.
-

Tyr

Tyr (Tyrus en grec et latin, Sor en hébreu (mot signifiant soit rocher, soit source), Sour en arabe) est une ville d'environ 120 00 habitants, située au Sud du Liban, et qui fut autrefois la plus illustre ville de Phénicie. Les ruines de l'ancienne cité se voient à 8 kilomètres de l'embouchure du Litani (Nahr-el-Litani), l'ancien Leontes.

Des légendes, rapportées par Hérodote et par Strabon, rattachent l'origine de Tyr et de sa voisine Aradus à la mer Erythrée, le golfe Persique à l'île de Bahrein d'aujourd'hui, jadis Tylos. La digue construite par Alexandre s'est élargie et a fait de l'ancienne île du nouveau Tyr la pointe d'une presqu'île la digue forme aujourd'hui une large dune de sable. La mer a envahi l'île, et une grande partie de l'ancien Tyr est submergée dans la Méditerranée; le commerce de l'ancien Tyr est passé à Beyrouth. La ville ruinée de Sour (nom arabe du village autour duquel s'est bâtie la Tyr contemporaine) a été explorée à partir de la seconde moitié du XIXe siècle; Bismarck y envoya en 1874 une mission sous Mill. Sepp et Prutz, qui ont élucidé la question soulevée au sujet de la tombe de l'empereur Frédéric Barberousse, qui passe pour avoir été enterré, en 1190, dans la cathédrale de Tyr. 

La ville de Tyr était une colonie de Sidon (auj. Saïda), mais son origine se perd dans une antiquité très reculée. Hérodote (Il, 40) l'apprit par les prêtres qui estimaient l'âge de leur sanctuaire de Melqart, à 2300 ans. L'ancienne ville, dont il reste les ruines de l'hippodrome et de la nécropole, était située sur le continent (au Sud de l'actuel quartier El Bass), et s'appelait le Vieux-Tyr, Palaetyrus. Plus tard l'activité commerciale et maritime des habitants les conduisit à une île située à 15 stades (3 kilomètres) dans la mer. Au Nord était le port dit sidonien, au Sud le port dit égyptien. Les Tyriens entourèrent cette île d'un mur de 50 coudées de hauteur, y construisirent des temples (la cathédrale, dont subsistent les ruines, sera construite au IVe siècle, sur l'emplacement du temple de Melqart-Héraclès) et des ports, et envoyèrent leurs flottes marchandes jusqu'aux confins du monde connu, en dehors des colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar), en Espagne, où ils fondèrent Gadès, jusqu'aux côtes des Gaules et peut-être de Grande-Bretagne.
-

Tyr.
Panorama de Tyr.  © Serge Jodra, 1985.

Les Tyriens eurent un rôle dirigeant en Phénicie, à l'époque de l'épanouissement de la Grèce antique. On disait qu'ils avaient inventé l'art de naviguer la nuit, en se dirigeant par les étoiles, la teinture du pourpre et le verre, perfectionné la construction des navires au long cours. Aussi Tyr devint bientôt le premier centre mercantile de la Méditerranée, et de grandes richesses s'y accumulèrent. Les arts industriels y furent cultivés, surtout l'architecture et la sculpture. En même temps, les Tyriens envoyèrent des colonies aux contrées du lointain Occident: la principale fut Carthage.

La constitution était monarchique dès l'origine. Nous ignorons les noms des rois les plus anciens; une liste transcrite par Josèphe indique les noms et les dates (à la fiabilité incertaine) suivants :

