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Thésée
(personnage de la mythologie grecque),
Theseus. - Roi d'Athènes, fils
d'Égée et d'Ethra
(Aethra). C'est le héros national des Athéniens et, à
ce titre, la plus grande figure de leur histoire légendaire. Les
premières traces de sa popularité littéraire sont
à chercher dans l'Odyssée
qui connaît son expédition en Crète
et ses amours avec Ariane : ses traits se précisent
dans la poésie cyclique qui a chanté
les combats contre les Amazones et peut-être
fait de Thésée un héros épique, analogue à
Héraclès;
la tradition de ces
Théséides se perpétue d'ailleurs
jusqu'au déclin de la littérature
gréco-latine, donnant naissance
à des oeuvres auxquelles Aristote déjà
dénie les qualités de la véritable épopée.
Sapho
et Simonide, parmi les lyriques, ont exalté ses exploits et ses
aventures; mais c'est surtout la poésie dramatique depuis Eschyle
qui a réuni sur sa tête tous les caractères de l'Athénien
idéal, illustre par la force que tempère la grâce juvénile,
orné de tous les dons de l'esprit, habile dans la pratique des arts
musicaux comme dans celle de la palestre, épris d'aventures guerrières
qui se compliquent presque toujours de quelque roman d'amour, grand par
son courage, plus grand encore par son dévouement au peuple et ses
aspirations vers un gouvernement libéral et bienfaisant. Tous ces
traits se résument dans le mot par lequel Plutarque
ouvre une biographie semi-légendaire où sont condensés
et les récits mythologiques et les données plus ou moins
certaines de la primitive histoire : Thésée fut le fondateur
de la belle et vénérable cité d'Athènes.
Enfance
du héros.
Par ses origines le héros est mis
en rapport avec les divinités dans lesquelles est personnifié
le génie des Ioniens de la Grèce
continentale, avec Poseidon qui est son père
réel par Aethra, sous le couvert d'Egée, roi d'Athènes;
avec Apollon, le dieu national des Athéniens;
avec Athéna, fondatrice et bienfaitrice de la cité; avec
Héraclès, enfin, auquel il fournit un pendant, celui de la
vigueur gracieuse et intelligente que l'imaginaire grec confère
aux habitants de l'Attique ,
opposée à la force violente et brutale des Doriens.
Égée,
n'ayant pu avoir d'enfants de ses deux premières femmes, alla consulter
la Pythie, dont il reçut une réponse
fort obscure. Il la communiqua à Pitthée, roi de Trézène ,
qui l'enivra et lui livra sa fille Ethra. Lorsqu'Égée
quitta cette princesse, II lui recommanda, si elle accouchait d'un fils,
qui, parvenu à l'âge adulte, fut assez fort pour lever une
pierre sous laquelle il avait caché son épée et sa
chaussure, de le lui envoyer avec ces signes de reconnaissance. Quelques
mois après, Éthra fut mère,
et accoucha de Thésée, dans un lieu situé entre Trézène
et Hermione ,
et nommé plus tard Généthtium. On dit que cette princesse
avait eu commerce la même nuit avec Poséidon et Égée,
dans le temple d'Athéna. De là
le nom de Poséidonide (ou Neptunide) donné quelquefois à
Thésée.
Pitthée fit élever à
sa cour le jeune enfant, qui eut pour précepteurs Connidas et le
fameux Chiron. Après avoir consacré à Apollon les
prémices de sa chevelure, Thésée, qui passait chez
les Trézéniens pour fils de Poséidon, crut chaque
jour en force et en courage. Héraclès rendit une fois visite
à Pitthée, et quitta sa peau de lion
pour se mettre à table : Thésée, apercevant cette
dépouille, et la prenant pour l'animal,
saisit une hache afin de le combattre.
Voyage
à Athènes.
