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Artémis
(Mythologie grecque) est l'une
des grandes divinités des Grecs et une des déesses les plus
importantes de l'Olympe. Aucune n'offre au mythographe
une plus grande variété de cultes et n'a motivé plus
d'explications et d'hypothèses.
Ce nom a été donné à des divinités tout
à fait dissemblables, même en nous en tenant à la principale,
à l'Artémis dorienne ou hellénique, ce n'est pas sans
raison que Callimaque l'appelle polyônymos.
Outre les épithètes relatives à ses attributs
- et nulle divinité n'en a davantage - un grand nombre d'épithètes
locales attestent l'existence d'autant de cultes particuliers. Nous connaissons
les Artémis Lykoatis, Stymphalia, Skiaditis, Kondyleatis d'Arcadie ;
Kyparissia, de Messénie ;
Derrhiatis et Karyatis de Laconie ;
Oineatis et Saronitis d'Argolide ;
Chésias et Imbrasié de Samos ;
Amarysia, Sipylène, Astyrène, de Mysie ;
Pheraia, Aitolé, Aigineia, Mysia, Eleia, Alpheia, etc.
Tels qu'ils nous apparaissent à
l'époque homérique - la plus éloignée
à laquelle les textes permettent de remonter, le culte et la mythologie
d'Artémis sont étroitement associés à ceux
d'Apollon et de Lêto.
Que cette forme soit ou non la première, c'est elle, en tout cas,
qui a prévalu, et l'Artémis classique, celle que l'on identifia
avec la Diane romaine, est la fille de Zeus
et de Létô, soeur d'Apollon. Le parallélisme du mythe
et des attributs d'Artémis et d'Apollon est presque complet. Artémis
est née à Ortygie, l'île des cailles; on admet qu'Ortygie
est un ancien nom de Délos
ou d'un îlot voisin, et ne s'applique ici ni à l'Ortygie voisine
d'Ephèse, ni à celle d'Etolie,
ni à celle de Syracuse .
Elle serait née un jour avant Apollon, le 6 du mois Bysios. Elle
fut avec son frère attaquée par le dragon
(tradition de Sicyone ),
combattit avec lui contre Tityos et les Géants;
de concert encore, ils punirent les Niobides ( Niobé).
En revanche, elle punit seule les Aloades (tradition
de Naxos )
et Bouphagos (en Arcadie ),
et fait périr le chasseur Orion.
Apollon est
l'idéal masculin; de même Artémis, l'idéal féminin.
Vierge
farouche, déesse des jeunes filles, elle parcourt les forêts,
armée de l'arc, entourée d'un essaim de chasseresses. C'est
à ses flèches (comme à celles d'Apollon) qu'on attribue
les morts subites. Les épithètes qu'on lui applique le plus
souvent sont relatives à sa virginité (agnè,
parthénos,
etc.), à son amour de la chasse, surtout en Arcadie
et en Elide (agrotera, theroktonos), à ses flèches
(iocheaira); elle participe au pouvoir divinatoire
de son frère; elle dirige le choeur des Muses
et des Charites (Grâces),
d'où l'épithète d'Hymnia; comme son frère,
elle peut envoyer ou guérir les maladies épidémiques;
elle lui emprunte peut-être ses surnoms de Phoebé,
de Delphinia, Pythia, Patroa; en revanche, il lui
prend ceux de Tauropolos, Laphraios. Enfin, la curieuse légende
des Hyperboréens appartient au culte
d'Artémis autant qu'à celui d'Apollon. Ces cultes sont d'ailleurs
étroitement associés non seulement à Délos ,
mais à Delphes, à Sycione,
à Lesbos ,
en Ionie
(Didymaeon), en Lycie; ajoutons que sur les monuments, figures, vases
peints, bas-reliefs, etc., Artémis est constamment associée
à Apollon et à Létô.
Artémis.
La
déesse est représentée en
chasseresse.
Néanmoins, il ne faudrait pas exagérer
les ressemblances entre les cultes d'Apollon et d'Artémis; pour
Apollon, la conception arcadienne
du dieu des chasseurs et des bergers a été rejetée
au second plan; pour Artémis, au contraire, elle a prévalu.
