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Henri II, de Trastamare

Henri II, le Vieux, est un roi de Castille, plus souvent nommé Henri ou Enrique de Trastamare (non Transtamare, comme un l'écrit parfois), anc. de Trastamara,  Trestamera, Trastamena , né en 1332 ou 1333, mort le 29 mai 1379. Il était fils naturel d'AIphonse XI et de Leonor de Guzman. Encore tout enfant, il fut nommé comte de Trastamara, titre alors très rare en Espagne, et accompagna son père au siège de Gibraltar où le roi de Castille mourut de la peste, le 27 mars 1350. Alphonse XI eut pour successeur Pedro Ier, surnommé le Cruel ou plutôt le Justicier, né de la reine Marie de Portugal. 

Les troubles commencèrent la même année. A la suite d'une première prise d'armes inutile, le comte don Henri obtint sa grâce du nouveau roi. Vers cette époque, il prit secrètement pour femme doña Juana, fille de Juan Manuel, sire de Villena, poussé par Leonor de Guzman, qu'Albuquerque, le conseiller tout-puissant, fit tuer au château de Talavera, à la prière de la reine mère (1350 suivant Mariana; 1351, dit la Chronique d'Ayala). Après cet événement tragique, le comte de Trastamara s'enfuit au Portugal. Les deux frères se réconcilièrent à l'entrevue de Ciudad-Rodrigo (1351). 

A peine la paix était-elle faite, que le comte courut soulever les Asturies. Pedro Ier assiégea Gijon en personne et réduisit les rebelles. Leur chef, réfugié dans la montagne, fit sa soumission (1352). L'année suivante, ils faillirent en venir de nouveau aux mains. Comme le roi épousait Blanche de Bourbon à Valladolid, le comte voulut entrer dans la ville, mais accompagné d'un si grand nombre d'hommes d'armes qu'il paraissait être moins venu pour l'honorer que pour le braver. On parlementa. Enfin, don Henri mit un genou en terre devant sa troupe, et baisa le pied et la main de son frère. Il le trahit presque aussitôt et passa du côté d'Albuquerque, alors en révolte contre le roi de Castille. 

Les autres bâtards d'Alphonse XI, don Tello et don Fadrique, maître de Santiago, entrèrent dans cette ligue. Tous trois oubliaient la part prise par Albuquerque à l'assassinat de leur mère, Leonor de Guzman. Fernand de Castro, seigneur de Galice, les rejoignit avec don Juan de La Cerda. Tolède prit les armes au nom de la reine Blanche délaissée le lendemain du mariage. Nombre de villes suivirent cet exemple, et les milices communales renforcèrent l'armée confédérée. Pedro ler devint prisonnier des rebelles à Toro, où il subit quelque temps leur volonté, dure humiliation qu'il n'oublia jamais (1354). Le roi s'enfuit et ressaisit le pouvoir. 

La ligue dissoute, les bâtards tenaient encore la campagne; ils réussirent même à pénétrer dans Tolède; on y massacra 1200 juifs. Les royalistes emportèrent la ville d'assaut (1355). A l'approche du roi, don Henri quitta Toro pour se réfugier en Galice, auprès de Fernand de Castro. Il obtint un sauf-conduit, vint en France et entra au service du roi Jean (1356). Sur ces entrefaites, la guerre com mençait entre Pedro ler de Castille et Pedro IV d'Aragon.

Rappelé par l'Aragonais, le comte prit une large part à cette lutte. Il envahit la Castille du côté de Soria (1358), battit l'ennemi près d'Arabiana (1359), mais fut vaincu à Nàjera, où sa tente et sa bannière tombèrent aux mains des Castillans (1360).  Lorsque Pedro IV eut enfin fait la paix, don Henri reprit la vie d'aventurier en terre française. Ne pouvant plus piller l'Espagne, il mit à sac la sénéchaussée de Carcassonne et vendit ses routiers au plus offrant (1361). 

Attaqué de nouveau, Pedro IV eut recours au comte qui lui amena 3000 lances. Tous deux s'engagèrent, par le traité secret de Monzon, à détrôner Pedro Ier. Un sixième de la Castille devait appartenir à l'Aragon (31 mars 1363). La même année, ils renouvelèrent leur convention à Benifar (10 octobre). Le prétendant promit de céder le royaume de Murcie et dix villes importantes le jour où il arriverait au trône. Pedro IV et lui forcèrent le roi de Castille à lever le siège de Valence (1364) et prirent Murviedro (1365). 

A la fin de l'année 1365, les grandes compagnies, conduites par Du Guesclin, franchirent les Pyrénées, à l'appel du comte et du roi d'Aragon. Entrées en Castille, elles occupèrent Calahorra sans résistance et proclamèrent roi le bâtard de Trastamara, sous le nom de Henri II (16 mars 1366). Il fut couronné à Burgos, que Pedro Ier venait d'abandonner après avoir délié les habitants du serment de fidélité. En vingt-cinq jours, les villes et châteaux de Castille avaient fait leur soumission, y compris Tolède. Pedro Ier partit pour Bayonne avec ses enfants et ses trésors. 

