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Poséidon
- Dieu grec ,
fils de Cronos et de Rhéa,
qui, dans le partage du monde, reçut l'empire des mers et de l'élément
humide, tandis que ses frères reçurent l'un, Zeus,
le domaine du ciel, l'autre, Hadès, la
royauté des régions souterraines. Il était aussi le
frère de Héra, et l'époux
d'Amphitrite. Il aida Zeus à détrôner
Cronos, à combattre les Titans. Dans la
suite, il se ligua avec Apollon pour renverser
Zeus lui-même : ayant échoué, il fut dépouillé
pour un an des attributs de la divinité, ainsi qu'Apollon, avec
lequel il alla bâtir les murs de Troie pour
Laomédon.
Ce prince ayant refusé le salaire convenu, Poséidon envoya
un monstre marin ravager les côtes de
ses États.
-
Poseidon.
Statue du début du Ve
siècle
avant J.-C., trouvée en Béotie.
(Musée
National d'Athènes).
C'est aussi Poséidon, qui suscita
le monstre marin d'Andromède et celui
qui causa la mort d'Hippolyte. Lors de la
fondation d'Athènes, Poséidon
disputa à Athéna l'honneur de donner
son nom à la ville : il produisit un cheval,
symbole de la guerre, mais il fut vaincu par Athéna qui produisit
l'olivier, symbole de la paix. Dans la guerre
de Troie, il prit parti pour les Grecs .
On donne à Poséidon, entre autres fils, Pélias
et Nélée, Phorcos et Polyphème,
Otus et Ephialte, Bœtos et Hellen, Ogygès,
etc. C'est aussi de lui qu'on fait naître le cheval Pégase
et le bélier à toison
d'or. Les Romains
l’ont identifié à leur Neptune.
Poseidon est de tous les grands dieux du
panthéon hellénique celui dont l'être est le mieux
déterminé par la constitution physique des pays où
il a pris naissance. Quoique nous rencontrions dans sa légende et
dans son culte des éléments exotiques, ce qui est le cas
de toutes les divinités maritimes, ses origines et sa nature propre
expriment avant tout les préoccupations et le caractère de
la Grèce
que la mer enveloppe de toutes parts; dont la formation géologique
d'abord, le développement historique ensuite, sont sous la domination
de l'élément liquide. Le nom même de Poseidon est grec
d'origine, il se rattache au radical qui a donné posis, potos,
potamos;
le lieu de sa résidence, selon la fable primitive, est dans les
profondeurs de la mer, au voisinage de la ville d'Aegae ;
l'Iliade
nous le montre qui, de l'île de Samothrace ,
où il contemple le champ de bataille de Troie,
se précipite vers son palais, harnache ses coursiers au sabot d'airain,
à la crinière dorée et vole au secours des Grecs sur
son char qui bondit à travers les flots; tout à l'entour
les monstres marins sortent de l'onde et reconnaissent leur roi : les coursiers
de Poseidon ne sont pas autre chose que les vagues mêmes de la mer,
hurlantes et écumantes, qui tantôt s'élancent menées
à l'assaut des rivages, tantôt s'apaisent domptées
comme par une force invisible.
Le
mariage de Poséidon et d'Amphitrite, par Felice Gianni (détail,
ca. 1802).
De là les deux aspects du dieu dans
la poésie et dans l'art; il soulève les flots sous les coups
de son trident et déchaîne la tempête
; il impose silence aux vents et rend le calme aux navigateurs qui implorent
sa puissance. Son épouse Amphitrite,
est, elle aussi, une personnification de la mer,
quand elle vient se briser contre les écueils et le rivages; et
Triton
leur fils, qui a pour attribut la conque marine, dont il se fait une trompette,
est l'image du flot retentissant. Les autres symboles du dieu sont le taureau
qui représente le mouvement impétueux des vagues, et le dauphin
qui évoque l'idée de la mer tranquille sur laquelle il joue
parmi les Néréides. Quant au
trident qui est l'insigne propre de Poseidon et d'autres divinités
de la mer comme Glaucus ou Nérée,
il n'y faut voir qu'un sceptre à trois branches, formant le pendant
au foudre triple de Zeus, et non le harpon du pêcheur
de thon, comme l'ont prétendu des Modernes après quelques
Anciens.
