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La
première croisade
Si Grégoire
VII conçut le premier l'idée d'une expédition
armée en faveur des chrétiens d'Orient, c'est à Urbain
Il que revient la responsabilité d'avoir donné à ce
projet une forme et un objectif bien définis. Sans nous arrêter
aux légendes qui se formèrent dès la fin du XIe
siècle, prétendue lettre d'Alexis
Comnène au comte de Flandre, pèlerinage
et vision de Pierre l'Ermite, nous allons
exposer le peu de faits certains que l'on connaisse. Soit dans le désir
d'affirmer ses droits à la tiare que lui disputait l'antipape
Guibert, archevêque de Ravenne, soit pour créer une diversion
favorable aux chrétiens d'Espagne, accablés par les Almoravides
(on savait si peu de chose alors de l'état politique du monde musulman
que cette dernière hypothèse n'est pas absolument invraisemblable),
le pape Urbain II se résolut à prêcher et à
faire prêcher la guerre sainte. Peut-être fut-il question de
cette rave affaire au concile
de Plaisance (mars 1095), mais ce tut
certainement au concile de Clermont tenu au mois d'août suivant que
la première croisade fut décidée. Urbain, dans un
discours ardent, dont la substance nous a été conservée,
invitait tous les fidèles à s'armer pour secourir leurs frères
captifs, pour arracher les lieux saints à la tyrannie et aux insultes
des mécréants; il invoquait le témoignage des chrétiens
d'Occident, victimes des cruautés des Turcs,
promettait la vie éternelle à ceux qui succomberaient pour
cette sainte cause. Cette parole enflammée souleva l'Europe entière;
la ferveur religieuse, le goût des aventures et de la vie active,
le besoin instinctif de fuir les misères de l'existence, telles
sont les causes principales de la première croisade.
Des prédicateurs populaires se chargèrent
de propager la bonne parole. Le plus célèbre fut Pierre
l'Ermite; il n'avait jamais pu, quoi qu'en dise la légende,
visiter Jérusalem et il n'avait
certainement rien fait pour décider Urbain II à prêcher
la croisade. Mais, une fois l'expédition résolue, on le voit
parcourir la France, la Flandre et l'Allemagne et déterminer des
milliers de chrétiens à le suivre. Après un hiver
entier consacré à ces prédications, il arrive à
Cologne (avril 1096) et quitte bientôt
cette ville, suivi de quelques chevaliers et d'une foule de pauvres gens,
multitude sans discipline et sans prévoyance; un peu avant lui,
une troupe de Français était partie, guidée par un
chevalier du Parisis, Gauthier sans Avoir; elle atteignit Constantinople
dès le mois de juillet. La marche de Pierre devait être plus
lente et plus difficile. Après avoir débuté par massacrer
les Juifs de Cologne, de Spire
et de Mayence ,
ses bandes traversent paisiblement l'Allemagne entière, la Hongrie
dont le roi Coloman leur fournit des vivres, et passe le Danube à
Semlin. Plus loin, en Bulgarie, les difficultés commencent. Une
partie des croisés périt sous les murs de Nisch, et les survivants
n'atteignent Constantinople que le 30 juillet. Alexis, qui juge qu'il n'a
rien à gagner avec de pareils auxiliaires, se hâte de les
faire passer en Asie, en leur donnant l'avis charitable d'éviter
les Turcs. Vain conseil : les pèlerins allemands provoquent les
Sarrasins et s'avancent au delà de Nicée.
Battus une première fois le 29 septembre, enfermés dans la
forteresse de Xérigordon, ils sont forcés de se rendre et
massacrés. Le reste de l'armée tombe dans une embuscade près
de Nicomédie et à Civitot; des vaisseaux envoyés par
Alexis ramènent les débris de l'armée en Europe; la
plupart des survivants n'ont plus qu'un désir, rentrer chez eux
(octobre 1096).
D'autres bandes commandées par
Gottschalk, Volkmar, Emich, comte de Leiningen, avaient de même succombé;
mais la chevalerie européenne approchait et allait changer la face
des affaires. Les innombrables guerriers, nobles et autres, qui avaient
pris la croix, avaient formé dès le début trois ou
quatre armées. La première, composée de Lorrains et
d'Allemands, prend pour chef Godefroy de Bouillon,
duc de Basse-Lorraine, et ses frères Eustache et Baudouin de Boulogne ;
elle traverse l'Allemagne, la Hongrie, la Bulgarie et la Thrace en bon
ordre et atteint Constantinople le
23 décembre
1096. La deuxième,
composée de Flamands et de Frisons,
sous Robert de Flandre, y arrive en avril 1097.
La troisième, les Provençaux et les gens du centre de la
France, sous Raimond de Saint-Gilles, comte de Toulouse et marquis de Provence,
arrivent vers le même temps après avoir passé par l'Italie
du Nord, la Dalmatie et
l'Epire .
