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Forêt
et Bois sont des emblèmes de la vie primitive, supports de
rêveries sur "l'homme sauvage" (c'est-à-dire, au sens propre,
"l'homme des bois"), les forêts, par leur caractère lugubre
et sombre, les arbres, par la majesté de
leur port, la durée de leur existence, suscitaient aussi dans l'esprit
de nos ancêtres un profond sentiment de sacralité. Aussi les
voit-on jouer un rôle dans le culte de nombreuses sociétés
anciennes ou plus récentes. Les végétaux arborescents
sont souvent, sinon adorés comme des divinités
(dendolâtrie), regardés du moins comme leur demeure.
Parfois, ce furent
les arbres fruitiers dont la conservation importait si fort au bien-être
de la société, qui furent regardés comme sacrés.
Dans la Polynésie, le tabou protégeait l'arbre à
pain et garantissait ainsi aux peuplades sauvages leur subsistance qu'elles
tirent en grande partie de cet arbre. Mais s'en tenir à une vision
utilitariste condamne à ne rien comprendre à la diversité
des mythes et des rituels auxquels sont associés
arbres et forêts.
La Bible
en maints passages nous parle ainsi du culte que l'on célébrait
chez les Hébreux dans les bocages
et sous les arbres verts. L'arbre de vie et l'arbre de la science
du bien et du mal, que la Genèse
place dans le Paradis terrestre, semblent appartenir
à des temps où l'on prêtait aux arbres une intelligence,
une vertu prophétique. C'est ce que confirment certaines traditions
rabbiniques.
L'une d'elles dit
par exemple que, lorsque le serpent s'approcha de l'arbre, celui-ci cria
: « Impie, ne t'approche pas de moi! ». C'est au bocage
de Mamré qu'Abraham éleva un autel
à Yahveh. C'est là que ce dieu
se révéla à lui. Au IVe
siècle de notre ère, on rendait encore dans ce bocage, sous
les chênes qui l'ombrageaient, un culte
aux génies, aux anges
qui s'y étaient rendus visibles.
Avant l'établissement
de l'Islam, les habitants de Nadjran, au Yémen,
rendaient un culte à un énorme dattier, autour duquel ils
célébraient, tous les ans, une fête solennelle et qu'ils
chargeaient de vêtements et d'étoffes précieuses.
Le culte des arbres
en Iran ,
sur lequel Chardin et sir William Ouseley nous ont donné de si curieux
détails, semble se conserver dans ce pays depuis l'Antiquité
la plus reculée. Ces arbres vénérés portent
le nom de Dirakht i fazel (= les excellents arbres); on les couvre
de clous, d'ex-voto,
d'amulettes, de guenilles, et les derviches
et les fakirs viennent se placer sous leur ombre. Ce sont généralement
des platanes ou des cyprès. Quelques-uns de ces arbres sont d'une
extrême vieillesse. Près de Nakchouan, à Ardubad, en
Arménie, est un orme, rapporte Ouseley, qui a plus de mille ans
d'existence et qui est l'objet du culte des habitants. Les Persans attribuent
à leur vertu divine l'étonnante longévité de
ces végétaux, sur lesquels la présence des hommes
saints, qui viennent s'abriter sous leur feuillage, attire, disent-ils,
les bénédictions du ciel.
On brûle à leur pied de l'encens
ou des cierges,
pour obtenir la guérison des malades ou l'accomplissement de ses
voeux. Ceux qui s'endorment à l'ombre de ces arbres, s'imaginent
dans leurs songes goûter les félicités
réservées aux aoulia ou bienheureux.
On connaît
le célèbre cyprès de Passa, l'ancienne Pasagarde,
qui est resté longtemps l'objet d'un pèlerinage
célèbre de la part des musulmans. Ces arbres reçoivent
le nom de Pir, c'est-à-dire les anciens et on les regarde
comme le séjour favori des âmes des élus. Une croyance
analogue fait admettre que les forêts de Mazanderan, derniers vestiges
de la végétation forestière de ces contrées,
sont la résidence, le lieu de retraite des devs. Ce dernier trait
achève de démontrer que cette croyance est un de ces restes
du mazdéisme qui se sont conservés
à travers l'Islam, comme tant d'autres idées zoroastriennes
( Zoroastre).
Le Zend-Avesta
nous montre que les anciens Perses adoraient les saints ferouers
ou esprits de l'eau et des arbres. Ces ferouers
se plaçaient au-dessus des arbres
et bénissaient leurs fruits .
