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Les Dioscures

Dioscures, c.-à-d. les enfants de Zeus, était le surnom de Castor et Pollux, les dieux tutélaires de l'hospitalité et de la navigation. Ils présidaient aussi aux jeux gymniques.

La légende homérique relative à ces deux héros est courte et simple; il faut la distinguer soigneusement des mythes dont les poètes postérieurs ont surchargé l'histoire des Dioscures, qu'on désigne aussi sous le nom de Tyndarides, de Castores, et de Gemini ou gémeaux. Selon Homère, ils sont fils de Tyndare et de Léda, et frères d'Hélène et de Clytemnestre. Castor est célèbre par son adresse à dompter les chevaux, Pollux est habile au pugilat. Tous deux avaient déjà quitté la terre à une époque antérieure à la guerre de Troie; ils y reparaissaient cependant alternativement, se partageant l'immortalité, et jouissant des honneurs qu'on accordait aux dieux. 

Les traditions postérieures ne s'accordent nulle ment, ni sur la naissance des Dioscures, ni sur les événements qui remplirent leur vie guerrière. Nous allons essayer de les distinguer, en nous bornant à mentionner les principaux mythes. 

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Dioscures.
Les Dioscures. Peinture d'un vase grec.

Naissance des Dioscures.
Castor, Pollux et Hélène sont tous trois enfants de Zeus et de Léda, auprès de laquelle le maître des dieux s'introduisit sous la forme d'un cygne; ils vinrent au monde renfermés dans un oeuf, qui, suivant d'autres, ne contenait que les deux demi-dieux. On dit encore qu'ils naquirent de Léda suivant le mode ordinaire, Zeus ayant emprunté la forme d'un astre pour féconder leur mère. Enfin, une troisième tradition dit que Léda accoucha de deux oeufs, dont l'un, de Tyndare, son mari, produisit deux mortels, Castor et Clytemnestre; et l'autre, de Zeus, Hélène et Pollux , tous deux immortels comme leur père. Le lieu de leur naissance fut Amyclée, ou le Taygète, ou l'île de Pephnos, près de Thalames, ou la ville même de Thalames. 

Expédition contre Athènes
Thésée ayant enlevé Hélène, la confina dans une retraite obscure, à Aphidnes, et pria sa mère AEthra de veiller attentivement sur sa captive. Mais les Dioscures, irrités, survinrent tout à coup en Attique, s'emparèrent d'une partie du pays, et, guidés par les avis d'un certain Décémus ou Académus, pénétrèrent jusqu'à Aphidnes, d'où ils ramenèrent leur soeur : AEthra tomba aussi dans leurs mains. A leur retour de cette expédition, qui ne s'acheva pas sans combat, Menesthée leur ouvrit les portes d'Athènes, et Aphidnus les adopta; ils purent donc comme ils le désiraient, et comme Héraclès l'avait fait, se faire initier aux mystères. Les Athéniens leur rendirent des honneurs divins.

Voyage en Colchide. 
Comme alliés de Jason, les Dioscures prirent part à l'expédition des Argonautes; ils s'étaient de même signalés contre le sanglier de Calydon. Une forte tempête ayant assailli les hardis navigateurs sur la mer de Colchos, Orphée implora le secours des dieux de Samothrace, et l'on vit tout à coup deux flammes descendre et se poser sur la tête des Tyndarides. Cette lueur bienfaisante, qui présage au marin la fin de la tourmente, est appelée encore aujourd'hui feux de Saint-Elme (pour Elne, abréviation d'Hélène) (La foudre). Parvenu dans le pays des Bébryces, Pollux vainquit, au combat du ceste, le monstrueux géant fils de Poséidon. Les deux frères fondèrent ensuite la ville de Dioscorias.
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Les Dioscures enlevant les filles de Leucippe.
Les Dioscures enlevant les filles de Leucippe.
Bas-relief d'un sarcophage. Galerie des Offices. Florence.

Combat avec les Apharéides.
Amoureux des belles filles de Leucippe, Phoebé, prêtresse d'Athéna, et Hilaïre, prêtresse d'Artémis, les Dioscures les enlevèrent, et les épousèrent à Messine. Pollux eut de Phoébé Mnésilée, et Hilaïre donna à Castor, Anogon. On nomme aussi le premier Mnésinoos ou Asinéos, et le second Anaxis ou Aulothos. Les Tyndarides firent ensuite une expédition en Arcadie avec les Apharéides Idas et Lyncée, auxquels ils refusèrent leur part de butin. Il n'ensuivit un violent combat, qui, suivant d'autres, eut sa cause dans l'amour que les Apharéides ressentaient pour les filles de Leucippe. Ici, ce sont les Tyndarides, qui, invités aux noces d'Idas et de Lyncée, enlèvent les belles épousées; là, ce sont au contraire les Apharéides qui portent des mains violentes sur les fiancées des divins héros. Enfin, dans Théocrite, c'est Leucippe lui-même, qui, séduit par les riches présents des Dioscures, préfère ces nouveaux prétendants aux Apharéides, dont la libéralité ne s'était pas déployée avec autant d'éclat. 

