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Les Croisades |
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On donne le nom
de Croisades aux expéditions entreprises du XIeau
XIIIe
siècle, à l'instigation de la papauté (![]() La découverte des supposées reliques de la Passion par sainte Hélène, mère de Constantin, en 326, avait créé un grand courant de pèlerinage vers la Terre sainte. Au IVe siècle, au Ve encore, ce pays est un centre puissant d'activité religieuse; saint Jérôme vient y vivre et y mourir, et son exemple est suivi par une foule de prêtres et de femmes. L'occupation momentanée de Jérusalem par Chosroès (614), la conquête de la Palestine par Omar (638) apportent quelques entraves à ces pèlerinages. Toutefois, la domination des premiers califes était assez tolérante pour permettre le pélerinage aux hommes pieux que n'effrayait pas la longueur de la route. Au VIIe siècle Arculfe, au VIIIe siècle Willibald, pour ne citer que les plus célèbres, parcourent librement la Judée et la Syrie. Charlemagne profite de ses relations amicales avec Haroun al-Rachid pour rendre moins précaire la situation des églises de Jérusalem; ses successeurs suivent cet exemple : dès le IXe siècle, les princes francs exercent sur les lieux saints une sorte de protectorat qui plus tard ne fera que se consolider et dont a hérité la France moderne. Au IXe
siècle donc, au Xe
encore il n'est point question de croisade. L'accès des lieux saints est
toujours ouvert aux fidèles. Mais la situation change au XIe.
Un calife nommé Hakem-Biamrillah,
fait en 1010 détruire le temple du
Saint-Sépulcre; l'église est bientôt reconstruite, mais le coup était
porté, l'impression produite. Vers le même temps, les invasions musulmanes,
arrêtées au VIIIe
siècle devant Constantinople par Léon l'Isaurien L'empereur Romain Diogène est battu Ã
Mansikert par Alp-Arslan (1071),
l'Asie Mineure tombe aux mains des Turks
osmanlis (
L'Europe chrétienne, profondément affaiblie par l'anarchie féodale, était incapable d'une coalition politique. Seul le sentiment religieux pouvait déterminer les princes et les barons à une action commune. Aussi l'idée de croisade naquit-elle dans l'esprit des papes, chefs reconnus du monde catholique. Sans tenir compte des projets faussement attribués par quelques érudits à Sylvestre II (Gerbert) et à Sergius IV (1011), on peut admettre que Grégoire VII le premier conçut le projet d'une expédition armée contre les musulmans. En 1074 et 1075, il fait appel aux princes chrétiens, à tous les fidèles; il parle d'une expédition à tenter pour secourir les chrétiens d'Orient et avant tout l'empire grec, menacé par les infidèles. Les querelles de la cour de Rome avec le roi de Germanie et avec les Normands de Calabre font avorter ces vastes projets. Cependant les récits des pèlerins, les exhortations des moines et des prédicateurs vagabonds excitent le sentiment chrétien. L'Europe à ce moment est pleine de personnages entreprenants que les aventures lointaines séduisent; une opinion théologique déjà ancienne, répandue partout par les missionnaires, affirme que les combattants tombés sous les coups des infidèles obtiennent par là seul les joies du paradis; les républiques italiennes, menacées dans leur existence, entravées dans leur commerce par les Sarrasins, s'associent à ce mouvement complexe. L'empire grec enfin a plus d'une fois réclamé les secours de l'Occident. L'idée d'une expédition armée se forme, l'Europe entière est prête à se soulever au premier signal du souverain pontife. Tous ceux qui prendront part à ces expéditions porteront sur leurs vêtements une croix rouge : d'où le nom de Croisés. |
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On compte généralement
8 croisades :
Les premières croisades (1096 - 1204) La première croisade eut lieu de
1096 Ã 1100,
sous le pontificat d'Urbain II : prêchée par Pierre
l'Ermite, puis par Urbain lui-même, elle eut pour chefs Godefroy
de Bouillon ( La deuxième croisade, de
1147 Ã 1149,
entreprise sous le pontificat d'Eugène III, et prêchée par Saint
Bernard, eut pour chefs Louis VII, roi de
France, et Conrad, empereur d'Allemagne (1147).
Ces deux princes n'éprouvèrent que des revers. Ils étaient cependant
sur le point de prendre Damas (1148),
lorsque la discorde se mit entre les seigneurs de leurs armées, et les
contraignit à revenir en Europe
La quatrième croisade, de
1202
à 1204, prêchée par Foulques de
Neuilly sous le pontificat d'Innocent III, fut
dirigée par Baudouin IX, comte de Flandre,
Villehardouin, sénéchal de Champagne
Boniface II, marquis de Montferrat, et Enrico Dandolo,
doge de Venise. L'armée des chrétiens n'alla
pas plus loin que Constantinople.