Ils étaient puissants et immortels. Les Persans appellent encore
certains arbres mubarek, c'est-à-dire sacrés; tels
sont l'olivier, le dattier, le nakhl, le kharma. Un Conifère
porte chez eux le nom de Dib-dar, Div-dar, Div-daru, c'est-à-dire
l'arbre des devs (div) ou démons
(et où l'on reconnaît la même étymologie que
celle de derevo, arbre en russe, ou celle de drus, chêne
en grec duquel dérive le nom des Dryades,
ou encore celles de l'anglais tree, ou des mots français
dard, dague, daguet, tarière...). Les
Arabes l'appellent schedjeret al djinn, (= l'arbre des djinns),
et quelquefois schederet allah (= l'arbre de Dieu),
expressions qui remontent toutes également à la dendrolâtrie
mazdéenne. Ce fait rappelle ce que dit Cazwini de l'arbre qui se
trouve au pied du mont Sabalan, en Azerbaldjan, et où résident
les djinns.
En Inde,
on retrouve des restes évidents de dendrolâtrie qui se sont
greffés sur l'hindouisme et le bouddhisme,
et cette dernière religion, en se répandant dans toute l'Asie
orientale, les a propagés avec elle. Chaque village de l'Inde a
son ficus indica, qui en est comme le sanctuaire et l'asile. Ces
arbres atteignent une vieillesse prodigieuse, circonstance qui a beaucoup
contribué à inspirer pour eux de la vénération.
C'est surtout sur les bords du Nerboudda qu'ils parviennent à une
grande longévité. Il n'est pas rare, dit-on, d'en voir qui
ont plus de 500 ans. Cet arbre merveilleux, qui paraît être
le sukè inoikè, dont nous ont parlé les compagnons
d'Alexandre, forme à lui seul une
véritable forêt. Son étendue est telle qu'il en est
qui ont pu abriter toute une armée. Ses rameaux en se repiquant
dans la terre, donnent naissance à une foule de rejetons qui ne
se séparent pas de le tige mère.
Le ficus indica
présente deux espèces qui sont également entourées
du culte et de la vénération des Hindous. Le ficus indica
proprement dit, appelé par ce peuple vata ou njagrâdha
et le ficus religiosa qui porte le nom de açvattha,
d'asod ou de pippala. Celui-ci présente de nombreux
et flexibles rameaux qui se repiquent en terre. Le Vata est le symbole
de l'intelligence bôdhi, c'est le hom des anciens Persans,
l'arbre de la science du bien et du mal de la Genèse. Il
atteint dans l'île de Ceylan, où il est fort abondant, d'étonnantes
dimensions, et est, de la part des Bouddhistes, l'objet d'une dévotion
spéciale. Dans tous les pays de foi bouddhiste on rencontre des
arbres de Bouddha, Pout ou Bodhi,
qui répondent tous à la même idée symbolique.
Le Vata est regardé comme de sexe femelle. On le plante près
de l'Açvattha, qui est regardé au contraire comme
du sexe mâle. Ces mariages d'arbres sont l'objet de cérémonies
religieuses sur lesquels les voyageurs ont donné des détails
intéressants.
Dans la Grèce,
le culte des arbres, la consécration des bois et des bocages remontent
à l'aurore de la société. Ils formaient en particulier
le trait distinctif de la vieille religion de Dodone .
Les chênes de Dodone consacrés à leur grand dieu, Zeu
ou Iou, furent longtemps regardés comme doués de cette
même vertu prophétique que l'on attribuait plus anciennement
à tous les arbres des forêts sacrées. En effet les
oracles les plus célèbres, ceux de Claros, de Thymbra, d'Olympie,
de Charax
en Carie ,
étaient placés au voisinage de bois sacrés.
Les Grecs donnaient
le nom d'alsos, et les Latins de lucus à ces forêts
sacrées. Les premiers réservaient le nom drumos, drumôn,
à des forêts plantées surtout de chênes et d'ulè,,
aux forêts profondes, aux forêts vierges. Les Latins appelaient
nemus un parc, une pépinière, et désignaient
l'ulè sous le nom de sylva, mot qui en est dérivé.
Par synecdocque le mot ulè s'est appliqué dans la
suite au bois, à la matière, sens qu'il prit, surtout à
l'époque alexandrine. Tandis que par un rapprochement inverse d'idées
le mot lucus, bois, est dérivé de lignum, bois
(anglais lig, italien legno, espagnol leña).
