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L'histoire de Rome
Géographie historique 
de l'Empire romain
La connaissance du cadre géographique de l'empire romain est indispensable pour l'intelligence de son histoire. Celle-ci-continue non seulement l'histoire de la cité romaine, mais celle de tous les peuples que les Romains s'étaient successivement subordonnés. C'est l'histoire de tout le bassin de la Méditerranée, de l'Europe, de l'Asie occidentale, de l'Afrique septentrionale durant quatre ou cinq cents ans. 
Comme l'a dit éloquemment V. Duruy, les hommes et les choses de l'avenir « ce sont les provinciaux qui vont arracher à l'Italie ses vieux privilèges, propager dans tout l'Occident barbare la civilisation gréco-latine et faire donner à cent millions d'hommes, par des empereurs nés à Séville, à Lyon, à Leptis, des lois qu'on appellera la raison écrite. C'est encore la religion nouvelle qui se formera pour cette nouvelle société; de sorte qu'au temps même où les empereurs mettront dans la loi civile le principe du droit individuel qui isole, le christianisme s'efforcera de mettre, dans le coeur le sentiment de la fraternité qui réunit : deux grandes idées de l'époque impériale que l'Europe moderne a retrouvées sous les ruines du Moyen âge, Pour mesurer cette marche des provinces vers l'égalité de droits, de civilisation, de richesse et plus tard de religion, il convient de marquer nettement le point d'où chacune d'elles est partie. On jugera mieux ensuite l'oeuvre des empereurs; on verra s'ils ont su faire par des institutions au profit de l'Etat ce que le christianisme fit par ses doctrines au profit de l'Eglise; si enfin, pour prendre le langage de Bossuet, « un peuple nouveau va naitre de toutes les nations enfermées dans l'enceinte de l'Empire ». L'empire de Rome, ou, comme disaient ses historiens et ses légistes, l'Univers romain, était assez vaste, quand Auguste en devint le maître, pour que les peuples, sujets ou ennemis, qui appartiennent à son histoire, représentassent presque toutes les races d'hommes de l'ancien continent. » (Duruy, t, III, p. 660.).
C'est même là ce qui donne à cet empire sa physionomie propre, qu'aucun autre n'a retrouvé depuis. D'autres dominations se sont étendues sur de plus vastes surfaces et sur des hommes plus nombreux; aucune n'a ainsi donné des institutions communes à une aussi grande quantités de nations d'origine et de mmurs différentes. Ni l'immense monarchie des Mongols, ni celle des Russes, ou le domaine colonial presque universel qui sera celui des Anglais, ne peuvent être comparés à l'Empire romain. C'est d'ailleurs à celui- ci que remontent les origines de la civilisation de tous les peuples de l'Europe moderne, directement pour les populations latine et grecque, indirectement pour les Germains et les Slaves.

L'empire romain avait été fondé par les Latins; les Italiens comprenant les Ligures, les Etrusques, en étaient les premiers sujets. Dans le Sud, ils étaient mélangés de Grecs; dans le Nord, de Celtes. Ceux-ci occupaient, outre le bassin du Pô, les Alpes et les cantons du haut Danube, la Gaule entre la Garonne et la Somme, la Grande-Bretagne; ils étaient mélangés aux Germains dans la Gaule septentrionale, aux Ibères dans l'Espagne centrale, aux populations de l'Asie Mineure dans le centre de cette péninsule. Les Ibères occupaient les deux versants des Pyrénées, de l'Ebre à la Garonne; le long de la Méditerranée, ils étaient mélangés de Phéniciens; de Gaulois dans le centre de l'Espagne, Les Germains s'étendaient dans la plaine de l'Europe centrale et septentrionale jusqu'au Danube supérieur et jusqu'aux Alpes; plus à l'Est, après la Vistule et la Theiss, venaient les Sarmates et les Slaves. Les populations grecques ou grécisées tenaient la péninsule balkanique et les rivages de la Méditerranée orientale; les populations sémitiques occupaient la Syrie et plus loin l'Arabie de l'Arménie à la Mésopotamie s'étendaient les populations d'origines diverses, débris d'un passé lointain; plus à l'Est, les Iraniens et les Touraniens, puis l'Inde et dans le lointain les Sères ou Chinois. En Afrique, derrière l'Egypte, on touchait aux "Hamites" (Ethiopiens) et aux populations de l'Afrique Sub-Saharienne; ceux-ci étaient mélangés de Sémites sur tout le littoral méditerranéen, du Nil aux colonnes d'Hercule (Gibraltar). Sauf l'Inde et la Chine, qui n'auront que des relations commerciales avec l'empire romain, tous les autres sont sujets de l'Empire, ou ses alliés ou ses ennemis, et leur histoire durant cinq siècles se confond avec celle de l'empire romain.