Éthra ayant découvert à
Thésée quel était son véritable père,
lui ordonna de prendre les signes qu'Égée avait déposés
sous la pierre, et de se rendre à Athènes
par mer. Le jeune homme préféra la route de terre, qui était
infestée de brigands. Son premier exploit fut la défaite
de Périphétès d'Épidaure ,
dont il garda la massue, comme signe de sa victoire. En traversant l'Argolide ,
l'isthme de Corinthe et l'Attique ,
il rencontra plusieurs monstres dont il délivra la contrée
: il vainc Periphétès, fils d'Héphaistos,
géant redoutable, qu'il dépouille de sa massue d'airain en
le tuant; il fait périr Sinis (ou Sinnis) qui, à l'isthme
de Corinthe, arrêtait les voyageurs et les faisait sauter en l'air
après les avoir forcés à courber avec lui des troncs
de pins qu'il lâchait ensuite; la truie Phaïa, qui infestait
les régions montagneuses de Commyon périt sous ses coups;
il affronte ensuite Sciron qui, à l'endroit
le plus dangereux du passage, précipitait dans la mer du haut des
rochers tous ceux qui passaient à sa portée, et que Thésée
précipita à son tour. Quant à Cercyon, lutteur fameux
d'Eleusis, qui n'avait jamais connu de défaites,
il ne ne résista pas non plus au jeune athlète venu
de Trézène; enfin, le géant Procruste,
soumis, entre Eleusis et Athènes, au supplice qu'il avait fait subir
à tant d'autres. Lorsqu'il fut sur les borde du Céphise,
il se fit purifier par la famille des Phytalides, et se rendit de là
à Athènes, où il arriva dans le mois d'Hécatombaeon.
-
Thésée
reconnu par son père. Bas-relief. Villa Albani, Rome.
La capitale de l'Attique
était alors troublée par de graves dissensions. Les cinquante
Pallantides (enfants de Pallas), neveux d'Égée,
attendaient impatiemment une occasion de s'emparer du pouvoir. D'un autre
côté, la magicienne Médée
s'était insinuée dans les bonnes grâces d'Egée,
et lui promettait de lui faire avoir un fils. Elle s'efforça d'entraver
les projets de Thésée, et essaya même de l'empoisonner;
mais le monarque athénien, ayant aperçu l'épée
que portait Thésée, le reconnut solennellement pour son fils,
et Médée dut s'enfuir. On montrait, dans le quartier Delphinium
le lieu où s'opéra cette reconnaissance.
Il restait à vaincre les Pallantides,
qui, trahis par un des leurs, nommé Leos, furent surpris dans une
embuscade et taillés en pièces. Après la défaite
des Pallantides, Thésée débarrasse la région
de Marathon ,
d'où sa légende paraît originaire, d'un taureau
qui causait parmi les humains et les animaux de la Tétrapole attique
les plus terribles ravages. Il le prit vivant, l'amena dans la ville, et
le sacrifia à Apollon Delphinios. Dans
cet épisode, le héros apparaît nettement comme une
personnification solaire.
Mort
du Minotaure.
Ce caractère de personnification
solaire s'accentue encore dans l'expédition que, pour le salut des
Athéniens soumis à un tribut cruel autant que déshonorant,
il entreprend contre la Crète .
L'époque étant venue de payer pour la troisième fois
le fatal tribut que Minos avait imposé
à l'Attique, Thésée s'offrit à aller combattre
le Minotaure, à la mort duquel le tribut
devait cesser.
Parti sur la galère qui emportait
chaque année sept jeunes gens et sept jeunes filles destinées
au monstre, il mit à son vaisseau une voile noire : elle devait
être remplacée par une voile blanche, au cas où il
reviendrait vainqueur. Simonide dit que la voile à substituer n'était
pas blanche, mais rouge. II ajoute que le pilote se nommait Phéréclus.
On prétend encore que Thésée reçut de Scirus
un pilote nommé Nausithaïs, et un matelot, nommé Phéax,
pour être à la proue. Le fils d'Égée
leur éleva plus tard des monuments à tous deux, dans le port
de Phalère.
