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Philippe VI, de Valois

Philippe VI, dit de Valois est un roi de France (1328-1350), né en 1293, mort à Nogent-le-Roi le 22 août 1350, fils de Charles, comte de Valois, troisième fils de Philippe le Hardi, et de Marguerite de Sicile. Philippe VI, qui succéda à son cousin Charles IV par suite de la troisième application de la « loi salique », a fondé la dynastie des Valois

En 1313, il épousa Jeanne, fille de Robert II, duc de Bourgogne. En 1319-1320, il fit une expédition en Italie appelé par son oncle maternel, le roi Robert de Naples, il partit, accompagné de son frère Charles et de beaucoup de nobles français, et alla en Lombardie combattre les gibelins de Milan. Il mit le siège devant Verceil, mais une armée milanaise commandée par Galéas Visconti étant venue pour ravitailler la ville, Philippe, moins fort, n'osa pas combattre et, après être entré avec Galéas dans Verceil, il obtint de lui un sauf-conduit et rentra en France « sans s'être acquis de gloire». En 1324, il accompagna son père, chargé par le roi d'une expédition en Guyenne pour faire rentrer dans le devoir le seigneur de Montpesat soutenu par les Anglais. Agen se rendit, La Réole fut prise et une trêve fut signée avec l'Angleterre. Le 16 décembre 1325, Philippe succédait à son père comme comte de Valois.

Cependant le roi Charles IV, tombé gravement malade le jour de Noël 1327, mourait sans enfant à Vincennes le 1er février 1328, laissant sa veuve enceinte; ce qui s'était déjà produit en 1316 se reproduisit alors. Les barons s'assemblèrent pour choisir un régent. Philippe de Valois, cousin germain du feu roi, le plus proche parent mâle de descendance masculine, avait un compétiteur, Edouard III, roi d'Angleterre, le plus proche parent, puisqu'il était petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France, et par conséquent neveu de Charles IV. Malgré les arguments d' « experts dans le droit canon et le droit civil » qui défendaient la cause d'Édouard Ill, on écarta la candidature anglaise par cette raison que les femmes n'ayant pas de droits à la couronne ne pouvaient les transmettre, mais surtout parce que les barons ne voulaient pas d'un régent, et peut-être d'un roi anglais. L'assemblée « remit le gouvernement à Philippe, comte de Valois, qui fut appelé régent du royaume ». 

Le régent reçut l'hommage des vassaux de France, mais non des vassaux de Navarre; ce royaume était, en effet, l'objet des prétentions de Philippe d'Evreux, gendre de Louis X, et des veuves de Philippe le Long et de Charles le Bel, qui le réclamaient pour leurs filles. La question fut laissée en suspens provisoirement. Un des premiers actes de Philippe de Valois fut de faire arrêter et pendre Pierre Rémy, trésorier de son prédécesseur, comme concussionnaire et traître.

Le 1er avril 1328, la reine veuve accoucha d'une fille, et Philippe prit le titre de roi avec le nom de Philippe VI. Le 29 mai, il se faisait sacrer à Reims. Il avait désintéressé Philippe d'Evreux en lui cédant le royaume de Navarre, contre une renonciation formelle à la Champagne, à la Brie et, en général, à toute la succession de Louis X. Quelle allait être l'attitude d'Edonard III? Il ne protesta pas, et vint même, après une courte hésitation, prêter hommage au nouveau roi pour ses fiefs de Guyenne et de Ponthieu (août 1329), mais « de bouche et de parole tant seulement, sans les mains mettre dans les mains du roi de France ». Requis de prêter l'hommage lige, il refusa provisoirement, désirant vérifier « les privilèges de jadis». Pendant qu'il se livrait à cet examen, les Anglais de Guyenne, ayant attaqué quelques Français, étaient sévèrement châtiés, le comte d'Alençon, frère du roi, s'emparait de Saintes et en faisait raser les murailles. Cependant la réflexion poussait Edouard à céder, et, par des lettres patentes, scellées de son grand sceau, il se reconnaissait l'homme lige du roi de France (6 juin 1330- 30 mai 1331).