Dans l'empire romain du Ier siècle, il n'y a pas seulement des différences radicales de populations et de langues, mais aussi de moeurs et de civilisation. 

« Depuis le Cantabre, farouche et libre dans ses montagnes, jusqu'au Grec d'Antioche ou d'Ephèse, servile et efféminé, il y avait dans ces populations tous les degrés par lesquels on passe de la barbarie la plus grossière à la civilisation la plus rafinée. » 
L'oeuvre des empereurs fut de rapprocher tous ces éléments, de leur donner la cohésion, de faire régner la paix à l'intérieur durant deux siècles, donnant ainsi au monde le bienfait inconnu avant et après lui de la paix romaine. 

Nous passerons rapidement en revue les différentes parties de l'empire romain, renvoyant pour les détails aux articles consacrés à chaque pays (Espagne, Italie, Gaule, etc.) et à chaque province (Bétique, Lusitaine, Rhétie, etc.). Le centre politique et géographique était l'Italie. Epuisée par les guerres de la conquête romaine et par les guerres sociales et civiles du Ier siècle av. J.-C., elle avait plus souffert que profité des colonies de vétérans. Tandis que Rome s'encombrait d'une foule de mendiants, dans les campagnes les pâturages remplacent les champs. La population italienne conserve encore ses privilèges. Il n'y a plus de différence entre Romains et Italiens. Ce qu'on appelle l'Italie, c'est une série, de villes libres romaines qui ne payent pas de contributions foncières, ne fournissent pas à l'armée de contingent régulier et par conséquent peuvent se passer d'une administration commune. Seulement, comme la souveraineté n'appartient plus au peuple, mais à l'empereur, les Italiens seront progressivement assimilés aux autres sujets. L'Italie, étendue jusqu'aux Alpes, est partagée sous Auguste en onze régions qui, plus tard, servirent de base le son organisation administrative. Les défauts des administrations urbaines obligèrent à les priver de leur autonomie. Elle subsista pourtant jusqu'au commencement du second siècle; mais alors la justice était si mal rendue, les finances mal gérées, la police mal faite, qu'il fallut procéder à une réforme. Limitée d'abord au système judiciaire, elle entraîna, vers l'an 300, la division de l'Italie en provinces; la péninsule fut privée de son exemption d'impôts; la région septentrionale entretint la cour de Milan ou de Ravenne, la région méridionale (suburbicaria) entretint la ville de Rome. 

Aux quatre coins de l'Empire romain...

Les îles italiennes avaient été annexées, dès le IIIe siècle av. J. C. La Sicile, pacifiée depuis longtemps et exploitée à fond, à cause de sa richesse agricole, comprenait 68 communes, dont une douzaine de colonies romaines. Les autres conservaient leur constitution grecque. La Sardaigne, qui fut alternativement province impériale et sénatoriale, était entièrement regardée comme pays conquis et domaine de l'Etat. Les communes étaient administrées par des préfets que nommait le gouverneur romain.

