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Muret

Muret, Murellum, Muretus, est une commune du département de la Haute-Garonne. Chef-lieu d'arrondissement, elle était autrefois le siège d'une châtellenie, d'une justice royale et d'une maîtrise particulière, et faisait partie du bas Comminges. C'est une jolie petite ville, de 24 000 habitants en 2006, agréablement située, à 20 kilomètres sud-sud-est de Toulouse, dans une vallée, au confluent de la Louge et de la Garonne.  On peut y voir une église avec un clocher octogonal du XVe siècle; des statues du maréchal Niel et du compositeur Nicolas Dalayrac, ainsi que le Musée Clément Ader, consacré au pionnier de l'aviation qui y naquit.

Muret doit son origine au château élevé au XIIe siècle par les comtes de Comminges sur un territoire qu'ils tenaient en fief des comtes de Toulouse et qui devint la capitale du comté de Comminges.

Lors de la guerre des Albigeois, Pierre II, roi d'Aragon, les comtes de Toulouse, de Foix, de Comminges et Gaston de Béarn, vinrent assiéger la place occupée par les troupes des croisés le 10 septembre 1213. Deux jours plus tard, Simon de Montfort arriva au secours des assiégés, et dans une sanglante bataille défit complètement les assiégeants (voir ci-dessous). Le roi d'Aragon fut tué dès le début de l'action. Muret fut cependant restitué au comte de Comminges et resta la capitale de ses Etats. 
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Muret : l'église.
L'église de Muret. - Du XVe siècle,
elle relève du gothique toulousain.

En 1799, sous la Ire République les royalistes du Midi, dirigés par le comte de Paulo, ceux de Toulouse principalement, de concert avec ceux de la Vendée, firent de Muret un foyer d'insurrection. Essayant de profiter de la faiblesse du directoire, ils excitèrent et armèrent des paysans, et répandirent leurs bandes sur toute la ligne de Toulouse à Saint-Martory. Leur chef était un certain Daguin; leur centre d'opération était Muret, qu'ils appelaient pompeusement la capitale des états du roi. Battus par le général Aubujois, ils s'y replièrent et y armèrent jusqu'aux femmes. Après avoir essuyé un échec à Verdun, faute de vivres et de munitions, les patriotes revinrent sur Muret. Aux premiers coups de canon, les femmes se sauvèrent presque toutes, et la ville fut emportée d'assaut. Toute la vengeance des vainqueurs fut de délivrer 100 républicains qui s'y trouvaient prisonniers.
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Muret : les maisons qui bordent la Garonne (début du XXe siècle).

La Bataille de 1213.
En 1212, Raymond VI à demi-écrasé par l'armée de Montfort, était allé trouver son beau-frère Pierre II , roi d'Aragon, et lui avait confié « ses terres, son fils et sa femme-». Les Aragonais et les Languedociens n'avaient en quelque sorte qu'une nationalité, et se sentaient bien plus portés les uns vers les autres que vers les hommes du nord. Pierre, d'ailleurs plein de générosité, embrassa la cause de ses voisins, en dépit des instances du pape, et passant les Pyrénées avec un millier de lances catalanes et aragonaises, vint assiéger Muret. A cette nouvelle, Raymond, qui venait de rentrer à Toulouse, fit crier à son de trompe que tout homme eut à s'armer et à rejoindre le roi d'Aragon devant Muret :

« tant de gens s'assemblèrent, dit le chroniqueur, que personne n'aurait pu compter ni estimer tout ce qui était là réuni, et l'on marcha droit à Muret, où Provençaux, Gascons et Aragonais se festoyèrent grandement les uns les autres. » (septembre 1213). 
Simon de Montfort quitta aussitôt Saverdun, et marcha sur Muret avec environ mille hommes d'armes, tout ce qu'il put rassembler; mais en revanche avec sept évêques et bon nombre de moines, de prêtres et de missionnaires.

Quelques-uns trouvaient son entreprise téméraire : un clerc lui en fit l'observation. Pour toute réponse, Montfort tira de son aumônière une lettre qu'il avait surprise, et qui était adressée par Pierre II à une noble dame du pays de Toulouse. Pierre, entre autres propos galants, l'assurait que c'était uniquement pour l'amour d'elle qu'il venait chasser les Français du pays.

