdun.
1916 est d'abord l'année de bataille de Verdun
«Verdun est le coeur de la France, disaient les Allemands, et la France est notre prinicipale ennemie. »
Prendre Verdun est pour eux le moyen le plus sur d'écraser la France et de lui imposer les conditions de la paix. Le 21 février 1916, un bombardement d'une violence inouïe est dirigé contre les positions françaises de première ligne (rive droite de la Meuse,  Brabant, Haumont, Herbebois, Ornes, Fresnes). Les soldats français, trop peu nombreux, opposent en vain une résistance désespérée. Ils doivent se replier le 24 sur leur seconde ligne (Talou, côte du Poivre, bois d'Haudromont), sous la protection des forts de Douaumont et de Vaux. Le bombardement redouble et l'ennemi continue d'avancer. 

Mais le 21 au soir Castelnau arrive et prend les mesures nécessaires pour organiser la défense. Il confie le commandement au général Pétain. Le 26 un régiment brandebourgeois s'empare par surprise du fort de Douaumont. Il est repris le jour même par la division de fer de Nancy, qui ne peut s'y maintenir. Les Allemands y entrent le 2 mars. Cependant des renforts considérables arrivent de toutes parts, le ravitaillement en munitions et en vivres est assuré par le chemin de fer meusien, la ligne par Châlons-Sainte-Menehould étant détruite, et par des milliers de camions.

L'attaque allemande commençe quelques jours plus tard sur la rive gauche : bombardements et combats acharnés pour la possession de Béthincourt, Forges et Régneville, de la côte de l'Oie, de Cumières, du bois des Corbeaux et du bois d'Avocourt, surtout du Mort-Homme et de la cote 304. La lutte se poursuit sur les deux rives de la Meuse. En mai, Pétain fut remplacé par le général Nivelle. 

La bataille, un instant ralentie, se déchaîne plus violente que jamais sur les deux rives de la Meuse : à l'ouest, 3 divisions allemandes lancées le 20 mai à l'assaut du Mort-Homme et de la cote 304 sont repoussées avec des pertes énormes, mais à l'est, le fort ruiné de Douaumont, enlevé aux Allemands le 22 par le général Mangin, est repris par les Bavarois; le fort de Vaux, héroïquement défendu par le commandant Raynal, succombe le 7 juin. Cette perte et celle de l'ouvrage de Damloup découvrent l'avant-dernière ligne de résistance des Français (Thiaumont, Froideterre, Fleury, Souville), que les Allemands s'apprêtaient à forcer. 

La situation est critique. Les 22 et 23 juin, après un effroyable bombardement, 5 divisions d'élite, des Stosstruppen se ruent contre les positions françaises, prennent  Thlaumont et Fleury, mais sont écrasées à Froideterre et à Souville. Au final, les combats de juillet, d'août et de septembre, acharnés surtout dans la région Thlaumont-Fleury, ne procureront aucun avantage aux Allemands.

Le 21 octobre, Nivelle  engage sur la rive gauche de la Meuse une vigoureuse contre-offensive, remporte le 24, en présence de Joffre et de Pétain, une première victoire qui rend Damloup au Français, ainsi que le fort de Douaumont, réoccupe le 2 novembre le fort de Vaux abandonné par ses défenseurs, et, dans la « splendide journée » du 15 décembre (bataille de Louvemont-Bezonvaux), reporte le front sur l'emplacement qu'il occupait le 23 février 1916. L'« enfer de Verdun », aura fait un million de morts suplémentaires.
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Première guerre mondiale : soldat écrivant une lettre.
"Comment ils écrivent l'histoire". Sur cette affiche, un soldat écrit à sa famille depuis le front.

La bataille de la Somme.
Si les Allemands sont bloqués à Verdun, les Alliés (Britanniques et Français) ne réussissent pas beaucoup mieux du côté de la Somme. L'offensive franco-anglaise sur la Somme avait été décidée pour le printemps. Les événements de Verdun, la nécessité d'une préparation minutieuse, au dernier moment la mort tragique de Kitchener, remplacé comme ministre de la guerre par Lloyd George, l'ont faite ajourner jusqu'au début de l'été. Le 24 juin les Alliés lancent une attaque au cours de laquelle, pour la première fois des chars sont employés. Les combats se prolongent jusqu'au 26 novembre. Les Anglo-Français n'emporteront que 180 km² de terrain, mais à quel prix! La bataille de la Somme a coûté 620 000 vies du côté allié et 450.000 du côté allemand. Et en un jour seulement, le 1er juillet, l'armée britannique a perdu ainsi 60 000 hommes (cela équivaut à un mort par seconde pendant 17 heures d'affilée).