Elle en chassa d'abord l'usurpateur Alexis l'Ange (1203),
et plaça sur le trône Alexis le Jeune; l'année suivante, elle reprit
Constantinople sur un nouvel usurpateur, Ducas Murtzuphle, mais cette fois
ses chefs se partagèrent l'empire grec : Baudouin
eut le titre d'empereur; les Vénitiens s'emparèrent des plus belles stations
maritimes ![]() L'Europe et la Méditerranée en 1270. Cliquez sur la carte pour l'agrandir. Les dernières croisades (1217 - 1270) La cinquième croisade, entreprise
sous le pontificat d'Honorius III (1217-1221),
eut pour chefs Jean de Brienne, roi titulaire
de Jérusalem, et André,
roi de Hongrie La sixième croisade, de 1228 à 1229, fut accomplie sous le pontificat de Grégoire IX, par l'empereur Frédéric II. Le sultan Mélédin lui céda Jérusalem sans combat. Les deux dernières croisades furent entreprises par Saint Louis, roi de France : l'une, de 1248 à 1254, sous le pontificat d'Innocent IV; l'autre, de 1268 à 1270, sous le pontificat de Clément IV : La septième croisade fut dirigée contre l'Égypte : le roi de France prit Damiette, et remporta même un avantage à la Massoure (1250); mais, la peste s'étant mise dans son armée, il fut contraint de reculer devant l'ennemi, et fut lui-même fait prisonnier. Il racheta chèrement sa liberté, passa 4 ans en Palestine, occupé à fortifier quelques places, et revint en France en 1254, après la mort de la reine Blanche, sa mère, qu'il avait instituée régente Dans la huitième croisade (1270),
Saint Louis était accompagné de ses 3 fils
et du prince Edouard d'Angleterre; il se dirigea sur Tunis,
espérant, disent quelques historiens, convertir le maître de cette ville,
Mohammed Mostanser; mais, à peine arrivé sous les murs de Tunis, il fut
enlevé par une maladie contagieuse. Charles
d'Anjou Après cette dernière expédition, les colonies chrétiennes qui avaient été établies en Orient par les Croisés ne tardèrent pas à être détruites, et la Palestine retomba tout entière sous la domination musulmane. Les arrière-croisades La prise de Saint-Jean-d'Acre De ces expéditions, en effet, les unes sont de simples coups de main, dont le succès ou l'insuccès reste forcément sans influence sur la suite des événements; les autres mal conduites, échouent et aboutissent à d'abominables massacres, comme celui de Nicopolis. La première en date est celle de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. Elle a pour objectif l'empire de Constantinople, que ce prince réclame du chef de sa femme, Catherine de Courtenay; il a pour lui l'alliance effective de Venise, la promesse d'une flottille sicilienne; elle aboutit à quelques courses dans l'Archipel (1308-1309). Philippe le Bel reprend les projets de croisade; ses ministres, Pierre Du Bois et Philippe de Nogaret rédigent de curieux mémoires sur la marche à suivre; mais ce prince meurt sans avoir tenté rien d'effectif, et ses fils ne sont pas plus heureux; l'un d'eux, Charles IV le Bel, essaye, sans y réussir, d'entrer en relations avec le Caire. Philippe de Valois déploie le même zèle ; il s'entend avec Venise et prend la croix (1332); Gui de Vigevano, médecin de la reine, et le dominicain Brocard rédigent à l'intention de ce prince de Iongs et curieux mémoires; en 1335, la croisade semble sur le point d'aboutir. L'ouverture des hostilités entre la France et l'Angleterre remet tout en question. Le saint-siège a cependant formé une
ligue entre Venise, Gênes et les chevaliers
de Rhodes Pendant plus de vingt ans, il n'est plus
question de croisade en France; la guerre contre les Anglais absorbe toutes
les forces du pays. Les plus zélés, ne pouvant prendre les armes contre
l'infidèle, s'imposent de longs pèlerinages C'est contre ces derniers que quelques
années plus tard toute l'Europe chrétienne part en guerre, vers la plaine
du Danube. Les avis des gens expérimentés ne lui ont pas manqué; Philippe
de Mézières, ancien chancelier de Chypre, a montré combien sont vaines
et dangereuses toutes ces expéditions mal préparées, mal conduites;
il a expliqué la nécessité de créer une milice spéciale dont il a
exposé la future organisation, l'ordre de la Passion. Mais il n'est pas
compris, et ses exhortations n'aboutissent qu'Ã augmenter le nombre des
jeunes nobles qui vont se faire massacrer à Nicopolis. Cette fois c'est
contre Bajazet I (ou Bayézid I), sultan des Ottomans ( Les expéditions de Boucicaut,
devenu gouverneur de Gênes en 1401,
en Syrie et dans la mer Égée, n'étaient pas de nature à retarder les
