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L'Empire Byzantin |
L'Empire
byzantin, que l'on appelle aussi l'Empire grec ou l'Empire de Constantinople,
est un des deux empires romains formés après la mort de Théodose
le Grand, en 395.
L'histoire de cet Empire romain d'Orient (pour reprendre le nom
qu'on peut lui appliquer jusqu'Ã la chute de Rome,
c'est-à -dire de sa contrepartie occidentale, donne une image plutôt contrastée.
Byzance est synonyme d'une civilisation brillante, héritière directe
des grandes civilisations de l'Antiquité, et qui contraste avec la déchéance
qui s'empare pendant le Haut Moyen âge
de la vie intellectuelle dans l'Europe latine.
Mais, en même temps, les annales
de cet empire n'offrent guère qu'une suite de crimes, de trahisons et
de bassesses; tout occupés de querelles théologiques, les empereurs sont
souvent des gouvernants incapables et corrompus, et l'empire, affaibli
de jour en jour par les invasions, par les dissensions et les vices de
ses dirigeants, finira par périr de décrépitude, plus encore que de
l'effet de l'invasion turque, qui lui assènera le coup de grâce en 1453.
Il est commode de diviser l'histoire de l'empire byzantin en six périodes
:
Pendant la première (395-565), dont Justinien est le personnage principal, l'empire grec, après avoir subi vers 375 les ravages des Huns et perdu presque toute l'Arménie, vit périr l'empire d'Occident; mais il ne tarda pas à s'annexer quelques-unes des dépouilles de cet empire (Italie, Afrique, Barbarie, partie de l'Espagne). La deuxième période (565-717) commence la décadence de l'empire byzantin : les Lombards occupent es deux tiers de l'Italie; les Bulgares, Serbes et Croates s'établissent au sud du Danube; les Arabes soumettent la Syrie, l'Égypte, l'Afrique et l'île de Chypre (622-632); Maurice, Héraclius et Pogonat sont les princes les moins incapables de cette période de 150 ans Avec la troisième de l'empire byzantin (717-867), commence a dynastie isaurienne, dont le zèle iconoclaste provoque l'insurrection des Romains, qui reconnaissent les papes pour princes temporels, et amène la perte de presque tout ce qui reste aux Grecs de l'Italie. Sous les sept princes qui succèdent à Irène, le culte des images est rétabli (842), mais bientôt (858) Photius prépare le schisme d'Orient (qui fut consommé en 1054 par Michel Cerularius); la Crète, presque toute la Sicile, la Cilicie, échappent aux empereurs; les guerres contre les Bulgares amènent d'affreux désastres. La dynastie macédonienne, qui, souvent interrompue par des usurpations, remplit la quatrième période de l'histoire byzantine (867-1056), ralentit la chute de l'empire et offre quelques princes remarquables; les Russes, les Petchenègues ( Les Turks), les Bulgares, viennent bien encore ravager l'empire, mais la Bulgarie est deux fois reprise (971, 1018), avec la Serbie (1018); Chypre, la Cilicie, la Crète rentrent sous la domination l'empire (961-964); Alep (962), la Sicile (1038-40) sont momentanément recouvrées Au commencement de la cinquième période (1056-1260), l'empire byzantin doit subir l'irruption des Seldjoukides qui s'emparent des deux tiers de l'Asie Mineure; Alexis, Jean et Manuel Comnène ne peuvent reconquérir qu'une faible partie des provinces sur la mer Noire (1081-1180); des guerres contre les Normands, qui ont conquis la Sicile, et contre les Hongrois épuisent les forces des Grecs. A la mort du dernier Comnène, la décadence devient de plus en plus sensible; les Serbes et les Bulgares redeviennent indépendants. La Quatrième croisade se détourne de Jérusalem sur Constantinople : en 1204, les Croisés s'emparent de cette ville, et en font le siège d'un Empire latin; l'empire d'orient démembré forme une douzaine de petits États latins, entre autres le royaume de Thessalonique, la principauté d'Achaïe, le duché d'Athènes, le duché de Naxie, les provinces vénitiennes en Crète. Cependant il reste trois États grecs, le despotat d'Épire, l'empire de Nicée, l'empire de Trébizonde. L'empereur de Nicée Michel Paléologue reprend Constantinople en 1261 : il ouvre ainsi la sixième période