L'Espagne ne fut définitivement soumise qu'en l'an 19 av. J.-C., dans les premières années de l'Empire. Le Sud formant la province de Bétique était depuis longtemps pacifié; les richesses minières et agricoles y étaient grandes; dans le centre, les Celtibères avaient été domptés; de ce côté, les villes étaient rares. Au Nord-Ouest, les Gallaïques et les Astures étaient contenus par deux légions; sur le rivage du golfe de Gascogne, Astures et Cantabres étaient de véritables "sauvages", comparés aux Romains de ce temps. La Bétique et la partie limitrophe de la Tarraconaise étaient devenues complètement latines de moeurs et de langue dès le premier siècle de l'Empire; les routes, l'immigration de milliers de colons romains, le service militaire agirent avec une telle rapidité que, dès l'an 75, on put conférer à toute l'Espagne le droit latin (jus Latii). Bientôt elles donnèrent à l'Empire deux de ses meilleurs souverains, Trajan et Hadrien.

La Gaule ne fut complètement organisée que par Auguste. Dans les années 38 et 27 av. J.-C., il fallut encore comprimer des révoltes de l'Aquitaine. La Narbonnaise, romaine depuis un siècle, était docile; le reste forma trois provinces. Dans son ensemble, le pays comprenait 300 à 400 cantons qui furent groupés par Auguste en 64 cités; il se forma de grande villes, notamment la capitale commune, Lyon, où le culte de l'empereur fut centralisé, ainsi que l'administration financière des trois provinces. Sur la frontière du Rhin, on détacha une large bande de territoire qui forma les deux provinces de Germanie. Nous y reviendrons en parlant de l'organisation des frontières. Sauf dans l'Aquitaine, les Gaulois furent d'abord réfractaires à la civilisation romaine; les peuples avaient leurs privilèges garantis par des traités particuliers et y tenaient, l'aristocratie refusant l'octroi du droit de cité romaine. Mais, au bout de deux générations, la résistance s'atténua; plusieurs régions demandèrent le droit de cité, et la romanisation, favorisée par quelques colonies (Cologne, Trèves, Avenches), s'accéléra.

Les pays alpestres doivent être classés à part. Les Romains les avaient négligés, malgré les continuels actes de brigandage des montagnards. Ceux-ci faisaient même payer aux armées un tribut pour les laisser passer. Auguste soumit, en 14 av. J.-C. les Alpes Maritimes et leurs quatre cités des deux rives du Var (Cimiez, Vence, Senez et Castellane). La province fut plus tard agrandie au Nord. Dans les Alpes Cottiennes, le royaume de Cottius et ses quatorze cités qu'il gouvernait furent de même incerporées à l'Empire. Comme les précédents, ils reçurent, dès le Ier siècle, le droit latin. Dans les Alpes Pennines, la population resta très indocile, mais fut mise à la raison par Auguste; la province ne fut bien organisée qu'au IIe siècle, comprenant le Valais avec quatre cités et une partie de la Savoie jusqu'à la Tarentaise.

La Grande-Bretagne ne fut conquise que lentement. Auguste y exerçait une sorte de protectorat. Claude commença l'occupation qui fut achevée par Agricola, lequel fortifia la frontière septentrionale, renonçant à conquérir la pointe Nord de l'île. Il éleva des retranchements entre la Clyde et le Forth. Plus tard, Hadrien recula la frontière au Sud entre la Tyne et le golfe de Solway où il traça une double ligne de retranchements, celle du Nord flanquée de 80 redoutes. Antonin reporta la frontière au Nord, et édifia des ouvrages enterre sur la ligne de ceux d'Agricola; Septime Sévère revint au mur d'Hadrien, La Bretagne ne fut que peu latinisée.

