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Idée

Le mot idée désigne un fait intellectuel élémentaire, irréductible, et qui par conséquent n'est pas susceptible d'une définition rigoureuse. Dans sa signification commune, qui est aussi la plus étendue, on l'applique à toute appréhension de l'esprit, et les scolastiques la définissaient une simple aperception de l'esprit, mera mentis aperceptio. Le fait exprimé par le mot idée est souvent encore désigné par d'autres termes, selon l'objet auquel il se rapporte. Ainsi, on l'appelle, quand il se rapporte à une chose présente, perception; à un objet visible, image; à un phénomène purement intellectuel, conception; à une chose passée, souvenir; à un état moral, sentiment. Mais idée est le terme générique, et s'applique à tout fait de l'intelligence par lequel les choses sont rendues présentes à notre esprit. 

On distribue généralement les idées en plusieurs classes, selon les divers points de vue sous lesquels on les considère. 

A. Envisagées au point de vue de leurs objets, elles varient à l'infini, comme les choses auxquelles elles se rapportent. Néanmoins on peut les ranger sous les deux chefs suivants : 
1° les idées sensibles, qui représentent les objets extérieurs ou leurs attributs

2° les idées supra-sensibles, qui se rapportent aux phénomènes de la vie psychique de l'humain. Ces dernières peuvent encore se subdiviser en idées psychologiques, en idées métaphysiques, et en idées morales

B. Si on les considère au point de vue de la qualité, c. -à-d. en égard à la façon dont elles représentent les objets, les idées peuvent être vraies ou fausses, exactes ou inexactes, précises ou vagues, claires ou obscures, distinctes ou confuses, etc. Ces différents termes n'ont pas besoin d'être expliqués en détail. Nous ferons seulement une observation au sujet des idées fausses et des idées vraies. On a prétendu que les idées étaient toujours vraies, attendu que le terme d'idée n'impliquait pas affirmation. Nous ne voyons là qu'un malentendu résultant des deux significations du mot vrai. Une idée est toujours vraie, en ce sens qu'elle est un fait, qu'elle est existante; mais elle peut en même temps être fausse, c.-à-d. non conforme à son objet, soit qu'il y ait, soit qu'il n'y ait pas affirmation de l'esprit qui l'a conçue. 

C. On distingue encore les idées d'après leur forme ou d'après leur quantité. Ainsi, on les dit :

simples ou composées, selon que leur objet est simple ou composé;

abstraites ou concrètes, selon qu'elles s'appliquent à une qualité isolée ou à l'ensemble de leur objet; 

individuelles ou collectives, selon qu'elles représentent un ou plusieurs individus;  

compréhensives ou extensives, selon qu'elles représentent des qualités communes à un plus ou moins grand nombre d'objets; 

particulières ou générales, selon qu'elles correspondent à un objet déterminé ou à tout un genre;

Les idées générales sont appelées catégoriques, parce que, à la différence des idées strictement universelles, elles expriment un ensemble d'éléments ou notes qui ne s'appliquent qu'à un genre, une classe, une catégorie déterminée de choses. Ex. : substance, vivant, animal, homme.
On les divise en : 1°) Universaux ou Prédicables.  2°) Catégories ou Prédicaments.
L'idée n'a d'existence logique qu'à la condition d'être exprimée par un terme et toute terme a deux propriétés qu'on peut appeler, d'après Stuart Mill
a) la connotation : c'est la signification de certains attributs ou qualités;

 b) la dénotation : c'est la désignation de certains individus ou objets. Exemple : « Blanc désigne toutes les choses blanches, la neige, le papier, l'écume de la mer, etc., et implique ou, comme disaient les Scolastiques, connote l'attribut blancheur ».

Mais les classifications qui précèdent, et d'autres encore que nous croyons inutile de citer, sont d'une importance fort médiocre et sont toutes plus ou moins arbitraires. La seule division des idées qui n'ait pas ce défaut, qui soit à la fois complète et précise, est celle qui est tirée de leur caractère de contingence ou de nécessité. Les idées contingentes sont les idées relatives aux choses qui pourraient ne pas être. Les idées nécessaires, celles relatives aux choses qui ne peuvent qu'être. Deux caractères secondaires de nos idées, la particularité et l'universalité, découlent de leur contingence et de leur nécessité. Un être contingent étant un être fini, circonscrit dans le temps et dans l'espace, l'idée qui le représente participe à ces bornes : elle est déterminée, individuelle, particulière. Au contraire, une idée nécessaire est une idée universelle parce qu'elle s'applique à une chose qui ne peut pas ne pas être, et qui, par conséquent, est de tous les temps et de tous les lieux. Les idées contingentes sont encore appelées idées relatives, par opposition aux idées absolues, qui évidemment ne sont autres que les idées nécessaires. 

Le problème de l'origine des idées a été de tout temps un sujet de controverse parmi les philosophes. 