Bohémond et son neveu Tancrède amènent par mer, de
Brindisi à Durazzo, puis par terre, à travers l'Epire et
la Thrace, les contingents italiens et les Normands du Sud de l'Italie.
Enfin, en mai 1097, Robert de Normandie
et Étienne, comte de Blois, passent
le Bosphore
à leur tour. Chaque corps au début agit isolément;
rarement les soldats ou les chefs arrivent à s'entendre; il n'y
a qu'un chef nominal, le légat, Adhémar
de Monteil, évêque du Puy. Le véritable chef de
la croisade, jusqu'à la prise d'Antioche,
sera Bohémond; plus tard, la direction suprême passera plutôt
à Raimond de Saint-Gilles; à aucun moment Godefroy ne joue
dans toute cette longue campagne le rôle prépondérant
que la tradition lui a prêté.
Pendant tout l'hiver de 1096-1097,
les négociations sont incessantes entre Alexis, qui vent s'assurer
la possession exclusive des futures conquêtes des croisés
et les princes occidentaux, qui comptent bien se créer des établissements
aux dépens des Turcs, sans trop se soucier des droits de l'empereur
de Byzance. Bohémond décide
la plupart de ses alliés à prêter à Alexis un
hommage tout platonique; l'empereur leur fournit des vaisseaux et des vivres,
et cette immense multitude, aussi nombreuse que les sables de la mer et
les étoiles du ciel, disent les chroniqueurs, est bientôt
transportée en Asie (avril-mai 1097).
La première ville à réduire était Nicée,
capitale du sultan Kilidj-Arslan. Ce prince, rassuré par la défaite
des compagnons de Pierre l'Ermite, était alors absent; la place
attaquée à la fois par terre et par eau (les vaisseaux grecs
occupaient le lac Ascanique) est forcée de se rendre après
un mois de résistance (15 mai - 19 juin). Alexis en prend possession
et l'armée des croisés se met en marche vers l'est (27 juin).
Trois jours plus tard (1er juillet), elle
se heurte contre l'armée de secours, commandée par l'émir
Soliman à Dorylée; la bataille, grâce à la prudence
de Bohémond, est décisive, les Turcs écrasés
et les chrétiens continuent leur marche. Ils pouvaient compter sur
l'appui des populations chrétiennes, indignement foulées
par les musulmans, et sur l'alliance du royaume chrétien d'Arménie,
qui s'était depuis peu constitué au Nord-Est du Taurus. Aussi
pendant plusieurs mois la marche en avant est-elle ralentie; tandis que
le gros de l'armée gagne Césarée
de Cappadoce ,
Tancrède et Baudouin poussent une pointe en Cilicie ;
ce dernier devait un peu plus tard aller conquérir Edessesur
le prince arménien Thoros, et y fonder la principauté de
ce nom. Enfin, le 24 octobre 1097,
l'armée atteint Antioche. Cette ville
était encore l'une des plus importantes de la Syrie et la clef du
pays. Elle avait pour maître l'émir Yaghi-Sijan, l'un des
chefs turcs qui se partageaient la Syrie, les uns favorables aux Fatimides
d'Égypte, les autres alliés du calife
de Bagdad ,
comme le sultan seldjoukide Bark-Jarok,
comme Doukâk, prince de Damas; Yaghi-Sijan comptait sur leur concours
et sur celui de la plupart des autres princes musulmans.
Le siège commença immédiatement,
mais sans suite, sans ardeur. Les croisés quittaient journellement
le camp pour aller battre le pays et se procurer des vivres; beaucoup périssaient
dans ces escarmouches, et le pays ravagé et ruiné fut bientôt
hors d'état de nourrir l'armée de la croix. La misère
devient alors effroyable, au dire des chroniqueurs; on en arrive à
se disputer les nourritures les plus immondes; les provisions apportées
au milieu de l'hiver par la flotte de la Méditerranée raniment
un peu les forces, mais la maladie, le typhus succèdent à
la famine; l'expédition semble bien compromise.
Cependant Doukâk, seigneur de Damas,
se disposait à secourir la place. Une première armée
envoyée par lui est détruite après un rude combat
par Bohémond et Robert de Flandre (31 décembre 1097);
une autre, commandée par Ridwan d'Alep
et ses alliés, subit le même sort le 9 février 1098;
mais bientôt le bruit se répand que des forces considérables
s'approchent sous la conduite de Kerbogha, seigneur de Mossoul .
Quelques-uns des princes chrétiens comprennent que l'armée
est perdue, si Antioche n'est pas prise
avant l'arrivée de Kerbogha. Bohémond, qui convoite cette
place et qui a déjà noué des intelligences avec les
assiégés, s'en fait garantir la possession par ses confédérés,
et le 2 juin 1098 les troupes chrétiennes
entrent dans la ville grâce à la trahison d'un renégat
arménien nommé Firouz. Le massacre est horrible comme toujours,
Yaghi-Sijan est tué; son fils, avec quelques fidèles, parvient
à gagner la citadelle.