progrès des musulmans. Elles sont d'ailleurs rendues vaines par la rivalité
des Génois et des Vénitiens : Boucicaut est obligé de combattre ces
derniers en bataille rangée et la paix n'est rétablie entre les deux
républiques (1406) qu'après de longues
et laborieuses négociations. L'idée de croisade était morte à Nicopolis,
et l'Europe, tout occupée de guerres et d'intrigues politiques, n'a plus
de goût pour ces expéditions lointaines. De 1453,
date de la prise de Constantinople
par Mehmet II ( L'armée de la première croisade renfermait des combattants de tous les pays de l'Europe, de la Scandinavie à l'Espagne, mais la grande majorité étaient Français, Allemand ou Italiens. La deuxième est faite principalement par des Français et des Allemands, la troisième par des Allemands, des Anglais et des Français; les quatrième, sixième, septième et huitième par des barons français. En fait, c'est la France qui a certainement fourni à ces expéditions le plus de soldats, c'est elle aussi qui en a recueilli le plus d'avantages; la plupart des seigneuries fondées en Palestine au XIIe siècle, dans l'empire grec au XIIIe siècle, se trouvèrent aux mains de barons français, leur langue fut la seule admise dans les tribunaux d'Orient et elle servit seule pour la rédaction des textes législatifs. A l'origine, sauf peut-être un petit nombre
de serviteurs plus spécialement attachés à la personne de tel ou tel
prince, les pèlerins ne reçoivent aucune solde, ils partent par enthousiasme
religieux ou par goût des aventures. Aussi dans ces premières bandes
devait-on trouver, à côté d'exaltés et de fanatiques Mais les grands désastres du XIIe siècle refroidissent sensiblement le zèle religieux; le premier, Frédéric Barberousse, essaya de créer une armée de la croisade. Il n'y admit que des soudoyers à pied et à cheval, payés régulièrement et bien encadrés; sans la mort de son chef, cette armée régulière, à laquelle l'enthousiasme religieux ne faisait pas défaut, eût sans doute porté un rude coup à la puissance de Salah-eddin. Cet exemple fut suivi au XIIIe siècle; et dans la plupart des expéditions en Orient figurent à côté des simples pèlerins des guerriers nobles ou autres, payés par les princes de l'Europe. Beaucoup de ces derniers rachètent ainsi un voeu téméraire et entretiennent en Palestine une petite troupe d'hommes d'armes. Ajoutons à ces contingents réguliers et irréguliers les chevaliers du Temple, de l'Hôpital et de l'ordre teutonique, les flottes italiennes, les troupes grecques, les auxiliaires sarrasins, et nous aurons un aperçu des forces que purent mettre en ligne les chrétiens d'Orient, forces dont au surplus il est à peu près impossible de déterminer exactement l'effectif. Les princes laïques n'étaient pas assez
riches pour entretenir ces armées; il fallait de l'argent pour payer les
soudovers pour noliser les vaisseaux pisans, génois ou vénitiens qui
les transportaient en Orient ; prenait-on la route de terre, il fallait
encore acheter le passage au roi de Hongrie et payer les vivres en pays
ami. Aussi, Ã la fin du XIIe
siècle, les papes se décident-ils à lever sur le clergé
séculier et régulier des impôts spéciaux qu'on appela décimes,
et, une fois cet expédient inventé, on employa l'argent ainsi obtenu
aux objets les plus divers; croisades (ou du moins campagnes désignées
ainsi) contre les Albigeois, contre les Hohenstaufen
ou contre l'Aragon Enfin les papes attachèrent au titre de croisé des privilèges judiciaires assez importants. Les croisés furent placés avec leurs biens sous la protection directe du saint-siège, soustraits à la juridiction ordinaire, sauf pour les actions criminelles, exemptés des tailles et collectes; des répits leur furent accordés pour le payement de leurs dettes, etc. Tous ces privilèges étaient excessifs et furent invoqués surtout par les débiteurs de mauvaise foi. Aussi les actes privés du XIIIe et du XIVe siècle contiennent-ils presque toujours une renonciation spéciale au privilège de croix prise ou à prendre. Les croisés, en effet, du fait même de leur exemption, trouvaient peu de crédit chez les banquiers, et la plupart étaient obligés pour s'équiper de recourir à l'emprunt. Cette législation des croisades n'en est pas moins fort curieuse. L'organisation, militaire des premières armées de pèlerins devait être aussi rudimentaire que possible; chaque bande marchait au hasard et ne reconnaissait