Les provinces danubiennes furent ajoutées à l'empire romain par Auguste. Elles s'étendaient entre les Alpes et le fleuve. La Rhétie allait jusqu'à l'Inn, comprenant l'Est de la Suisse, le Sud de la Bavière et le Nord du Tyrol actuel; elle fut conquise en l'an 15 av. J.-C. par Drusus et Tibère. Les Romains y fondèrent quelques villes, surtout Augusta Vindelicorum (Augsbourg). Elle conserva le caractère de gouvernement militaire. Le royaume de Norique, réduit en province à la même époque, conserva son autonomie jusqu'à la fin du second siècle. Il allait de l'Inn au Kahlenberg (Catius mons) et correspond aux pays actuels de Salzbourg, Carinthie, etc. Plus à l'Est, la Pannonie résista bien plus énergiquement que le Norique. La conquête dura plus de quinze années (35-9 av. J.-C.) et exigea de nouvelles campagnes de l'an 6 à l'an 9 de l'ère chrétienne. La population indigène fut décimée, la plupart des adultes tués ou vendus au loin, C'était le pays au Nord de la Saxe, compris dans le coude du Danube (Hongrie occidentale); les Romains y créèrent plusieurs villes, Sirmium, Mursa (Eszeg), Aquincum (Ofen), Savaria (Szombathely), Siscia (Siszek), Emona (Laibach), Vindobona (Vienne) et d'autres. Cette province, subdivisée plus tard, acquit une grande importance.
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Carte des conquêtes romaines sous l'Empire.
Les conquêtes de l'Empire romain.
(cliquer sur la carte pour l'agrandir).

L'Illyrie comprenait la vaste région circonscrite par les Alpes, le Danube, l'Adriatique, les Balkans et la mer Noire, Ce noom avait été emprunté à l'ancienne Illyrie (Albanie septentrionale), assujettie vers l'an 167 av. J.-C. La Dalmatie fut peu à peu subjuguée, définitivement par Auguste. Ces farouches montagnards ne furent domptés
après la défaite de leurs alliés les Pannoniens. Voisine de l'Italie, la Dalmatie se romanisa; les villes s'y multiplièrent, surtout sur le rivage où furent établies des colonies romaines. L'ancienne Dalmatie englobait la Bosnie actuelle. La Mésie s'étendait entre le bas Danube et les Balkans. Elle fut soumise en 29 av. J.-C. sans grande difficulté. On en forma une province bornée à l'Ouest par la Drina; plus tard, elle fut subdivisée en Mésie supérieure (Serbie) et Mésie inférieure à l'Ouest du Ciabrus (Tzibritza). Les villes sont ou des comptoirs grecs du littoral de la mer Noire ou des colonies romaines comme Singidunum (Belgrade). Au IIIe siècle, ces contrées deviennent prospères; sur la rive droite du Danube se multiplient les villes romaines qui sont encore les prin cipales aujourd'hui, Nicopolis, Sistova, Widdin. Le gouverneur de la Mésie inférieure représentait l'influence romaine sur la côte septentrionale de la mer Noire. Les colonies grecques de cette région étaient tributaires des rois sarmates; ceux-ci étaient sous le protectorat de Rome. La ville de Tyras (Akermann) fit partie de la Mésie jusqu'en 237 ap. J.-C. Le royaume du Bosphore (Crimée) reconnut l'autorité romaine jusqu'au IVe siècle; ses princes plaçaient sur la monnaie l'effigie de l'empereur régnant. Il y eut même à Chersonesos une garnison romaine.

Au Nord du Danube, fut organisée par Trajan la grande province de Dacie, subdivisée sous Hadrien en Dacie supé rieure à l'Ouest, et Dacie inférieure à l'Est, puis sous Marc-Aurèle en trois provinces, Les guerres de Trajan avaient exterminé le peuple dace, et pour repeupler ce vaste territoire compris entre le Dniestr et la Temes, il fallut appeler des colons de toutes les parties de l'Empire. Cette oeuvre est le plus extraordinaire succès de la colonisation romaine. Bien que les Romains n'aient gardé le pays que durant un siècle et demi, il y ont créé un peuple, le peuple roumain, le seul qui ait gardé leur nom. Lorsque Aurélien rappela les garnisons de la Dacie, il transporta une partie des habitants sur la rive droite du Danube où il transféra également le nom de Dacie.