Au fond de ces forêts,
de ces bocages sacrés, on s'imaginait que des divinités qui
veillaient à la conservation des arbres, avaient placé leur
séjour. Pour les Grecs c'étaient les Dryades,
les Hamadryades, les Napées
et Artémis Agrotera leur reine, la déesse
de la chasse et des lieux champêtres; enfin Pan
et les Panisques. Les mêmes divinités reçurent chez
les peuples italiques les noms de Sylvains,
de Faunes. C'est aux premiers de ces dieux, dont
les Anciens eux-mêmes ont reconnu l'origine la plus primitive, que
les paysans latins adressaient des prières pour la conservation
de leurs troupeaux Palès, qu'invoquait
le pâtre sicilien et auquel il faisait des libations de lait, résidait
caché au fond des forêts. Ce culte champêtre se conserva
longtemps en Italie, et sur la via ostiensis, un arbre consacré
aux dieux attirait encore la vénération des habitants, quand
saint Audacte vint y prêcher la foi chrétienne.
Lucain décrit
une forêt sacrée près de Marseille. L'armée
de César n'osait y toucher : le premier
il y porta la hache; et les troupes, rassurées en voyant que les
divinités des bois ne l'avaient pas foudroyé, secondèrent
ses efforts.
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Des bruits
dans les forêts
Dans sa belle description
des enchantements de la forêt de Marseille, Lucain parle des arbres
qui, sans recevoir dans leur feuillage le moindre souffle de vent, se hérissaient
et frissonnaient d'eux-mêmes. Ce phénomène qui, il
y a prés de deux mille ans, frappait les Gaulois de terreur, était
autrefois regardé avec crainte par des paysans, qui lui attribuaient
une origine surnaturelle Vers 1810, encore, les habitants d'un village
du Bugey furent très effrayés de voir les arbres d'un petit
bois se tordre avec des bruits affreux, tandis que d'autres, dans la même
vallée, restaient immobiles : le propriétaire essaya vainement
de l'expliquer par un tourbillon; les gens sont restés convaincus
qu'une légion d'esprits aériens était tombée
comme une trombe sur le bois, et qu'ils avaient attristé le vallon
des cris de leurs douleurs. Une femme des Abrets (Isère), témoin
d'un phénomène semblable, racontait à D. Monnier,
en 1843, que deux ans auparavant, étant allée voler du bois
dans une forêt, tous les arbres autour d'elle s'étaient mis
à se plier et à se tordre sans qu'il fit du vent. Elle disait
que ce fait était dû à des esprits en voyage. En Alsace,
le géant de la forêt de Kasten faisait s'élever un
ouragan qui secouait les arbres et les buissons.
Le bruit du vent
dans les arbres qui produit parfois des harmonies si curieuses et si impressionnantes,
surtout s'il s'y mêle le son de quelque instrument lointain, a donné
naissance à des légendes. On a autrefois entendu, après
le crépuscule, les sons d'une lyre dans les bois qui avoisinent
Cithers. Il faut se hâter de fuir, en se bouchant les oreilles, du
côté opposé à celui où retentissent les
magiques accords; autrement on se sent entraîné à sa
suite par une force irrésistible. Ceux qui n'ont pas pu se soustraire
à ce charme puissant ont eu les visions les plus étranges
: la mousse de la forêt se couvrait de fleurs étincelantes
comme des diamants; du sein des arbres, aux branches d'or et d'argent,
sortaient des femmes nues d'une grande beauté, et partout dans les
airs, on entendait l'invisible lyre. Mais toutes ces merveilles étalon
insaisissables. Le prestige ne s'évanouissait qu'aux premiers rayons
du jour : alors des rires moqueurs succédaient aux mélodieux
chants de la nuit, et celui qui s'était laissé prendre était
tout étonné de se trouver au milieu d'une mare ou parmi les
ronces. Un revenant qui, vers le XVIIIe s., habitait les bois communaux
de la Motte, jouait de la flûte et sonnait du cor. On disait aussi
qu'au sabbat, il dirigeait l'orchestre infernal. C'est surtout dans la
nuit du vendredi au samedi que se faisait entendre ce concert mystérieux.
Dès les premiers accords, vers minuit, chacun sortait de chez soi
pour l'écouter; mais on se gardait bien d'approcher du terrier.
Dans la forêt de Long-Boël (Seine-Maritime), quand le vent souille
mélodieusement dans la ramée, on s'imagine ouïr le cor
des anciens verdiers dont les âmes la hantent.
Une belle Dame
blanche fait retentir des sons de son olifant les échos de la
forêt de Serre pris de Dôle; il en est toutefois qui en font
une naine, vieille, ridée, malicieuse, marchant comme une sorcière
courbée sur son bâton de coudrier.