de l'histoire byzantine, que remplit la dynastie des Paléologues. Mais ni lui, ni Andronic, son fils, ne peuvent recomposer l'empire. Trébizonde, la Serbie, la Bulgarie, la Bosnie, les îles et presque tout le sud de la péninsule sont indépendants; le reste passe au pouvoir des Turcs, ainsi que les neuf dixièmes de l'Asie Mineure. Les guerres civiles (sous Andronic III, Cantacuzène, etc.) achèvent la ruine de l'empire. En vain les empereurs mendient les secours de l'Occident et promettent d'abjurer le schisme : les Turcs (Les Ottomans) redeviennent maîtres de la Bulgarie (1391), font la guerre en Serbie, pressent Constantinople de tous côtés, imposent tribut à Jean VII, et, sans l'invasion de Tamerlan, l'empire grec était détruit dès 1402 par Bayézid Ier. Enfin, en 1453, Méhémet II s'empare de Constantinople (L'Empire ottoman, d'Osman à Bayézid II) , malgré la défense héroïque du dernier des Constantins, et met fin à l'empire d'Orient. |
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Lorsque
Constantin transforma l'antique Byzance en une capitale à laquelle il
donna son nom, il ouvrit l'histoire de l'empire byzantin. Sans doute, sous
lui et sous quelques uns de ses successeurs, on vit encore un seul empereur
gouverner à la fois les provinces de l'Orient et de l'Occident, mais l'unité
de l'empire était définitivement rompue. Constantinople
en effet, ni au point de vue matériel, ni au point de vue moral, n'était
une capitale artificielle. Par son admirable situation, elle servait de
point d'union entre l'Asie et l'Europe, entre la Grèce d'Orient et la
Grèce d'Occident, mais d'autre part elle forait un centre à ce monde
hellénique qui, sous la domination romaine, avait toujours conservé sa
physionomie propre, son esprit, et même en partie ses institutions. Ainsi
s'expliquent le rapide développement de l'empire d'Orient et ses longues
destinées : au lendemain de la mort de Théodose
et du partage de ses États (395),
son existence officielle commence à peine qu'il est déjà tout organisé
et en pleines fonctions.
De 395 à 565 Dès cette première période de l'empire byzantin, l'hellénisme est son caractère original et en même temps sa force; les empereurs auront beau s'intituler empereurs des Romains et s'efforcer de maintenir, au moins partiellement, l'usage du latin, ils commandent à des Grecs, et eux-mêmes le sont ou le deviennent. Tandis que les provinces de l'Occident se transforment en États barbares, et que Rome même, après des destinées agitées, devient sujette d'un roi goth, l'empire d'Orient, grâce à une situation géographique et à des circonstances heureuses, s'il n'échappe pas entièrement aux invasions germaniques, comme celle d'Alaric en Grèce, du moins ne subit pas encore l'établissement de royaumes barbares sur son sol. Si la destinée des deux États diffère, celle des deux Églises, à une époque où la religion a une si profonde influence sur l'histoire générale, diffère aussi : celle d'Occident, d'un esprit pratique, se préoccupe surtout d'exercer son action sur la révolution politique et sociale qui s'accomplit autour d'elle; celle d'Orient, spéculative et subtile disserte sur les dogmes, se divise en controverses passionnées sur la nature du Christ (hérésies de Nestorius, d'Eutychès, Christianisme), et multiplie les grands conciles (conciles d'Ephèse de 431, de Chalcédoine en 451); mais elle laisse l'empereur, héritier du grand pontificat des empereurs romains, prendre sur elle une autorité considérable. Tels sont les faits qui dominent alors l'histoire byzantine, et il faut se garder de laisser absorber son attention par les révolutions dynastiques ou les intrigues qui agitent Constantinople. La famille de Théodose
se continue jusqu'en 450
avec Arcadius (395-408),
prêt à subir toutes les influences qui s'exercent successivement sur
lui, et Théodose Il (408-450),
que gouverne sa soeur Pulchérie. C'est plutôt dans le vieux Marcien (450-457),
que Pulchérie épouse pour donner un défenseur à l'empire, qu'on retrouve
l'âme de Théodose Ier, et sa ferme attitude
contribue à sauver l'Orient des fureurs d'Attila
(Les Huns).