La prise d'Antioche
arrivait à point. Le 5 juin, Kerbogha paraissait avec une armée
considérable que les chroniqueurs estiment à cinq cent mille
ou même six cent mille hommes; l'émir avait perdu inutilement
trois semaines devant Edesse énergiquement
défendue par Baudouin. A peine arrivé, il bloque la ville,
et se dispose à la réduire par la famine. La situation était
critique; point de vivres, la peste ( Les
pestes au Moyen âge), aucun espoir de secours. Dès janvier,
un certain nombre de croisés de distinction, dont Pierre
l'Ermite lui-même, avaient fui Antioche; ces désertions
se multiplient, beaucoup de croisés cherchent à percer la
ligne de blocus, et ceux qui y réussissent, tel Étienne,
comte de Blois, ne se laissent pas ramener
au camp comme Pierre l'Ermite. Chez ceux qui restent, les privations, les
misères accrues par les souffrances de l'été syrien
surexcitent le sentiment religieux; les prétendues visions se multiplient;
enfin, le 14 juin, sur les indications d'un illuminé, un prêtre
provençal nommé Pierre Barthélemy, le comte de Toulouse
découvre dans l'église de Saint-Pierre la lance qui, disait-on,
avait percé le flanc du Christ en croix. Cette découverte
relève les esprits, le courage se ranime; on nomme Bohémond
chef suprême de l'armée pour quatorze jours. Des députés
envoyés à Kerbogha pour demander la levée du siège
n'obtiennent qu'une réponse méprisante, le choix pour les
chrétiens entre la mort ou la conversion à l'islam .
Il devenait urgent de combattre; le 28 juin, les princes conduisent contre
les hordes de Kerbogha une armée de misérables amaigris et
faméliques. Mais le fanatisme
religieux leur donne des forces; en quelques heures, ils dispersent la
multitude ennemie, et, dans leur naïveté, ils attribuent leur
triomphe à des cavaliers célestes que tous ont cru voir de
leurs yeux d'hallucinés.
La partie était gagnée et
les Turcs vaincus pour longtemps. Pendant tout l'été, l'armée
reste à Antioche, en proie à
la peste; le légat
Adhémar
de Monteil périt le ler
août
1098.
En même temps, de violentes querelles éclatent entre Raimond
de Saint-Gilles et Bohémond pour la possession de la ville, et cependant
Alexis, qui ne cache plus son hostilité contre les croisés,
reconquiert la majeure partie de l'Asie Mineure. L'expédition risquait
d'avorter misérablement; les chefs, y compris Godefroy
de Bouillon, paraissaient disposés à reprendre la route
de l'Europe; la masse des pèlerins, moins soucieuse de politique
que ses chefs, se décide à marcher vers le sud, à
accomplir entièrement le voeu fait. Elle entraîne avec elle
Raimond lui-même, qui doit les commander ou plutôt les suivre,
et se dispose à conquérir place après place toutes
les villes qu'il rencontre sur la route (fin novembre 1098).
Il dépense trois mois à ces sièges inutiles; l'hostilité
entre lui et Bohémond devient de plus en plus violente, si bien
que le comte de Toulouse, seul des princes croisés, rentre en négociations
avec Alexis. Enfin la foule l'emporte, et l'armée quittant l'intérieur
se rapproche de la côte pour rester en communication avec la flotte
chrétienne (mai 1099). Les villes
ouvrent leurs portes sans résistance, tant les victoires sous Antioche
ont frappé de terreur les émirs musulmans, et, le 7 juin,
les derniers survivants de la grande armée, vingt mille, dit-on,
arrivent devant la ville sainte. Là les dissensions recommencent,
et beaucoup de barons quittent l'armée pour aller à la hâte
s'assurer des villes du Jourdain et de la mer Morte en y plantant leurs
bannières.
Faible est le nombre des pèlerins qui, fidèles à leurs
voeux, approchent de la ville sainte en pénitents et les pieds nus.
Depuis quelques mois, Jérusalem
avait changé de maîtres. Les Fatimides d'Égypte avaient
dès le début résolu de profiter de l'arrivée
des croisés pour rentrer en possession de la Palestine ,
conquise par les Turcs vingt ans plus tôt. Les chrétiens avaient,
de leur côté, noué avec le Caire
des négociations, envoyé dans cette ville une ambassade;
soins inutiles, les intrigues d'Alexis, toujours hostile aux Occidentaux,
la maladresse des ambassadeurs, la perfidie des Égyptiens rendent
ces efforts infructueux, mais ces derniers en profitent pour rentrer dans
Jérusalem (août-septembre
1098),
en faisant croire aux Turcs, défenseurs de la ville, qu'ils arrivent
comme alliés des croisés. Le siège de Jérusalem
traîne en longueur; enfin, après de longues discussions, les
chefs croisés estiment qu'il faut en finir. Ils font avec l'aide
des ingénieurs de la flotte chrétienne élever de puissantes
machines, ravitaillent le camp par Joppé, et, le 15 juillet 1099,
une brèche est pratiquée dans l'enceinte, à trois
heures, à l'heure supposée de la mort de Jésus
sur le Golgotha. Le massacre est terrible; tout ce que la ville renferme
de musulmans est passé au fil de l'épée; le sang,
dans l'église du Saint-Sépulcre, atteignait le jarret des
chevaux. Godefroy de Bouillon, appuyé
par ses frères, le comte d'Édesse
et Eustache, est proclamé baron du Saint-Sépulcre. L'Égypte,
au surplus, allait tenter un nouvel effort; au mois d'août Godefroy
apprend que le vizir du Caire, Al-Afdhal, arrive avec vingt mille Éthiopiens
et des troupes bédouines; il rassemble à la hâte tous
les hommes valides restés en Terre sainte, marche à l'ennemi
et le met en fuite près d'Ascalon .
