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L'histoire de l'Ethiopie
Nubie, Abyssinie
Le nom d'Ethiopie fut donné par les anciens Grecs aux pays du Sud, c.-à-d. de façon assez vague à tous ceux de l'Afrique; le mot d'Ethiopiens signifiait en grec quelque chose comme hommes brûlés par le soleil (aithô = brûler, ops = visage). Il se localisa pour désigner spécialement les populations du Sud de l'Egypte, du bassin supérieur du Nil, habitant entre le Sahara(Libye) et la mer Rouge (golfe Arabique). Tandis qu'Homère appelle les Ethiopiens les plus éloignés des habitants de la Terre, résidant depuis l'extrême Orient jusqu'aux régions du couchant, Hérodote applique ce nom aux gens du haut Nil. II discerne des Ethiopiens orientaux à cheveux lisses et des Ethiopiens occidentaux à cheveux crépus; cette division est exacte les premiers sont les Nubiens et autres peuples bruns que l'on réunit dans le groupe Chamites; les autres, sont, pour faire court, les Noirs subsahariens. A partir du moment où les Grecs entrent en relations régulières avec l'Egypte, leurs connaissances s'étendent. Pour Homère, les Éthiopiens étaient un peuple largement mythique; Hésiode parle déjà de leur roi qu'il appelle Memnon.

Démocrite était, dit-on, venu sur le Nil jusqu'à Méroé; Hérodote nous donne des détails sur les Ethiopiens, particulièrement sur ceux de l'Orient; il est vrai que ces détails sont en partie fabuleux; il cite parmi leurs tribus les Macrobiens (= qui vivent longtemps), les Ichtyophages et les Troglodytes, habitants des cavernes. Il connaît la capitaie du royaume d'Ethiopie (ou, en l'occurence, de Nubie), Méroé. Les écrivains grecs ultérieurs sont de mieux en mieux informés. Ptolémée énumère un grand nombre de tribus éthiopiennes; il cite, comme capitale de l'Ethiopie, Auxumis (Aksoum). Pline affirme que le Nil forme la limite entre l'Ethiopie orientale et l'Ethiopie occidentale. En somme, ses renseignements sont encore un peu vagues. Mais les modernes ont précisé le sens du mot Ethiopie et lui ont donné, au lieu de son acception ethnographique, une acception géographique et politique plus déterminée. Jusqu'au début du XXe siècle, on appelle Ethiopie la région du Nil moyen et du Nil bleu, correspondant à la Nubie et aussi à l'Abyssine, et le royaume qui se constitua dans cette région et fut en rapports réguliers avec l'Égypte. Le centre de ce royaume d'Ethiopie s'est d'ailleurs déplacé, au cours des siècles, de la Nubie (à laquelle on se réfère d'abord lorsque ce mot est utilisé à propos de l'Antiquité) vers l'Abyssinie, mais toujours l'élément prépondérant y fut celui des populations dites chamitiques.

Parmi les tribus nombreuses qui habitaient l'Ethiopie connue des auteurs de l'Antiquité, on distinguait: les Éthiopiens de Méroé, qui habitaient entre le Nil et l'Atbarah : leur capitale était Méroé; les Blemmyes, à l'Est de Méroé; les Nubes ou Nubiens, à l'Ouest de Méroé; les Sembrites, au Sud de Méroé, dans le territoire desquels se trouvaient Sembobitis et Aksoum. Viennent ensuite les Éléphantophages, les Strouthiophages, les Ophiophages (mangeurs d'éléphants, d'autruches, de serpents), qui habitaient l'intérieur des terres; les Troglodytes, qui s'étendaient sur la côte depuis la frontière de l'Égypte jusqu'au détroit de Bab-el-Mandeb; le port d'Adulis était chez eux. Plus au Sud se trouvaient les lchthyophages, les Créophages, les Chélonophages (c.-à-d. mangeurs de poissons, de viande et de tortues), et les Macrobiens, qui vivaient, prétendait-on, de 120 à 150 ans.

Jalons chronologiques

La Nubie.
Si on la compare à celle de l'Égypte, l'histoire ancienne de l'Éthiopie est relativement mal connue. La Bible appelle ce pays la Terre de Chus, ce qui la suppose peuplée par les descendants de Chus, fils de Cham et frère de Misraïm, et suggère les tribus qui l'habitaient pourraient avoir été originaires d'Arabie. Mais le renseignement reste mince. Au moins peut-on penser que les Hébreux et les Phéniciens y vinrent de bonne heure pour y faire le commerce. 