Remaniement des états-majors
De part et d'autre, les gouvernements mécontents des résultats de leurs armées remanient les états-majors : Hindenburg, toujours secondé par Ludendorff, remplace Falkenhayn (29 août) , Nivelle devient commandant des Armées du Nord-Est, succédant ainsi à Joffre, débarqué en douceur avec le titre honorifique de chef des Armées françaises (3 novembre).

Sur les autres fronts.
Les Alliés enregistrent quelques succès sur les autres fronts. Les Russes, commandés par Broussilov  reprennent la Galicie et la Bukovine (4 juin-15 août).  Ils progressent également en Iran et en Arménie. En Italie, l'armée de Cadorna parvient, le 9 août, à prendre Gorizia, après avoir réussi à stopper une offensive autrichienne à Asiago. 

Il y a aussi des échecs. Les troupes de l'Entente perdent le contrôle des Détroits après que les Turcs, dès le 9 janvier, les aient chassées de Gallipoli. Les Turcs chassent aussi très vite les Russes de l'Arménie turque.

Une bataille navale oppose Britanniques et allemands au large des côtes du Jutland, le 31 mai 1916. Les pertes des Britanniques sont supérieures à celles des Allemands, mais ces derniers se trouvent suffisamment éprouvés pour se retirer dans leurs ports, permettant ainsi l'établissement d'un blocus par les Alliés, qui va peu à peu asphyxier l'économie allemande. 

Ajoutons qu'un nouveau pays participe au conflit en 1916, avec la Roumanie qui, le 27 août, entre en guerre contre l'Autriche-Hongrie. Une initiative vite sanctionnée par les Allemands et les Bulgares qui prennent Bucarest le 6 décembre et occupent ensuite la plus grande partie du pays, mettant ainsi la main sur ses installations pétrolières.
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Baude : combats sur l'Hartmannswillerkopf
Combat sur le sommet de l'Hartmannswillerkopf, par F.Ch. Baude.

1917

Front occidental.
Le front français.
A partir du 22 février 1917 et pendant le mois qui suit, les Allemands commencent à se replier derrière une ligne qui va de Soissons à Arras (portion de la ligne Hindenburg, un retranchement fortifié de 4 à 20 km de profondeur qui relie la Suisse à la Mer du Nord). Cela encourage Nivelle à lancer, le 16 avril, une grande offensive entre l'Oise et Reims. C'est un échec. Une nouvelle tentative, le 5 mai, est tout aussi infructueuse. Dans le seul camp français, on dénombre 30 000 morts et 80 000 blessés après seulement deux jours de combats. Au Chemin des Dames, à l'Ouest de Reims, des soldats se mutinent. Le 15 mai, Nivelle est remplacé par Pétain, qui rétablit la discipline. Plusieurs dizaines de mutins sont fusillés. Désormais les offensives de grande envergure attendront l'arrivée des tanks britanniques et surtout celles des troupes envoyées par les États-Unis  récemment entrés en guerre aux côtés des Alliés.

L'attentisme de Pétain a pour effet un retour de la confiance parmi les soldats. La lassitude n'en est pas moins grande. Des mutineries éclatent aussi dans les autres armées. Les populations sont démoralisées. Un courant pacifiste, vite qualifié de défaitiste, commence à s'exprimer. En France, un ancien ministre, Caillaux, prend des contacts avec des émissaires ennemis, mais sera arrêté. L'Autriche fait des propositions de paix qui sont rejetées par l'intransigeant Clemenceau, défenseur d'une politique jusqu'au boutiste.

Le front italien.
Le 24 octobre, les forces autro-allemandes percent, à Caporetto, les défenses italiennes et envahissent la plaine du Pô. Les Italiens doivent se retrancher derrière la Piave, où il seront épaulés par des renforts Alliés.