Le royaume latin de Jérusalem
était fondé.
Cependant les prédications pour
la croisade continuaient en Europe : Urbain II, mort le 29 juillet 1099,
son successeur Pascal n'avait rien négligé pour exciter les
chrétiens à voler au secours de leurs frères. Moines
et jongleurs parcouraient l'Occident, racontant mille merveilles de la
Terre sainte; on lisait avec admiration et envie les lettres des croisés,
bulletins naïfs dont quelques-uns sont parvenus jusqu'à nous.
Dès 1099, des flottes pisanes,
génoises et vénitiennes sont venues ravitailler l'armée
de la croix ; le mouvement s'accentue en 1100,
et une immense multitude, conduite autant par le goût des aventures
que par l'enthousiasme religieux, se met en marche. Les Lombards et quelques
Allemands sont prêts les premiers et atteignent Constantinople
en mars 1101; on estime à près
de trois cent mille guerriers la force de ce contingent. Alexis, qui ne
perd aucune occasion de profiter de la croisade, séduit les chefs
et leur donne des guides qui doivent les mener à Siwas, dans l'ancienne
Cappadoce, où Bohémond est prisonnier depuis un an. Mal conduits,
sans provisions, sans vivres, les malheureux pèlerins, après
quelques légers succès, sont rejoints sur les bords de l'Halys,
près d'Amasie, par les Seldjoukides.
L'armée presque entière périt (1101);
quelques princes, échappés au carnage, gagnent péniblement
Sinope et retournent à grand-peine à Byzance. Là ils
trouvent une seconde armée, composée d'Allemands et de Français,
sous les ordres du duc d'Aquitaine ,
Guillaume de Poitiers, et de Welf, duc de Bavière. Après
beaucoup d'hésitations, cette armée s'enfonce à son
tour en Asie Mineure. Elle atteint heureusement Héracléa,
sur les frontières d'Arménie, mais pour essuyer près
de cette ville une défaite décisive. La plupart des chefs
de marque périssent; quelques autres, dont Guillaume de Poitiers,
échappent à grand-peine et par la Cilicie
gagnent Antioche. Ces désastres répétés
découragent les chrétiens d'Occident, et il faudra les prédications
de saint Bernard pour les entraîner
de nouveau en Terre sainte.
La
deuxième croisade
Pendant plus de quarante ans, en effet,
il n'est plus question de croisade. La situation de l'Europe, qui s'est
lentement modifiée, donne de tels soucis à la papauté
que les successeurs d'Urbain II en oublient la Terre sainte. La société
laïque s'est développée et elle est devenue moins accessible
aux idées enthousiastes qui avaient donné naissance au mouvement
de 1095. Pour ranimer le zèle
un peu attiédi, il faudra un grand désastre. Cependant le
royaume latin de Jérusalem
s'est peu à peu affermi, mais la situation des Latins reste difficile;
d'une part les musulmans n'ont point désarmé et continuent
la lutte au Nord, à l'Est et au Sud, et d'autre part les empereurs
grecs qui n'ont point renoncé à l'espoir de recouvrer les
anciennes possessions asiatiques de Byzance, se montrent hostiles aux nouveaux
venus, et les princes d'Antioche sont sans cesse en guerre avec eux. L'émir
de Mossoul ,
Imad-eddin-Zengui, profite de ces divisions et redouble ses attaques contre
le comté d'Édesse, poste avancé de la domination chrétienne
vers l'Euphrate et l'ancienne Mésopotamie. Le comte Joscelin défend
vigoureusement sa capitale, mais le prince d'Antioche, engagé dans
une campagne contre le nouvel empereur Manuel Comnène, ne peut rien
pour lui. La reine de Jérusalem, Mélissende, est également
impuissante. La place succombe (novembre 1144)
et avec elle tout le comté qu'Imad-eddin soumet en quelques mois.
La situation paraît tellement menaçante que les barons francs
se résolvent à réclamer le secours de leurs frères
d'Europe et députent à Eugène III (novembre 1145).