« Eh bien, dit le clerc après avoir lu, que voulez-vous dire par là ? - Ce que je veux dire, s'écria Montfort, c'est que je ne dois guère craindre un roi qui marche contre Dieu pour l'amour d'une courtisane. »
 Les Provençaux voulant finir le jeu d'un seul coup,
« laissèrent les croisés entrer dans Muret. Les champions du crucifié, comme dit Puylaurens, avaient choisi pour livrer bataille le jour de l'exaltation de la Sainte-Croix. »
La nuit qui précéda fut employée par eux à prier, se confesser et communier. Il faut convenir que le camp des Méridionaux présenta un spectacle bien différent. Même légèreté dans la délibération des chefs sur le meilleur plan de bataille; Raymond, qui avait éprouvé la valeur de la cavalerie des croisés à Castelnaudary, conseillait de planter des palissades, d'attendre l'ennemi, et de le cribler de traits, après quoi, on en aurait facilement raison. 

Les seigneurs aragonais se récrièrent et traitèrent ce conseil de renardise. Ils se précipitèrent sur les croisés qui venaient de sortir de la ville , les y rejetèrent, mais à leur tour furent repoussés. Cette escarmouche fut le préliminaire de la grande bataille. Simon fit seller les chevaux et assembla ses hommes à la porte du Salat. Comme il montait lui-même à cheval en vue des ennemis, car il occupait une éminence, l'animal lui donna un coup de tête qui faillit le renverser. Les Provençaux accueillirent ce petit accident par des huées.
 « Vous vous riez de moi, leur cria Montfort, mais j'espère, avec l'aide de Dieu, vous donner aujourd'hui la chasse jusqu'aux portes de Toulouse.»
Cependant l'évêque Foulques, la mitre en tête, faisait adorer le bois prétendument de la vraie croix à tous les croisés. Tous les chevaliers et hommes d'armes descendirent de cheval pour l'adorer. Alors l'évêque de Comminges, autre personnage à deux faces, prêtre et guerrier en même temps, prit avec impatience le morceau de bois des mains de son collègue, et monté sur une éminence, il donna à tous la bénédiction : 
« Allez au nom de Jésus-Christ, leur dit-il, et je vous promets de sa part que ceux qui mourront en ce glorieux combat iront droit au ciel, pour jouir de la gloire des martyrs, même sans passer par le purgatoire, moyennant qu'ils se soient confessés et contrits, ou du moins qu'ils aient contrition avec un ferme propos de se confesser s'ils échappent de la mêlée. »
A en croire le moine Pierre de Vaux-Cernay, Monfort, ayant laissé dans Muret son infanterie, ne fit sortir que huit cents hommes tous à cheval, et les ennemis, toujours selon le même historien de la croisade, qui veut trouver un miracle dans cette bataille, en comptaient plus de cent mille. Mais il avait dans son armée le terrible Guillaume de Barres, le plus vaillant chevalier du XIIIe siècle, et aussi le frère bâtard de Raymond, Baudouin de Toulouse, que des raisons d'intérêt avaient fait passer à l'ennemi.

Simon de Montfort, voyant les siens ainsi préparés et absous, rangea son armée en bataille devant Muret : il la divisa en trois corps, « en l'honneur de la sainte Trinité. » Il prit le commandement de la réserve ou de l'arrière-garde, et ordonna d'avancer, tandis que les prêtres, et parmi eux saint Dominique, rentraient dans la ville et dans l'église où

 « ils se mirent à crier vers le Seigneur et à pousser au ciel de si grands mugissements, qu'ils semblaient plutôt hurler que prier. » 
Le roi d'Aragon qui, on l'a vu, n'avait pas voulu écouter le sage conseil de Raymond, fit donc-sortir sa cavalerie des retranchements, laissant l'infanterie à la garde du camp et marcha immédiatement contre l'ennemi. Le brave Bernard Roger, fils du comte de Foix, commandait la tête de la colonne où était la cavalerie catalane. Pierre II voulut commander le corps de bataille, tandis que sa place eut été plutôt à l'arrière-garde. Mais dans cette circonstance comme dans toutes celles de la bataille, son courage l'emporta sur la prudence. Il commit aussi la faute de se couvrir d'armes communes, ayant cédé les siennes à un simple chevalier, afin de n'être pas reconnu. Ce parti, qui avait son bon côté, lui réussit mal, on le verra, et fut la cause que les siens, ignorant ce déguisement, ne purent s'attacher à couvrir et défendre sa personne comme ils l'auraient fait s'il eût porté ses armes ordinaires. Le vieux Raymond commandait l'arrière-garde.
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La Bataille de Muret.
La Bataille de Muret (enluminure des Grandes Chroniques de France).