Des revenants qui,
d'ordinaire, sont condamnés à des pénitences posthumes,
manifestent leur présence d'une façon bruyante. On entend
chaque nuit dans les bois de Beaucourt les longs gémissements et
les cris confus que poussent les chevaliers à la Croix Rouge, qui
doivent y revenir jusqu'à la fin du monde. Parfois il s'y mêle
un bruit de pas, de branches froissées, des galops furieux et des
hurlements, et, si la lutte est dans son plein, on voit des milliers de
fantômes, vêtus d'une longue robe rouge de sang, poursuivis
par des jeunes filles habillées de robes blanches ; les fantômes
épouvantés s'enfuient à travers les taillis, toujours
pourchassés par les spectres des jeunes filles qui autrefois se
noyèrent de désespoir dans l'Hallue, quand les Templiers
leur eurent fait violence.
Depuis qu'un meurtre
a été commis dans les bois de la Perraudière, au début
de la Révolution, d'horribles cris semblent en sortir, dit-on, surtout
à la veille des grandes fêtes. Lorsque l'on dit la messe à
la chapelle du château, une fois par semaine, les clameurs cessent.
Elles reprennent si on est quelque temps sans l'y célébrer.
Bien des gens affirment avoir entendu le « Crieux » à
la nuit tombante. A Etrépigny, la demoiselle de la Garenne cherchait,
la nuit, sa pantoufle perdue dans le bois et poussait des cris affreux.
Des lamentations
et des bruits de chaînes se font entendre toutes les nuits dans le
bois de l'Enfer près de Guéret; un esprit manifestait sa
présence par des cris de Ah! Ah! parfois suivis d'apparitions lugubres,
dans un bois près du village de Gréolières. L'homme
sans tête qui hante celui de Varengrou tient une bouteille à
la bouche, et s'en va en criant : « Hélas ! Hélas !
» Après minuit, une âme errante crie dans le bois de
Bredoulain : « L'as-tu ? » On l'appelle le huyeux; c'est an
sacristain qui, accompagnant un soir son curé qui portait l'hostie,
s'écarta pour poursuivre un lièvre. Le prêtre lui cria
: « L'as-tu ? ». A ce moment le sacristain disparut, avec un
grand cri, dans une lueur rouge, et depuis il ne cesse de répéter
les paroles du curé. Dans le bois des Grands Noms, des plaintes
et des bruits effrayants s'entendent surtout le samedi et la veille des
grandes fêtes; on n'en approche pas, même en plein jour, quand
le taillis est haut. Un paysan s'y étant aventuré, une voix
formidable cria: « Où faut-il le mettre? » A quoi une
autre voix non moins violente répondit : « Mets-le où
tu voudras! ». Ceux qui, exploitant les coupes, avaient fait tort
aux ouvriers, revenaient dans les forêts du pays de Vaud, et on les
entendait pousser ce cri d'effort familier aux bûcherons qui soulèvent
des billons : « Yo houh! ».
Le chêne rosé
qui s'élevait dans un carrefour de la forêt de Loudéac
(Côtes-du-Nord) passait pour être hanté. Un garcon des
environs promit à une servante de lui donner une paire de beaux
souliers si elle consentait à aller, à minuit, crier quelque
chose sous le chêne. La jeune fille partit, mais on attendit en vain
son retour. Le lendemain, on trouva au pied de l'arbre sa coiffe tachée
d'une goutte de sang et ses sabots; depuis on assure que l'on entend parfois,
en plein midi, sortir du chêne une voix qui crie : « Rends-moi
mes souliers! » On raconte dans le Puy-de-Dôme une légende
analogue de fille hardie qui avait parié de se rendre à un
endroit dangereux de la forêt de l'Arbre; on ne la revit plus : une
statuette sur le piédestal d'une croix en pierre, qui représente
une femme en prières, perpétue, dit-on, le souvenir de cette
aventure.
Aux environs de Pontarlier,
on attribue au « Pleurant des bois » des accents plaintifs
que l'on prend tantôt pour les appels d'une créature humaine
qui se meurt dans un précipice, tantôt pour ceux d'un esprit
infortuné qui promène sa mélancolie dans les plus
profondes solitudes.
L'hutzeran dont le
nom patois vient de hutsi, hucher, appeler à grands cris, est un
grand gaillard tout habillé de vert, qui se cache dans les bois.