La France semblait la plus intéressée
à secourir les Latins; tout l'y conviait: relations de famille,
souvenirs de 1095. Aussi est-ce à
la chevalerie française que le prédicateur de la nouvelle
croisade, saint Bernard, s'adresse tout
d'abord. Le roi Louis VII, qui désire
expier l'épouvantable massacre de Vitry
et accomplir le pèlerinage que son frère aîné,
Philippe, mort trop jeune, avait promis de faire, donne l'exemple à
sa noblesse, qui, animée d'un saint zèle, prend la croix
à la voix de l'abbé de Clairvaux
(assemblées de Bourges, Noël 1145,
et de Vézelay, Pâques 1146).
Le pape Eugène III s'est dans l'intervalle résolu à
faire directement appel au monde chrétien et à lancer une
encyclique décrétant une nouvelle croisade. La même
exaltation a gagné l'Allemagne, où elle s'est traduite suivant
l'usage par le massacre des juifs ( La
diaspora juive). Saint Bernard, appelé sur les bords du Rhin,
recommence ses prédications avec le même succès qu'en
France et décide sans peine l'empereur Conrad
de Souabe
à prendre lui-même la croix (Noël 1146,
diète de Spire); avec l'empereur se croisent les principaux barons
du royaume germanique et parmi eux Frédéric Barberousse.
Pris du même zèle, les Saxons décident de se lever
en masse contre les païens slaves de l'Elbe, contre les Wendes. Enfin
le mouvement gagne la Frise ,
la Néerlande et l'Angleterre.
L'armée de la croisade se divise
en trois corps. Le premier, composé des Allemands, sous Conrad,
se rassemble dans la Marche de l'Est (Autriche )
dès juin 1147, traverse la Hongrie
sans peine, éprouve de longs retards en Thrace
et en Macédoine
et atteint la mer d'Orient le 7 septembre. Après un orage épouvantable,
qui éprouve fort les pèlerins, les croisés gagnent
Constantinople
et passent en Asie dans le même mois. L'empereur Manuel, pourtant
allié fidèle de Conrad, n'était pas taché d'éloigner
le plus tôt possible de sa capitale ces dangereux auxiliaires. Les
difficultés commencent bientôt. Attaquée par la cavalerie
légère des Seldjoukides,
la lourde chevalerie allemande met huit jours à faire la route entre
Nicée
et Dorylée. Le manque de vivres, la difficulté des chemins
obligent Conrad à une retraite désastreuse; il se réfugie
à Nicée, puis à Constantinople, comptant gagner la
Syrie par mer. Une troupe de 15 000 Allemands sous le duc de Carinthie ,
Bernard, et l'évêque historien Otton
de Freisingen, avait quitté l'armée dès Nicée;
elle parvient en côtoyant la mer Egée
à gagner Laodicée ,
puis les côtes de Pamphylie, où l'évêque et les
derniers survivants s'embarquent pour la Syrie. La principale armée
de la croisade est détruite. Restaient les Français.
Ceux-ci, partis de Metz
en juillet 1147, avaient péniblement
traversé la Germanie, la Hongrie et la Thrace; Manuel Comnène,
qui redoutait en eux les alliés de son ennemi mortel, Roger de Sicile,
veut leur faire traverser l'Hellespont et non le Bosphore .
Louis
VII persiste à gagner Constantinople,
qu'il atteint le 4 octobre. Les Français, auxquels les Grecs ont
fait de faux rapports de prétendus succès des Allemands,
demandent à grands cris à passer la mer. Manuel ne les retient
que le temps d'arracher aux barons un serment de vasselage pour leurs futures
conquêtes et les transporte en Asie Mineure (26 octobre). Quelques
jours plus tard, Louis VII rencontre Conrad et ses barons et apprend de
leur bouche le désastre de Dorylée. Devenu plus prudent,
le roi de France se décide à longer la côte. A Éphèse,
par malheur, il tombe malade et l'armée n'atteint le Méandre
qu'au commencement de décembre. De là on gagne à travers
mille difficultés Antioche de Lycie,
puis Laodicée, ou les attaques des Seldjoukides toujours renouvelées
décident les Français à descendre vers la côte.
Les Templiers, qui guident l'armée,
y rétablissent l'ordre tant bien que mal, et conduisent les pèlerins
à Attalia .
Là nouveau mécompte; ni vivres pour les hommes, ni foin pour
les chevaux. Désespéré, Louis VII se décide
à cingler vers la côte syrienne avec quelques barons fidèles.
Des guides grecs s'engagent à conduire vers la Cilicie
les débris de l'armée. Bien peu des pèlerins ainsi
abandonnés atteindront la Palestine (février
1148).
Le désastre était complet.