Avec Pulchérie disparaît la maison théodosienne, et alors se révèle
un des maux les plus graves dont souffrira souvent l'empire byzantin. Nulle
loi précise ne règle la transmission du pouvoir; dès lors, si l'ordre
de succession ne peut s'établir provisoirement dans une famille, ou si
celle-ci vient à s'éteindre, la dignité impériale est à la merci des
révolutions militaires ou des intrigues de cour.
L'avènement de
la famille Justinienne.
L'empire de Justinien. (cliquer sur la carte pour l'agrandir). Dans son administration intérieure, Justinien travaillait aussi à diminuer l'influence de l'hellénisme; les adhérents de la culture antique étaient persécutés, l'enseignement de la philosophie et du droit était supprimé à Athènes (l'École d'Athènes), l'usage officiel de la langue latine, qui s'était affaibli sous les règnes précédents, était fortifié. Les travaux législatifs de Justinien, le Code, le Digeste, les Institutes, répondent à cette même pensée de réorganisation romaine. Enfin, dans l'Église même, l'empereur sacrifiait au pape les prétentions à l'autonomie revendiquées depuis le IVe siècle par les patriarches de Constantinople. L'oeuvre de Justinien ne lui survécut pas. Les Bleus et les Verts, en latin Veneti et Prasini. - A Byzance, les compagnies de cochers qui se disputaient le prix dans le cirque, et qui se distinguaient par leurs couleurs, avaient partagé la ville en deux factions : les Bleus et les Verts. Justinien s'étant déclaré pour les Bleus, ces divisions prirent bientôt un caractère politique. En 532, les Verts, profitant du mécontentement du peuple, qu'avaient irrité les exactions de Jean, préfet du prétoire, et du questeur Tribonius se révoltèrent, proclamèrent empereur dans le cirque le prince Hypatius, et assiégèrent Justinien dans son palais. L'empereur eût péri sans le courage de Bélisaire et de Mundus, gouverneur d'Illyrie, qui repoussèrent les rebelles. Plus de 30 000 personnes trouvèrent la mort dans cette sédition; Hypatius fut pris et décapité, et son corps jeté dans le Bosphore. Cette sédition est connue sous le nom da Nika ( = triomphe), du cri de ralliement qu'avaient adopté les insurgés.