C'est la déesse des sources : on en trouve dans ses temples d'Aulis ,
de Dereion, de Kleitor, de Méthone; des eaux thermales (Thermaia);
des fleuves (Potamia), en particulier
de ceux de Samos (Chésias et Imbrasié), de l'Alphée,
le grand fleuve du Péloponèse; et par extension (?) des rivages
(Limnaea), à Sicyone, Patras, Tégée, Sparte,
Messène, etc.; d'une manière générale, elle
est une protectrice de la navigation : le mythe du sacrifice d'Aulis en
témoigne. Elle se plaît aussi sur les sommets boisés
(Oreia, Koryphala), dans les forêts;
un de ses sanctuaires était situé dans un cèdre, à
Orchomène
( le bas-relief de Thyrea conservé
au musée d'Athènes); elle préfère aux temples
les fraîches et ombreuses clairières voisines des sources.
Déesse des forêts, elle est aussi la souveraine des animaux
sauvages (potnia therôn); elle les chasse avec les Nymphes,
ses compagnes;
Fière
de ses flèches, elle marche à travers les montagnes,
sur le long Taygète ou l'Erymanthe ,
et se réjouit de poursuivre les sangliers et les cerfs
rapides; autour d'elle se jouent les Nymphes,
filles de Zeus qui porte l'égide,
habitantes des champs » (Od., VI, 102).
Non seulement, elle chasse les bêtes
sauvages, mais elle les protège; les bois qui lui sont consacrés
sont de véritables réserves où l'on ne poursuit pas
le gibier. Ses animaux favoris sont : en Orient, le lion
et la panthère; à Sparte, la
tortue (Artémis Chelytis); en Arcadie ,
l'ours ; ainsi s'expliquent la légende de
Callisto
et les rites du culte de Brauron (Attique ),
où les jeunes filles se déguisaient en ourses pour les fêtes
de la déesse. Artémis étendit naturellement son empire
sur les animaux domestiques, boucs et chèvres(A.
Knagia),
boeufs et chevaux
(Boupolos, Hippopolos) : l'épithète de Tauropolos
lui
est fréquemment appliquée; elle était honorée
sous ce nom à Samos, Icarie, en Macédoine ,
etc. Elle préside à la naissance sous le nom d'Artémis
Lochia et finit par absorber les divinités qui jouent le même
rôle, llithye,
Hécate,
etc. Elle veille ensuite sur la jeunesse de l'enfant (Korythallia
à Sparte, Kourotrophos, etc.) et ses fêtes des Elaphébolies
se répandirent beaucoup. On invoque aussi Artémis au moment
du mariage, et en général comme protectrice (Sôteira).
Nous avons déjà parlé de ses attributs musicaux (Hymnia);
elle dirige les choeurs des Nymphes ou des Charites,
manie la phorminx ou la lyre. Enfin, comme Apollon,
elle guide les colons lors de la fondation des villes (Hégémone).
-
Artémis
et Apollon, par Lucas Cranach l'Ancien, 1530.
Comme pour les autres dieux helléniques,
on a été fort embarrassé pour découvrir le
caractère fondamental, primitif d'Artémis. La question a
été encore obscurcie par la confusion, avec Artémis,
de divinités fort diverses auxquelles on a donné son nom,
et par ses rapports avec d'autres déesses qu'elle n'a pas absorbées,
mais qu'elle a dépouillées de leurs attributs.
Nous étudierons ci-dessous d'abord ces divinités parentes
de l'Artémis classique, puis les autres déesses qui, malgré
leur nom d'Artémis, n'ont presque rien de commun avec elle. Mais,
avant d'aller plus loin, il est intéressant de voir si l'on peut
retrouver, sous la multiplicité des cultes et des attributs de l'Artémis
hellénique, son caractère original, L'étymologie fournit
peu de chose : les uns dérivent Artémis d'artemes,
la déesse sans tache, vierge ou salutaire; les autres d'aerotemos
(qui fend l'air); de la racine strat ou rat, exprimant l'idée
de jeter. O. Müller distinguait, comme pour
Apollon,
la déesse arcadienne
de la nature agreste de la déesse Létoïde étroitement
associée à Apollon. Claus y voyait la
Nuit
(confondue avec la Terre ),
épouse de Zeus. A Sicyone, en effet, on
trouve Artémis Patroa associée à Zeus : une colonne
représentait la déesse; une pyramide, le dieu; cette association
est signalée également à Argos .