D'une voix tantôt sonore, tantôt voilée, il ébranle
les échos, il éveille les fées endormies dans les
profondeurs du couvert. Il couche sur la mousse, ou vit perché sur
les plus hauts sapins. Lorsqu'une branche sèche tombe, c'est lui
qui l'a touchée; lorsque les feuilles brunes tourbillonnent en rondes
fantastiques, c'est lui. Lorsque la neige s'écroule de branche en
branche et tombe en farine, c'est encore lui. Si vous passez dans les grands
bois silencieux, soyez prudents; chantez, sifflez, huchez, mais ne le faites
pas plus de deux fois, sinon à votre troisième cri d'appel,
il accourrait sur sur vous et vous ferait un mauvais parti. Les montagnes
d'Aigle et d'Oron ont très bien gardé sa mémoire;
à Panex, on raconte encore que ce génie susceptible et rageur
allait parfois jusqu'à vous appréhender au corps, vous arracher
sans façon une jambe ou un bras, qu'on avait cependant la consolation
de retrouver le lendemain à la porte de sa demeure. Dans la colline
boisée de Beauregard, on n'osait prendre la nuit, un ancien chemin
appelé la Comme-du-Vau, à cause des apparitions qu'on y voyait;
on entendait sous les taillis des voix terribles crier aux passants : «
Comme-du-Vau, y seu! » D'autres répétaient : «
Si tu n'avais ni pain, ni sau, dans lai Comme-du-Vau tu resteraus ».
Le pain et le sel étaient regardés comme des préservatifs
contre les mauvais esprits. Une sorte de farfadet, tout de rouge habillé,
dansait la nuit dans les bois de Warnecourt en criant : Ah! oh! et en modulant
ces cris sur les notes la fa ré; on l'avait surnommé le bauieux
du bois de Prix. (P. Sébillot). |
Le culte des forêts,
des arbres et des bocages se rencontre également chez toutes les
populations germaniques. « Lucos ac nemora consecrant »,
dit Tacite en parlant des Germains. « Deorumque
nominibus appellant secretum illud, quod sola reverentia vident. ».
Le même auteur a parlé de la forêt des Semnons et du
castum nemus, consacré à Hertha.
Les chênes de la forêt Hercynie, de même que ceux des
forêts druidiques, recevaient, à
cause du respect qu'inspiraient leurs troncs séculaires, les voeux,
les offrandes et les sacrifices des peuplades qui les visitaient. En Germanie
comme en Gaule, cette religion résista longtemps aux efforts de
l'apostolat chrétien, et il fallut l'intervention de l'autorité
laïque, les menaces de la loi pour l'extirper définitivement.
Encore se conserva-t-elle dans les deux pays, sous une forme déguisée.
Les Francs,
les Alamans, les Lombards,
présentent le même fait religieux que les Germains,
les Saxons et les Angles
leurs descendants. Les anciens Prussiens et divers peuples slaves avaient
aussi un chêne consacré. Ce chêne se retrouvait à
Upsala, et était consacré à
Thor, le dieu de la foudre ,
comme il était chez les Grecs l'arbre de Zeus.
Chez les Scandinaves
ces forêts sacrées, consacrées la plupart à
Odin, s'appelaient Lund (pl. Lunder).
Enfin ces mêmes forêts, ces mêmes chênes se retrouvent
jusque chez les populations d'origine finnoise qui occupent les confins
orientaux de l'Europe. Les Tchérémisses sacrifient dans les
forêts à leur dieu Youma, et plantent un chêne au centre
du Keremeth, ou lieu sacré. Ce chêne est pour eux un
vrai sanctuaire hypèthre. Les Tchouvaches (région d'Orenbourg)
avaient des usages analogues.
Non seulement les
populations celtes, germaines et scandinaves consacraient les forêts
à leurs dieux, elles admettaient encore l'existence de divinités
forestières qui faisaient leur séjour dans ces profondeurs
ténébreuses, et veillaient sur les arbres. Sans doute qu'elles
avaient apporté ces croyances de l'Asie, où on les voit subsister
encore dans la chaîne des Ghâtes orientales (notamment chez
les Khond de l'Orissa). Les paysans allemands ont conservé le souvenir
de ces dieux qu'ils désignent sous les noms de Wilden Leuten,Waldleuten,
Holzleuten, Moosleuten, et qu'ils se représentent
sous des formes pygméennes.
Ce sont ceux que
les annalistes et chroniqueurs latins du Moyen âge désignent
sous le nom de fauni, hommes sylvestres, syllvani,
feminae sylvatriae, les identifiant par ces désignations
avec les faunes et sylvains latins, qui offrent en effet avec eux une si
frappante ressemblance. Dans la Scandinavie, ces Walgeist reçoivent
le nom de Trold ou Troll. Les Elfes aiment aussi;
suivant la croyance des peuples du Nord, à résider sous les
arbres et dans les forêts.
L'imagination populaire
prêtait deux formes différentes à ces esprits des bois.