-
Thésée
luttant contre le Minotaure.
Détail
d'une amphore attique. Musée du Louvre.
Avant de s'embarquer, Thésée
sacrifia à Apollon Delphinios (Apollon Delphinien), qui lui ordonna
de prendre Aphrodite pour guide. Pendant qu'il
invoquait cette déesse sur le bord de la mer, une chèvre
fut tout à coup changée en bouc : de là le culte d'Aphrodite
Epitragia. Arrivé en Crète ,
Ariane,
qui avait conçu pour lui de l'amour, lui donna un peloton de fil,
et lui enseigna le moyen de se tirer du Labyrinthe ;
avec ce secours, Thésée tua le Minotaure.
En mémoire de sa délivrance, il éleva plus tard un
temple à Artémis Sotéira
dans la ville de Trézène.
Parvenu à Naxos ,
Il y abandonna Ariane pendant son sommeil, soit par ordre d'Athéna
ou de Dionysos, soit pour ne pas contracter avec une étrangère
une union qui eût été mal vue à Athènes,
soit enfin qu'il fût amoureux d'Aegia, fille de Panopée. II
règne la même incertitude sur la destinée d'Ariane.
Les uns prétendent qu'elle se donna la mort, d'autres qu'elle épousa
Dionysos
ou Onarus , prêtre du dieu. Une troisième tradition lui donne
deux enfants, Oenopion et Staphylus, nés de Thésée.
On rapporte encore que, jetée sur la côte de Chypre
avec Thésée, elle y mourut. Le monarque athénien la
divinisa soue le nom d'Aphrodite Ariane. Nous passons sous silence les
explications des évhéméristes
qui reconnaissent deux Arianes.
Avant de retourner à Athènes,
Thésée débarqua à Délos ,
et exécuta dans le temple d'Apollon,
avec les jeunes gens ravis à la fureur du Minotaure, une danse qui
retraçait les détours du Labyrinthe. Il célébra
aussi, dans cette île, des jeux où, pour la première
fois, les vainqueurs reçurent une branche de palmier
Retour
à Athènes.
Quand ils furent près de l'Attique ,
Thésée et son pilote oublièrent de mettre la voile
blanche qui devait être pour Égée
le signe de leur heureux retour. Ce prince, qui crut son fils mort,
se tua en se précipitant du haut d'un rocher dans la mer, qui depuis
prit le nom de mer Egée .
Après avoir rendu les derniers devoirs à son père,
Thésée institua les Oschophories et les Pyanepsies, dans
lesquelles, longtemps après, on portait encore en cérémonie
l'irésione (branche d'olivier) que le roi d'Athènes
offrit aux dieux avant son départ. Dans les Cladophories, le héraut
ne portait pas de couronne, contrairement à l'usage, et poussait
des cris de deuil en mémoire de la douleur de Thésée,
privé de son père si inopinément.
Le vaisseau sur lequel Thésée
s'était embarqué avec les autres jeunes gens, et qu'il ramena
heureusement à Athènes, était une galère à
trente rames, que les Athéniens conservèrent jusqu'au temps
de Démétrius de Phalère.
Ils en ôtaient les vieilles pièces, à mesure qu'elles
se pourrissaient, et les remplaçaient par des neuves qu'ils joignaient
solidement aux anciennes. Ce navire, désigné par le nom de
Paralle, portait chaque année à Délos
les offrandes de l'Attique.