Ou donne parfois le nom d'Illyrie (Ilyricum) à tout l'ensemble des provinces danubiennes. Elles ont, en effet, une physionomie commune. 

« Autant la vie romaine se développait avec richesse et fécondité dans la groupe des provinces occidentales, autant sur cette pente des Alpes et de l'Aemus qui descendait du Danube, vers la barbarie germanique et slave, les moeurs étaient encore grossières et violentes. Peu de villes, de colonies et de cités privilégiées, mais des camps, des forteresses et, dans les peuplades indigènes, l'habitude des armes rendue nécessaire par le voisinage de l'ennemi. Cependant l'Illyricum deviendra une des parties vitales de l'Empire, parce que ses habitants conservent des encours guerrières au milieu des travaux de la paix. De là, en effet, sortirent les seuls grands princes, Théodose excepté, qui arrêteront quelque temps la décadence romaine, et le plus illustre des empereurs du Bas-Empire, Justinien. » (V. Duruy).
La Thrace, dont l'importance géographique est grande, en raison de sa situation intermédiaire entre l'Europe et l'Asie, était un des pays les plus réfractaires à la civilisation greco-romaine. Le rivage méridional, colonisé par les Grecs, était tombé au pouvoir des Romains en même temps que la Macédoine et avait été rattaché à cette province, La Chersonèse fut la propriété privée d'Agrippa, puis, par héritage, de la famille impériale, Dans l'intérieur, les tribus indigènes résistaient à toute discipline. Les Romains leur firent une guerre méthodique, les obligèrent tous à se soumettre sous le nom d'alliés et, après les avoir gouvernés par l'intermédiaire de princes indigènes, ils mirent à la tête des fonctionnaires et réduisirent la Thrace en province (46 ap. J.-C.). Les cités grecques de la côte (Abdère, Aenos, Byzance, Samothrace) furent déclarées libres. L'intérieur du pays fut divisé en 50 stratégies entre lesquelles on groupa les tribus. Des colonies romaines furent établies, des villes créées ou relevées, Trajanopolis, Philippopolis, Hadrianopolis. Les progrès de la vie urbaine et de la prospérité furent grands au IIeet au IIIe siècle, et la Thrace, subdivisée en six provinces, était, au IVe siècle, une des parties les plus peuplées et les plus riches de l'Empire.

La Macédoine s'étendait du Nestus (Kara-sou) à l'Est à la mer Adriatique à l'Ouest, jusqu'au Drin et au mont Scardus (Tchar Dagh) au Nord, jusqu'à l'Oeta et au golfe Maliaque au Sud; c'était le boulevard de la puissance romaine dans cette région; les anciens Macédoniens, divisés en quatre districts, avaient été déclarés libres et gardaient leurs lois, leurs magistrats électifs, battant monnaie, percevant les impôts, qu'ils versaient aux Romains; de même, les cités de Dyrrachium, Amphipolis, Thessalonique, étaient libres; la première devint avec Pella, Philippis Cassandria (Potidée), etc., une colonie romaine. La grande voie militaire de la péninsule balkanique (via Egnatia) traversait la Macédoine de Dyrrachium à Thessalonique, reliant l'Italie à l'Orient. La paix assurée par la compression des barbares voisins (Dardaniens, Thraces, Illyriens) ramenait la prospérité dans ce pays.