Quand elle se les représentait comme la personnification des forces
qui animent la terre et président à la végétation,
elle voyait en eux de petits êtres aux formes les plus variées,
des êtres gracieux et folâtres qui menaient dans les clairières
ou dans les futaies une vie joyeuse et amusante; tels étaient les
Elfes, les Kobolds, les Trolls, les Nymphes,
les Fées. Au contraire, si ces esprits s'offraient
comme la personnification de cette vie sauvage, que les forêts réveillent
toujours dans l'esprit, ainsi que nous l'avons remarqué plus haut,
c'était sous la forme d'hommes velus, d'êtres farouches, noirs
et hideux que le peuple se les représentait; tels étaient
les Satyres, les Sylvains
elles Waldleuten; vrais diables des bois, qui servirent de type
aux sauvages du Moyen âge, à Volundr, ce forgeron des bois
aux formes de sa tyre, à l'uom foresto de Pulci,
à ces sauvages qui ont fini par ne plus avoir d'existence que sur
les enseignes, comme celles que longtemps en Suisse, en Allemagne et en
France, on a trouvé pour beaucoup d'auberges qui portaient
pour enseigne au Sauvage, sum Wilde man. Celles qui demeuraient
fidèles aux traditions anciennes représentaient encore au
XIXe siècle, le sauvage par une
sorte de satyre aux cheveux longs et à la barbe touffue. On sait
qu'on a cru longtemps à l'existence d'hommes sauvages habitant dans
les bois ( Bonnaterre, Notice historique
sur le Sauvage de l'Aveyron, Paris, an VIII, p. 4).
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Le souvenir de ces
forêts sacrées, hantées par des dieux qui furent transformés
en démons, après l'établissement du christianisme,
de ces forêts où se. réunissaient les Druides,
les Semnothées, les Eubages, les prêtres de Thor et de Jupiter
réduits plus tard à la condition de magiciens et de sorciers,
a fait naître l'idée de ces forêts enchantées,
qui occupent une si grande place dans le merveilleux des épopées
des temps de chevalerie, et qui ont fourni à l'immortel Torquato
Tasso l'idée de cette forêt qu'il décrit dans ces
magnifiques vers :
Sorge non
lunge alle cristiane tende
Tra solitarie valli
alta foresta
Foltissima di piante
antiche, orrende
Che spargon d'ogni
intorno, ombra funesta.
Qui nell' ora che'
I sol più chiaro splende
E lure incerta;
e scolorita e mesta.
... Quando parte
il sol qui tosto adombra
Notte, nube, caligine
ed orrore
Che rassembra infernal,
che gli oechi ingombra
Di cecità.
(Canto XIII.)
Forêt sur laquelle
Ismeu étend ses enchantements et ou il évoque les mauvais
esprits.
Cittadini
d'Averno...
Prendete in guardia
queste selva e queste
Piante che numerate
a voi consegno.
Come il corpo è
dell' alma albergo e veste,
Cosi d'alcun di
voida ciascum legno.
...
Veniano innumerabili,
infiniti
Spiriti, parte che'n
aria alberge e erra,
Parte di quei che
son dal fondo usciti,
Caliginoso e tetro
della terra.
Il semble que les idées
de divination, de magie qui s'attachaient chez les Celtes aux arbres, objet
de leur culte, aient donné naissance à cet alphabet magique,
à ces runes merveilleuses qui représentaient les différentes
lettres par leurs pousses, leurs scions. Ces signes recevaient chacun le
nom d'un arbre, de l'arbre sur le bois, duquel on les inscrivait, on les
gravait par incision, et puis on agitait ensuite ces fragments taillés,
de manière à en tirer des augures. Plus tard cet assemblage
de signes fournit à l'alphabet dit runique ses éléments,
et cet alphabet en garda le nom d'Ogham craobh, c'est-à-dire
l'arbre aux lettres.
Le culte que les
Gaulois rendaient aux arbres des forêts et aux chênes en particulier,
a été rapporté par les auteurs de l'Antiquité,
et forme un des traits caractéristiques du druidisme,
dont le nom en est dit-on, dérivé. Lucain,
dans sa Pharsale ,
a donné une magnifique. description d'une de ces forêts divines
dont le fer respectait les rameaux et dans laquelle les Romains n'osaient
qu'en tremblant porter la hache.
Sed fortes
tremuere manus, motique verenda
Majestate loci,
si robora sacra ferirent
In sua credebant
redituras tnernbra secures.
Nous avons conservé
des inscriptions latines qui témoignent encore du culte rendu aux
arbres chez les Gallo-Romains. Les apôtres du christianisme eurent
grand peine à déraciner ces conceptions, et ils n'y parvinrent
généralement qu'en consacrant au culte nouveau ces mêmes
arbres qui étaient l'objet de la vénération populaires.
On plaça sous le patronage de la Vierge
ou des saints; ces enfants des forêts, longtemps adorée comme
des images de la Divinité. On christianisa les fêtes païennes
qui se rapportaient à ce culte.