Paisible possesseur du royaume de son
père, Thésée travailla à le consolider. Désormais,
il va nous apparaître comme législateur et souverain bienfaisant;
il forma en un seul organisme politique les communes indépendantes
groupées autour de l'Acropole;
il réunit la Mégaride à Athènes. Il fit abattre
dans chaque bourg les prytanées et les maisons de conseil, bâtit
un prytanée et un palais commun à Athènes, qui lui
dut son nom, et institua la fête des Panathénées,
laquelle est la consécration religieuse de l'unité politique
et administrative de la cité; il est de même le fondateur
de la fête des Metoekia, au dire
de Plutarque, plus exactement de celle des
Synoekia, qui avait pour objet de commémorer l'heureux résultat
de cette union. Il éleva aussi des temples à Aphrodite
Pandémos et à Pitho.
Les étrangers qu'il avait invités
à venir peupler sa ville, y accourant de toutes parts, et y portant
la confusion, il les répartit en trois classes ainsi que les citoyens
mêmes : les nobles, les laboureurs et les artisans. Les premiers
avaient soin de ce qui regardait le culte, occupaient les magistratures,
et interprétaient les lois. Enfin institua les jeux
Isthmiques, ou donna plus d'extension à ceux qu'on célébrait
en l'honneur de Mélicerte. D'autres
assurent que les jeux Isthmiques furent fondés en expiation de la
mort de Sciron ou de celle de Sinnis; quoi qu'il
en soit, Thésée ordonna aux Corinthiens
de céder les premières places aux Athéniens qui viendraient
voir les jeux, et de leur laisser autant d'espace qu'en pourrait couvrir
la voile du vaisseau sur lequel ils seraient venus.
Pour le surplus, la poésie, à
partir du siècle de Périclès,
s'attache à faire de Thésée un précurseur des
législateurs qui, comme Solon, ont fondé
le gouvernement d'Athènes sur les
principes de liberté et d'égalité
démocratiques;
les Suppliantes d'Euripide font même de lui un véritable
démocrate. Nous trouvons des tendances analogues dans l'histoire
légendaire de Rome ,
où Servius Tullius est représenté
comme une sorte de roi populaire qui, peu avant sa mort, aurait songé
à abdiquer pour constituer la forme républicaine.
La
guerre des Amazones.
Son oeuvre achevée, Thésée
abdiqua la royauté. II fit le voyage du Pont-Euxin
pour accompagner
Héraclès dans
son expédition contre les Amazones,
et obtint Antiope ou Hippolyte
pour prix de sa valeur. D'autres traditions reportent ce voyage à
une époque plus tardive et prétendent que Thésée
enleva Antiope. Suivant l'historien Ménécrate,
Thésée, maître d'Antiope, s'arrêta quelque temps
à Nicée en Bithynie .
Soloon, jeune Athénien, qui l'avait accompagné, devint amoureux
de la belle Amazone, et, ne pouvant l'obtenir, se tua. En mémoire
de cet événement, Thésée donna le nom de son
ami à une rivière du pays, et bâtit sur ses rives la
ville de Pythopolis, en l'honneur d'Apollon.
L'enlèvement ou l'abandon d'Antiope,
que Thésée répudia pour épouser Phèdre,
suivant l'auteur de la Théséide, donna lieu à
l'invasion des Amazones en Attique .
Ces guerrières indomptables vinrent camper dans Athènes
même, et attaquèrent avec courage l'armée grecque,
qui, ayant sacrifié à la Deimos,
les défit complètement. La lutte se termina soit par un traité,
soit par la mort des Amazones.
Comme preuves prétendues de cette
guerre singulière, les Athéniens montrait les tombeaux de
celles qui périrent au milieu de la ville près de la chapelle
de Chalcodon; à côté du temple de la Terre Olympique,
une colonne indiquait le lieu où Antiope fut tuée par Molpadia.
Chalcis ,
qui avait recueilli quelques-unes des fugitives, indiquait comme place
de leur sépulture un endroit désigné par le nom d'Amazonium.
L'alliance même de Thésée
avec les Amazones était attestée
et par le nom de l'Horcomosium (jurement de l'alliance), où
le traité s'était conclu, et par les sacrifices
offerts annuellement par les Athéniens aux mânes de leurs
ennemies. A Mégare, on montrait un
tombeau d'Amazones, en forme de losange. On
voyait encore quelques monuments funèbres de ces femmes guerrières
à Chéronée
et en Thessalie .
