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Hermès

Dieu grec que les Romains assimilèrent à leur Mercure, Hermès apparaît d'abord désigné sous le nom d'Hermeias dans les poèmes homériques, Hermaôn dans Hésiode. Les étymologistes n'en ont donné aucune interprétation satisfaisante. Son culte existait dans tout le monde hellénique; il était particulièrement développé en Arcadie, en Attique, dans les îles au Nord de la mer Egée (Lemnos, Imbros, Samothrace), tous pays ou la vieille population pré-hellénique s'était maintenue et qui étaient riches en troupeaux. On regardait ces régions, et particulièrement l'Arcadie, comme le berceau du culte d'Hermès et la patrie du dieu. Une rapide revue des cultes locaux doit précéder l'exposé des mythes géneraux.

En Arcadie, Hermès joue un rote dans les légendes d'Arcas, Evandre, Pan, Callisto, Lycaon, etc. Au mont Cyllène, on plaçait son lieu de naissance et d'éducation par les nymphes, son union avec la nymphe Dryops, dont naquit Pan; ou y célébrait des fêtes herméennes, mentionnées par Pindare et son scoliaste. Au mont Chelydorea le dieu aurait inventé sa lyre; Phénée lui rendait des hommages spéciaux et possédait le tombeau de son fils Myrtile; auprès jaillissaient trois sources consacrées à Hermès; Stymphale, Munacris, Tégée avaient des temples du dieu; à Mégalopolis il existait un temple d'Hermès Acacesios, un temple d'Hermès et Héraclès, une statue d'Hermès Agetor, dans l'enclos des Grandes Déesses, une autre dans le temple d'Aphrodite; à Méthydrion, on sacrifiait à Hermès et Hécate à chaque nouvelle lune; citons encore les temples ou images de Phigalie, Acacesion, Cynosura. 

En Elide, on attribuait l'introduction du culte à Pélops; on trouvait à Olympie un temple d'Apollon et Hermès; un autel d'Hermès Enagonios, plusieurs statues célèbres. 

En Messénie, on vénérait Hermès, associé à Déméter et Coré, dans les mystères d'Andania qu'il faut peut être rattacher au culte des Cabires; dans le bois sacré d'Apollon Carnéien, Hermès Caiophore est placé près de lui, à Pylos, on montrait la grotte ou il aimait cacher les boeufs volés ( plus bas); à Pharae, le héros éponyme Pharis passait pour fils d'Hermès. 

En Laconie, Hermès qui figure dans la légende des Dioscures, et était vénéré en leur compagnie et en celle d'Héraclès, avait des sanctuaires à Sparte (Hermès Agoraios), Belemina, Las, Gythion.

En Argolide, il joue un rôle dans les mythes d'Argus, de Pélops, de Persée; on lui offrait un sacrifice trente jours après un décès. C'est peut-être de sa victoire sur Argus que lui vient son surnom d'Argeiphontes qu'on lui donne parfois.

A Trézène, on l'appelait Polygios et le vénérait avec Héraclès. A Sicyone, on le qualifiait Epaktios ou Agoraios; à Corinthe, il avait plusieurs statues

En Achaïe, on cite à cet égard Pellène, Pharae, Patras et Dyme.

En Attique, le culte d'Hermès était évidemment très ancien et on l'impliquait dans les mythes d'Hersé, Pandrosos, Ceryx, Eleusis, etc. ; autant qu'en Arcadie, ses images y étaient multipliées; on cite des Hermès tricéphales et quadricéphales. Les stratèges sacrifiaient à Hermès hégémonios; on le vénère aussi sous les épithètes de Chthonios, Agoraios. Il était le patron des gymnases. Les Céryces et les Eleusiniens,en général, faisaient remonter leur origine à Hermès. 

En Béotie, Thèbes se prétendait patrie d'Hermès : le mythe local attribuait au dieu le salut de Dionysos; on a soutenu qu'il l'identifiait à Cadmus. Tanagra réclamait également la naissance d'Hermès, le vénérant sous les épithètes de Criophore et Promachos, montrant le mûrier sauvage à l'ombre duquel il serait né; à Thespies, Thisbé, Orchomène, Onchestos, Coronée, Corseia, Mycalesse, Erétrie, etc., on rencontre de même le culte d'Hermès. 

En Phocide, on indique comme fils d'Hermès le grand-père d'Ulysse, Autolycus; le dieu figure dans le mythe des Thries, localisé dans la région du Parnasse, comme le précédent. 