Les faibles secours arrivés d'Occident ne permettaient plus de songer
à un siège d'Edesse. Les princes
chrétiens se décident à entreprendre le siège
de Damas. C'était une imprudence. Moïn-eddin-Anaz, ministre
des princes de Damas et y exerçant l'autorité sous leurs
noms, s'était montré l'ami des chrétiens; on allait
le forcer à s'allier à Nour-eddin, fils et successeur de
Imad-eddin. Les croisés, conduits par le roi Louis et l'empereur
Conrad, qui vient d'aborder en Syrie, et renforcés par les contingents
de Jérusalem, marchent sur Damas
(juillet 1148). La place vigoureusement
défendue et couverte par des jardins et des plantations que Moïn-eddin
a transformés en ouvrages avancés, résiste, et l'approche
de Nour-eddin oblige les princes chrétiens à lever le siège
(28 juillet). Les croisés ne pensent plus dès lors qu'au
retour. Dès le 8 septembre, Conrad part : Louis
VII séjourne à Jérusalem jusqu'à Pâques1149,
puis regagne péniblement la France, en passant par la Sicile et
par l'Italie. L'incapacité militaire des chefs avait fait échouer
la seconde croisade. Saint Bernard et
Suger,
abbé de Saint-Denis, rêvaient
d'entreprendre une nouvelle expédition. La mort de ce dernier, l'opposition
du pape épargnèrent à la chrétienté
un nouveau désastre. Le seul résultat effectif de cette grande
prise d'armes était en somme la conquête de Lisbonne,
enlevée aux Arabes d'Espagne par la troisième armée
de la croisade. Composée d'Anglais, de Frisons
et de Néerlandais, cette armée avait pris le chemin le plus
long, mais le plus sûr, et longé les côtes de l'Europe
depuis Dartmouth. Après avoir aidé le roi de Portugal ,
Alphonse, à occuper sa future capitale (28 novembre
1147),
les pèlerins atteignirent heureusement la Syrie vers le milieu de
l'année suivante. En somme, l'Europe n'avait pu sauver le royaume
de Jérusalem
qui va de 1149 à 1187
subir une longue agonie.
La
troisième croisade
Le grand ennemi des chrétiens de
Syrie était Nour-eddin, dont le fanatisme religieux était
à la mesure du leur, mais qui était aussi un politique habile
et un bon chef de guerre. A peine les croisés de retour en Europe,
il attaque le prince d'Antioche, Raimond,
qui est défait et périt dans le combat (29 juin
1149).
La prise d'Ascalon
par les Latins (1152) répare
en partie cet échec, mais Nour-eddin, par contre, occupe définitivement
Damas. Il est encore battu près du lac de Tibériade en 1458,
mais sur un nouveau champ d'action il triomphe des chrétiens. L'Égypte,
aux mains des Fatimides, était alors en pleine décadence
et agitée par des troubles civils. Nour-eddin et les chrétiens
de Syrie conçoivent la même pensée, s'emparer de ce
riche pays. Les musulmans l'emportent, le fameux Salah-eddin (Saladin)
détrône le dernier calife fatimide,
et l'union de la Syrie et de l'Égypte sous un seul maître
se trouve consommée. La chute de Jérusalem
paraît dès lors imminente, et dès 1169
le roi de Jérusalem ,
Amaury,
se voit réduit à implorer de nouveau les secours de l'Occident.
Fort heureusement la brouille se met entre
Nour-eddin et son lieutenant. Salah-eddin, après avoir sans peine
repoussé une tentative des Grecs sur Damiette (1169),
profite de la mort du sultan de Syrie (1174)
pour conquérir les États de son ancien chef. Une fois maître
du pays, il reprend la guerre sainte contre les Latins; la défaite
de Ramlah (25 novembre 1177) l'arrête
pour quelques années, mais dix ans plus tard, il reparaît
sur la frontière. Le nouveau roi de Jérusalem ,
Gui
de Lusignan, marche contre lui; les deux armées se rencontrent
à Hattin, près du lac de Tibériade (juillet 1187).
L'impéritie du roi assure la victoire aux musulmans; le roi Gui
et une foule de chevaliers tombent avec la sainte croix aux mains du vainqueur.
Salah-eddin profite de sa victoire; il soumet toute la côte, d'Ascalon
à Beyrouth, puis paraît le
19 septembre devant Jérusalem; le 2 octobre, la ville se rend et
les habitants se rachètent à prix d'argent de l'esclavage.
Cette perte n'est pas compensée par l'échec que le
sultan éprouve devant Tyr, défendu par le marquis Conrad
de Montferrat; à la fin de 1187,
les chrétiens ne possèdent plus en Syrie que la principauté
d'Antioche, celle de Tripoli,
Tyr ,
Sidon
et quelques places sans importance.
La situation de l'Europe chrétienne
paraissait peu favorable à une nouvelle croisade; le pape et l'empereur,
le roi de France et celui d'Angleterre se faisaient une guerre acharnée;
l'autorité de l'Église semblait bien ébranlée,
et déjà des sectaires la rejetaient ouvertement. Toutefois,
l'indifférence religieuse n'existait pas encore au XIIIe
siècle, et la nouvelle de la prise de Jérusalem
réchauffa cette foi un peu tiède, qui sommeillait. On put
se croire revenu au temps d'Urbain II; à la voix du souverain pontife,
Clément
III, l'Europe entière se lève, les querelles particulières
s'apaisent, il semble que la chrétienté tout entière
va marcher au secours de la Terre sainte. Les premiers prêts sont
les Italiens, Toscans, Lombards, Génois et Pisans, et les Scandinaves .