Le nouveau règne commença par des largesses insensées. Il fallut payer les trahisons, rassasier les aventuriers de France et d'Angleterre. Du Guesclin reçut le comté de Trastamara, la seigneurie de Molina et le titre de connétable de Castille. Hugh de Calverly devint comte de Carrion; les Aragonais eurent large part aux dépouilles. Henri Il démembrait le royaume qu'il prétendait avoir délivré. Il y gagna le surnom d'Enrique el de las mercedes (Henri, celui des grâces). Congédiant au plus tôt ses terribles alliés, le roi ne retint auprès de lui que 1500 lances, commandées par Du Guesclin et Hugh de Calverly. Les Cortès, assemblées à Burgos, reconnurent son fils don Juan héritier de Castille et Léon. Cependant Pedro ler, qui venait d'obtenir l'aide du prince Noir, fils d'Edouard lll, s'apprêtait à reconquérir son royaume. Les Anglais passèrent les Pyrénées; Henri Il fut défait à la journée de Najera ou de Navarrete, Du Guesclin fait prisonnier avec le vieux maréchal d'Audeneham, le chroniqueur Ayala et nombre de gentilshommes espagnols et français (3 avril 1367). 

Pedro Ier remonta sur le trône. Don Henri s'enfuit en France où il reçut de Charles V le comté de Cessenon, près de Béziers, le château de Pierre-Pertuse, de plus une pension et des subsides secrets. Ségovie, Avila, Valladolid, une partie des provinces basques s'étaient révoltées aussitôt après le départ des Anglais. Don Henri reparut en Espagne. Il n'avait que 400 lances, mais ses nombreux partisans s'armaient de toutes parts; ils lui livrèrent Calahorra, puis Burgos où fut pris le roi titulaire de Majorque, Jayme III, l'époux de Jeanne de Naples. Pedro Ier aux abois lança les Maures grenadins sur l'Andalousie; ils la ravagèrent sans pitié, mais échouèrent devant Cordoue (1368). Du Guesclin, dont Charles V venait de payer la rançon, rejoignit don Henri sous Tolède qu'il assiégeait. Le 14 mars 1369, Pedro Ier était vaincu à Montiel. La nuit du 23, son frère l'assassinait à coups de dague, dans la propre tente de Du Guesclin.

A peine restauré, le bâtard fratricide eut à lutter contre Fernand de Castro, soutenu par Ferdinand de Portugal, et contre Mohammed V de Grenade qui prit et détruisit Algesiras (1369). Pedro IV d'Aragon et Charles le Mauvais l'attaquaient en même temps. La flotte castillane détruisit les vaisseaux portugais dans le Guadalquivir (1370), et vainquit les Anglais devant La Rochelle, où le comte de Pembroke fut fait prisonnier (1371 ou 1372).

En 1372, le roi de Castille secourut Charles V avec quarante navires, sous le commandement de Ruy Diaz de Rojas. La même année, il rachetait à Du Guesclin les terres d'Atienza, Almazan et Soria pour 240,000 doubles. (La somme ne fut payée au connétable qu'en 1374; une part en argent, le reste en prisonniers qu'il devait mettre à rançon, entre autres le comte de Pembroke; il avait reçu précédemment un captif plus illustre, Jayme de Majorque). 

La guerre continuait toujours avec le Portugal. Henri II s'empara de Viseo (Viseu), envahit le pays et vint jusqu'à Lisbonne que douze galères bloquaient par mer. Le cardinal de Bologne, légat du pape, réussit à réconcilier les deux souverains à l'entrevue de Santarem. Charles le Mauvais dut restituer les villes de Vittoria et de Logrono (1373). Jean de Lancastre, un fils d'Edouard III, réclamait le royaume de Castille, en vertu de son mariage avec une fille de Pedro Ier. Henri II assiégea Bayonne, mais sans résultat, le duc d'Anjou n'ayant pu le rejoindre. Il fut plus heureux sur l'Océan; sa flotte, réunie à celle de Charles V, ravagea les côtes anglaises, avec Ferrand Sanchez de Tovar et Jean de Vienne (1374). 

Trois ans après, il reçut une ambassade du roi de France et tous deux s'unirent plus étroitement contre l'Angleterre. La guerre reprit entre la Castille et la Navarre. Charles le Mauvais voulut surprendre Logroño; il échoua. L'infant don Juan entra dans son royaume et conquit quelques places, entre autres Viana. Les Castillans mirent à sac les environs de Pampelune et ne se retirèrent qu'à l'hiver (1378). Menacé d'une nouvelle attaque, Charles le Mauvais s'empressa de traiter; il livrait vingt châteaux et congédiait ses alliés anglais et gascons. Le roi de Castille lui restituait tout ce qu'il avait pris et lui prêtait même une forte somme d'argent (1379). 

A la suite d'une entrevue avec le Navarrais, à Santo Domingo de la Calzada, Henri II tomba malade. Se sentant mourir, il revêtit le froc, et s'adressant à ceux qui l'entouraient, il leur dit : 

« Priez l'infant don Juan, mon fils, d'être toujours ami de la maison de France, de laquelle j'ai reçu si grand aide. Je demande également qu'on mette en liberté tous les prisonniers chrétiens qui sont en mon royaume, anglais, portugais ou d'autres nations. » (Chronique d'Ayala). 
On accusa le roi de Grenade de l'avoir empoisonné au moyen de brodequins moresques qu'il lui avait envoyés. Lors du schisme de l'Eglise, Henri II avait refusé, en 1378, de se prononcer entre Urbain VI de Rome et Clément VII d'Avignon, malgré l'ambassade de Charles V qui le pressait de reconnaître ce dernier. Henri Il eut pour successeur Juan Ier né de la reine doña Juana. 

Un poète du XIVe siècle, Pero Ferrus, écrivit un poème à l'éloge de ce roi (Cancionero de Baena). Perez de Guzman consacre à le louer quatorze strophes de ses Claros varones. (Lucien Dollfus).

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