Mort de Castor. 
Les traditions qui regardent la mort de Castor, principal épisode du combat, sont aussi diverses que celles qui se rapportent à la cause de cette lutte terrible.

a. Suivant Pindare, les Dioscures, après avoir enlevé injustement la part du butin qu'avaient gagnée les Apharéides, résolurent de se mettre en embuscade pour surprendre leurs adversaires, et se cachèrent dans le tronc d'un chêne creusé par les ans. Mais Lyncée les aperçut des hauteurs du Taygète, et, les tournant adroitement, blessa mortellement Castor avant que le héros eût eu le temps de se mettre en garde. Pollux, enflammé de rage, poursuit les meurtriers jusqu'au tombeau d'Apharée; il supporte sans fléchir le poids du cippe que ses ennemis lui jettent à la tête, et perce Lyncée pendant que Zeus foudroie Idas, qui avait accompagné son frère. L'éclair consuma les corps des deux Apharéides.

 b. Les Apharéides ayant atteint les Dioscures au tombeau d'Apharée, il fut convenu, sur la proposition de Lyncée, que les deux plus jeunes, c'est-à-dire lui et Castor, combattraient seuls, sous les yeux de Pollux et d'Idas. Castor blessa Lyncée à la main, et le massacra ensuite sur le tombeau de son père. Idas saisit alors le cippe funéraire, pour en écraser le meurtrier; mais Il tomba frappé de la foudre. 

c. Castor tue Lyncée debout auprès de lui; Idas abandonne alors et combat et fiancée, et commence à ensevelir son frère. Castor veut l'en empêcher : Idas le tue. 

d. Castor périt dans une guerre entre Athènes et Lacédémone, ou lorsque Sparte fut assiégée par les Apharéides. On lui éleva des tombeaux à Argos, à Sparte, et auprès de Thérapué. 

Apothéose et culte des Dioscures. 
Pollux, voyant Castor près de rendre le dernier soupir, pria Zeus de lui accorder de mourir avec son frère chéri. Zeus, alors, lui laissa le choix, ou de venir habiter l'Olympe, ou de partager le sort de son frère, et de passer alternativement avec lui un jour dans le ciel, et l'autre, sur la terre. Selon d'autres auteurs, Zeus, pour récompenser cet amour fraternel, les plaça parmi les astres.

Ce furent les Achéens qui, les premiers, rendirent les honneurs divins aux Dioscures, les regardant comme des héros indigènes ils instituèrent leur culte à Amyclée, à Thérapné et à Pephnos, quarante ans après la mort de Castor, suivant la tradition. Localisés ensuite chez les Doriens, qui empruntèrent aux Achéens et le mythe et le culte des deux frères, les Dioscures furent confondus, à une époque bien postérieure, non seulement avec les Cabires de Samothrace, mais encore avec d'autres dieux tutélaires, et ce fut comme tels que leur culte se répandit dans toute la Grèce, l'Italie et la Sicile

On les invoquait comme dieux protecteurs et sauveurs; de là leurs épitéthes de Megaloi Theoi, d'Anactès, de Sotérès, de Boethooi, d'Agathoi Parastatai. Ils protégeaient surtout les nochers dans les tempêtes : Poseidon, touché de leur amour fraternel, leur avait donné la faculté d'apaiser les flots irrités. 

Enfin, on les considérait comme dieux tutélaires de l'hospitalité et comme vengeurs de ceux qui l'avaient violée. Ils se présentaient souvent chez les habitants des villes pour éprouver leur bienveillance à accuellir des étrangers. Un certain Phormion, auquel était échue la maison qu'ils avaient habitée à Sparte, ayant refusé de leur abandonner leur ancienne chambre, parce que sa fille, disait-il, en avait fait sa demeure, chercha en vain son enfant le jour suivant : elle avait disparu avec tous ceux qui la servaient; le malheureux père trouva dans la chambre qu'il avait refusée aux Dioscures les images des deux héros, une table, et du silphium.
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Castor et Pollux.
Castor et Pollux. Groupe antique. 
Musée du Prado. Madrid.