Sous le règne du neveu de Justinien, Justin Il (565-578), sous ceux de Tibère (578-582), de Maurice (582-602), les Maures d'Afrique s'insurgent, les Lombards s'emparent de l'Italie du Nord et luttent pour conquérir la péninsule tout entière. Les empereurs sont forcés de tourner leur attention d'un autre côté et de concentrer leurs forces contre les Perses, qui menacent l'existence même de l'empire en Asie, contre les Slaves qui la menacent en Europe. Dans cette lutte pour la vie, le règne d'Héraclius (610-641) marque une période mémorable. Les Perses se sont emparés de Jérusalem même (614), lorsque, après de longues années d'inaction, l'empereur entreprend enfin (622) cette série de brillantes campagnes qui le conduisent au delà du Tigre et de l'Euphrate, jusqu'à la capitale même de Chosroès, Dastagerd (628). Mais bientôt commencent les conquêtes arabes et l'empire perd rapidement quelques-unes de ses plus belles provinces, la Syrie, l'Égypte, sans qu'Héraclius oppose à ces attaques soudaines et impétueuses aucune résistance sérieuse. L'hellénisme disparaît ainsi de quelques-unes des contrées où il avait été le plus florissant. Sous les misérables successeurs d'Héraclius, dont la famille se continue jusqu'en 711, Héracléonas (641), Constant (641-668), Constantin Pogonat (668-685), Justinien Il (685-695 et 705-711); Léonce (695-698), Tibère (698-705), la décadence s'accélère. Chypre, Rhodes, l'Afrique, échappent à l'empire; Constantinople même est attaquée par les Arabes de Mohawiah (669-675), mais, par son énergique résistance, obtient une paix avantageuse. Par contre, les Bulgares (Les Turks) franchissent le Danube et fondent dans les provinces du Nord un puissant royaume qui, pendant près de trois siècles, ne cessera de s'accroître. Ces désastres et ces portes sont facilités par une horrible anarchie qui atteignit son plus haut degré sous le règne sanglant de Justinien Rhinotmête. Si cependant l'empire résiste à de si rudes épreuves, c'est que d'autre part il fait retour à ses véritables traditions méconnues par Justinien. En dépit du caractère romain que celui-ci a voulu officiellement lui imposer, l'élément grec triomphe. Sous Justinien même, un de ses jurisconsultes attitrés a traduit les Institutes en grec, afin de les adapter à l'enseignement. « Depuis Maurice, toutes les lois, toutes les ordonnances, tous les actes publics n'étaient plus rédigés qu'en grec. Les divisions administratives changèrent leur nom en celui de thèmes; ce dernier nom fut aussi donné au corps d'armée de chaque province[...]. Tous les termes militaires furent pris dans la langue du pays, les tribuns furent nommés chiliarques, les comtes stratèges [...]. De l'aveu de Constantin Porphyrogénète, les empereurs parlaient grec et perdaient l'usage du latin. L'Église et la poésie revêtirent un caractère de plus en plus national » (Paparrigopoulo).La persistance de l'esprit hellénique dans la Grèce du Moyen âge et dans la Grèce moderne s'accuse sous bien des formes, et c'est ainsi que, de nos jours encore, les croyances et la poésie populaires sont toutes pénétrées de souvenirs de la mythologie grecque antique. Cependant, si l'hellénisme dans l'organisation de l'empire gagnait en force, d'autre part il subissait des pertes cruelles. Il était refoulé au Sud par la civilisation arabe, qui s'épanouissait promptement en Égypte et en Syrie, au Nord par les Slaves et les Bulgares. L'invasion progressive des tribus slaves dans la Grèce d'Europe est une question encore obscure et controversée. S'appuyant sur un texte fameux de Constantin Porphyrogénète et sur divers autres témoignages, quelques historiens, Fallmerayer en tête, ont prétendu que, à partir du VIe siècle, les colonies slaves s'étaient établies dans presque toutes les provinces : Épire, Thrace, Macédoine, Thessalie, Attique, et que le Péloponnèse même avait été entièrement "slavisé". S'il faut se défier des théories exagérées qui concluent à la disparition presque complète des Grecs dans ces pays, cependant la présence d'éléments slaves s'y accuse de bonne heure. Dès