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Sentiment. - Le mot sentiment appartient à la même famille que les mots sens, sensibilité, sensation, etc., et comme eux il est clair et précis en apparence, vague et obscur en réalité. Dans son acception la plus large, il désigne tout ce que nous sentons, tout ce dont nous avons conscience, et peut être pris comme synonyme de « phénomène psychologique ». C'est en ce sens que l'emploie Stuart Mill au début de sa Logique, lorsqu'il classe les sentiments (feelings) en sensations, pensées, émotions et volitions

Dans un sens plus étroit, le sentiment s'oppose à la sensation en même temps qu'il se coordonne avec elle dans un genre commun, celui des phénomènes de sensibilité : il est le phénomène de la sensibilité morale, de même que la sensation est le phénomène de la sensibilité physique. C'est comme elle un plaisir ou une peine, en tout cas, un état affectif, mais au lieu d'être directement produit comme elle par l'action physique d'un objet extérieur, il a pour cause prochaine une idée, une opération mentale, et ne se rapporte à un objet extérieur que d'une façon médiate et plus ou moins lointaine. 

Ainsi le choc douloureux produit par un coup de poing qu'on reçoit en pleine poitrine est une sensation; celui qu'on éprouve en apprenant tout à coup qu'on a été trahi par un ami est un sentiment. Ainsi compris, le sentiment se confond à peu près avec l'émotion ou avec ce qu'on appelait, au XVIIe siècle, la passion. Ainsi dans son Traité des passions, Descartes manière l'admiration on étonnement, la joie, la tristesse, l'amour, la haine, le désir, etc., que nous appellerions plus volontiers des sentiments. Du reste, toute la terminologie de cette partie de la psychologie est encore à peine fixée, et il en résulte beaucoup d'équivoques et de confusions. 

Le mot « sentiment » a même été souvent employé pour désigner des phénomènes intellectuels plus ou moins intuitifs et instinctifs, plus ou moins mêlés de sentiments proprement dits : et c'est en ce sens que l'emploient surtout les mystiques (Mysticisme) lorsqu'ils opposent le sentiment à l'intelligence, le coeur à la raison et qu'ils prétendent qu'on peut avoir par le sentiment une connaissance de la vérité, du beau, du bien, de Dieu, etc., plus directe et plus sûre que celle que nous donnent les facultés intellectuelles. Cette ambiguïté fait aussi le fond de la morale dite du sentiment. (E. Boirac).

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