La grande majorité des mythographes
font d'Artémis une divinité lunaire proche parente de Séléné
et d'Hécate. Si l'on admet que Lêtô
est la Nuit (l'Obscurité, Nyx); Apollon,
le Soleil ;
Artémis est la Lune ..
Elle porte presque aussi souvent une torche que l'arc, d'où l'épithète
de Sélasphoros ce serait donc une déesse de la lumière;
on trouve quelquefois le croissant lunaire
dans ses attributs ( les
cornes
de l'Artémis tauropole sur une monnaie d'Amphipolis );
on la trouve une fois appelée Selanaia; à Athènes,
on l'adorait sous le nom d'Artémis munichienne (Mounychia);
le mois de munychion lui était consacré, elle avait son temple
à Munychie, sa fête de Munychia le jour de la pleine lune.
Par ce caractère lunaire s'expliqueraient aisément, dans
les idées de l'Antiquité, l'influence d'Artémis sur
la naissance, son association avec Apollon envisagé comme dieu solaire,
et son caractère de pureté sereine; productrice de la rosée,
elle serait devenue aisément la déesse des eaux
et de la végétation.
L'hypothèse
naturaliste que nous venons de développer ne lève pas toutes
les objections : les caractères lunaires de l'Artémis hellénique
peuvent lui venir des Artémis asiatiques, tout comme ils peuvent
expliquer l'assimilation de divinités si dissemblables. Munychie
est précisément un point où ont fusionné les
cultes d'Artémis, d'Hécate, de
la déesse thrace Bendis. Les cultes lunaires
de Séléné et Hécate
ont persisté à côté de celui d'Artémis.
Tout ceci touche d'ailleurs à la question générale
du caractère primitif des dieux grecs et de l'association d'Apollon
et d'Artémis que plusieurs écrivains considèrent comme
primitivement indépendants. Concluons donc qu'Artémis est
essentiellement une déesse de la nature agreste, ordinairement associée
à Apollon, et qui, par certains traits, semble une personnification
de la Lune.
Les divinités dont la parenté
avec Artémis est incontestable, quoique leur personnalité
se soit maintenue distincte, sont : Hécate,
Bendis,
Britomartis
ou Dictynna, Ilithye, la déesse (Némésis)
de Rhamnonte, Eurynome; d'autres paraissent
être plutôt des dédoublements d'Artémis, telles
Aréthuse
(?), Callisto,
Iphigénie
ou Orthia, etc. - Hécate n'est pas citée avant l'Hymne
à Déméter
et la Théogonie
(passage interpolé?); c'est une déesse lunaire :
Hécate,
ce n'est plus l'astre clair et brillant qui illumine les nuits sereines
de Grèce de sa vive splendeur; c'est la lune voilée de vapeurs,
à la lueur blafarde ou dont la face sanglante perce soudainement
les nuages qui l'enveloppaient pour épouvanter les humains. Déesse
voyageuse, qui, pendant la nuit, règne souverainement sur les chemins,
sur les rues des cités, adorée surtout dans les carrefours
et à tous les points où les routes se divisent en trois directions.
(Decharme.)
Dans l'hymne à Déméter,
elle est associée à Hélios;
mais c'est surtout une divinité chthonienne. D'autre part, elle
protège les troupeaux, d'où son surnom de Brimo, qu'on lui
applique surtout à Phères; ajoutons que I'Artémis-Hécate
de Phères pourrait bien être le prototype de l'Artémis
de Munychie. A Argos, Hécate semble
identifiée à Hithye. Enfin, Eschyle
confond si bien Hécate et Artémis qu'il fait de celle-ci
une fille de Déméter (ce qu'on
disait d'Hécate).
-
Diane
(Artémis) chasseresse. Ecole de Fontainebleau, 1550.