A. Pour les idées que nous avons des choses extérieures, c.-à-d. des corps et de leurs propriétés, la question ne paraît pas douteuse. Elles arrivent à notre intelligence par l'intermédiaire des sens, à la suite de l'impression qu'elles produisent sur eux, impression qu'on désigne sous le nom de sensation. Ces idées constituent ce qu'on appelle les idées sensibles. Toutefois, bien que ces idées nous viennent des sens, elles ne sont point, ainsi que Ie prétendaient Condillac et son école, des sensations transformées. Une sensation est simplement la réaction de l'organe sensoriel contre la cause extérieure qui agit sur lui, réaction à l'occasion de laquelle l'esprit conçoit l'idée. La sensation est un phénomène passif; l'idée est le produit de notre activité intellectuelle. La sensation prend fin aussitôt que l'objet qui la déterminait cesse d'agir; l'idée persiste et subsiste dans notre intelligence, sans qu'il soit désormais besoin de l'intervention de l'impression ou de l'agent qui a donné lieu à sa naissance. En outre, aucune cause ne peut donner plus qu'elle ne contient : les sensations sont donc incapables de nous donner aucune idée de rapports, pas même celle du rapport de succession ou de simultanéité qui peut exister entre elles. 

B. Les idées relatives aux les phénomènes de la vie intellectuelle et morale, nous sont révélées par le sens intime ou par la conscience, qui confère le pouvoir de créer une série indéfinie d'autres idées, qui n'ont d'existence qu'en elle et par elle : telles sont toutes les idées générales et toutes les idées de rapports, idées qui constituent presque à elles seules toute la matière des sciences. Les idées ainsi obtenues sont appelées idées intellectuelles, et peuvent se diviser en idées psychologiques et en idées morales, selon la nature des faits et des rapports qu'elles représentent.  Il est tellement évident que la sensation n'est pour rien dans l'origine de ces idées, que nous jugeons inutile de reproduire et de réfuter le système de l'école sensualiste à ce sujet.

C. Toutes nos idées nous viennent-elles de la double source dont il a été question jusqu'à à présent, c.-à-d. de l'expérience, soit externe, soit interne? L'affirmative a été soutenue par une école célèbre qui, pour cela même, a reçu le nom d'école empirique. Cette école, en effet suppose que toutes les idées viennent de l'expérience, soit directement, soit indirectement, et comme résultats des opérations de l'entendement. Mais la théorie de l'empirisme a ses difficultés. Elle peut bien expliquer la production des idées particulières et contingentes, mais elle n'explique pas l'origine des idées universelles et nécessaires; car une cause, ainsi que nous l'avons déjà dit, est incapable de donner des effets qui la dépassent. Or par les sens et la conscience, nous ne sortons ni du lieu où nous sommes, ni du moment actuel. C'est en vain que nous appelons à notre aide la mémoire et le témoignage; ce témoignage et ces souvenirs sont bornés comme nos perceptions. C'est en vain que nous élaborons les données de l'observation; ces données ne peuvent rendre ce qu'elles ne contiennent pas, des jugements universels. Ainsi, par exemple, l'observation des phénomènes que nous avons faite nous-mêmes, quelque nombreux qu'on les suppose, est incapable de nous apprendre que tous les phénomènes sans exception ont une cause, car cette idée est universelle, et notre observation est limites. L'expérience ne saurait non plus être l'origine des idées nécessaires et absolues, puisqu'elle ne nous révèle que des faits relatifs et contingents. Quel phénomène, soit externe, soit interne, peut engendrer dans notre esprit l'idée de substance, celle de l'infini, ou celles du vrai, du bien et de beau absolus. Évidemment, ces idées ne dérivent, ni de l'expérience extérieure, ni de l'observation intérieure. La formule célèbre, Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu, est donc de ce point de vue convaincue d'impuissance. 