Dans la partie de l'Ethiopie appelée aujourd'hui Nubie, on voit fleurir dès les temps les plus anciens l'empire de Méroé qui entretint des liens étroits avec l'Egypte. Vers le XVe siècle av. J.-C., les Éthiopiens furent soumis par Sésostris; mais au commencement du VIIIe s., ils conquirent l'Égypte à leur tour et ils la gardèrent jusqu'en 713 av. J.-C. : la XVe dynastie des rois d'Égypte (Sabacon, Sua, Tharaca) est une dynastie éthiopienne ou, plutôt, nubienne (la Basse Epoque). Ptolémée et les Romains tentèrent vainement de soumettre cette contrée; cependant les Romains finirent par s'emparer de quelques portions de la partie la plus septentrionale, qu'ils annexèrent au gouvernement d'Égypte sous le nom de Aethiopia supra Aeggptum. Les Nubiens eurent plusieurs reines du nom de Candace : l'une d'elles fut tributaire d'Auguste

Le Christianisme fut introduit dans leur pays au IVe siècle, mais la puissance nubienne avait déjà pratiquement disparu dès cette époque. De petits royaumes chrétiens vont se former au cours des siècles, puis celui, islamisé, des Founj, ou royaume de Sennaar, qui, constitué entre les XVIeet XIXe siècle, aura une certaine importance. En 1821, la Nubie passera dans le giron des Vice-Rois d'Egypte, puis, au moment où elle est troublée par la révolte du Mahdi, entre celles des Britanniques. La Nubie deviendra une partie du Soudan en janvier 1956, au moment de l'indépendance de ce pays.

Photo d'un marché à Addis-Ababa.
Un jour de marché à Addis Abeba au début du XXe siècle.
L'Abyssinie.
L'ancienne Nubie finit par perdre de son importance au profit d'Aksoum , qui sera désormais le vrai royaume d'Ethiopie, ancêtre de l'empire d'Abyssinie. Son roi Zoskales est nommé par l'auteur du Périple de la mer Erythrée (IIe siècle av. J.-C?). Les monnaies de plusieurs de ces souverains nous sont parvenues. Ils étaient en rapports suivis avec les Grecs. Ils se convertirent au christianisme au IVe siècle. Dans le courant du VIe siècle, les chrétiens du Yémen, maltraités par la dynastie juive, firent appel à leurs coreligionnaires éthiopiens; les rois d'Aksoum envahirent l'Arabie et dominèrent pendant trois quarts de siècle au Yémen. L'islam s'est principalement implanté dans la zone côtière.

Devenue une monarchie puissante, l'Abyssinie fut gouvernée par des souverain qui prirent le titre de roi des rois ou négus. Ces monarques, restés très mystérieux en Europe, furent identifiés au Moyen âge au légendaire Prêtre Jean. Au fil du temps, le pays doit subir des invasions telles que celles de Galla venus de Sud et de l'Ouest et s'essouffle aussi en guerres intestines qui aboutiront à sa fragmentation et à la création d'Etats tel que celui du Tigré, de Gondar, de Choa et surtout d'Amhara, héritier direct de l'ancien royaume d'Aksoum.

Au XIXe siècle, l'Abyssinie, de même que la Chine à la même époque, commence à s'ouvrir aux relations avec l'Europe occidentale, le port de Messouah devient alors centre important de commerce. Le roi d'Amhara fut détrôné, en 1852, par un des chefs militaires du pays, qui parvint aussi â renverser le roi de Tigré, et à se faire proclamer empereur d'Abyssinie, sous le nom de Théodoros. Mais le nouvel empire en cours de reconstitution ne put être réellement consolidé qu'à la fin du siècle par Ménélik, après que celui-ci ait pu maintenir son pouvoir sur la région. Celui-ci conquit le pays des Galla, au Sud-Ouest, et l'Ogaden, à l'Est pour donner à l'Ethiopie les contours qu'elle aura pendant pratiquement tout le XXe siècle. Seule l'Erythrée, le long de la Mer Rouge, manque et n'est intégrée à l'Ethiopie qu'en 1952, pour s'en détacher d'ailleurs en 1993, après une longue période de guerre, pour former un nouvel Etat indépendant.

