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Solon

Solon. - Législateur et poète athénien, né à Athènes (ou à Salamine selon Diogène Laërce) en 639 av. J.-C. mort à Chypre en 559. Fils d'Execestides (ou d'Euphorion seIon Plutarque), il descendait d'une illustre famille qui faisait remonter son antiquité jusqu'à Codrus et même Nélée et Poseidon. Ruiné par les prodigalités de son père, il se consacra d'abord au commerce et voyagea de bonne heure pour s'instruire. L'expérience précoce que lui donnèrent ses observations et le contact des personnages illustres qu'il connut pendant ses voyages hors de Grèce (en Égypte et à Chypre) lui acquirent une connaissance profonde de la vie, dont sa Cité profita plus tard, lorsque les circonstances obligèrent Solon à se mêler à la politique, et lui valurent la place prépondérante qu'il occupe parmi les Sept sages de la Grèce.

La première occasion qu'il eut de se mêler aux affaires publiques et de montrer la grandeur de son caractère fut la guerre d'Athènes contre Mégare à propos de l'île de Salamine, dans les dix dernières années du VIIe siècle. Les Athéniens, découragés par leurs échecs et la longueur de la guerre, avaient édicté un décret qui défendait sous peine de mort de demander, soit par la parole, soit par écrit, la continuation de la guerre; Solon, indigné d'une pareille lâcheté, se présenta sur la place publique et, feignant d'être atteint de folie, chanta (ce que ne défendait pas le décret) un poème sur Salamine où il réveillait le courage de ses concitoyens : cet artifice eut un tel succès que le décret fut rapporté et la guerre reprise; c'est par l'adresse de Solon également que Salamine fut reprise aux Mégariens et que la conquête fut confirmée par les Spartiates chargés de juger entre les deux parties; Solon allégua en effet devant eux les oracles de la Pythie et intercala dans Homère deux vers où les habitants de Salamine étaient dénommés dans le dénombrement des cités grecques à la suite d'Athènes. 

Peu après, vers l'an 600; ce fut encore sous l'influence de Solon que la guerre sacrée amphictionique contre Cirrha pour la défense du temple de Delphes fut décidée. Les Cirrhéens, coupables d'impiété envers le sanctuaire, furent réduits en esclavage, et leur territoire consacré à Apollon. Peu après, Athènes se trouva elle-même dans une situation périlleuse : en 620, l'Athénien Cylon, gendre de Théagène, tyran de Mégare, s'était emparé de l'Acropole; réduit par la faim, il s'était enfui, tandis que ses compagnons, qui s'étaient réfugiés dans le temple d'Athènes, en avaient été arrachés par Mégaclès avec promesse de la vie, puis massacrés en grande partie par son ordre. Deux partis se créèrent pour et contre les meurtriers, et Solon fut chargé de calmer les violentes dissensions intestines qui en étaient résultées; il décida les sacrilèges à se soumettre aux jugements de 300 Eupatrides qui les condamnèrent à s'exiler.

La guerre avec Mégare avait cependant repris, Nisée et Salamine avaient été perdues, et le peuple, effrayé par des apparitions et des signes de la colère céleste, fit venir le Crétois Epiménide pour purifier la ville et apaiser les dieux. Cette nouvelle tentative pour calmer les luttes politiques eut peu de succès, et bientôt Athènes se trouva de nouveau divisée entre plusieurs partis également acharnés : la tyrannie des Eupatrides et la violence déréglée des passions populaires avaient créé trois partis : les habitants de la montagne (Diacrioi), qui voulaient un gouvernement populaire; ceux de la plaine (Pediaioi), qui tenaient pour un gouvernement oligarchique; et ceux de la côte (Paraloi), qui préconisaient une solution mixte; les pauvres, accablés de dettes, étaient réduits à engager leurs champs, à vendre leurs enfants, à tomber eux-mêmes dans l'esclavage et cherchaient à se soulever contre les riches : tel était le résultat de la législation de Dracon, devenue intolérable.

Dans ces conjonctures, tous les yeux se tournèrent vers Solon, qui paraissait seul capable d'imposer une organisation nouvelle : il appartenait, à la vérité, aux Eupatrides, mais il n'avait pris aucune part à l'oppression des riches, et, d'autre part, il ne pouvait être soupçonné de partialité pour les pauvres; il fut nommé archonte en 591 d'un accord unanime; il montra aussitôt sa sagesse et sa modération en refusant la tyrannie qu'on lui offrait : son but principal fut de combler l'abîme qui séparait les nobles du peuple, de briser la tyrannie des premiers, de relever les seconds, et de donner à tous une part dans le gouvernement dans la cité.