En général habile, Montfort, alors que l'attaque allait commencer, rentra dans Muret par la porte du côté de Toulouse, en sortit par la porte orientale; feignant de prendre la fuite, il déconcerta ainsi le roi. Mais ayant fait un long détour, il revint le prendre en flanc. Le roi d'Aragon, qui ne s'attendait pas à ce brusque retour, fut pris à l'improviste et attaqué avec la plus grande impétuosité. L'avant-garde de Montfort, commandée par Verle d'Encontre et par Bouchard de Marly, les deux plus vaillants capitaines des croisés, pénétrèrent jusqu'au centre des Catalans. Il y avait dans la colonne de Verle d'Encontre deux chevaliers, Alain de Roussy et Florent de Ville, qui avaient reçu ordre de Montfort de chercher à découvrir le roi d'Aragon, de s'attacher à ses pas jusqu'à ce qu'il fût mort. Ils couraient donc et atteignaient le chevalier affublé de l'arme royale, et celui-ci se défendait mollement. 

« Ce n'est pas le roi, s'écria Alain de Roussy, ce n'est pas le roi, car il est meilleur chevalier. » 
Ce propos flatteur, que Pierre qui n'était pas éloigné entendit, piqua son amour-propre. 
« Non, vraiment, leur cria-t-il en les joignant, ce n'est pas lui, mais le voilà devant vous » ;
 et en disant ces mots, il se redresse sur ses étriers, fait mordre la poussière à l'un des chevaliers de la suite de Roussy, et après cet exploit, il se rejeta dans la mêlée et y fit des prodiges de valeur. Mais Florent et Roussy ne le perdirent pas de vue, ils le suivirent avec les leurs, et l'ayant joint, ils l'attaquèrent si vivement, que, malgré sa défense héroïque et celle de quelques seigneurs qui, étant au fait de son déguisement, l'entouraient, il finit par succomber et tomba percé de mille coups.

Cette nouvelle terrible vola par toute l'armée dans ce cri :

« Le roi Peyre est mort! » 
Les Aragonais découragés, Simon de Montfort en profita pour les charger avec sa réserve; cependant, et quoique mis en désordre, ils disputèrent encore longtemps la victoire aux croisés; Montfort courut plus d'une fois risque de la vie. Alors que la cavalerie en était ainsi aux mains, l'infanterie, ayant quitté le camp, donnait un assaut à la ville de Muret; mais elle fut repoussée par celle des croisés qui remplissait la place. Foulques ayant envoyé un héraut d'armes à l'infanterie toulousaine pour l'engager à abandonner le comte et à mettre bas les armes, les Toulousains refusèrent de l'entendre, persuadés qu'ils étaient que le roi d'Aragonétait victorieux dans le combat que se livrait la cavalerie. Ils firent donc encore bonne contenance; mais dès qu'ils eurent appris sa mort et qu'ils virent la cavalerie se débander, ils coururent en désordre vers la rivière où ils avaient rassemblés un très grand nombre de bateaux. 

Montfort qui avait ordonné à la cavalerie de ne pas poursuivre les Aragonais, s'en servit alors contre cette infanterie, se sauvant à la débandade; celle renfermée dans Muret en sortit pour se mettre aussi à la poursuite des fuyards, dont on fit un grand carnage avant qu'ils eussent pu gagner les bateaux. Une partie fut noyée, une autre se sauva vers Toulouse dans toutes les directions; ceux qui purent s'embarquer y arrivèrent aussi, et y portèrent la nouvelle de ce désastre.

L'armée toulousaine perdit près de vingt mille hommes dans cette journée, où sa cavalerie seule combattit; la fuite ne fut qu'une déroute sans combat et par suite une boucherie. Les comtes de Foix, de Comminges et le comte de Toulouse regagnèrent cette ville; les croisés s'emparèrent de leur camp, et y firent un butin immense en provisions, attelages, bêtes de somme, etc.

On raconte qu'un soldat étant venu dire à Montfort que l'on avait trouvé le roi d'Aragon parmi les morts, il se fit conduire auprès du cadavre, 

« et, descendant de cheval, il pleura sur lui comme un autre David sur Saül; et ayant quitté le cuissard et les bottines, il s'en retourna nu-pieds à la ville rendre grâces à Dieu, pour l'amour duquel il donna son cheval et ses armes aux pauvres. » 
Cette victoire, célébrée par le vainqueur avec un tel excès d'humilité, jeta le deuil dans le coeur de tous les Provençaux, car elle leur annonça leur prochain asservissement.
« Moult fut grand le dommage et le deuil, s'écrie un troubadour, quand le roi d'Aragon resta mort et sanglant avec moult d'autres barons; le monde entier en valut moins, et toute la chrétienté en fut abaissée et honnie. »
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Dictionnaire Villes et monuments
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