le IVesiècle, il avait fallu les combattre. A partir de cette époque la lutte ne discontinue plus. Dès 659, on trouve des tribus slaves aux environs de Salonique, un peu plus tard en Thessalie. Elles s'étendent de côté et d'autre, souvent se soulèvent, Constantin Pogonat (668-685), Justinien Il (685-695) doivent déjà réprimer les soulèvements des Slaves de la Thrace et de la Macédoine. A partir du VIIIe siècle, du règne d'Irène, les insurrections des Slaves du Péloponèse deviendront fréquentes. Plus au Nord se développe le puissant empire bulgare; Constantinople même a plus d'une fois été menacée par les Bulgares. De 717 à 867 L'extinction de la famille d'Héraclius devait fatalement amener de nouvelles révolutions dynastiques. Cependant, au bout de six ans, le pouvoir impérial échut à une famille qui devait le conserver pendant près d'un siècle, l'exercer avec énergie et souvent avec succès. Léon III, le fondateur de la famille Isaurienne, de basse origine, s'éleva aux plus hauts grades par son courage et son habileté. Devenu maître du pouvoir (717), il montra aussitôt qu'il en était digne en repoussant le siège le plus long et le plus terrible que les Arabes eussent encore dirigé contre Constantinople. Mais Léon III est plus célèbre encore par la lutte politique et religieuse qu'il entreprit, et qui, sous le nom de querelle des Iconoclastes, se prolongea avec des fortunes diverses jusqu'en 842. Cette appellation même, fort incomplète, a contribué à faire mal connaître ces événements où à la question du culte des images s'en mêlèrent d'autres beaucoup plus importantes. Il s'agissait en réalité de vastes réformes qui, dans la pensée de leurs auteurs, devaient avoir pour conséquence de modifier profondément l'esprit de l'administration et de la société byzantines. Depuis le IVe siècle, l'Orient chrétien avait toujours été divisé par des hérésies qui avaient suscité au plus haut degré les passions populaires. Les empereurs, qui presque tous se piquaient de théologie et entendaient gouverner l'Église comme l'État, étaient intervenus dans ces querelles : à l'Hénoticon de Zénon avaient succédé la condamnation des Trois chapitres, de Justinien (544); l'Ecthèse, d'Héraclius(639); le Typos, de Constant Il (648); mais ces interventions même avaient été une cause nouvelle de troubles et de séditions. Par une conséquente réciproque, si l'État agitait l'Église, l'Église agitait l'État; la population monastique, sans cesse croissante, exerçait sur le peuple une influence fanatique, se l'attachait par les formes extérieures du culte, telles que les images, les reliques, et le déchaînait à son gré contre les évêques, les patriarches, les fonctionnaires, les empereurs mêmes. Diminuer l'influence du clergé et surtout des moines, épurer le culte, fortifier la société civile et l'action du pouvoir impérial, telle fut l'oeuvre que les empereurs Iconoclastes Léon III (716-741), Constantin V (741-775), Léon IV (775-780), Léon V (813-820), Michel Il (820-829), Théophile (829-842), se proposèrent, et qu'on put croire destinée au succès. Parmi ces empereurs, quelques-uns furent remarquablement actifs et intelligents, bien qu'on ne connaisse plus leur histoire que par les écrits de leurs adversaires; entraînés par l'ardeur de la lutte, exaspérés par la résistance que leur opposaient les moines, ils se laissèrent malheureusement aller à des excès et à des persécutions. Les lois qu'ils ont promulguées et qu'on connaît aujourd'hui partiellement (l'Ecloga de Léon et de Constantin, recueil des lois antérieures mais modifiées sur des points importants, publiée par Zachariae en 1852) ont permis de juger plus équitablement leurs projets et leurs réformes : amélioration de la situation des classes agricoles; suppression du servage; amélioration des lois qui réglaient l'organisation de la famille. Il est avéré en outre qu'ils recrutèrent des partisans surtout dans la classe éclairée et même dans le haut clergé, En 754, dans un concile convoqué par Constantin V, trois cent quarante-huit prélats votèrent la suppression des