Durant les années 1188-1189,
des bandes de pèlerins armés gagnent sans cesse les ports
de Syrie et vont grossir la petite armée de Gui
de Lusignan et de Conrad de Montferrat. En même temps, les trois
plus puissants princes de l'Europe, Frédéric Barberousse,
Henri
Plantagenet et Philippe-Auguste,
se préparent à aller porter à leurs frères
de Syrie un secours plus effectif.
L'empereur est prêt le premier; tout
d'abord il termine, avec l'appui du légat, Henri, évêque
d'Albano ,
la guerre qu'il avait contre Philippe, archevêque de Cologne, exile
pour trois ans d'Allemagne son plus redoutable adversaire, Henri
le Lion, et remet le pouvoir à son fils, Henri de Souabe .
Il prend la croix solennellement à la diète de Mayence le
27 mars
1188 et fixe le départ
au 23 avril de l'année suivante. Dans l'armée qu'il forme,
il n'admet que des guerriers éprouvés, chevaliers ou piétons,
règle à l'avance la marche des troupes, veille aux approvisionnements;
il se montre en un mot chef prudent et avisé. Après quelques
hésitations, il se décide pour la route de terre, comptant
sur l'amitié de Kilidj-Arslan II, sultan d'Iconium, fidèle
allié des chrétiens, et rejette les propositions de Salah-eddin
qui offre la liberté du culte à Jérusalem et le libre
accès pour les pèlerins, moyennant la reddition des dernières
places de Syrie. L'armée quitte Ratisbonne
le jour fixé, 23 avril 1189
; le roi de Hongrie, Béla, auquel on a acheté le droit de
passage, ouvre ses États aux Allemands, qui dès juillet ont
atteint la vallée de la Morava. La traversée de l'empire
grec est plus longue et plus périlleuse. L'empereur Isaac essaye
de retarder la marche des croisés en négociant, et ce n'est
qu'après de sanglants combats que Frédéric peut atteindre
Andrinople;
il y reste jusqu'au 14 février
1190.
Isaac, qui a enfin compris sa faiblesse, s'engage à faire traverser
l'Hellespont aux Occidentaux; ceux-ci promettent de payer les vivres dans
les pays de domination grecque; dès mars 1190,
ils sont tous sur la côte asiatique.
La marche en Asie présentait de
grandes difficultés; le pays était accidenté, les
vivres rares et chers; à force d'énergie et en veillant avec
soin à la discipline, Frédéric triomphe de tous les
obstacles; le 21 avril, il est déjà à Philadelphie,
de là il se dirige à l'Est, vers Laodicée; l'armée
rencontre bientôt les bandes turques. Elle les disperse, mais au
prix d'efforts surhumains; les chevaux périssent par milliers, les
hommes eux-mêmes souffrent de la disette. L'empereur comptait sur
l'appui du sultan d'Iconium; mais le vieux sultan, ami des chrétiens,
venait de se démettre et ses fils, alliés fidèles
de Salah-eddin, se montraient absolument hostiles. Frédéric
prend rapidement son parti; le 7 mai, il atteint Philomelium, brûle
la ville et marche à grandes journées sur Iconium. L'armée
le suit avec entrain ; elle est toujours animée du même enthousiasme,
les soldats croient voir à leur tête saint Georges qui les
mène au combat. Le 17 mai, après dix jours de marche forcée,
on campe devant Iconium; la ville est prise d'assaut dès le lendemain,
la paix imposée aux Turcs et les chrétiens se ravitaillent
et se refont une cavalerie. Le Taurus est franchi à grand-peine
(26 mai-9 juin), et l'armée atteint la rive du Salef (Cydnus );
là un grand malheur l'attendait. L'empereur, impatient, entre dans
le torrent glacé, trop tôt agrès son repas; il est
entraîné par le courant. Avec lui disparaissait l'espoir des
chrétiens d'Orient; il avait su conserver intacte sa belle armée;
un repos de quelques jours dans les plaines d'Antioche
lui eût permis de tenter quelque grande entreprise; seul d'ailleurs
il eût pu, grâce à son âge, à sa valeur,
à son expérience militaire, servir de chef à la croisade,
apaiser les querelles mesquines qui devaient en compromettre le succès.
Privée de son chef, l'armée des Allemands se remet péniblement
en marche, sous les ordres du neveu du défunt, le duc de Souabe ;
elle est décimée par les Sarrasins, et les débris
atteignent Antioche à grand-peine (21 juin
1190).
