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Le Pont

Le Pont. - Dans son sens le plus large et le plus général, ce nom servit à désigner, pendant l'Antiquité, soit le Pont-Euxin lui-même (c'est-à-dire la Mer Noire), soit les côtes de cette mer. Hérodote parle des cités grecques du Pont qui envoyèrent à Xerxès cent navires, et les orateurs grecs du IVe siècle donnent aux tyrans, qui gouvernaient les colonies grecques de la Chersonèse Taurique, le nom de tyrans du Pont. A l'époque hellénistique, ce mot prit une signification plus précise et plus restreinte : il fut spécialement appliqué au royaume qui se constitua, en se détachant de l'empire des Séleucides, sur la côte méridionale du Pont-Euxin, entre la Bithynie à l'Ouest et l'Arménie à l'Est. Ce royaume du Pont, qui dura plus de deux siècles et dont les destinées furent brillantes, ne cessa de s'agrandir jusqu'au moment où le dernier et le plus glorieux de ses rois, Mithridate Eupator, fut vaincu par Rome. Ce prince conquit les régions du Bosphore Cimmérien, la Colchide, la Petite-Arménie; il réussit même à établir sa domination sur la plus grande partie de l'Asie Mineure. Mais ces contrées ne paraissent avoir été jamais comprises sous la dénomination de Pont.

Le royaume du Pont s'étendait sur la côte méridionale du Pont-Euxin, entre les embouchures du Parthénios à l'Ouest et de l'Acampsis à l'Est. Ce rivage, peu découpé, est dominé par de hautes montagnes; de ces chaînes littorales la plus importante est formée par les monts Paryadrès, qui s'élèvent à l'extrémité orientale du pays.

L'intérieur du royaume se composait essentiellement de la vallée du fleuve Iris, de celle de son principal affluent, le Lycos, et des cantons montagneux, où le Halys prend sa source. Sauf quelques plaines d'étendue moyenne, comme la Phanarée où concluent l'Iris et le Lycos, le Pont renferme surtout des vallons étroits et tourmentés, dont les uns s'ouvrent au Nord sur la mer, et dont les autres remontent vers le plateau d'Asie Mineure; on l'a comparé justement au glacis d'une forteresse, dont le terre-plein serait formé par la Cappadoce et la Galatie (Th. Reinach, Mithridate Eupator, p. 9). Les fleuves, qui le sillonnent, et dont les eaux atteignent toutes le Pont-Euxin, sont assez abondants pour fertiliser les terres qu'ils arrosent; le climat y est, dans son ensemble, le climat méditerranéen; mais en outre le pays se trouve protégé de loin par la barrière du Caucase coutre les vents glacés du Nord et les bourrasques dangereuses. La fertilité du Pont était fort renommée chez les Anciens : gras pâturages, vastes champs de céréales, vignobles, vergers, olivettes et forêts s'y succédaient sans interruption depuis l'étroite bande côtière jusqu'au rebord du plateau cappadocien. 

Autour des villes, s'étendaient partout des campagnes fleuries. Les montagnes les plus âpres, en particulier la chaîne des monts Paryadrès, étaient riches en carrières et en mines; c'est peut-être chez une population du Pont oriental qu'est née dans cette partie de l'Eurasie la métallurgie. Seul le littoral est peu favorisé par la nature : de formes massives, dominé par des falaises inhospitalières, il n'offre pas des havres tranquilles et sûrs, comme les rivages de la mer Egée; souvent battu par les lames furieuses du Pont-Euxin, bordé de bancs de sables et d'écueils perfides, il est d'un abord difficile. Il fallut, pour y créer quelques ports, Sinope, Amisos, Trapezonte (Trabzond), toute l'énergie et toute l'audace des Grecs, qui furent parmi les plus hardis navigateurs de l'Antiquité.

Les populations du Pont sont d'habitude réparties en plusieurs groupes, dont les uns apparaissent établis dans la contrée dès le début de la période historique, tandis que les autres y sont venus du dehors à des époques relativement récentes. A l'Est, dans les monts Paryadrès et dans les chaînons moins importants qui s'allongent, parallèles au littoral, jusque vers l'embouchure du fleuve Iris, résidaient, depuis la plus haute antiquité, plusieurs populations, chez lesquelles ne pénétra aucune des civilisations qui se répandirent dans l'Asie antérieure. Elles étaient situées en dehors des grandes voies de communication, isolées dans leurs vallons fermés. D'après Th. Reinach, il y faudrait voir non 

« des montagnards autochtones, voués par la nature de leur territoire à une éternelle sauvagerie, mais des débris d'anciennes populations, jadis établies dans la plaine, que le flot des invasions successives aurait refoulées peu à peu dans l'acropole du Pont, et qui se seraient dès lors enfoncées de plus en plus dans la barbarie » (ouvrage cité, pp. 47-18).
Les Mosques (Moschi) et les Tibarènes ou Tibaréniens (Tibareni) ont été identifiés par cerains auteurs aux peuples de Mescheq et de Tubal, nommés dans la Bible. De ces tribus, les Grecs connurent surtout les Chalybes ou Chaldéens, dont le territoire fut traversé par les Dix mille, et que Xénophon a dépeints dans l'Anabase. Les Chalybes savaient extraire le fer du minerai qui se trouvait en abondance dans leurs montagnes. On leur a attribué l'invention de la métallurgie. Le bassin de l'Iris, c.-à-d. tout le centre et le Sud du Pont, était habité par des Cappadociens. 

Le Pont, avant de devenir un Etat distinct, fut simplement une partie de la Cappadoce. Les Cappadociens étaient une nation mixte, composée d'éléments très divers; on y trouvait, en particulier, des Cimmériens, venus de la Crimée et des Leuco-Syriens ou « Assyriens blancs », peut-être transplantés de l'Assyrie. A l'Ouest du fleuve Halys, jusqu'à la frontière de la Bithynie, le pays était occupé par les Paphlagoniens, peuple de bergers indépendants et de cavaliers belliqueux., sur l'origine desquels on ne sait pas grand chose.

A ces populations très anciennes vinrent s'ajouter d'abord des Grecs, puis des Perses. Du VIIIe au VIe siècle av. J.-C., les Grecs fondèrent plusieurs colonies sur la côte : Sinope, dont la métropole fut Milet, et qui, à son tour, créa plusieurs établissements florissants, entre autres : Trapezonte; Amisos, créée par les Phocéens; Abonoteichos, à l'Ouest de Sinope; Thémiscyra, etc. Ces colonies prospérèrent, et l'élément grec joua dans ce pays un rôle important. Plus tard, le Pont, conquis par les Perses, fut compris dans la vaste satrapie de Cappadoce. Des Perses vinrent s'y établir : la civilisation iranienne, apportée par eux, jeta dans le pays des racines profondes. Enfin, au Sud-Est; là où le royaume du Pont avait pour limite une partie du cours supérieur de l'Euphrate, la population renfermait un nombre assez considérable d'Arméniens. (J. Toutain).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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