Quant à leur vie héroïque. les Tyndarides ont un caractère différent, ainsi que nous l'avons déjà vu par Homère. Pollux est le lutteur adroit et vigoureux, pyx agathos; Castor, le guerrier habile à dompter les chevaux. Aussi des poètes donnent-ils à ce dernier les surnoms d'Hippodamos, d'Hippalidès, de Tachypolos. Tous deux montent de magnifiques chevaux blancs, qui leur ont été donnés par Poseidon, ou par Hermès ou par Héra. Les noms de ces coursiers sont Phlogeus et Harpagus, ou Xanthus et Cyllarus. Quelquefois ils sont attelés à un magnifique char d'or, et leurs maîtres changent alors leurs surnoms d'Evippei, d'Hippeis, de Leucopoloi, pour celui de Chrysarmatoi

Comme Hermès et Héraclès. Castor et Pollux président aux jeux gymniques en général, et plus particulièrement aux jeux olympiques. A Sparte, leurs statues se trouvaient dans l'endroit où avaient lieu les courses, et les habitants de la ville leur attribuaient l'invention des danses militaires et d'une sorte de musique guerrière que les Spartiates faisaient entendre toutes les fois qu'ils marchaient au combat.

Les Dioscures avaient un grand nombre de temples et de statues; nous mentionnerons les lieux suivants comme ceux où leur culte était le plus en vigueur : Argos, Amphissa, Céphalé, Clitor, Sparte, Messène, Thalames, Pephnos, Athènes, Mantinée, Thérapné, Phares en Achaïe. Les Leucippides étaient honorés conjointement avec eux à Sparte; à Messène et à Argos. Près du port de Samothrace, il y avait deux images des Dioscures, auxquels ceux qui avaient échappé à une tempête offraient des sacrifices, consistant principalement en agneaux blancs. 
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Castor et Pollux chez les Romains

A la bataille du lac Régille (496 av. J.-C.), pendant la guerre du Latium, le dictateur romain Aulus Posthumius fit voeu d'élever un temple à Castor et Pollux, honorés à Tusculum, ville ennemie de Rome. Quelques instants plus tard, Castor et Pollux se mirent à la tête de la cavalerie romaine et la conduisirent à la victoire. Le soir même, les habitants de Rome virent deux jeunes gens, vêtus d'une chlamyde de pourpre, qui faisaient boire leurs chevaux blancs à la fontaine Juturna, sur le Forum. C'était Castor et Pollux qui venaient annoncer la victoire et qui entraient ainsi dans la religion romaine. Ils étaient d'origine grecque, et avaient passé chez les Étrusques, qui les appelaient Kastur et Pultuke; mais ils devinrent rapidement tout à fait Romains. On leur éleva un temple magnifique sur le Forum. Ils accompagnaient l'armée romaine dans ses campagnes et, pendant les batailles, apparaissaient au milieu des cavaliers. Ils protégeaient aussi les marins et les voyageurs : à Ostie, ils apaisèrent une tempête qui empêchait les vaisseaux chargés de blé d'entrer dans le port. En leur qualité de dieux maritimes, ils présidaient naturellement au commerce. Au IIe siècle après J.-C., ils furent mêlés au rite funéraire : à ce titre leur popularité était si grande que les chrétiens eux-mêmes ne se refusaient pas à les considérer comme des symboles de la vie et de la mort. (F. Guirand et A.-V. Pierre).

Les Romains étaient aussi de fervents adorateurs des deux fils de Léda; ils les confondaient avec les dieux locaux Pilumnus et Picumnus, et, les faisant souvent figurer à la tête de leurs armées, dont cette intervention divine ranimait l'ardeur, ils leur élevèrent des temples à Ardée et à Rome

Anciennement on symbolisait les Dioscures, à Sparte, sous l'emblème d'un parallélogramme formé de quatre poutres; on désignait par là, dit Plutarque la tendre affection qui unissait les deux frères. C'est cette figure, un peu altérée, que représente encore le signe de la constellation des Gémeaux utilisé par les astrologues. On les voyait sur le trône d'Apollon à Amyclée, luttant contre des sphinx et d'autres animaux féroces, et sur le coffre de Cypsélus, avec Hélène au milieu d'eux. En général, les Anciens les figuraient comme de jeunes hommes portant des vêtements blancs, et un manteau de pourpre; la tête couverte d'un bonnet ou un casque éloilé; leur arme est la lance. Castor se distingue souvent de Pollux, qui, comme lutteur, doit être nu, par son attirail militaire; aussi Pindare et Théocrite lui donnent-ils les noms de Chalcomitrès, de Doryssoos, et de Chalcéothorax. (E. Jacobi, Th. Bernard).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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