L'Achaïe, l'ancienne Grèce, ne se relevait pas. Toutes les confédérations avaient été dissoutes, au moins en tant que pouvoirs politiques; les cités étaient donc isolées; quelques-unes étaient libres (Athènes, Sparte, Delphes); la plupart n'avaient aucun privilège. Rattachée d'abord à la Macédoine, l'Achaïe ne devint province particulière qu'en 27 av. J.-C. L'Epire lui fut rattachée momentanément. Des colonies romaines furent fondées à Corinthe. Patras, Actium (Nicopolis). Tandis que les pays occidentaux, Espagne et Gaule, et les provinces danubiennes tiraient grand bénéfice de la domination romaine et développaient une richesse matérielle et une civilisation urbaine qu'elles n'avaient pas encore possédée, en Grèce, la ruine de la la liberté politique acheva la ruine matérielle. La population décrut sans cesse, les campagnes désertes se transformaient en pacages; les îles n'étaient plus cultivées. Le sort de l'Epire et des cantons montagneux du Nord fut pire encore; les tribus de cette zone retombaient dans la demi-barbarie d'où Rome tirait les Illyriens et les Thraces.

L'Asie Mineure était autrefois et est restée jusqu'à la conquête turque un pays très favorisé; les plateaux du centre, les montagnes et les belles vallées du pourtour ont abrité bien des royaumes et bien des peuples. Il acceptèrent assez facilement la domination romaine qui, comme celle des Perses, respectait leurs constitutions particulières. Au début, les Romains n'occupèrent que les plaines occidentales et les côtes, laissant à l'intérieur les dynasties nationales qui leur obéissaient servilement. Ce n'est que lentement que celles-ci furent l'une après l'autre éliminées. La première province était celle d'Asie, l'ancien royaume de Pergame, comprenant l'ancienne Lydie avec la Mysie, la Carie et les colonies grecques d'Eolide, Ionie et Doride (moins Rhodes, incorporée sous Vespasien). Les limites vers l'Est changèrent à plusieurs reprises. Les communes urbaines très nombreuses, on en comptait 500, furent groupées en 44 districts; beaucoup des cités avaient le privilège de l'autonomie. Ultérieurement, l'Asie fut morcelée en sept petites provinces. La Bithynie (du Rhyndacus au Sangarius [Sakaria]) s'accrut à la mort de Mithridate du Pont occidental jusqu'à l'Halys (Kyzyl Irmak), mais les deux fractions conservèrent leurs institutions particulières; la première comprenait 12 cités, la seconde 11 cités; quelques-unes jouissaient de privilèges, à titre de villes libres ou de colonies. 

Les colonies étaient peu nombreuses en Asie Mineure, car le pays n'avait guère résisté; les armées y séjournèrent peu et on n'eut pas souvent d'occasion d'y établir des vétérans. Le royaume de Galatie, réduit en province l'an 25 av. J.-C., comprenait de vastes territoires, la Galatie proprement dite (Ancyre, Pessinonte, Tavium), la Pisidie, la Phrygie orientale, la Lycaonie, l'Isaurie, la Paphlagonie méridionale, une partie du Pont (Amasia, Comana), et l'on y adjoignit encore momentanément (63 ap. J.-C.) le Pont Polémoniaque, dont dépendait la côte jusqu'à Trébizonde. La province renfermait deux cités libres, Sagalassus et Termessus, plusieurs colonies romaines, Iconium, Claudiopolis, Antioche de Pisidie, etc.; chacune des régions énumérées avait gardé son administration propre avec sa métropole et son assemblée. Quand le royaume de Cappadoce devint province romaine (17 ap. J.-C) on lui laissa son administration avec ses onze stratégies; la province fut agrandie plus tard par l'annexion du Pont, de la Petite-Arménie, enfin de la Lycaonie avec Iconium; elle confinait à l'Euphrate et au Taurus. C'était un pays rural; peu de villes; aussi l'influence romaine fut-elle médiocre, bien moindre qu'en Galatie. Au IIe siècle, les bords de la mer Noire, dans la région caucasique, étaient rattachés à la Cappadoce, jusqu à Phasis et Dioscurias; dans les montagnes de l'intérieur se maintenaient les petits princes indigènes, vassaux peu fidèles. La Petite-Arménie (Armenia minor) comprenait la vallée supérieure de l'Euphrate avec Mélitène. Cette province de Cappadoce avait une réelle importance politique, parce qu'elle était contiguë à l'Arménie et à la Caucasie. Nous en reparlerons à l'occasion de la défense des frontières