Culture

La numismatique.
Le monnayage de l'Ethiopie dans l'antiquité prouve dans ce pays l'existence d'une civilisation avancée et des contacts avec la civilisation méditerranéenne. Ce monnayage comprend des pièces en or, en argent et d'autres en cuivre, qui forment deux groupes distincts : les pièces à légendes grecques que l'on considère comme antérieures à l'introduction du christianisme en Ethiopie, vers la fin du IVe siècle de notre ère; les pièces à légendes en guez, qui sont plus récentes et descendent peut-être jusqu'au VIIe et même au VIIIe siècle, Les monnaies éthiopiennes sont, au point de vue des types, du poids, du module, en un mot de la forme extérieure, imitées des monnaies romaines et byzantines contemporaines. 

Les noms des rois qu'on lit sur ces pièces sont très précieux pour l'histoire, car ils se présentent naturellement sous une forme plus authentique et plus correcte que dans les chroniques éthiopiennes où les copistes successifs les ont plus on moins défigurés. Sur les monnaies à légendes grecques, on lit les noms des rois Aphilas, Bakhasa, Gersem, Ouzas, Nezana ou Aizana, Oulzeba, Azaël, Okhsas, Esbaël et Aiêb. Nous citerons, à titre de spécimen, le bel aureus d'Aphilas; d'un côté le buste du roi, la tête couverte d'une couronne radiée, avec les mots BASILEGS AFILAS et le croissant emprunté aux monnaies sassanides, qui indique que le pays n'était pas encore chrétien. Au revers, un autre buste, la tête ceinte d'une tiare hémisphérique, et en légende le même croissant suivi de AXWMITWN BISIDIMHLH.

Les monnaies à légendes éthiopiennes sont toutes en cuivre et à une seule effigie; on voit une grande croix au revers. La lecture des légendes présente les plus grandes difficultés à cause du mauvais état et du petit nombre des pièces connues. La plupart des pièces ont, au revers, la même légende en ghez qui paraît signifier : « Joie au peuple ». 

Abyssins.
Abyssins.
La littérature.
En Ethiopie, les musiciens, comme les poètes, sont attachés aux seigneurs,  suivent les armées et sont inviolables; la musique est la même que parmi les Coptes, avec addition de tambours.  Il n'y a pas véritablement d'architecture "savante" proprement abyssine; tous les monuments, dont il reste beaucoup de ruines, sont l'oeuvre d'étrangers. Les habitations et même les églises sont construites comme des huttes et couvertes de chaume; les églises ont une forme circulaire, un autre cercle intérieur contient le tabôt ou chasse sacrée où les profanes ne pénètrent jamais. Dans certaines occasions le tabôt est promené en procession.

La littérature éthiopienne est assez riche, elle est exclusivement chrétienne et ne remonte par conséquent pas au delà du IVe siècle ap. J.-C. Elle est écrite  en langue éthiopienne ou guez (ghez ou guèze), une langue couchitique (Les langues Afrasiennes) parlée jadis en Abyssynie. Elle a été d'abord étudiée par Ludolf au XVIIe siècle et Dillmann au XIXe. Les deux plus anciens textes connus en guez sont deux inscriptions trouvées à Aksoum, qui datent du Ve ou du VIe siècle. Il en existe aussi à Adulis. La littérature théologique est abondante; de fort bonne heure la Bible fut traduite en éthiopien. Les manuscrits nombreux que nous en possédons ont été répartis par Dillmann en trois classes :

1°) la traduction originale d'après le texte grec de l'Eglise d'Alexandrie
2°) la traduction revisée d'après le texte grec; 
3°) la traduction revisée d'après un texte hébreu. 
Ces versions éthiopiennes renferment à côté des livres canoniques ordinaires et des apocryphes ordinaires (sauf les livres des Macchabées), un certain nombre de livres de la littérature apocalyptique, Livre des Jubilés, Livre d'Enoch, Ascension d'Isaïe. Le Nouveau Testament est aussi surchargé d'apocryphes. Ainsi ont été conservés plusieurs écrits dont l'original grec est perdu. La version éthiopienne de l'Evangile fut éditée à Rome en 1548 (2 vol.) et depuis, à plusieurs reprises, principalement par Platt (Londres, 1830). Dillmann a entrepris la publication de l'Ancien Testament et fait paraître l'Octateuque (Leipzig, 1853), les Rois (1864-1874), le Livre d'Enoch (1851), le Livre des Jubilés (1859); R. Lawrence avait édité l'Ascension d'Isaïe (Oxford, 1819), l'Apocalypse d'Esdras (Oxford, 1820). D'Abbadie a publié et traduit le Pasteur d'Hermas(Leipzig, 1860).