Les rois de France et d'Angleterre s'étaient
cependant mis en marche. Richard
Coeur de Lion, qui vient de succéder à son père
Henri
II, amène ses troupes à Vézelay,
y trouve Philippe-Auguste, et les deux
rois descendent ensemble jusqu'à Lyon. Là ils se séparent;
Philippe va s'embarquer à Gênes et se fait conduire à
Messine, qu'il atteint le 16 septembre
1190
; Richard se met en mer à Marseille et arrive en Sicile le 23 ;
il y retrouve sa flotte qui a cependant fait la longue traversée
d'Angleterre en longeant les côtes d'Espagne. Richard s'attarde en
Sicile, prend parti dans les querelles intestines de ce royaume et semble
oublier son voeu de croisade. Philippe, outré de ses retards, part
seul le 30 mars 1191; Richard le suit
le 10 avril; mais il s'arrête encore à l'île de Chypre
qu'il conquiert sur un prince grec, Isaac Comnène;
il n'atteint Acre que le 8 juin.
Depuis le mois d'août 1189, Gui
de Lusignan, renforcé de temps à autre par des pèlerins
d'Occident, assiégeait cette forte place, et était lui-même
comme assiégé par l'armée de Salah-eddin, qui tenait
à ne pas laisser les chrétiens s'emparer de ce port, le plus
important de la Palestine. Les mois d'hivernage surtout furent terribles
pour les chrétiens, ravitaillés d'une façon assez
irrégulière par les vaisseaux italiens; n'oublions pas les
querelles entre les chefs ou plutôt l'absence de chefs. Mais l'hiver
ne durerait pas toujours, et avec le printemps revenait l'espérance.
On comptait sur Frédéric Barberousse, dont on ne sut la mort
qu'assez tard, et pendant les mois d'été, sans trop s'occuper
du siège, les chrétiens donnaient cours à leur humeur
aventureuse, à leur amour des plaisirs. De son côté
Salah-eddin ne maintenait que difficilement son armée dans l'obéissance
et n'obtenait qu'à grand-peine des secours de ses voisins, jaloux
de sa puissance. L'arrivée de Philippe
et de Richard Coeur
de Lion, puis de Frédéric d'Autriche (été
1191)
ranime les querelles entre les croisés; Conrad de Montferrat et
Gui de Lusignan se disputent les débris du royaume de Jérusalem.
En juillet, on commence à parler de la reddition de la place; Salah-eddin
consent à faire la paix sur les bases suivantes : cession d'Acre,
délivrance de la sainte croix et des chrétiens captifs moyennant
200 000 besants d'or. Mais le 12, Acre ouvre ses portes et le traité
est rompu.
Le roi de France, écoeuré
de toutes ces intrigues, malade d'ailleurs, se dispose à partir;
il prend part au conseil des princes qui partage le royaume de Jérusalem
entre Gui et Conrad, laisse à Richard un corps de troupes sous les
ordres du duc de Bourgogne ,
Hugues, et du comte de Champagne, Henri, et met à la voile le 31
juillet. Richard devenait le véritable chef de la croisade; on vit
alors combien ce vaillant chevalier manquait d'esprit de suite. Il commence
par rompre les négociations avec Salah-eddin et faire massacrer
les prisonniers sarrasins, au nombre de deux mille (20 août), puis
il se met en marche, d'abord vers Jérusalem, puis vers Ascalon .
Après une grande victoire sur les troupes sarrasines, il s'attarde
au siège de Joppé, puis, fatigué de ces retards, rentre
en relations avec le sultan. En janvier 1192,
il reprend sa marche vers Jérusalem ; les nouvelles qu'il reçoit
d'Angleterre, où son frère Jean conspire contre lui, l'arrêtent;
il décide alors Gui à abdiquer en faveur de Conrad (avril
1192),
qui tombe peu après sous le poignard de deux fanatiques de la secte
des Assassins ( Ismaéliens );
on le remplace par Henri de Champagne,
et Gui reçoit l'île de Chypre. Après de nouveaux atermoiements,
l'armée chrétienne commence à se disperser; Hugues
de Bourgogne emmène le contingent français et va mourir à
Tyr. Richard se multiplie, effraye les Sarrasins par sa bravoure aventureuse;
il n'en est pas moins réduit à signer une paix désastreuse
(septembre 1192); Jérusalem
reste aux musulmans qui garantissent la libre entrée de la cité
sainte aux pèlerins sans armes; les captifs chrétiens devront
se racheter à leurs frais; la côte de Syrie reste aux chrétiens
de Joppé à Tyr; il n'est plus question de la sainte croix.
Dégoûté de la croisade, Richard, à qui cette
cette paix défavorable a fait perdre la face, s'embarque le 9 octobre;
il s'est fait tant d'ennemis qu'il ne sait où aborder. Son vaisseau
le conduit en Frioul ;
de là il tente de gagner la Flandre par l'Allemagne méridionale;
arrêté près de Vienne, le 21 décembre
1192,
il ne recouvre la liberté que le 4 février 1194,
après avoir payé une énorme rançon à
l'empereur Henri IV, trait d'avarice
qui n'est point à l'honneur du fils de Frédéric Barberousse.
La croisade avait échoué une fois de plus. (A.
Molinier). |
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