En Locride, en Acarnanie, en Illyrie, en Macédoine, les textes et les monnaies signalent le culte d'Hermès. 

En Thessalie, il était très ancien et une série de héros étaient qualifiés fils d'Hermès. Dans le bassin du lac Boebeis se localisait la légende des amours du dieu avec Brimo (l'Hécate de Phères?); en Piérie et dans l'Olympe, celle du rapt des boeufs. 
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Hermès.
Hermès de Praxitèle.

Les nombreuses colonies de la côte de Thrace, Abdère, Sestos et vingt autres ont le culte d'Hermès, ce qu'attestent leurs monnaies. Il y a d'autant plus lieu de s'y attendre que les îles voisines étaient un des centres primitifs de ce culte. A Samothrace, Hermès, généralement représenté ithyphallique, est rangé parmi les Cabires et est assimilé à Cadmilos (le Cadmus thébain); de même à Imbros et Lemnos.

Dans les colonies d'Asie Mineure, nous ne trouvons rien à signaler de particulier; Hermès est associé tantôt à Apollon, tantôt à Aphrodite. En Egypte, s'est développé à côté du culte grec celui d'Hermès Trismégiste ou Thot. Les Éoliens de Lesbos admettaient, comme leurs voisins de Samothrace et probablement les Thébains, l'identification d'Hermès et de Cadmus. Les Ioniens insulaires et continentaux partagent les idées des Athéniens. En Crète, le culte prend une forme locale. A Ténos, Amorgos, etc. Hermès est associé à Héraclès. Dans les îles Ioniennes il se présente particulièrement sous l'aspect de dieu des bergers. En Sicile, on en fait le père de Daphnis.

L'énumération que nous venons de faire donne une idée de la variété des cultes locaux d'Hermès. On remarquera qu'il y a une grande différence entre les conceptions qu'ils supposent et celles que les poètes ont développées. Dans l'Iliade, Hermès est l'un des dieux olympiens, serviteur et messager de Zeus et du gouvernement céleste; c'est lui qui conduit Priam à la tente d'Achille, qui est chargé de messages pour Calypso, Egisthe. Il est fils de Zeus. On vante sa force et sa célérité, mais aussi son adresse, sa ruse; dans l'Odyssée, il joue le rôle de trompeur. D'autre part, il est dieu du sommeil et paraît à la fin de l'Odyssée comme psychopompe, conducteur des âmes. Il est plus particulièrement le patron des bergers, assurant la fécondité aux troupeaux. 
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Hermès psychopompe.
Hermès psychopompe amenant Eurydice à Orphée.
Bas-relief antique. Villa Albani, Rome.

Dans Hésiode il en est peu question. Fils de Zeus et de Maïa, il est, avec Hécate, le protecteur et fécondateur des troupeaux ; c'est lui qui enseigne les tromperies du langage à Pandore.

Les mythographes se sont épuisés en efforts pour ramener à l'unité les caractères de ce dieu et ramener ses fonctions variées à un principe unique. Il ne semble pas qu'ils y soient parvenus, et Hermès moins encore que les autres dieux grecs ne peut être regardé comme la personnification d'une force naturelle définie. L'hypothèse la plus ingénieuse, mais sans aucun fondement dans les textes ou les monuments, est celle qui le regarde comme un dieu du vent, dérivant de là ses fonctions de messager des dieux, de trompeur, de chanteur, d'auteur de mirages (donc des rêves), de fécondateur des champs, de protecteur des voyageurs, etc. C'est une explication ingénieuse dans le goût de celles que la mythologie comparée mit à la mode, mais sans plus de fondement. Nous n'insisterons pas davantage sur le rapprochement (fondé sur un calembour et une interprétation arbitraire du mythe d'Argus) avec le Sarameya indien. En somme, dans le plus ancien document sur la mythologie grecque, les poèmes homériques, Hermès est le serviteur et le messager des dieux; c'est là son emploi dans la société divine, et toute sa psychologie y est conforme.
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Hermès.
Hermès au repos. Bronze grec. Musée de Naples.