Les réformes de Solon portèrent sur quatre points : il fit une réforme économique, la seisachthia, une réforme de la constitution, une réforme de la législation et une réforme de la monnaie, des poids et mesures. La seisachthia ou décharge partielle des dettes, rendit la liberté à ceux qui s'étaient vendus comme esclaves et sauva ceux qui étaient écrasés par ce qu'ils devaient; les petits propriétaires de champs en profitaient également. La réforme constitutionnelle reposait sur des principes déjà anciens et substituait la richesse à la naissance, la timocratie à l'aristocratie : les droits politiques dépendaient des charges des citoyens; les quatre classes de citoyens qui existaient auparavant furent maintenues; les Pentacosiomédimnes, les Hippeis, les Zeugites, les Thètes; cette division, qui a été souvent attribuée à Solon, ne date pas de lui. La première classe comptait un revenu de plus de 500 médimnes, la seconde 300, la troisième 200, et la quatrième, au-dessous, ne payait pas d'impôt ; on ne sait pas exactement comment était estimé dans cette organisation le capital immobilier (industrie et commerce), ni comment il se rattachait aux différentes classes.

Un grand pas dans le sens de la démocratie était fait par la réforme qui permettait au peuple entier de prendre part à l'assemblée générale, et par l'organisation du tribunal populaire de l'Héliée. Pour balancer le pouvoir donné ainsi au peuple, Solon décida que les magistrats ne pouvaient être pris que dans les trois premières classes; il organisa, en outre, deux conseils que Plutarque appelle « les ancres de la république », le Sénat et l'Aréopage : le premier composé de 400 membres qui préparaient les lois, et le second composé de tous les archontes sortant de charge. Les tables de Solon contenaient une législation traitant toutes les matières, religieuses, politiques, civiles, criminelles, commerciales, etc. : il conserva les lois de Dracon pour un certain nombre de matières, en particulier l'assassinat et le meurtre; les lois furent gravées sur des tables de bois (axones), placées sur la place publique et, peut-être,plus tard sur des piliers de pierre à quatre faces (kyrbeis). La réforme de la monnaie et des poids et mesures donna pour la première fois à Athènes une monnaie particulière (jusqu'alors on se servait de celle d'Egine), ainsi: que des poids et mesures éginétiques; le taux de la monnaie devint celui appelé eubéen; la mine prit une valeur de 400 drachmes (au lieu de 73 que valait celle d'Egine).

Solon ne se figurait pas avoir fait des lois éternelles : il s'était efforcé d'accommoder plutôt les lois à l'état des choses existant, que les choses aux lois. Plutarque prétend, avec peu d'apparence de raison, que Solon voulait imposer ses lois à Athènes pour une période de cent ans; Hérodote doit être plus près de la vérité quand il raconte que le législateur fit jurer aux Athéniens de respecter ses lois pendant dix ans. On a voulu appuyer cette affirmation du fait que Solon se serait ensuite absenté pendant dix années, Voyageant pour éviter qu'on pût lui demander de modifier lui-même sa législation et pour permettre aux Athéniens de s'y habituer : les dates historiques ne paraissent pas confirmer cette histoire, car il semble prouvé que Solon ne quitta pas Athènes pour voyager avant l'année 571. Il se rendit d'abord en Égypte, où il s'entretint avec les prêtres d'Héliopolis et de Saïs, puis alla à Chypre auprès du roi Philocyprus, qui, sur son conseil, transporta sa capitale Aepeia sur un emplacement plus favorable et lui donna le nom de Soli, en l'honneur de son hôte. C'est en 563 que l'on place l'entrevue de Solon et du roi Crésus à Sardes et la fameuse conversation sur la vanité du bonheur humain, ainsi que la rencontre de Solon et du fabuliste Esope mais, dès l'Antiquité, on révoquait en doute cette légende pour des raisons historiques, et il est prouvé, maintenant, que ce n'est qu'une fable.

Solon revint à Athènes en 561; il y trouva, le peuple aussi peu satisfait que les Eupatrides de sa législation : les premiers avaient espéré l'abolition absolue des dettes et le partage des terres, les seconds se trouvaient lésés profondément dans leurs prérogatives; les anciennes dissensions intestines avaient déjà repris, et Pisistrate se préparait à s'emparer de la tyrannie. Solon chercha par tous les moyens à contrecarrer son entreprise, et à prévenir le peuple contre les ruses de Pisistrate; mais les Athéniens ne voulurent pas l'écouter, et, en 560, Pisistrate se rendit maître du pouvoir. Il en usa d'ailleurs avec modération et maintint sagement les lois de Solon. Celui-ci vécut dès lors dans le repos, universellement estimé, et revint à l'étude de la philosophie et à la culture de la poésie. 

Nous possédons des fragments de ses poésies en vers élégiaques, hexamètres et ïambiques (Salamine, pièce élégiaque en 100 vers : Peri athenaiôn politeias, Upothecai eis eauton, Pros Philocupron, Pros Kritian, Pros Mimnermon; des tétramètres trochaïques : Pros Phôcon; des ïambes et la scolie conservés par Diogène Laërce, le commencement d'une poésie épique, que donne Plutarque et que l'on considère comme une exposition versifiée de ses lois, etc.). Ces vers, même dans l'état fragmentaire où ils nous sont parvenus, donnent une haute idée de la beauté du caractère de Solon et de la hauteur de sa pensée. Nous possédons deux biographies anciennes du législateur : celle de Plutarque et celle de Diogène Laërce. (Ph. B.).

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Dictionnaire biographique
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