Dès le lendemain de son sacre, Philippe avait fait une expédition en Flandre. Le comte Louis de Nevers, emprisonné puis chassé par les habitants de Bruges, avait refusé d'occuper son rang de pair de France à la cérémonie du sacre, déclarant qu'il notait plus comte que de nom. Philippe jura qu'il rétablirait son vassal, et, immédiatement, convoqua son armée à Arras pour le 22 juillet 1328. Ce fut une belle expédition féodale, et il s'en fallut de peu qu'elle se terminât comme celle de Courtray. Mais, après s'être laissé surprendre, Philippe remporta, le 23 août, une grande victoire à Cassel. Les villes d'Ypres, de Bruges ouvrirent leurs portes et Philippe VI rendit son comté à Louis de Nevers, « mais, dit-il, faites tant que justice y soit gardée, et que, par votre faute, il ne faille pas que plus y revienne, car [...] ce serait à mon profit et à votre dommage ». 

Le comte, pour éviter pareille éventualité, fit exécuter dix mille de ses sujets, ruina les privilèges des villes et des métiers. La France devait chèrement payer cette sauvage exécution. Philippe de Valois était alors un des rois les plus puissants de la chrétienté : c'est au milieu d'une « cour de rois » (David Bruce d'Ecosse, Jayme de Majorque, Jean de Bohême, Philippe de Navarre) qu'il avait reçu l'hommage d'Edouard III; il était allié aux rois angevins de Naples et de Hongrie, appuyé par le pape d'Avignon, qui le choisissait pour conduire une croisade dont on faisait les préparatifs. Mais Philippe, qui était allé exprès à Avignon, posa tant de conditions à son départ (la couronne impériale pour lui, le rétablissement du royaume d'Arles pour un de ses fils, la couronne d'Italie pour son frère Charles d'Alençon), que la croisade n'eut pas lieu. Il était entouré d'une cour brillante, toute aux fêtes et aux tournois; il semblait se souvenir que son père avait été le chef de la réaction féodale de 1314, dispensait les nobles de payer leurs dettes, et leur rendait, dans le Midi, le droit de guerre privée.

Cependant une affaire scandaleuse éclatait à la cour de France : Robert d'Artois, comte de Beaumont-le-Roger, beau-frère du roi, et l'un de ceux qui avaient le plus aidé à son avènement, soupçonné d'un double assassinat sur sa tante et sa cousine, était convaincu d'avoir produit des documents faux à l'appui de ses prétentions au comté de Flandre (Artois). Il fut déclaré banni et forfait (23 mars 1330), et se réfugia en Angleterre où, très bien reçu par Edouard III, il fut un des principaux artisans de la Guerre de Cent ans.

Les rapports entre Philippe VI et Edouard III, qui n'avaient jamais été très cordiaux, devinrent tout à fait hostiles dans le courant de 1337. Plusieurs causes contribuèrent à mettre les armes à la main aux deux pays Edouard n'avait pas pardonné à Philippe de l'avoir évincé du trône de France; Robert d'Artois excitait son ressentiment et le poussait à faire valoir ses droits. Mais ces prétentions ne furent pas la seule cause de la guerre. Depuis la conquête de l'Angleterre par les Normands, et surtout depuis l'avènement des Plantagenets, les possessions anglaises en France étaient une source permanente de conflits, qui avaient amené de nombreuses guerres. Le traité de 1258 lui-même, par lequel saint Louis avait naïvement espéré faire régner la paix entre ses descendants et ceux du roi d'Angleterre, n'avait pas atteint son but. Sous Philippe le Bel, sous Charles IV, plus récemment encore, en 1329, de courtes guerres avaient eu lieu. En 1337 enfin, à propos du château guyennois de Puymirol, remis entre les mains de Philippe VI par un chevalier, créancier d'Édouard III, celui-ci, cité devant le Parlement, refusa de comparaître. La saisie de ses fiefs fut décidée pour cause de forfaiture, Bordeaux fut menacé, une armée se réunit en Picardie, une flotte parcourut la Manche. Edouard, qui, le 27 février 1337, avait solennellement déclaré, dans un Parlement réuni à Westminster, son intention de revendiquer la couronne de France, adressa un défi au roi de France (19 octobre 1337). Des conflits en Ecosse, en Flandre et en Bretagne, dans lesquels les deux adversaires soutinrent naturellement deux causes opposées, aggravèrent les affaires, et amenèrent la grande lutte directe.