C'est dans le spectacle de la mer déchaînée
que l'imagination des Grecs
a pris les traits dont elle a peint Poseidon sous sa face terrible et impétueuse;
elle lui donne des cheveux de couleur sombre, une vaste poitrine; elle
vante sa vigueur indomptable, sa voix puissante, ses yeux qui brillent
d'un éclat glauque, son manteau d'azur. Sa nature est essentiellement
batailleuse et son humeur envahissante; à Athènes
et à Trézène, il dispute à Pallas
l'honneur de fonder la ville; à Corinthe,
il entre en lutte contre
Hélios, à
Argos
contre Héra, à Egine contre Zeus,
à
Delphes contre Apollon,
à Naxos
contre Dionysos. Ses fils et ses descendants
ont le caractère fier et la force indomptée comme lui : ainsi
les Lestrygons de l'Odyssée ,
le cyclope-Polyphème,
les géants Procruste et Antée.
Il envoie sur le continent des monstres, comme celui qui devait dévorer
Hésione,
fille de Laomédon, sauvée par
Héraclès,
et celui qui cause la mort d'Hippolyte, fils
de Thésée. La saison qui lui est
spécialement consacrée est celle de l'hiver ou sévissent
les tempêtes : le mois Poseidôn chez les Ioniens
correspond au solstice
de décembre, parce qu'alors la mer furieuse atteste surtout sa puissance.
Mais si farouche que soit sa nature, les
Grecs
n'en ont pas moins su la tempérer par un élément de
beauté morale qui, dans l'art, se traduit par un air de dignité
majestueuse. Il se sert de sa force contre les ennemis de l'ordre et les
violateurs du droit; il anéantit Ajax le Locrien
contempteur des dieux, et, pour avoir dispersé la flotte Perse
au cap Sépas, il mérite d'être vénéré
sous le vocable de Sauveur. Enfin, quand il s'apaise et met au service
de ses fidèles les infinies ressources de la mer, il est le dieu
secourable et bienfaisant par excellence; il protège le commerce
qui rayonne vers les régions lointaines, il donne la richesse et
la domination; la source salée qu'il fait jaillir sur l'acropole
d'Athènes est l'emblème
de la grande prospérité de cette république et de
sa suprématie sur les Hellènes. Les généraux
qui triomphent dans les batailles navales lui font hommage de leurs victoires
et se parent de ses attributs. En un mot, Poseidon, dieu de la mer, redoutable
comme elle et comme elle bienfaisant, exprime devant l'opinion des Grecs,
avec les désastres, les terreurs et les souffrances inséparables
de la vie maritime, la fière assurance d'un peuple qui fut redevable
à la mer de la meilleure part de sa richesse et de son prestige.
Mais la religion de Poseidon n'était
pas limitée seulement aux îles et aux rivages. Dans l'opinion
des Grecs ,
la terre entière est enveloppée de toutes parts par l'Océan
et portée sur les flots comme une île. Les tremblements qui
l'ébranlent, et, d'une façon générale, tous
les phénomènes géologiques qui la bouleversent, sont
causés autant par l'action de Poseidon incarnant la puissance des
mers que par celle du feu souterrain que représente Hadès.
Le trident est comme le levier avec lequel le
dieu de l'élément humide soulève les îles et
entrouvre les continents; c'est ainsi qu'il faut interpréter le
tableau du combat des dieux intervenant dans la lutte des Troyens
et des Grecs et la crainte de Hadès qui, dans les profondeurs, craint
de voir crouler la voûte de son empire sous les coups de Poseidon
et le jour pénétrer dans l'empire des morts (Iliade ,
XX, 54). Ainsi encore s'explique l'intervention du dieu dans la lutte des
Géants
contre l'Olympe; d'un coup de son trident, il
détache la petite île de Nisyros
qui faisait partie de l'île de Cos ,
et la jette sur le géant Polybotès. Il est l'architecte formidable
qui a construit les portes du Tartare et élevé
les murs de Troie, sauf à les renverser,
après que les Grecs ont réussi à y pénétrer
par ruse.
-
Poséidon
châtiant le géant Polybotès. Fond de coupe grecque.
(Bibliothèque
nationale, Paris).
Voilà pour la face redoutable de
la personnalité continentale de Poséidon; sous sa face bienfaisante,
il ne se borne pas seulement à soutenir la terre sur l'immensité
des flots, il la fertilise en la pénétrant de sa substance,
en faisant jaillir les sources qui nourrissent la verdure des prairies
et en favorisant, avec l'agriculture en général, l'élevage
des troupeaux. Le cheval que représente,
au point de vue maritime, la vague bondissante, est aussi le symbole terrestre
de Poseidon, dieu qui préside à l'élevage et au dressage,
protecteur des guerriers qui, dans la paix, se font du cheval une parure,
dans la guerre un instrument de combat. Son être est en rapport à
la fois avec celui de Déméter
qui protège le laboureur et avec celui d'Arès
qui sévit sur les champs de bataille. Pour l'apaiser ou obtenir
ses faveurs, on lui sacrifie des chevaux, soit en les égorgeant,
soit en les précipitant tout vivants dans les flots : les courses
de chevaux font partie intégrante des fêtes célébrées
en son honneur, particulièrement à l'isthme de Corinthe;
ailleurs ce sont des combats de taureau.