Bendis est une
déesse thrace, d'un caractère lunaire, importée par
les Orphiques ,
dont Hécate est peut-être un doublet. Hérodote
déjà l'assimile à Artémis; on l'appelle Artémis
Bendeia, Hécate Bendis, fille de l'Hadès.
Elle était adorée à Lemnos, où on l'appelait
"la Grande Déesse"; elle se confondit en particulier avec l'Artémis
tauropole : par ses fêtes d'un caractère orgiastique, par
son association avec le Dionysos Sabazius,
elle représente une transition entre l'Artémis grecque et
les Artémis asiatiques.
Britomartis ou Dictynna est souvent qualifiée
d'Artémis crétoise ; elle appartient aux Etéocrètes,
peuple crétois non hellénique; son sanctuaire principal était
à Cydonie, d'où l'appellation d'Artémis cydonienne
chasseurs et pêcheurs la révèrent également;
son culte se répandit hors de Crète ,
notamment en Laconie et à Egine. A Egine, elle était vénérée
sous le nom d'Aphœa; elle y avait été probablement
importée à l'époque de la thalassocratie crétoise
dont le mythe de Minos rappelle le souvenir. F.
Lenormant a fait observer que cette épithète d'Aphoea,
"la déesse qui disparaît périodiquement", convient
à merveille à l'astre nocturne. Ailleurs, on en fit une des
nymphes
de l'entourage d'Artémis-Ilithye, qui préside à l'enfantement,
fut graduellement absorbée par Artémis; en Attique, aux temps
des tragiques, en Béotie ,
au IIe siècle, la fusion est accomplie.
La déesse adorée à
Rhamnonte (Attique ),
sous le nom de Némésis, est, d'après
Welcker, une Artémis. Pausanias
nous apprend qu'on identifiait avec Artémis la déesse de
Phigalie, Eurynome représentée
avec un buste de femme terminé en queue de poisson
le peuple, dit-il, l'appelle Artémis, les archéologues Eurynome.
Il nous reste à parler maintenant
des déesses qu'on a confondues avec l'Artémis hellénique
en leur donnant son nom. Les principales sont l'Artémis de Tauride,
l'Artémis d'Ephèse, l'Artémis
Leucophryène, celle de Pergé, de Coloëne La sanguinaire
déesse de Tauride ( Chersonèse
Taurique )
a été facilement confondue avec l'Artémis Tauropole
par une sorte de calembour : et cette confusion a été consacrée
par la légende d'Iphigénie,
qu'a si bien expliquée O. Müller. Le culte de Brauron se rapporte
aussi bien à la déesse de Tauride qu'à l'Artémis
des Grecs. L'Artémis d'Ephèse n'a de grec que le nom
: son origine est nettement asiatique, son culte l'est resté, et
ses représentations en témoignent.
L'art
la représente coiffée du polos, les deux mains ouvertes et
étendues, la poitrine chargée de nombreuses mamelles; son
corps est enfermé dans une gaine historiée de zones sculptées,
où apparaissent des têtes d'animaux,
cerfs,
lions
et taureaux. (Collignon).
Il faut ajouter l'abeille .
Ces attributs caractérisent la déesse de la fécondité
naturelle inépuisable, conçue à la manière
orientale; elle est aussi déesse des astres,
Soleil,
Lune,
étoiles. On peut l'assimiler à Ma, la mère
des dieux adorée à Comana .
Ses prêtres eunuques, ses prêtresses, l'organisation de son
culte, les rites orgiastiques et les fêtes qui remplissent le mois
d'Artémision, ses mythes complètement
étrangers à ceux de l'Artémis proprement dite, tout
nous rappelle l'Orient. Le mythe des Amazones
est lié au sien étroitement. D'Ephèse
et des côtes d'Asie, son culte se propagea au loin : Xénophon
l'apporta en Messénie ,
les Phocéens à Marseille; en Arcadie
on l'associa à Pan. La vogue en fut immense;
elle coïncida avec la fusion progressive de l'hellénisme et
de la civilisation orientale; le temple d'Ephèse devint un des grands
sanctuaires de la Méditerranée orientale. D'innombrables
statues et monnaies reproduisirent le type de l'Artémis éphésienne.