Il existe encore, en éthiopien, de nombreux traités ecclésiastiques, dont ceux de Cyrille d'Alexandrie, le Synode réunissant les canons des apôtres et des premiers conciles, le Testament de Jésus, le Synaxar, collection formée de vies de saints abyssins, de martyrologes, d'hymnes, etc. L'Antiphonaire (Mavaseet) est intéressant surtout par sa notation musicale. 

La littérature profane, en langues tigré, amharique et agaou, n'a pas la même importance, même si l'on suppose qu'il a dû exister une grande abondance de poésies, tous les chefs ayant eu des poètes à leur service. Ses principaux ouvrages sont : le Keber za Negeste, histoire légendaire du royaume d'Axoum; le Tarek Negushti, chronique des rois; un traité de médecine, Physiologus, publié par Rommel (Leipzig, 1877); un recueil épistolaire publié par Praetorius (Leipzig, 1869), etc. 

L'imprimerie n'a pas pénétré en Abyssinie avant le XXe siècle; jusque là, tout est écrit à la main; les missels sont enluminés avec art.

Religion et modes de vie.
La plupart des Abyssins sont Chrétiens monophysites: leur évêque appelé abouna ( = notre père), leur est envoyé par le patriarche copte d'Alexandrie. C'est le chef suprême de l'Eglise, mais il est gardé comme un prisonnier à Aksoum par ses subalternes. Sans doute dans un but politique, a été créé à une époque incertaine, mais probablement vers 1255, par Técla Haimanout, le tchégui ou etchagué, qui est choisi par le ras et réside à Gondar; il possède  un pouvoir égal à l'abouna. Au-dessous de ces deux concurrents se trouvent les alikas ou chefs des cités de refuge. Les cités de refuge ou gueddam sont les villes déclarées inviolables et que tous les partis respectent dans les guerres civiles. Les alikas gouvernent les gueddam et administrent la justice. Viennent ensuite les prêtres et les docteurs ou aspirants, enfin les moines de toutes sortes qui abondent. 

La religion chrétienne est fortement imprégnée de judaïsme; certains de ses traits rappellent aussi le bouddhisme. Les Falashas ou juifs d'Abyssinie, qui se rencontrent en plus grand nombre dans les monts Sémèn, professent une espèce de judaïsme, mais ils parlent un dialecte agaou. Les Kamant sont restés attachés à un culte particulier; ils n'ont pas de temple et pratiquent leurs cérémonies sous les arbres, ce qui les a fait appeler, très improprement d'ailleurs, adorateurs des bois. Sur les rives du Tacazzé et de l'Abaï on rencontre des (supposés) adorateurs des fleuves. Les Galla et les Changalla ont aussi pour la plupart résisté aux tentatives des missionnaires chrétiens et musulmans. On rencontre quelques musulmans, mais principalement des marchands. Le clergé chrétien donne l'exemple de l'intempérance et même du libertinage, qui est imité par la plupart des habitants.

Les prêtres peuvent se marier une fois, excepté l'abonna et le tchégui qui observent le célibat; mais les Abyssins prennent autant de femmes qu'ils ont les moyens d'en entretenir. La prostitution néanmoins est inconnue, excepté à Gondar et à Adoua, où elle a été introduite par les Portugais. Les mariages sont rarement célébrés à l'église, et semblent être une espèce de concubinage légal, les deux parties se quittant aisément; à moins d'adultère flagrant, la femme reprend sa dot. Les femmes sont en général plus fidèles et plus dévouées que leurs maris; ce sont elles qui ont tous les soins du ménage et. de la maison, ramassent le bois, tirent l'eau, filent et tissent toutes les étoffes, etc. Les Abyssins de condition aisée ont, en outre, à leur suite, une nuée de serviteurs de toutes sortes. Ceux-ci reçoivent des gages réguliers et peuvent quitter leur maître quand ils le désirent. (Bertin / A19).

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