En Ecosse, la mort de Robert Bruce, en 1329, avait amené au trône un enfant de cinq ans, David II, mais un prétendant, Edouard Baliol, soutenu par l'Angleterre, s'empara de la couronne; David se réfugia auprès de Philippe VI qui adressa des menaces à Edouard III. Au Parlement de Westminster (27 février 1337), le roi d'Angleterre, soutenu par l'opinion publique, prononça des paroles belliqueuses. En Flandre, la politique imprudente de Philippe VI porta ses fruits. Louis de Nevers, comte de Flandre par la bataille de Cassel, était peu aimé dans son  pays : il vivait à la cour de France et ne défendait pas les intérêts flamands. En 1336, poussé par Philippe, il fit arrêter tous les Anglais résidant en Flandre; Edouard riposta par l'arrestation des Flamands d'Angleterre, et surtout, mesure plus grave, interdit l'exportation des laines anglaises en Flandre et l'importation des draps flamands en Angleterre. Tous les métiers des Pays-Bas chômèrent faute d'aliments, et une grande misère sévit dans le pays. A Gand surtout, les ouvriers oisifs remuèrent, prirent pour chef un brasseur de miel, Jakob Van Artevelde, qui les « prêcha bellement et sagement » (28 octobre 1337). La draperie étant la vie de la Flandre, il fallait s'entendre avec l'Angleterre, mais sans rompre pour cela le lien féodal avec la France, dont les Flamands avaient peur. En quelques jours, Artevelde était l'homme populaire des Flandres, il refusa de s'entendre avec Philippe VI et Louis de Nevers, qui essayaient de l'attirer à eux, passa en Angleterre, et obtint en juin 1338 « la réouverture de la mer ».

Mais la guerre était déjà commencée avec la France. Louis de Nevers avait fait garder l'île de Cadzand dans le port de l'Écluse; Edouard s'en empara cependant et dé barque. Mais les Flamands refusèrent de soutenir le roi d'Angleterre contre leur suzerain; un armistice jusqu'au 24 juin 1338 fut signé sous les auspices du pape Benoît XII. Les deux adversaires en profitèrent pour chercher des alliés, Philippe VI essaya vainement de réconcilier Artevelde et Nevers; pendant ce temps, Edouard III se rendit à Coblence, où l'empereur Louis V, ennemi du roi de France, qui l'avait fait excommunier, lui donna la titre de vicaire impérial sur la rive gauche du Rhin, mais ne lui prêta pas d'autre secours. Beaucoup de princes d'Empire se mirent à l'encan. Ces préparatifs faits, la guerre reprit en 1339. Une armée française prit Bourg, Blaye, menaça Bordeaux, une flotte génoise et normande pilla Southampton et les îles Anglo-Normandes, Philippe enfin, à la tête d'une grande armée féodale, alla à la rencontre d'Edouard III qui, après avoir pillé le Vermandois, la Thiérache et le Cambrésis, avait mis le siège devant Cambrai