Il joue dans le royaume céleste le même rôle que les hérauts ou appariteurs des princes; non seulement il transmet les messages, mais accompagne son seigneur, lui verse la boisson, conduit son char, etc. C'est lui qui amène les trois déesses au jugement de Pâris, qui conduit Coré (Perséphone) lors de son enlèvement et de son retour qui, sur l'ordre de Zeus, enlève Alcmène de son tombeau. Un des principaux mythes où est impliqué Hermès est celui d'Argus : ce géant à deux têtes où à cent yeux, préposé à la garde d'Io, aurait été endormi et tué par l'astucieux Hermès, envoyé à cet effet par Zeus. Fréquemment, dans les poésies homériques et hésiodiques, celui-ci est désigné par l'épithète de meurtrier d'Argus. Il est fréquemment expédié pour secourir et conduire en lieu sûr les fils de dieux en péril, mène le jeune Dionysos à Nysa, les Dioscures à Pellana, Aristée aux Heures, sauve Asclépios du bûcher, emporte le petit Héraclès, Ion, Arcas; guide des héros protégés par les dieux, Persée, Héraclès, Priam; de nombreux monuments le représentent dans l'une ou l'autre de ces scènes, ou bien encore assistant un guerrier dans le combat. 
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Hermès enfant.
Hermès enfant, après avoir volé les boeufs
d'Apollon s'est recouché dans son berceau, tandis 
qu'autour de lui on se demande qui peut être le voleur.
Hydrie de style ionien. Musée du Louvre.

Souvent aussi il est figuré apportant une victime à un sacrifice, précédant à l'autel l'un des grands dieux; on lui attribue l'invention du rituel et, en particulier, du sacrifice par le feu; il devint par extension le patron de la cuisine, d'autant que les fonctions de héraut et de cuisinier étaient souvent confiées au même individu. Le symbole de son office est le bâton ou sceptre qu'il porte et qui reçut divers enjolivements et devint le caducée. On lui prête parfois une vertu magique, le pouvoir d'éveiller les morts, d'endormir les vivants, d'entraîner les âmes. Plus tard on supposa qu'Hermès tenait ce bâton d'Apollon. Son second attribut est le pétase, chapeau de feutre à large bord des voyageurs et messagers. Dans l'ordre moral, on gratifie Hermès d'une forte voix, d'une mémoire merveilleuse; il défie Stentor qui meurt à la suite de la lutte; il donne à son fils Oethalides, le héraut des Argonautes, une mémoire indélébile. Patron des domestiques, à sa fête des Hermées, en Crète, on voyait les maîtres servir leurs esclaves. Ses fonctions exigent de l'habileté oratoire et de l'imagination; il est donc le dieu de l'éloquence, de la ruse, qualifié à ce titre de Logios. On lui attribue plusieurs inventions, celles du feu, de la lyre, de la syrinx, de la flûte; plus tard, celles du langage, de l'écriture, des mathématiques, de l'astronomie, le confondant avec le Thot égyptien. Ou lui offrait la langue des victimes; le rapprochement de son nom avec le verbe ermeneuein contribua à favoriser cette conception de dieu orateur.
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Hermès et Dionysos.
Hermès portant Dionysos enfant. Prototype de l'Hermès de Praxitèle.
Détail d'un cratère grec. Musée du Louvre.

Hermès ne fait pas toujours bon usage de son ingéniosité. Il déroba le trident de Poséidon, l'épée d’Arès, la ceinture d’Aphrodite; il fut pour ces méfaits exilé sur la Terre, et réduit, ainsi qu'Apollon, à garder les troupeaux d'Admète : Hermès est le dieu des voleurs. L'Hymne à Hermès inséré dans la collection des Hymnes homériques et qui, bien que de rédaction récente, donne les plus précieux renseignements sur les légendes péloponnésiennes relatives à Hermès, raconte comment le jeune dieu le soir de sa naissance vola cinquante boeufs du troupeau divin de l'Olympe, les emmena en effaçant toute trace et tes cacha dans une caverne près de Pylos (où les stalactites figuraient des peaux de boeufs); un vieillard, Battos, qu'il avait rencontré en route à Onchestos (d'autres disaient en Messénie), lui promit le secret mais raconta tout à Apollon; celui-ci retrouve le voleur dans son berceau, mais le malin enfant l'amuse et se dérobe; condamné par Zeus à rendre le troupeau, il gagne le coeur de son grand frère en lui faisant entendre sa lyre; Apollon lui abandonne l'emploi de dieu pasteur, lui donne la divination par les sorts ou thries; renonçant à la lyre, Hermès invente un nouvel instrument musical, la flûte. Ainsi s'établit, d'après l'hymne, l'étroite union d'Hermès et d'Apollon, du héraut et du prophète de Zeus, tous deux protecteurs des bergers, musiciens, gymnastes, patrons des routes. Gaston Paris a donné dans Le Petit Poucet et la Grande Ourse, une ingénieuse interprétation astronomique de ce mythe en le rapprochant du conte de Tom Pouce (Le Petit Poucet et la Grande Ourse, texte en ligne)).
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Lorrain : Hermès volant les boeufs d'Apollon.
Hermès dérobant les boeufs d'Apollon,
par Claude Lorrain (Palais Doria, Rome).