que les chefs choisis par elle; de là les premiers désastres. Plus tard, on adopte un système plus rationnel; on tâche de grouper chaque effectif, mais à la cohue des pèlerins succède la cohue féodale, et jamais les chrétiens ne paraissent avoir mieux en Orient qu'en Occident observé les règles les plus élémentaires de la tactique. Seuls les ordres militaires, soumis à une discipline exacte, avec une hiérarchie savante de hauts et de bas officiers, surent faire une guerre vraiment savante. Aussi étaient-ils d'ordinaire placés à l'avant-garde et servaient-ils de guides et d'éclaireurs, rôle difficile, étant donné la bouillante ardeur et l'outrecuidance de la chevalerie féodale. Rarement leurs conseils furent écoutés. Par contre, les aptitudes militaires des chevaliers du moyen âge étaient telles que rarement, une fois atteints par eux, les Turcs pouvaient résister à leur choc invincible; Bibars lui-même, le plus redoutable ennemi des chrétiens, était obligé de le reconnaître : ces vaillants hommes de guerre n'avaient jamais succombe qu'au nombre et à la fatigue. Il ne semble pas au surplus que les croisés
aient emprunté grand-chose à leurs adversaires en matière de guerre
et de tactique. Les belles fortifications dont les restes couvrent la Palestine
sont conçues d'après le système occidental, et les Turcs, une fois maîtres
du Krak et des autres places fortes, n'ont même pas su les entretenir.
Enfin c'est par erreur qu'on a souvent attribué aux Orientaux l'invention
de l'arbalète, cette arme terrible que les Sarrasins eux-mêmes redoutaient.
Employée dès l'époque romaine, elle était encore connue au
Xe
siècle, et fut remise en honneur à la fin du XIIe.
L'Église l'avait proscrite dans les guerres entre chrétiens, comme trop
meurtrière, défense toute platonique, car, dès le XIIIe
siècle, les rois de France ont des corps d'arbalétriers; d'ordinaire
des mercenaires génois. En revanche, les chrétiens apprirent des Turcs
à mieux manier l'arc, à en rendre la portée plus grande et le tir plus
sûr (Quicherat, Histoire du costume, p. 218).
Conclusions En tant qu'entreprises militaires, les
croisades ont avorté. Engagées pour chasser les musulmans de la Terre
sainte, elles se terminent pour les Chrétiens par d'effroyables désastres.
Est-ce à dire que ces grandes expéditions n'aient produit aucun résultat?
Le cas serait unique en histoire. Les résultats matériels n'ont pas été
les plus notables. Le luxe et le bien-être, personne n'en saurait douter,
se sont développés en Occident à la suite des croisades; on prit le
goût des étoffes, des formes de l'Orient et beaucoup de mots devenus
aujourd'hui européens rappellent des usages empruntés à la Syrie par
les Croisés. Mais à vrai dire, il ne faut pas trop grossir la liste des
emprunts faits à l'Orient. Beaucoup d'auteurs ont cru, par exemple, que
l'architecture gothique C'est sans doute dans le domaine culturel
que l'Europe a le plus bénéficié de toutes ces entreprises. Le chevalier
européen, le petit noble, à plus forte raison le bourgeois et l'ouvrier
croupissaient au XIe
siècle dans une ignorance grossière du monde extérieur. Si
quelques-uns, en petit nombre, avaient le goût des voyages et des aventures,
la plupart restaient attachés à leur village natal, sans jamais souhaiter
s'en éloigner. Le mouvement des croisades arracha le monde à cette stagnation,
et dès lors ce mouvement n'a plus cessé. Celui qui revenait des Croisades,
revenait nécessairement changé. Il avait vu de nouveaux pays, parcouru
de vastes contrées, dont jusqu'alors il avait ignoré l'existence, il
avait appris à connaître les moeurs, la façon de combattre des Turcs,
admiré de riches monuments. Sans doute il lui eût été difficile d'exprimer
ses sentiments nouveaux, mais ils sommeillaient en lui et devaient donner
bientôt leurs fruits.
Développement du commerce et du bien-être en Occident, affaiblissement du fanatisme, voilà déjà des résultats importants, achetés, il est vrai; un peu cher. Au point de vue politique, les conséquences des croisades n'ont pas été moins sensibles. Les principautés et les royaumes fondés en Orient par les Latins n'ont eu qu'une durée éphémère, mais le souvenir n'en a pas disparu. Sous les Francs de Syrie, les ports de la côte avaient joui d'une prospérité qu'ils n'ont plus retrouvée; partout on voit les restes des villes, des châteaux construits par eux. (A. Molinier).
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