Il existait en France,
à une époque encore récente, plusieurs arbres qui
avaient hérité de l'antique vénération qu'avaient
longtemps inspirée leurs devanciers. Non loin d'Angers,
Dulaure nous apprend qu'on voyait un chêne nommé Lapalud
que les habitants entouraient d'une sorte de culte. Cet arbre, que l'on
regardait comme aussi vieux que la ville, était tout couvert de
clous jusqu'à la hauteur de 40 pieds environ. Il était
d'usage, depuis un temps immémorial, que chaque ouvrier charpentier,
charron, menuisier, maçon, en passant près de ce chêne,
y fichât un clou.
Le
chêne d'Allouville (Seine-Maritime).
Plusieurs de ces
arbres vénérés avaient été consacrés
à la vierge ou aux saints, et décorés de petites statues
ou d'images, de croix que plaçaient les pèlerins. Nous citerons
le célèbre Chêne de la Vierge, qu'on voit à
l'extrémité du Ban de Mailly, dans l'ancien duché
de Bar ,
et dans le tronc duquel on a pratiqué une niche décoréee
d'une madone. Le très vieux chêne d'Allouville (près
d'Yvetot) aménagé en chapelle
au XVIIe siècle offre un exemple
encore plus spectaculaire que l'on pourrait rapprocher de cette démarche.
De plus, la fête de la plantation des Mais,
si générale en France, s' rattache elle aussi.
En Irlande, certains
ifs d'une antiquité extraordinaire qui décorent encore le
porche des églises, remontent à ces consécrations
des arbres sacrés des Celtes opérées par les premiers
apôtres du christianisme. Les Celtes paraissent avoir désigné
sous le nom de Nemet ces sanctuaires forestiers dans lesquels, A
certaines époques, ils allaient cueillir le gui sacré. Ce
mot entre en effet en composition dans plusieurs noms de sanctuaires et
de temenos gaulois, et l'épithète de Nimidae, par
laquelle étaient désignées les forêts où
s'accomplissaient encore des rites païens au temps du concile
de Leptines, paraît en être dérivée.
La forêt des
Ardennes était personnifiée en une déesse nommée
Arduinna et que les Romains assimilèrent
à leur Diane. Les habitants du Hainaut
et du pays Wallon sont restés très longtemps fidèles
à ce culte, dont la nature prenait elle-même le soin de renouveler
sans cesse les monuments autour d'eux. Au VIe
siècle, Grégoire de Tours
nous apprend que le culte de Diane se conservait encore à Trèves.
Ce fut dans le siècle suivant que saint
Hubert et saint Bérégise déracinèrent,
les premiers, les croyances païennes de ce pays, croyances qui y étaient
bien vivaces, comme on peut en juger par ce tableau qu'en trace Hariger,
dans la vie de saint Rernacle.
Reperit
ibi manifesta satis indicia, quod loca illa idolatriae quondam fuissent
mancipata, lapides scilicet Dianae et aliis portentuosis nominibus effigiatos,
fontes hominum quidem usibus aptos, sed geutilium er rore pollutos ac per
hoc daemonum adhuc infestatione obnoxios.
Une déesse, du
nom de Nemetona, paraît avoir été adorée comme
la divinité tutélaire des forêts du Palatinat qui avaient
valu à Nemetum son nom. On invoquait encore comme une divinité
les cimes du mont Vosege ou Vosge, toutes ombragées de forêts.
De l'autre côté du Rhin, les massifs qui couvrent les sommets
de l'Abnoba étaient placés sous la garde d'un dieu Odin,
et la Forêt Noire
dut à cette circonstance son nom d'Odenwald.
Au milieu de ces
forêts ténébreuses, des clairières servaient
de lieu d'assemblée, d'endroit de réunion pour les druides
et les eubages. Le Champ de feu ou Hochfeld dans les
Vosges semble avoir eu jadis cette destination. On y voit encore de nombreux
monuments druidiques. Un temenos de ce genre se trouvait au milieu de la
forêt des Carnutes, et c'est là que se tenait la réunion
générale des druides gaulois. Ces emplacements répondent
aux Valplatzen des anciens Scandinaves, lieux choisis spécialement
pour les, assemblées religieuses et qu'entouraient des blocs de
pierre grossièrement taillés.