Quand les deux armées furent en présence devant cette ville, Philippe n'osa pas engager la bataille : on était un vendredi; d'autre part, son oncle, le roi de Sicile, grand astrologue, lui avait prédit par lettres une défaite s'il s'attaquait aux Anglais. Ceux-ai se retirèrent tranquillement. En même temps, Jean, duc de Normandie, fils aîné du roi de France, envahissait le Hainaut, allié de l'Angleterre, mais échouait devant le Quesnoy. L'année suivante, Edouard Ill exigea des Flamands une aide effective, Après bien des hésitations, Artevelde découvrit le moyen de respecter leurs devoirs de vassalité envers la France et leurs sympathies pour l'Angleterre: c'était qu'Edouard prit le titre de roi de France auquel il avait droit par sa naissance. Edouard se décida, « écartela de France et d'Angleterre », et l'alliance fut signée à Gand (25 janvier 1340). Le 22 juin, Edouard appareilla d'Angleterre et rencontra, le 24, dans le port de l'Ecluse, la flotte du roi de France, composée de navires génois, normands et provençaux, commandée par Hue Quiéret, Doria, Béhuchet. Elle fut complètement détruite. Cependant la suite de la campagne fut moins malheureuse pour Philippe VI. Le roi d'Angleterre échoua devant Tournai, Robert d'Artois devant Saint-Omer. On était déjà fatigué de la guerre; les succès des Français en Guyenne, un soulèvement des Ecossais, enfin l'intervention de la douairière de Hainaut, soeur de Philippe, belle-mère d'Edouard, amenèrent la signature de la trêve d'Espléchien (25 septembre 1340), prorogée dans la suite jusqu'au 29 septembre 1346. La Flandre restait indépendante.

Mais l'affaire de la succession de Bretagne vint envenimer, et ranimer la querelle entre la France et l'Angleterre. Le duc Jean III de Bretagne était mort sans enfant le 30 avril 1340, laissant une nièce, Jeanne la Boiteuse, comtesse de Penthièvre, mariée à Charles de Blois, cousin du roi de France, et un frère, Jean, comte de Montfort. Celui-ci se fit couronner à Nantes, mais tandis que la Bretagne bretonnante le reconnaissait, la Bretagne française se tournait vers Charles de Blois, Charles était appuyé par le roi de France, soutien inattendu du droit des femmes à la couronne, mais Jean prêtait serment au roi d'Angleterre, qui, partisan non moins inattendu de l'exclusion des femmes, promit de l'aider. L'affaire fut portée devant le Parlement de Paris qui, le 7 février 1341, donna gain de cause à Charles de Blois. Philippe VI lui fournit de l'argent et des soldats, sous la conduite de son fils, Jean de Normandie. Cette armée s'empara de Nantes, où Jean de Montfort fut pris et emmené prisonnier à Paris. Sa femme, Jeanne de Flandre, s'enferma alors dans Hennebont, et y résista le temps nécessaire pour permettre à une armée anglaise d'arriver.

Les Anglais n'eurent que peu de succès, Robert d'Artois fut tué à l'assaut infructueux de Vannes; Edouard III, arrivé lui-même le 1er novembre 1342, ne fut guère plus heureux devant Rennes et Nantes. L'intervention du pape amena la trêve de Malestroit (9 janvier 1343), qui devait durer jusqu'à la fin de 1346. Mais Philippe VI ne l'observa pas : dès novembre 1314, il faisait arrêter et pendre Olivier de Clisson et quatorze chevaliers bretons sous prétexte d'intelligences avec l'Angleterre. La guerre reprit, partielle d'abord, entre la veuve de Clisson et Jeanne de Flandre d'un côté, Charles de Blois de l'autre, puis, plus générale, quand, après la mort de Jean de Montfort, qui s'était évadé du Louvre, une armée anglaise fut victorieuse à Cadoret et à La Roche-Derrien (1316). Charles de Blois était prisonnier des Anglais. Pendant ce temps, une diversion était faite en Guyenne par le comte de Dedeby, victorieux à Auberoche (21 octobre 1345), mais le duc de Normandie s'emparait d'Angoulême et de Saint-Jean d'Angély. Un plus grave échec pour la politique anglaise était la perte de l'alliance flamande. Artevelde, qui songeait à déposséder Louis de Nevers en faveur du prince de Galles, périssait dans une émeute à Gand le 24 juillet 1345.