On prêtait à Hermès bien d'autres vols; celui des flèches d'Apollon, de la vache Io; on l'appelait le campagnon nocturne, le trompeur, le rusé, le menteur, le vénérant même sous ce nom à Corcyre. A Samos, le jour de la fête d'Hermès Charidotès, il était permis de voler. D'autre part, on dressait dans les jardins la statue du dieu rusé afin d'écarter les voleurs et les loups. 

On n'oublie pas néanmoins les qualités physiques du héraut divin; on lui donne des ailes, aux pieds ou aux épaules, ou même à la tête ou simplement à son bâton; on vante sa force; il devint donc le patron de la gymnastique, qualifié comme tel d'agwnios; ou enagwnios; à l'entrée des stades, dans les palestres, les gymnases, s'élèvent ses statues; on le représente courant, lançant le disque. A l'Hermès adulte et barbu, on substitue un éphèbe athlétique; on célèbre en son honneur des luttes d'adolescents ou d'enfants. Il devient le type idéal de l'Hellène, d'intelligence souple, inventive, jointe à la vigueur physique.

Hermès, que nous avons vu assimilé à l'un des Cabires, est considéré comme conducteur des âmes, intermédiaire entre le monde des vivants et celui des morts, dieu du sommeil et des rêves. Il jouait un grand rôle dans les imaginations des Pythagoriciens, enlevant dans le ciel supérieur les âmes des morts; les Argiens, après un décès, sacrifiaient sur-le-champ à Apollon, le trentième jour à Hermès. C'est lui qui mène Heraclès aux Enfers, qui y conduit et en ramène la fille de Déméter, Coré ou Perséphone; qui y entraîne les âmes des prétendants tués par Ulysse. Il préside à la fête des morts célébrée vers la fin de l'hiver (Chytres); on dresse des Hermès sur les tombes. Eschyle, Sophocle, Aristophane, etc., font des allusions à l'Hermès Psychopompe ou Chtonien. Le rôle qu'on lui assigne dans la procuration du sommeil et des rêves paraît se rattacher à cet ordre d'idées. Il se rapproche à certains égards de son caractère de dieu de la fécondité végétale et animale. L'Hermès ithyphallique paraît à Cyllène, à Imbros, à Métaponte, à Athènes, et, d'une manière générale, dans les centres des Pélasges tyrrhéniens, au dire d'Hérodote; on le met en relations avec Priape, avec Silène; il poursuit les nymphes comme Pan, dont on fait son fils. On suppose qu'il s'occupe spécialement du petit bétail, le plus nombreux d'ailleurs dans la montueuse Hellade; les mythes de ses amours avec Rhéné et Polymélé (mères d'Eudore et de Saon) semblent viser la fécondation des brebis. Hermès devient le dieu de la santé, délivrant les troupeaux des épidémies. A Tanagra, il avait chassé la peste en se promenant autour de la ville, un bélier sur les épaules; chaque année une procession répétait ce simulacre.

Hermès était regardé comme le protecteur du commerce et des translations par terre ou par mer; qualifié d'Agoraios, Empolaios, Cerdôos, figuré une bourse à la main; les marchés, les places de commerce, les routes lui sont consacrés et sous cette forme son culte se propagea jusque dans l'Europe septentrionale. Dieu des échanges, son caducée devient le symbole de la prospérité. On l'envisage comme dieu de la chance, distribuant la richesse; on le remercie de la trouvaille inespérée d'un filon dans une mine; les sorts, les dés lui sont consacrés; c'est par leur intermédiaire qu'il exerce la divination; cette thriobolie semble d'ailleurs avoir été le procédé mantique primitif des bergers d'Arcadie et du Parnasse. (A19).
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Hermès.
Hermès Logios.
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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