Fronts orientaux.
Le front russe.
En Russie, la révolution engagée par les Bolcheviks, qui veulent la paix à tout prix, ajoutée à la démoralisation de l'armée, à bout de ravitaillement, précipitent la chute du régime tsariste. Le 15 mars, Nicolas Il abdique. Une offensive lancée par Kerenski , membre du gouvernement provisoire, réussit seulement à réveiller la combativité des Allemands et des Autrichiens qui contre-attaquent à partir du 19 juillet et reprennent presque toute la Galicie et la Bukovine, et, le 3 septembre, s'emparent de Riga.  Les Bolcheviks obtiennent une suspension d'armes le 15 décembre 1917. La paix sera signé au mois de mars suivant, à Brest-Litovsk.

Les front secondaires.
En juin 1917,  la Grèce finit par se ranger dans le camp des Alliés. Les troupes alliées stationnées dans le port grec, jusque là neutre, de Salonique peuvent alors se mettre en mouvement. Sous la conduite du  général Franchet d'Esperey, elles ouvrent un front balkanique qui prend le relais du front russe. Au Moyen-Orient, la place laissée libre par les Russes permet aux Britanniques d'occuper l'Iran, puis de s'installer en Mésopotamie. Ils entrent à Bagdad dès le 11 mars. 

Guerre sous-marine. Entrée en guerre des Etats-Unis .
En janvier 1917, l'État-major allemand , voulant asphyxier l'Angleterre, décrète la  guerre sous-marine à outrance : tout navire, quelle que soit sa nationalité, faisant route vers un port allié sera coulé sans avertissement. Pas moins de 150 sous-marins allemands se déploient dans l'ensemble des océans. Le cinquième de la flotte mondiale de commerce est ainsi coulé.

Le commerce mondial des États-Unis est touché. De plus, le torpillage du paquebot Lusitania, dans lequel périssent 1200 personnes, dont 124 Américains, suscite un émoi qui s'ajoutera aux raisons de l'entrée en guerre des États-Unis, malgré leur isolationnisme traditionnel. Le 6 avril 1917,  le Congrès vote la déclaration de guerre à l'Allemagne, que lui soumet le président Woodrow Wilson. Le 7 décembre, la guerre sera aussi déclarée à l'Autriche-Hongrie. Il faut encore un peu de temps pour que l'armée américaine soit  en ordre de bataille, et qu'assez d'hommes et de matériels soient acheminés en Europe, mais le conflit a déjà pris une nouvelle tournure.

1918

La bataille de France.
Pressés par l'arrivée prochaine des Américains, les Allemands, forts de 60 divisions, lancent, de mars à juillet 1918, quatre offensives, qui seront toutes bloquées : le 21 mars, au sud de la Somme. L'attaque force les Anglais de Haig à replier  vers l'Ouest, tandis que les Français de Pétain sont contraints de reculer vers le Sud. Le général Foch est alors placé à la tête d'un commandement unique des armées alliées. Le 9 avril, dans les Flandres, l'armée allemande attaque les Britanniques, qui résistent. Le 27 mai, les Allemands percent les lignes françaises au Chemin des Dames et atteignent la Marne et bombardent Paris avec un canon géant, la Grosse Bertha, mais ils ne vont pas plus loin. Le 15 juillet, une dernière attaque, en Champagne, se heurte aussitôt à la contre-offensive de Foch, qui, à partir du  8 août, lance depuis la forêt de Villers-Cotterêts une grande offensive franco-anglaise, appuyée par 500 chars. 

La bataille de France est alors engagée. Elle implique 171 divisions alliées (Français, Britanniques, Américains, Belges, Italiens et Portugais). Le 26 août, près de Lille, les Britanniques parviennent à percer la ligne Hindenburg derrière laquelle les Allemands avaient fini par se replier. En septembre, Français et Américains font de même dans la région de Verdun. Une offensive franco-belge dans les Flandres repousse, peu après, les lignes derrière l'Escaut et la Meuse.  Enfin, du 13 octobre au 11 novembre, une dernière grande offensive contraint les Allemands à demander la fin des combats (armistice du 11 novembre).