Aux quatre anciennes villes (Tyane, Mazaca, Ariarathia, Archelais), les Romains en ajoutèrent successivement une quinzaine d'autres. Aussi put-on subdiviser la province en sept autres au IVe siècle ap. J.-C. La province de Lycie et Pamphylie date seulement de Vespasien; la Pamphylie, annexée en 103 av. J.-C., avait été réunie d'abord à la Cilicie, puis à la Galatie, et, quant à la Lycie, elle demeura libre jusque sous Néron et sous Galba. Les deux pays conservèrent leurs nationalités distinctes; la Lycie était une confédération de 23 cités, élisant ses fonctionnaires. La Cilicie ne fut bien nettement une province particulière qu'à partir d'Hadrien. Les Romains y laissèrent subsister longtemps de petites dynasties locales; celle d'Elaiussa, possédant la Cilicie Trachée; celle d'Olbe, ancienne théocratie; celle de Tarcondimotus, dans les monts Amanus; six villes étaient libres, Tarse, Anazarbus, Corycus, Mopsus, Seleucia ad Calycadnum et Aegae; on cite de plus trois colonies romaines. La province de Cilicie n'avait en somme aucune unité; on y rencontre plus de douze ères différentes pour les supputations chronologiques. L'île de Chypre comprenait quinze cités; Paphos puis Salamine furent les principales.

La Syrie avait été morcelée d'une manière si compliquée à cause des différences de populations ou des luttes locales que la province de ce nom subit des remaniements continuels. Les Syriens à demi hellénisés allaient jusqu'à Damas; à l'Est et au Sud, on trouvait les Arabes, à l'Ouest les Phéniciens, au Sud les Juifs, parlant des langues différentes. Mais, de plus, chacun de ces territoires nationaux comprenait des villes helléniques; enfin un certain nombre de dynasties locales se maintenaient sur des districts plus ou moins vastes. Les Romains, se substituant aux Séleucides, respectèrent à peu près ces divisions compliquées, ramenant graduellement l'unité. Aux villes, ils donnèrent une constitution aristocratique censitaire, leur laissant l'administration et la gestion de leurs revenus. 

Dans toute la région maritime, ils favorisèrent et restaurèrent les villes, partageant le pays en circonscriptions urbaines. Dans l'intérieur, au contraire, ils utilisèrent les dynasties régnantes comme agents responsables. Ces petits royaumes furent l'un après l'autre annexés. Celui de Comagène (entre l'Euphrate, l'Amanus et la Syrie), en 72 ap. J.-C.; celui de Chalcis (entre le Liban et l'Antiliban), vers 92 ap. J.-C.; la tétrarchie d'Abilène (versant oriental de l'Antiliban), en 48 ou 49 ap. J.-C.; le royaume d'Aréthuse et d'Emèse, sous Domitien; celui de Damas, en 106 ap. J.-C. La Judée, organisée comme la Syrie, redevint bientôt un royaume vassal, subdivisé en trois lots à la mort d'Hérode (4 av. J.-C.), réuni entre les mains d'Hérode Agrippa en 41 ap. J.-C. Mais, dès 44, il est administré par des procurateurs romains, et les révoltes des Juifs amènent leur extermination. En plein désert, dans l'oasis de Palmyre, est une cité grecque que l'Empire romain s'annexa vers l'an 106 av. J.-C. et qui prit une grande importance au point commercial et stratégique. 

La Judée, ou Syriae Palaestinae, fut à peu près toujours une province particulière; la Syrie proprement dite fut divisée, sous Septime Sévère, en Syria Coele et Syria Phoenice, la première comprenant le Nord avec Antioche et la Comagène, la seconde la Phénicie, Emèse, Damas, Palmyre, l'Auranitis, la Batanea, la Trachonitis. Enfin, au temps du Bas-Empire, ces trois provinces en formèrent sept. La Syrie fut une des parties principales de l'empire romain, par l'abondance de sa population, par sa richesse, par son originalité. L'élément romain vint s'ajouter aux autres, syriaque, araméen, phénicien, hébreu, arabe, grec. 