La guerre directe commença enfin par la campagne de 1346. Le duc de Normandie assiégeait la ville d'Aiguillon, depuis le mois d'avril. Edouard lll voulut aller porter secours à cette ville, mais  le vent contraire l'empêcha d'exécuter son projet; c'est alors que, sur le conseil d'un gentilhomme français transfuge, Godefroy d'Harcourt, il débarqua, le 12 juillet 1346, à La Hougue-Saint-Vaast, en Cotentin. Il s'avança alors à travers la riche Normandie, dévastant le pays, pillant les villes, Barfleur, Saint-Lô, Caen, Louviers, Pont-de-l'Arche, Poissy, et arriva jusqu'à Saint-Germain-en-Laye; de Paris on vit les incendies. Bien que Philippe eut coupé les ponts, Edouard passa la Seine à Poissy, et, n'osant attendre l'armée française, se retira vers le Nord. Philippe se mit à sa poursuite avec une superbe armée, le serra de près, et le prenait comme dans une souricière entre la Somme et la mer, sans un valet, qui indiqua au roi d'Angleterre le gué de la Blanchetaque. La poursuite reprit et, le 26 août, les deux armées se trouvèrent en présence à Crécy-en-Ponthieu. L'armée française fut complètement défaite. Froissart compte parmi les morts, côté français  : le roi aveugle Jean de Bohème, 11 princes, 80 bannerets, 1200 chevaliers, 15.000 écuyers ou hommes de pied. Philippe VI, arraché de force au champ de bataille, s'enfuit jusqu'au château de Broy e, puis à Amiens.

Non seulement Edouard III était sauvé, mais il avait remporté une grande victoire qu'il devait compléter peu après. Il mit le siège devant Calais, admirablement défendue par Jean de Vienne, le 3 septembre 1346. Le 3 août 1347, Calais se rendait à merci, les habitants quittaient la ville et se réfugiaient en France; ils furent remplacés par des familles anglaises. Philippe VI n'était pas resté inactif; il espéra d'abord qu'une diversion en Ecosse, où son allié David Bruce avait repris le trône en 1342, rappellerait Edouard dans son île, mais la reine d'Angleterre, Philippe de Hainaut, fut victorieuse à Nevill's-Cross (17 octobre 1346) et David Bruce, prisonnier, ne put être d'aucun secours à la France, La roi essaya alors de sauver lui-même l'héroïque ville. Une armée de 60.000 chevaliers, de 24.000 fantassins se réunit à la Pentecôte 1347 à Amiens, mais ne fit rien; embourbé dans les marais, Philippe envoya un défi solennel à Edouard, mais celui-ci se garda de lâcher la proie pour l'ombre, et Philippe s'en retourna. L'intervention du pape Clément VI vint mettre un terme à cette guerre : une trêve fut signée devant Calais le 28 septembre 1317, elle devait être à peu près observée jusqu'à la fin du règne.

Mais les maux amenés par la guerre étaient atroces tout le Nord-Ouest de la France, du Cotentin à la Thiérache avait été méthodiquement dévasté; des villes prospères comme Caen n'étaient plus que ruines; pour comble, une épouvantable épidémie de peste noire ravagea la France. Elle avait commencé en Provence à la fin de l'année 1347, emportant les deux tiers de la population; dans le Nord, sans causer autant de ravages, elle fit cependant disparaître un tiers des habitants. A Paris, dans l'été de 1348, il mourait de 500 à 800 personnes par jour. Comme toujours, on chercha un remède dans une persécution cruelle contre les Juifs; le peuple affolé, massacra ceux qu'il put atteindre, et le gouvernement de Philippe VI s'associa à cette persécution ou il trouvait son compte par les confiscations. La curieuse folie des flagellants se manifesta en France, comme dans tous les pays d'Europe frappés du même fléau.