-
L'Artémis
d'Éphèse.
Déesse
de la fécondité.
L'Artémis Leucophryène, adorée
en Crète, à Magnésie et en Phrygie, dans le bassin
supérieur du Méandre, semble, à en juger par ses représentations,
la même que la déesse d'Ephèse.
Celle de Pergé, en Pamphylie, desservie par des corporations de
prêtres mendiants, est à la fois une déesse sidérale
et une chasseresse; son vrai nom serait Manapsa. L'Artémis de Coloé,
en Lydie, se rapproche par ses caractères de l'Eurynome
arcadienne .
On identifia avec Artémis la grande
déesse
perse nommée Anaïtis. Nous rappelons
enfin que les Romains voulurent retrouver dans Artémis leur Diane;
le nom de Diane l'a emporté dans le langage courant; mais les traits
sous lesquels la chaste déesse nous est connue sont empruntés
à l'Artémis hellénique.
(A.-M. Berthelot).
Les visages d'Artémis
-
1.
L'Artémis
soeur d'Apollon est une sorte d'Apollon
féminin, représentant, comme femme, la même idée
que cette divinité, dont elle partage la puissance et les attributs;
aussi Eustathe la prend-il grossièrement pour l'épouse d'Apollon
(ad Hom., P. 1197, 39). Terrible comme son frère, elle l'assiste
dans ses vengeances, frappe d'épidémies cruelles les humains
et les troupeaux, et se plaît surtout à percer les femmes
de ses flèches acérées; de là ses noms d'Apolfousa,
la destructrice; de Iocheaira, qui se plaît au jet de la flèche;
de Toxophoros, l'archer; de Chryselakatos, à la flèche
d'or. Sa main, n'est cependant pas toujours armée du trait fatal;
parfois elle s'apaise, détourne les calamités qui frappent
les humains, et s'offre à leur adoration comme la divinité
qui bénit et guérit les douleurs; alors on la nomme Artémès
(Artémis), qui sauve : Sotira, Sospita. C'est en cette qualité
de déesse favorable qu'elle était, comme Apollon, du parti
des Troyens, et qu'elle guérit Énée.
L'heureux mortel qu'elle a honoré d'un regard bienveillant voit
ses troupeaux prospérer : la concorde règne dans sa maison,
et il attend, au sein du bonheur, une vieillesse tranquille. Du reste,
si la colère obscurcit quelquefois son front, ce n'est jamais sur
le jeune âge qu'elle jette un regard farouche; elle protège
les enfants et aime tout ce qui commence à vivre; de là ses
noms de Courotrophos, Philomeirax, Paidotrophos :
"
c'est Artémis, dit Diodore, qui guérit les petits enfants".
Les jeunes
troupeaux et le gibier étaient aussi chers à la soeur d'Apollon;
aussi la regardait-on comme la divinité tutélaire des champs
et surtout de la chasse, et la désignait-on par les appellations
d'Eurippa, de Ipposoa, d'Elaphebolos, de Celadeinè
(qui aime le fracas de la chasse). Comme Apollon, Artémis ne se
maria jamais; jamais elle ne fut domptée par L'amour (Sophocle).
Sa pudeur farouche n'aurait pu souffrir d'autres prêtresses que de
jeunes vierges parfaitement chastes et pures; les prêtres eux-mêmes
devaient être soumis aux lois de la chasteté (Pausanias).
Douée
d'une grande beauté et d'une stature majestueuse, Artémis
donnait une taille élancée aux jeunes filles. Quoiqu'elle
ne sût pas toucher la cithare, elle venait chez Apollon à
Delphes, et y dirigeait les choeurs des Muses
et des grâces. La tradition ne la met pas au nombre des divinités
qui rendaient des oracles; elle devait cependant à sa parenté
avec le dieu prophétique les titres de Divinité protectrice,
de Pytho et de Sibylle de Delphes, ceux de Prostateria
et de Propylaia; car, comme l'Apollon Agieus, elle protégeait
les villes et les rues; ceux de Archegètis et d'Hègemoné.