Sur les autres fronts.
A ce moment, la défaite des Empires centraux et de leurs alliés est déjà consommée sur les autres fronts. Les Britanniques, qui ont pris Alep ont infligé une dernière défaite aux Turcs à Jaffa, qui ont demandé la cessation de la guerre dès le 1er janvier. En Macédoine, la Bulgarie, n'a pu s'opposer aux armées française et serbe qui ont percé ses lignes au Nord-Ouest de Salonique et libéré la Serbie du Sud. Elle signe un armistice fin septembre. Enfin, après avoir bloqué les assauts autrichiens sur la Piave (15- 24 juin 1918),  les Italiens  remportent une écrasante victoire à Vittorio-Veneto et obligent l'Autriche-Hongrie à capituler le 3 novembre.

La paix et les traités

L'armistice. 
En Allemagne, Guillaume II a abdiqué et s'est enfuit aux Pays-Bas. La république a été proclamée et des plénipotentiaires du nouveau régime sont désignés pour signer l'Armistice. Le 8 novembre, Foch et l'amiral Wemyss les reçoivent dans leur train militaire, garé au petit village de Rethondes, en forêt de Compiègne, et leur dictent leurs conditions. Ce sont celles d'une capitulation, avec quelques-uns des honneurs de la guerre. 

Comme un délégué américain demande à Foch de « dire simplement, du point de vue militaire, toute autre considération mise à part, s'il aimerait mieux que les Allemands rejetassent ou acceptassent l'armistice », le maréchal répond qu' « on ne fait la guerre que pour des résultats » et que, « le but atteint, nul n'a le droit de faire répandre une goutte de sang de plus ». Le 11 novembre, à 4 heures du matin, après une nouvelle intervention pressante de Hindenburg, les Allemands signent.

A 11 heures, le canon, qui n'avait pas cessé de tonner depuis plus de 1500 jours, se tait. On entend comme un immense silence. La plus grande bataille que le monde ait jamais connu jusqu'alors est terminée.

Libération de l'Alsace-Lorraine.
En exécution de l'armistice, les troupes allemandes évacuent l'Alsace-Lorraine, la Belgique, les pays de la rive gauche du Rhin, trois fortes têtes de pont sur la rive droite, et abandonnent un immense matériel de guerre; la flotte se rend et est internée dans les eaux anglaises, tous les sous-marins sont livrés aux alliés, tous les prisonniers rendus.

Le 19 novembre, Pétain, nommé de la veille maréchal de France, fait son entrée à Metz; Castelnau entre le 22 à Colmar et Gouraud, le même jour, à Strasbourg.

Les provinces retrouvées accueillent les armées libératrices avec des transports de joie. Avant même que les Allemands soient partis, les maisons, jusque dans les plus humbles villages, se sont pavoisées aux couleurs nationales. « Le plébiscite est fait!-», peut dire, quelques jours plus tard, le président de la République aux acclamations passionnées des foules accourues à Strasbourg, de toute l'Alsace et de toute la Lorraine.

Les Traités.
Une série de traités rédigés par les vainqueurs puis soumis aux vaincus forcés de signer sont élaborés dans les mois et les années suivantes. Le traité de Versailles scelle le sort de l'Allemagne; le traité de Saint-Germain, celui de l'Autriche; le traité de Neuilly, celui de la Bulgarie; le traité de Trianon, celui de la Hongrie; le  traité de Sèvres, celui de l'Empire ottoman (Turquie).
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LLoyd George, Clémenceau et Wilson, à la sortie de la signature des
"Quatorze Points" du Traité de Versailles.

Le Traité de Versailles (28 juin 1919) .
Jugée responsable de la guerre, l'Allemagne devra payer des réparations (pour la forcer à payer, la France enverra des troupes occuper la Ruhr en 1923). Elle doit aussi rendre l'Alsace-Lorraine à la France et céder de petits territoires à la Belgique. Elle doit aussi abandonner les provinces polonaises, qu'elle occupait depuis un siècle, ainsi qu'une petite partie de la Silésie qui doit elle aussi revenir à la Pologne que l'on reconstitue. Pour qu'elle dispose d'un accès à la mer, on sépare par ailleurs la Prusse orientale de l'Allemagne par un « corridor ». Le Danemark, bien que neutre pendant le conflit, se voit attribuer le Slesvig du nord, au détriment de l'Allemagne. Le pays perd ainsi, au total, près de 70 000 km² et 8 millions d'habitants.