-
Poseidon
de Milos. Le dieu a ici la majesté
d'un
véritable Zeus. (Musée National d'Athènes).
En Arcadie
et en Béotie ,
pays de moeurs paisibles et d'occupations champêtres, Poseidon est
l'amant des Nymphes avec lesquelles les légendes
locales lui prêtent de nombreuses aventures; il a alors tous les
caractères d'une divinité agricole et même pastorale.
En Thessalie ,
au contraire, pays dont le sol tourmenté atteste de puissantes inondations
et des tremblements de terre, s'accentue sa nature batailleuse et héroïque;
il est le père ou le protecteur de Pélias
et des Argonautes, le dieu national des Minyens,
ces grands coureurs d'aventures. Sur les côtes du Péloponnèse,
dont les promontoires lui sont consacrés, on l'adore avant tout
comme la force qui soulève les flots et bouleverse la terre ferme.
Ses villes favorites sont Aegée
d'Achaïe
et Heliké : cette dernière ville surtout, qui fut engloutie
au IVe siècle par un ras de marée
et un tremblement de terre, reste dans les mémoires comme le témoignage
le plus éclatant de sa puissance irritée, après avoir
été, pendant des siècles, le siège vénéré
de son culte. A Athènes, il figure
dans les légendes qui embellissent les origines de la ville, à
coté d'Athéna;
Egée
n'est au fond qu'un Poseidon, descendu au rang de héros,
dont l'influence s'exerce au loin sur la mer qui porte son nom, et Thésée,
le roi idéal de la préhistoire, doit à la faveur de
Poseidon ses plus beaux exploits sur la terre et les flots. Mais les sièges
principaux de son culte furent Onchestos en
Béotie, près du lac Copaïs, et Corinthe
où se célébraient en son honneur les jeux
Isthmiques.
L'histoire des représentations figurées
du dieu Poseidon a été écrite par Overbeck
dans le 3e livre de sa Mythologie artistique.
Les plus anciennes sont à chercher sur les vases
peints à figures noires, sur les monnaies de la ville de Posidonia ,
puis sur les vases à figures rouges de la période archaïque.
La sculpture
de bas-reliefs n'offre, pour la détermination
de son idéal, durant la belle époque de l'art grec, que des
documents peu certains; et quant à la statuaire, ni les monuments
conservés ni la tradition littéraire ne nous permettent de
fixer avec quelque précision ce qui revient à chacun des
grands maîtres dans l'élaboration du type. Nous savons surtout
qu'il était d'usage d'élever à Poseidon des statues
colossales en airain ou sur les promontoires ou à l'entrée
des ports : tel fut le colosse haut de 7 coudées
que lui consacrèrent les Grecs
à l'Isthme, après les guerres médiques ;
telle aussi cette oeuvre d'un vieux maître athénien, que lui
vouèrent les habitants de Ténos, avec, à côté
de lui, l'image d'Amphitrite.
-
Le
Triomphe de Neptune (Poséidon) et d'Amphitrite, par Nicolas
Poussin (1634).
L'art ancien s'attachait surtout à
exprimer sa physionomie dans ce qu'elle a de terrible et d'imposant; l'art
plus récent traduit de préférence son action bienfaisante,
ses qualités de maître pacifique de la mer, de protecteur
de la marine et de ces plus illustres représentants. Sa physionomie
est celle d'un homme plein de vigueur et de majesté, mélancolique
à la fois et animé, à la barbe épaisse, aux
cheveux bouclés et flottants, tellement semblable à Zeus
dans la plupart des cas que, seuls, les attributs,
trident,
dauphin,
cheval,
taureau,
monstres marins, et autres déterminations ambiantes, permettent
de les distinguer. Les monnaies, reproduisant les images placées
dans les temples, le représentent le plus souvent assis sur un trône;
la statuaire et la peinture
préféraient le type debout, soit vêtu du long manteau
ionien, soit avec une légère draperie sur les épaules,
ou le corps entièrement nu, un des pieds relevé et appuyé
tantôt sur un roc, tantôt sur la proue d'un navire, la main
droite tenant le trident qui parfois est remplacé par le sceptre,
le regard tendu vers l'immensité, comme dieu de la mer, ses cheveux
sont flottants, entrelacés d'une couronne de plantes marines; comme
divinité continentale, sa chevelure est bouclée et ornée
de lauriers; de branches de pins, à l'isthme
de Corinthe où ces arbres,
amis de la mer, lui étaient consacrés. Quant au Neptune
des Latins, il reproduit trait pour
trait le Poseidon des Grecs.
(J.-A Hild). |
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