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Rencontres
fantastiques
Selon de nombreuses
légendes recueillies un peu partout en France, les forêts
sont hantées par des gens de l'autre monde, différents de
ceux qui, condamnés à des pénitences posthumes, ont
pour caractéristique de manifester leur présence par des
sons d'instruments ou par des cris de vénerie. Des anciens gardes
ou des seigneurs qui ont été jaloux de leur chasse ou de
leurs arbres, reviennent encore la nuit pour les surveiller. Un marquis
d'Ormenans, qui de son vivant parcourait journellement sa forêt,
continuait sa surveillance après sa mort. On le voyait, à
minuit, assis sur un tertre élevé d'où il inspectait
du côté du village : quand les femmes allaient chercher du
bois ou emporter les fagots qu'elles avaient faits dans la journée
à l'insu des gardes, il fixait sur elle un oeil terrible et les
menaçait du doigt
. Un garde-chasse,
assassiné par un braconnier, revient tous les ans, à l'anniversaire
du crime, faire sa ronde dans une forêt du Morvan, et cette nuit,
aucun braconnier ne s'aventure à la poursuite du gibier. Dans la
même région, un garde qui, après avoir été
tué, fut enterré au pied d'un chêne de la forêt
de Charnouveau, appelle ses boeufs dans les nuits sombres, et personne
n'ose pénétrer dans lu quartier où il se fait entendre.
Dans le Bas du Mort-Bois, en Franche-Comté, réside un capucin
qui n'en sort que la nuit et qui rôde autour des maisons. Il a été
vraisemblablement imaginé pour écarter les pauvres diables
qui exerçaient trop fréquemment les droits de bois mort et
de mort bois dont cette forêt était anciennement grevée.
Le jour des Morts,
après le coucher du soleil, une voix crie dans les Grands Taillis
de Montigny-aux-Amognes : « Rends-moi mon enfant ! » et le
passant voit apparaître une femme sans tête qui tend les bras
vers lui en répétant ce cri, C'est l'ombre d'une dame qui,
faussement accusée d'infidélité, fut décapitée
là par son mari, qui auparavant avait tué l'enfant supposé
adultérin.
Celui qui, la nuit,
traverserait la forêt de Breyva près de Belfort, sans avoir
une pincée de sel dans sa poche, serait infailliblement attiré
hors de sa route par une puissance surnaturelle, et il rencontrerait le
fantôme de le dame de Breyva, une clé rougie à la bouche,
qui l'inviterait à la lui retirer avec les lèvres.
Un grand seigneur,
tout souillé de sang, se montre quelquefois après le soleil
couché dans les sentiers de la forêt de Bonlieu; un soir qu'il
y passait, il fut tout à coup assailli, pris à la gorge et
étranglé par des chats qui tenaient leur sabbat. On voit,
la nuit, un prêtre chercher une hostie dans le bois de Caslou (Ille-et-Vilaine),
c'est le fantôme d'un chapelain que son seigneur tua au moment de
la consécration. Au bois des Parcs, commune de Sainte-Laure, on
a vu souvent jusqu'à se promener avec son bréviaire, l'ombre
d'un prêtre mort après d'affreux outrages. (P.
Sébillot). |
Les Celtes aimaient
à se faire enterrer dans ces sanctuaires ombragés par les
hautes futaies des forêts; ils préféraient ces lieux
saints pour y déposer leur dépouille mortelle. On a observé
dans plusieurs forêts fort anciennes des tumulus et des tombelles
gauloises. Dans la forêt de Carnoet (Finistère), on a
mis au jour une sépulture contenant une chaîne d'or, une chaîne
d'argent, un casse-tête, un fer de lance, un poignard et divers autres
objets de travail gaulois.
Dans la forêt
de Duault (près de Guingamp), où
les ducs de Bretagne avaient jadis leur haras, le monument supposé
druidique appelé le Calvaire de la Motte
paraît avoir été un tombeau de quelque haut personnage.
Les habitants du pays croient que le dolmen
qui le surmonte est la pierre sur laquelle saint Guénolé
vint d'Angleterre en Bretagne.
Dans diverses localités
des Vosges on a trouvé des cimetières
gaulois au milieu des bois. Sur le plateau jadis couronné de forêts,
que surmontent les ruines du châtelet de Bonneval, on a découvert,
au lieu nommé Goutte des Tombes, un dolmen et de nombreux tumulus
gaulois, dont on a retiré des médailles et des armes celtiques.
Près de Martigny-lez-Lamarche, des tombelles ont été
également découvertes dans deux bois.
La contrée
qui s'étend entre Kirkby Moor, Heathwaith, Woodland, au nord du
Lancashire, et qui était jadis couverte de forêts, présente
les restes d'un vaste cimetière celte.
En Allemagne, c'est
souvent dans la profondeur des forêts, à l'ombre des bocages,
sous de hautes futaies que l'on découvre ces antiques tombeaux connus
sous le nom de Hunengraeber et qui re montent, pour la plupart, au temps
des anciens Germains. (d'après Alfred Maury).
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