De plus, la rive gauche du Rhin sera occupée par les armées alliées jusqu'en 1925; la rive droite est démilitarisée le long d'une bande de 50 km de largeur. Les capacités militaires de l'Allemagne sont fortement réduites (effectifs de l'armée ne pouvant dépasser 100 000 hommes, aviation et artillerie lourdes prohibées, etc.).

Les colonies de l'Allemagne lui sont également enlevées. La Société des nations (SDN), nouvellement créée, confie leur administration  à plusieurs autres pays. La plus grande partie du Cameroun et du Togo passent sous mandat français; Le Royaume-Uni se voit confiée pour sa part l'administration de l'autre partie de ces territoires, ainsi que celle des anciennes possessions allemandes en Afrique orientale (Tanganyika). La Belgique reçoit le Ruanda-Urundi (Rwanda et Burundi actuels). Le Japon conserve une tutelle sur les îles du Pacifique qu'il a conquises. L'Australie se voit confiée la Nouvelle-Guinée, et la Nouvelle-Zélande obtient un mandat pour administrer les îles Samoa.

Le Traité de Saint-Germain (10 septembre 1919).
L'Empire Austro-hongrois disparaît (reconnaissance de l'indépendance de la Hongrie).
L'Istrie et une partie du Tyrol doivent être donnés à l'Italie. Et surtout plusieurs nouveaux  nouveaux États sont constitués :

La Pologne est reformée grâce à la fusion de la Galicie (enlevée à l'Autriche-Hongrie), de la Posnanie et du corridor de la Basse-Vistule (enlevés à l'Allemagne).
La Tchécoslovaquie est formée à partir de la Bohème et de la Moravie, deux provinces autrichiennes; le rattachement de la Slovaquie (province hongroise) sera officialisé quelques mois plus tard.

La Yougoslavie est formée (en plusieurs étapes également, puisqu'ici aussi la Hongrie est impliquée), à partir de la fusion des anciens États indépendants de Serbie et du Montenegro  avec les provinces slaves du sud de l'Empire des Habsbourg (la Dalmatie et la Croatie).

Le Traité de Neuilly (27 novembre 1919).
La Bulgarie doit abandonner à la Grèce sa façade maritime sur la mer Égée. Elle doit par ailleurs céder à la Roumanie la Dobroudja et à la Yougoslavie  une partie de ses régions occidentales.

Le Traité de Trianon (4 juin 1920).
Ce traité complète ou permet de rendre effectives les dispositions du Traité de Saint-Germain. La Hongrie s'est déjà séparée de l'Autriche. Elle doit maintenant céder la Slovaquie et la Ruthénie autonome, à la Tchécoslovaquie.  La Croatie doit être donnée au nouveau pays des Serbes, Croates et Slovènes (qui préfigure la Yougoslavie). La Transylvanie revient quant à elle à la Roumanie. Le pays perd ainsi le tiers de sa surface, toute sa façade maritime et les trois cinquièmes de sa population d'avant-guerre.

Le Traité de Sèvres (10 août 1920).
Bien qu'envisagé, l'Empire ottoman ne disparaît pas (il sera bientôt remplacé par la république de Turquie, mais pour des raisons intérieures). Il perd cependant une grande partie de son territoire. La France et l'Angleterre se partagent une grande partie du Proche-Orient (de la Palestine et la Syrie à l'Irak). Ce qui est aujourd'hui la Turquie d'Europe (sauf Constantinople et ses environs) est donné à la Grèce, de même que Smyrne et sa région. Des îles du Dodécanèse reviennent à l'Italie. Les Détroits (Bosphore et Dardanelles) sont neutralisés. Certaines dispositions du Traité de Sèvres seront modifiées par le Traité de Lausanne (23 juillet 1923).
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La Première Guerre mondiale, première guerre totale, a aussi été la première guerre moderne.
Canon allemand Krupp.
Un canon allemand.
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Première Guerre mondiale : Cuirassé anglais.
Première Guerre mondiale : tank américain.
Un cuirassé anglais. Un tank américain.
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Première guerre mondiale : avions en Champagne.
L'aviation : la cinquième arme. En champagne, quelques appareils au repos.
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