Malheureusement l'administration de Philippe VI n'était pas faite pour réparer tant de maux. Ce roi des nobles ne pensait qu'aux fêtes, et les revenus habituels suffisaient à peine à entretenir la cour. Quand venait la guerre, il fallait avoir recours aux expédients, et aucun règne ne fut plus inventif à cet égard : altérations des monnaies incessantes (11 ordonnances en 1348, 9 en 1349); réductions sur les traitements (1338); expulsion des Juifs et des Lombards et confiscation de leurs biens; impositions, aides et subsides, tantôt consentis par les Etats, tantôt arrachés par le roi; gabelle, ou impôt sur le sel, inventée par Philippe le Bel, rendue définitive et aggravée par l'obligation d'acheter aux greniers royaux (1341); décimes du clergé accordés par le pape de deux ans en deux ans, tous les moyens furent employés pour tirer de l'argent du royaume. Mais les Etats généraux ou provinciaux, devant tant d'exactions, commencèrent à faire des difficultés pour accorder les subsides, et à poser leurs conditions. Ceux de Normandie (1338), de Vermandois (1340), résistèrent et stipulèrent que, sauf en cas d'arrière-han, ils ne pouvaient accorder aucun subside extraordinaire. Les Etats de la langue d'oïl réunis à Paris en 1343 apportèrent des griefs auxquels le roi dut satisfaire par une ordonnance en douze articles sur les prises, les sergents, la justice, les emprunts, etc. Les États généraux du 30 novembre 1347, à Paris, refusèrent tout; ceux de Normandie, à Pont-Audemer (mars 1347), accordèrent 450.000 livres, mais exigèrent que l'établissement, la recette et la vérification de ce subside fussent faits par les Etats et des fonctionnaires nommés par eux. De même en Vermandois, le gouvernement royal était annihilé. 

« Les Etats généraux du règne de Jean le Bon, dont on a tant fait ressortir les audaces, ne feront rien de plus hardi en matière financière » (Coville, ap. Lavisse et Rambaud, Histoire générale, t. III).
Parmi les ordonnnances non financières de Philippe VI, on peut citer celle de 1340 sur la Chambre des comptes, celle qui modifia l'organisation du Parlement en mettant sur un pied d'égalité les rapporteurs roturiers et les jugeurs nobles, ce qui amena l'éloignement de ceux-ci. Il sépara les fonctions judiciaires des fonctions militaires chez les baillis et sénéchaux (1335). Enfin il établit, en 1320, les appels comme d'abus contre les décisions de l'autorité ecclésiastique. Malgré les malheurs militaires de la fin de son règne, Philippe VI a accru le domaine royal par d'heureuses acquisitions: en 1328, il réunit son apanage (Valois, Chartres, Anjou et Maine); en 1333, il obtint la Champagne et la Brie (par transaction avec Philippe d'Evreux), il est vrai que, par le même acte, il perdait la Navarre; en 1349, il acquit les seigneuries de Montpellier et de Lattes (par achat au roi Jayme de Majorque) enfin, en 1349, il acheta le Dauphiné à Humbert II de Viennois. Cette province devait devenir l'apanage des héritiers présomptifs de la couronne.

Philippe VI, veuf de Jeanne de Bourgogne, en 1348, épousa le 29 janvier 1349, Blanche de Navarre, âgée de dix-neuf ans. Le 22 août 1350, il mourait à l'âge de cinquante-six ans. Il laissait comme enfants : du premier lit, Jean II, son successeur; Philippe d'Orléans, comte de Valois; Marie, femme de Jean de Brabant; du second lit, une fille posthume, Jeanne ou Blanche, morte jeune. (J.-G. Kergomard).

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