--
Thésée
et Pirithoüs enlevant l'Amazone Antiope.
Amphore
grecque. Musée du Louvre.
Les
dernières aventures de Thésée.
Thésée prit part à
la chasse du sanglier de Calydon et à
l'expédition des Argonautes. Il aida
Adraste
à retirer les corps des guerriers tués au siège de
Thèbes ,
et donna asile à Oedipe fugitif. Des épisodes
qui semblent n'être que des inventions ou des rattachements poétiques,
sans rapport avec la légende populaire du héros.
Le héros national des Thessaliens,
Pirithoüs,
roi des Lapithes, jaloux de sa gloire, voulut
d'abord le combattre; mais Il devint ensuite son ami, fut secouru par lui
dans sa lutte avec les Centaures, et, en revanche,
lui prêta son aide dans plusieurs expéditions périlleuses.
Thésée avait déjà
cinquante ans lorsqu'il enleva Hélène,
qui n'était pas encore nubile. Quelques auteurs disent qu'elle lui
fut confiée par Idas et Lyncée,
d'autres par Tyndare, qui craignait l'amour
furieux d'Énaréphorus (Énaraephorus dans Pausanias,
et Énarophorus suivant Plutarque). Mais
la tradition commune rapportait ainsi les circonstances du rapt : Thésée
et Pirittoüs, étant allés ensemble à Sparte,
enlevèrent Hélène pendant
qu'elle dansait dans le temple d'Artémis
Orthia, et prirent aussitôt la fuite. Ceux qu'on envoya courir après
eux ne les poursuivirent que jusqu'à Tégée. Les ravisseurs,
après avoir traversé le Péloponnèse ,
se voyant en sûreté, convinrent de tirer Hélène
au sort, à condition que celui à qui elle serait échue
aiderait son compagnon à enlever une autre femme. Le sort la donna
à Thésée, qui la conduisit à Aphidnes, où
il fit venir Ethra, sa mère, pour en avoir soin. Suivant Tzetzès,
il la rendit mère d'Iphigénie.
Cette
tradition offre quelques divergences; ainsi, selon Pausanias, ce fut Aphidnus
qui fut chargé de veiller sur la jeune fille; d'autres la font remettre
par Thésée aux mains de Protée,
roi d'Égypte .
Les Dioscures
delivrèrent leur soeur en s'aidant des cabales de Mnesthée,
qui avait soulevé le peuple, pendant que le monarque athénien
s'occupait à enlever Coré (Perséphone)
à
Hadès, pour en gratifier Pirithoüs.
Les deux amis, descendus aux Enfers par le promontoire
de Ténare, furent saisis et livrés aux Erynies.
Enchaînés, ils ne devront leur délivrance qu'à
l'amitié d'Héraclès qui
entreprend pour eux le sombre voyage.
Rentré dans Athènes
après deux ans d'absence, des mouvements séditieux forcèrent
Thésée de songer à sa sûreté : il envoya
ses deux fils dans l'île d'Eubée ,
auprès d'Elphénor; ensuite s'étant rendu au bourg
de Gargette, il y prononça des malédictions contre les Athéniens,
dans le lieu qui porta depuis le nom d'Aratérion; après quoi
il s'embarqua pour l'île de Scyros. On dit encore qu'il fut banni
par un décret du peuple, à cause de la mort d'Hippolyte,
ou qu'il s'enfuit pour éviter la colère des Dioscures. Les
traditions s'accordent assez généralement à placer
sa descente aux Enfers pendant l'invasion de ceux-ci en Attique .