Enfin, la consécration du laurier et l'adoration à Délos
lui étaient communes avec son frère; c'est dans l'île
sainte, où nul bruit profane ne devait se faire entendre, que les
jeunes filles hyperboréennes lui apportaient leurs offrandes.
2.
Artémis
l'Arcadienne, ou la déesse des nymphes.
Cette divinité, objet d'un culte très étendu et tout
à fait particulier à l'Arcadie, n'avait aucun rapport avec
Apollon et les autres déesses qui portaient le nom d'Artémis.
Son symbole était une ourse, et le système d'eaux courantes
du pays jouait un grand rôle dans les mythes qui la concernaient.
Ainsi les nombreux surnoms sous lesquels elle était adorée
sont tous dérivés de noms de fleuves ou de montagnes; les
lieux théâtres de son culte se trouvaient au bord des fontaines,
des lacs ou des rivières; enfin, au milieu de ses temples jaillissaient
souvent des sources vives, et les poissons lui étaient consacrés.
Divinité chasseresse, elle parcourait les bois et les vallées
du Taygète, de l'Erymanthe et du Ménale, perçant les
animaux sauvages de flèches qui avaient été forgées
par les Cyclopes,
et
animant à la course ses chiens, présent du dieu Pan.
Elle avait habituellement un cortège de vingt nymphes, appelées
Amnisiennes, du fleuve Amnisos en Crète, et dirigeait la danse de
soixante autres nymphes, toutes filles de l'Océan. Elle trouva en
Arcadie cinq biches d'une grandeur et d'une beauté remarquables,
et en attela quatre à son char; la cinquième, qu'Héra
voulait être l'objet du troisième des travaux d'Héraclès,
s'échappa. Cette Artémis était surtout révérée
à Sicyone, à Epidaure, auprès |
de
Messène, à Limné, à Tégée, à
Corinthe, etc. Atalante, amazone arcadienne,
allaitée par une ourse, et qui jouit de la faculté de faire
jaillir l'eau du rocher, et Callisto, Paraissent
n'être que deux faces diverses de l'Artémis d'Arcadie.
3.
L'Artémis
taurique, Brauronie, Orthie, Orthosie, Iphigénie, Hécate.
On entrevoit, à travers l'obscurité des traditions qui se
rapportent à cette déesse, que son culte se célébrait
par des orgies et par des sacrifices humains. Ces cérémonies
sanglantes avaient lieu, suivant le dire des Grecs, en Tauride, d'où
Oreste et Iphigénie apportèrent la statue d'Artémis
à Brauron. Elle fut révérée comme une déesse
nationale, dans cette ville, ainsi qu'à Athènes et à
Sparte, où Lycurgue substitua aux sacrifices humains l'usage, plus
doux, de la flagellation. Les Lacédémoniens la nommèrent
Orthia, appellation dont on n'a pas d'étymologie certaine. Une autre
tradition, rapportée dans Servius, dit qu'Oreste
et Iphigénie ayant pris à Aulis
la statue de la déesse, l'apportèrent à Aricia, cachée
dans un faisceau de sarments; ce qui valut à Artémis le surnom
de Fascelis, Phacelitis. Cette Artémis taurique portait aussi le
nom d'Iphigénie, sous lequel plusieurs villes la révéraient
:
"Les
Tauriens eux-mêmes, dit Hérodote, affirment que la déesse
à laquelle ils sacrifient est la même qu'Iphigénie
fille d'Agamemnon."
Celle-ci,
destinée d'abord à être sacrifiée, puis sauvée
par la déesse, devint sa prêtresse, et reçut le nom
d'Hécate avec l'immortalité. Comme
Hécate ou déesse-lune, Artémis prend divers surnoms:
Aithopia, Phosphoros, Dadouchos, Amphipyros, Pyrphoros, Luciferae; ces
deux dernières épithètes désignaient aussi
la déesse de la chasse, qui portait des flambeaux. A l'Artémis
taurique correspond enfin, sous divers rapports, l'Artémis tauropolos,
déesse des taureaux, ou reine des Tauriens; son culte était
sanglant, et portait le caractère du détire, puisque c'est
à cette divinité que le choeur de l'Ajax de Sophocle
attribue la fureur qui a saisi le héros. Il paraît que dans
tous ces mythes relatifs à l'Artémis taurique, ou à
Hécate, des traditions grecques qui se rapportaient à d'anciennes
divinités de la nature se sont confondues avec les mythes et le
culte des divinités asiatiques, dont les symboles étaient
au ciel la lune, et sur la terre la vache
4.