L'école écossaise regarde idées universelles et nécessaires  comme des lois constitutives de l'esprit humain. Kant les considère comme de simples formes de la pensée, et il les partage en trois classes, les formes de la sensibilité, les catégories de l'entendement, et les idées de la raison; et la connaissance humaine est le produit de l'application régulière de ces lois aux matériaux confus et épars qui nous viennent de l'expérience. Les idées universelles et nécessaires ont reçu de plusieurs philosophes, tels que Platon, Descartes, Leibniz, etc., le nom d'idées innées, non point dans ce sens que ces idées soient actuelles chez l'enfant qui vient de naître, mais comme sortant de notre faculté même de penser. Ces idées restent en puissance dans l'esprit, jusqu'à ce que l'expérience vienne les faire paraître à la lumière et les rendre présentes à l'esprit. 
" Toutes ces vérités, dit Bossuet en parlant des idées universelles et nécessaires, subsistent devant tous les siècles, et devant qu'il y ait eu un entendement humain; et quand tout ce qui se fait par les règles des proportions, c.-à-d. tout ce que je vois dans la nature serait détruit, excepté moi, ces règles se conserveraient dans ma pensée; et je verrais clairement qu'elles seraient toujours bonnes et véritables, quand moi-même je serais détruit, et quand il n'y aurait personne qui fut capable de les comprendre. Si je cherche maintenant où et en quel sujet elles subsistent éternelles et immuables comme elles sont, je suis obligé d'avouer un être où la vérité est éternellement subsistante et où elle est toujours entendue; et cet être doit être la vérité même et doit être toute vérité; et c'est de lui que la vérité dérive dans tout ce qui est et ce qui s'entend hors de lui. C'est donc en lui, d'une certaine manière qui m'est incompréhensible, c'est en lui, dis-je, que je vois ces vérités éternelles; et les voir, c'est me tourner à celui qui est immuablement toute vérité et recevoir ses lumières. Cet objet éternel, c'est Dieu éternellement subsistant, éternellement véritable, éternellement la vérité même." 
L'étymologie du mot idée, qui signifie proprement image, nous révèle l'hypothèse qui la première s'est produite en philosophie sur la nature de ce phénomène. Les anciens avaient imaginé qu'entre l'esprit renfermé dans le corps et les objets qui nous entourent, il ne pouvait y avoir de communication immédiate. En conséquence, ils supposèrent que les objets envoient à l'esprit, par le canal des sens, des images d'eux-mêmes, appelées par Aristote-espèces sensibles, et que ce sont ces images et non les objets, que nous percevons. Cette supposition fut ensuite généralisée et appliquée à toutes les facultés de l'esprit. Les objets passés furent représentés à la mémoire par des images, les objets immatériels ou de raison par des espèces intelligibles. 
"En un mot, dit Jouffroy, on créa dans l'esprit un peuple de fantômes, qui furent comme des ombres des objets que nous percevons."
Cette hypothèse, quelque vaine qu'elle soit s'est reproduite dans la philosophie moderne; seulement ces êtres intermédiaires ont reçu le nom commun d'idée. D'après cette théorie que dans l'histoire de la philosophie, on appelle théorie de l'idée représentative, la connaissance et l'idée sont deux choses distinctes. L'idée n'est qu'un moyen de connaissances et non la connaissance même; c'est une sorte d'intermédiaire entre l'objet et le sujet. Pour ce dernier, l'idée est donc la représentation de l'objet, et l'exactitude de la connaissance se mesure sur le plus ou moins de fidélité de l'image par rapport à l'objet qu'elle représente. Ainsi, ce n'est pas le Soleil que nous voyons, mais l'idée du Soleil en nous; ce n'est pas l'événement qui nous est arrivé hier que la mémoire atteint, mais l'idée de cet événement en nous, etc. Mais si l'on presse les conséquences de celle théorie, on aboutit à un scepticisme absolu. 

En effet, bien que l'esprit se saisisse lui-même par une aperception immédiate et qu'on ne puisse mettre en question son existence, il en est tout autrement des objets extérieurs qu'il ne nous est jamais donné d'atteindre directement, à cause de la présence de cet être intermédiaire, l'idée, qui vient toujours s'interposer entre notre âme et la réalité extérieure, devenue dès lors à jamais insaisissable. De là l'impossibilité de nous assurer de l'existence réelle des objets qui constituent l'extériorité matérielle, et, par conséquent, on aboutit comme Berkeley, à la négation logique du monde extérieur. Or, cette doctrine une fois adoptée, rien ne me garantit plus l'existence extérieure d'êtres semblables à moi, et je reste seul dans l'univers, ou plutôt je le constitue moi seul, avec mon esprit et mes idées. 

L'hypothèse des idées représentatives, sous quelque forme qu'elle se déguise, écartée, le problème reste entier. Mais la philosophie est-elle capable de le résoudre, et sa solution est-elle nécessaire à l'avancement de la science? (DV.).
 



Chip et Dan Heath, Ces idées qui collent, pourquoi certaines idées survivent et d'autres meurent, Village mondial, 2007.
 9782744063084
Selon les auteurs six principes doivent guider ceux qui cherchent à rendre leurs idées plus efficaces et à faire passer leurs messages :
- Simplicité : il faut savoir hiérarchiser et exclure.

- Imprévisibilité : il faut savoir déjouer l’intuition pour créer l’intérêt et la curiosité.

- Concrétude : être concret parler aux sens expliciter les choses en termes d’actions. - Crédibilité : cette marque doit résider dans les idées elles-mêmes. Ronald Reagan pendant sa campagne disait : « Avant de voter demandez-vous si votre situation est meilleure aujourd’hui qu’il y a 4 ans. »

- Emotion : pour savoir il faut bien choisir les ressorts sur lesquels on veut jouer. Par ex pour dissuader des adolescents de fumer mieux vaut insister sur la duplicité des fabriquants de tabac que sur les conséquences en termes de santé.

- Histoires : elles permettent de mémoriser l’idée et la rendent plus vivante. Ces six principes semblent frappés au coin du bon sens.

Alors pourquoi s’interrogent les auteurs ne nous inspirent-ils pas davantage? Tout simplement parce que trop souvent nous sommes aveuglés par la « malédiction du savoir ». Autrement dit nous tenons pour évidents les messages que nous voulons faire passer. (couv).
 
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