Lycomède, roi de Scyros, jaloux
de sa réputation, ou gagné par Mnesthée, jeta son
hôte dans la mer. D'autres disent que Thésée y tomba
en se promenant. Mnesthée continua à régner paisiblement
dans Athènes, et ce ne fut qu'après sa mort que les fils
de Thésée furent mis en possession du royaume de leur père.
Thésée
et la postérité.
Thésée avait été
honoré, de son vivant, dans un temple élevé par les
Athéniens
et desservis par les Phytalides; mais le culte héroïque qu'on
lui rendit ne date que d'une époque bien postérieure. Bien
que défendu contre l'ingratitude des foules par les poètes
et les artistes qui proclament son apothéose dans leurs oeuvres,
il faudra attendre que le sentiment national, exalté par les guerres
médiques, la lui procure dans le culte réel de la cité.
On racontait, au lendemain de la bataille
de Marathon ,
qu'il était apparu au milieu des combattants et qu'il avait contribué
pour sa bonne part à la victoire. Athènes commença
à se ressouvenir du héros auquel
elle devait sa gloire. Plus tard, la Pythie ordonna
de recueillir ses os. Personne ne connaissait le lieu de sa sépulture,
à Scyros. Ce fut Cimon qui le découvrit.
Ayant aperçu un aigle qui frappait de son bec un tumulus, il le
fit ouvrir, et y trouva le cercueil d'un homme de grande taille, avec le
fer d'une pique et une épée. Il chargea aussitôt ces
précieux restes sur sa galère, et les porta à Athènes,
où on les plaça, au milieu d'une pompe solennelle, dans une
enceinte sacrée, dite Théséium, qui eut droit
d'asile.
Là s'élevait un temple, consacré
au héros, et qui subsiste encore; c'est le monument de style
dorique, le mieux conservé de tous les édifices gréco-romains,
qui s'élève au Nord-Ouest de la citadelle et de l'Aréopage,
sur le plateau d'Hagia Marina : cette identification a été
contestée par des arguments plus subtils que probants. En même
temps, on institua une grande fête
nationale, les Theseia, fixée au huitième jour du mois Pyanepsion,
lendemain des Oschophories célébrées en l'honneur
d'Apollon; d'ordinaire, ce jour-là, on ensevelissait dans les tombes,
aux frais de l'Etat, les soldats morts pour la cité à l'étranger,
comme Thésée lui-même était mort à Scyros.
La grande popularité du héros
tombant dans un temps où le mouvement littéraire et artistique
est à l'apogée (la fête du retour fut célébrée,
la première fois, en 469 av. J.-C.), rien de surprenant que Thésée
ait défrayé, plus qu'aucune autre figure, avec la poésie
toutes les formes de l'art.
Les sculpteurs Phidias
et Silanion lui consacrèrent chacun une statue; les peintres Polygnote,
Micon, Euphranor, Parrhasius vulgarisèrent ses traits. On disait
de celui d'Euphranor qu'il était nourri de chair et de celui de
Parrhasius qu'il le semblait de roses. Une statue
de marbre de la villa d'Hadrien, aujourd'hui
en Angleterre ,
le représente nu, un casque en tête, l'expression souriante,
d'une structure vigoureuse et élégante à la fois,
celle d'un Athénien rompu à tous les exercices de la palestre,
chez qui l'harmonie du type semble la résultante d'une culture raisonnée
de toutes les facultés physiques, intellectuelles et morales. Les
frises
et les métopes du Théseion
le montrent au cours des diverses aventures que nous avons racontées;
il a en outre défrayé la peinture
de vases, toujours suivant le même idéal
de force gracieuse et disciplinée; une très belle fresque
de Campanie
le représente alors que, après la défaite du Minotaure,
il reçoit les hommages émus des jeunes Athéniens qu'il
a délivrés. L'art plastique des Anciens a représenté
Thésée à peu près sous les mêmes traits
qu'Héraclès; seulement, sa forme
est moins massive, et sa chevelure moins crépue. (E.
Jacobi, Th. Bernard / J.-A. H.).- |
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