Fondation légendaire du Vieux-Tyr, vers 2800 
Fondation du Nouveau-Tyr, 1248
Hiram Ier (pas de date)
Abibaal (pas de date)
Hiram II, fils d'Abibaal, édificateur du temple salomonien, 1026-992
Baleazor, fils de Hiram II, 992-975
Abdastartus, fils de Baleazor, 975-966
Methuastartus, fils de Delaeastartus, nourricier et meurtrier d'Abdastartus, 966-954
Astaryemus, frère de Methuastartus, 954-945
Phélès, frère de Methnastartus 944,
Ithobal, prêtre d'Astaste, beau-père d'Achab, 944-912
Bale(a)zor, fils d'Ithobaal, 912-906
Mutten (Mulgen), fils de Bale(a)zor,  906-977
Pygmalion (Pum-yathon), fils de Baleazor, 877-830
Toujours selon la même source, au cours de l'an 7 du règne de Pygmalion, Didon fonda Carthage (869). A partir de ce moment, pendant près de deux siècles, les noms des rois de Tyr sont inconnus, sauf de rares mentions faites par les textes cunéiformes, et Tyr paraît avoir été gouverné par les rois de Sidon. Nous savons que la ville fut assiégée par le roi d'Assyrie Salmanassar, et plusieurs autres rois de Ninive l'attaquèrent, surtout Sennachérib, Assarhaddon et Assurbanipal, qui fit tributaire le roi Baal vers 663. Puis viennent les rois suivants : 
Ithobaal, 633-599 Baal?, 609-599
Ecmbal, Chelbès, Abarrus, Mytbonus, Gérastratus, Balator, 599-97
Merbal, 597-592
Hiram, 592-572
Immédiatement après la prise de Jérusalem, Nabuchodonosor vint mettre le siège devant Tyr et la continua pendant treize ans. Nous ne savons pas au juste s'il eut raison de la ville phénicienne; en tout cas, ce ne peut être que du Vieux-Tyr, situé sur la terre ferme. La ville insulaire semble avoir résisté, ainsi qu'elle avait bravé Salmanasar. Les lamentations du prophète Ezéchiel rendent néanmoins compte de la grande jalousie et de l'envie implacable que la richesse, l'orgueil et le luxe des Tyriens avaient attirées sur leur ville; sous les rois perses, Tyr avait gardé toute sa supériorité maritime et commerciale, sa culture littéraire et artistique, comme la confiance en sa position imprenable. 
-
Tyr.
Tyr. Colonnade de la nécropole romano-byzantine. © Serge Jodra, 1985.

Ce fut Alexandre qui ruina la grande cité insulaire lorsque, après la bataille d'Issus (332), Tyr refusa de se soumettre à sa domination. Il détruisit le Vieux-Tyr, et de ses matériaux il construisit une digue de 15 stades par laquelle il put neutraliser la position maritime, assaillir ses remparts élevés et s'emparer de la ville insulaire après un siège de sept mois. Il imposa à la ville le gouvernement d'un jardinier de sang royal, nommé Abdalonyme Une longue résistance fut néanmoins opposée par la garnison égyptienne, en 305, à Antigone qui ne la prit qu'au bout de treize mois. Devenue syrienne, elle eut une espèce d'autonomie, fonda comme toutes les autres cités une ère spéciale, en 126 av. J.-C., et fut attaquée en 40 av. J.-C. par le roi parthe Pacorus.

Les Romains, devenus maîtres de la Phénicie, favorisèrent Tyr à cause de son commerce étendu, et surtout à cause de la fabrication toujours florissante du pourpre et de la verrerie. Alexandre Sévère lui conféra les droits latins d'une colonie romaine. De bonne heure, Tyr posséda une communauté chrétienne. En 335, un concile fut tenu à Tyr. La ville tomba aux mains des Arabes en 638. Successivement gouvernée par les califes, les sultans d'Alep, les sultans d'Egypte l'avaient occupée en 1089. Le roi de Jérusalem, Baudouin ler, l'assiégea, sans succès, du 29 novembre 1111 jusqu'au mois d'avril 1112; Baudouin II la prit le 27 juin 1124. Tyr devint une ville chrétienne et le siège d'un comté et d'un archevêché dont dépendaient treize évêchés; Guillaume de Tyr, l'historien des croisades, occupa ce siège. Après deux sièges infructueux (1187 et 1188), Saladin reprit Tyr en 1191. A partir de Sélim ler, Tyr devint une possession turque. Après le démantèlement de l'empire ottoman, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'histoire de la ville s'inscrit dans celle du Liban, d'abord dans le cadre du mandat de la Société des Nations confié à l'administration française, puis de l'Etat libanais proprement dit, à partir du 22 novembre 1943. (J. Oppert).

.


Dictionnaire Villes et monuments
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2008. - Reproduction interdite.