Artémis
Britomartis ou Dictynne. - Divinité crétoise et
d'Egine. Britomartis signifie douce vierge, dans le dialecte crétois.
A l'origine, Britomartis n'était
pas Artémis elle-même, mais une, des nymphes de cette déesse.
Pour échapper aux poursuites de Minos, roi de Crète, qui
était amoureux d'elle, elle se précipita dans la mer, et
tomba dans des filets de pêcheurs. Sa protectrice, pour honorer sa
vertu, la mit au rang des divinités. Elle apparut alors aux Eginètes,
qui l'honorèrent depuis sous le nom d'Aphaea; par la suite ils la
confondirent avec Artémis. D'autres disent qu'un jour, occupée
à la chasse, qu'elle aimait passionnément , elle tomba dans
ses propres filets, au moment qu'un sanglier fondait sur elle; elle voua
un temple à Artémis, si elle échappait, et dégagea
sa parole en lui élevant un temple sous le nom d'Artémis
Dictynna. On lui attribue l'invention des filets dont se servent les chasseurs.
5.
Artémis
Ilithyie. - Parfois considérée comme une divinité
autonome fille de
Héra, parfois simple attribut
de Héra ou d'Artémis. Ilithyie
était une déesse qui, chez les Grecs, présidait aux
accouchements. On lui attribuait une influence tantôt favorable,
tantôt nuisible. On la rapprocha aussi des Moires. Homère
admettait deux Ilithyies.
6.
Artémis
d'Éphèse. Cette déesse, qui n'a aucun rapport
avec l'Artémis des Hellènes, paraît avoir été
la personnification de la puissance toute fertilisante et toute nourrissante
de la nature, à laquelle les Grecs donnaient, par on ne sait quelle
analogie, le nom d'Artémis. Elle était fille de Léto;
sa nourrice s'appelait Ammas; son symbole était l'abeille, et son
pontife portait le nom d'Essèn, roi des abeilles. Dans son
temple magnifique à Éphèse, où les Amazones,
dit-on, établirent son culte, se trouvait son image, sous la forme
d'une momie, la tête chargée d'une couronne, et le sein fourmillant
de mamelles. Son sanctuaire n'était accessible qu'aux jeunes filles
vierges; ses prêtres étaient des eunuques. |
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Les
artistes l'ont représentée très diversement, suivant
le caractère qu'ils lui attribuaient. Déesse champêtre
de l'Arcadie, l'ourse était son symbole;
déesse de la Lune ou Phoebé, telle que la représenta
Praxitèle, elle porte un voile, et, en guise de diadème,
un croissant ou des cornes; quelquefois elle a
un flambeau à la main. L'Artémis (ou Diane, selon le nom
de son équivalent romain) d'Éphèse, présidant
à la nature et à la production, figure sur les médailles
le corps couvert de mamelles et la tête chargée d'ornements;
l'abeille
est son emblème. Mais la Diane / Artémis chasseresse est
le type le plus célèbre: elle a les cheveux noués
derrière la tête, coiffure appelée corymbos et qui
était celle des vierges athéniennes vêtue d'une tunique
courte et habituellement retroussée, chaussée du cothurne,
elle a des formes souples, élancées, et des hanches étroites
qui indiquent qu'elle est taillée pour la course et non pour la
maternité. Elle a de plus un arc à la main, le pied chaussé
d'un brodequin, accompagnée d'une biche ou d'un chien
de chasse, et suivie de nymphes, chastes comme
elle. La statue la plus célèbre de ce genre, dite Diane à
la biche, fut apportée en France avant Henri
IV, et orna successivement les châteaux de Meudon, de Fontainebleau
et de Versailles; elle est aujourd'hui
au Louvre. |
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