La province d'Arabie comprenait la région de Bostra et de Pétra annexée par Trajan en 105 ap. J.-C.

Les provinces de l'Euphrate, disputées entre les Romains et les Parthes, n'appartinrent qu'irrégulièrement à l'Empire. L'Arménie, de l'Euphrate à la mer Caspienne, était un royaume alternativement vassal de ses deux puissants voisins. Elle ne fut réduite définitivement en province que par l'empire byzantin. La Mésopotamie et l'Assyrie, conquises par Trajan, furent évacuées par Hadrien; mais Marc-Aurèle réoccupa la région septentrionale entre l'Euphrate et le Tigre et rétablit une province de Mésopotamie; la zone orientale, l'Osrhoëne, fut laissée à la dynastie indigène. Des colonies romaines étaient établies à Ninive, Carrhes, Singara, Edesse, Nisibis. En 363, celle-ci fut cédée aux Perses par Jovien « et c'est là le premier exemple de cession forcée de territoire qui nous ait été présenté par l'histoire romaine ».

Des provinces africaines, la première était l'Egypte, le plus ancien des Etats méditerranéens. Auguste lui fit une place à part; elle fut considérée comme domaine des empereurs et l'on prit de grandes précautions à son égard; autant tous les pays que nous venons de parcourir étaient hétérogènes avec leurs cités, leurs cantons,  de langue, de moeurs différentes, leurs tribus rivales et ennemies, autant ce vaste pays de sept ou huit millions d'âmes avait l'homogénéité d'un Etat moderne. On lui laissa le système administratif des Ptolémées; la langue grecque resta langue officielle; le vice-roi relevant directement de l'empereur prit la place des anciens rois; les institutions religieuses furent respectées soigneusement. La nationalité égyptienne fut conservée, et l'on ne s'efforça nullement de la romaniser. Cependant quelques villes grecques avaient leur constitution particulière, et Alexandrie fut aussi traitée à part.

Les Anciens ne comptaient dans l'empire romain que quatre provinces africaines : la Cyrénaïque, l'Afrique, la Numidie, la Maurétanie; en effet, ils rattachaient l'Egypte à l'Asie et, pour l'administration romaine, cette opinion prévalut encore au IVe siècle. La Cyrénaïque était séparée de l'Egypte par les terrasses presque désertes du Catabathmus; ces solitudes de la Marmarica furent cependant conquises et leurs nomades habitants rattachés à la province de Cyrénaïque, de même que l'île de Crète. La Cyrénaïque était en décadence; la Crète également

L'Afrique (aujourd'hui Tunisie et  Nord de la Lybie (Tripolitaine)), c.-à-d. l'ancien territoire de Carthage, fut agrandie en 25 av. J.-C. par l'annexion de la Numidie qui s'étendait jusqu'à l'Ampsaga; celle-ci devint une province particulière sous Septime Sévère; sous Dioclétien, on détacha de l'Afrique la Byzacène et la Tripolitaine. Les tribus berbères avaient conservé une partie de leur autonomie; l'élément phénicien demeurant prépondérant dans la province d'Afrique, la religion et surtout la langue persistèrent. Toutefois, l'élément romain acquit beaucoup d'importance, et Carthage devint le centre d'une civilisation latino-africaine très curieuse. En Afrique et en Numidie, les colonies romaines furent, au temps de Pline, au nombre de six, plus quinze villes ayant le droit de cité romaine et trente villes libres. La Maurétanie, royaume vassal, ne fut annexée qu'en 40 ap. J.-C. On en forma deux provinces; un grand nombre de colonies y furent fondées, et la civilisation romaine y a laissé des traces profondes.

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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