images. Dans bien des régions, surtout en Asie, les réformes religieuses et politiques ne semblent pas avoir suscité de rébellion ouverte; en Europe, dans les Cyclades, une insurrection éclata, mais fut réprimée (727). A l'extérieur, les empereurs iconoclastes, et notamment Léon III et Constantin V, luttèrent avec courage et succès contre les Arabes et les Bulgares; mais leur politique eut pour conséquence de détacher de l'Orient l'Église romaine et l'Italie. Depuis le règne de Justinien, l'Italie byzantine avait été notablement réduite par les progrès des Lombards, et l'exarque de Ravenne, qui en était le vice-roi, n'avait plus qu'un pouvoir précaire. De fait, l'Italie centrale et Rome obéissaient au pape plutôt qu'à l'empereur; dans les conflits fréquents qui avaient éclaté entre les empereurs et leurs fonctionnaires d'une part, les papes de l'autre, Rome avait toujours été fidèle à ceux-ci. Quand les édits contre les images arrivèrent en Italie, les populations songèrent aussitôt à se rendre indépendantes, tandis que Grégoire II, Grégoire III, et leurs successeurs, défendaient de leur côté avec énergie le culte des images. Bientôt la papauté, menacée par les Lombards et ne pouvant plus compter sur Byzance, fit appel aux Francs. Pépin et Charlemagne la transformèrent en puissance territoriale, mais en la subordonnant à leur suprématie; Ravenne échappa aux Grecs, l'Italie byzantine se restreignit à quelques possessions dans l'Italie du Sud, qu'il fallut disputer aux princes lombards établis dans ces régions, tandis que les Arabes la diminuaient encore par la conquête de la Sicile. A ces pertes matérielles se joignait un échec moral. Alors que l'ambitieuse et cruelle Irène exerçait le pouvoir, la papauté rêva d'augmenter son crédit en conférant au roi franc, son protecteur, le titre impérial. Proclamé empereur à Rome en l'an 800, Charlemagne songea, dit-on, à établir l'unité de l'empire en se mariant avec Irène, puis il négocia pour obtenir la reconnaissance de sa dignité nouvelle et il y parvint en 814 avec Michel ler. Mais les souverains de Byzance ne se résignèrent pas sans retour à cette défaite et plus d'une fois encore contestèrent aux empereurs francs et germaniques le titre de Basileus. Malgré tous ces
troubles à I'intérieur, tous ces échecs à l'extérieur, l'oeuvre des
iconoclastes ne fut pas entièrement vaine. On le vit même après que
le concile de Constantinople eut définitivement
rétabli le culte des images (842).
La fin du IXe
siècle et le Xe
siècle sont signalés par une véritable
renaissance qui se manifeste sous toutes les formes.
De 867 à 1056 Basile Ier (867-886), d'origine obscure, parvenu au pouvoir par son talent et par son audace, fonda la maison macédonienne qui, soit par la succession en ligne directe, soit par les mariages, les adoptions et les régences, se prolongea jusqu'en 1057. Sans doute, pendant cette longue période, l'empire byzantin n'a pas échappé entièrement aux troubles et aux révolutions; néanmoins, sous quelque point de vue qu'on l'étudie, il n'a jamais été si prospère. Parmi les empereurs de cette époque, presque tous ont commandé à la tête des armées, plusieurs ont été d'excellents capitaines, quelques-uns ont été des écrivains militaires et ont composé des livres de tactique. Ils se montrent soucieux d'améliorer les institutions militaires. Grâce à leurs efforts, sur presque tous les points, l'empire byzantin regagne une partie du terrain perdu. Sous Basile ler, les flottes grecques repoussent les attaques des Sarrasins en Eubée, dans le Péloponnèse, les îles Ioniennes, et remportent également des succès dans l'Italie méridionale. Après les revers qui signalèrent le règne de Léon VI (886-912) et une partie de celui de Constantin VII (912-959), Nicéphore Phocas, sous le règne de Romain Il (959-963), enlève la Crète aux Sarrasins. Devenu empereur (963-969), il leur reprend Tarse, l'île de Chypre, et, ans une autre expédition, Antioche. Jean Tzimiscès (969-975) triomphe des Russes et leur impose la paix; en Asie, il pousse jusqu'à l'Euphrate et jusqu'à Nisibis, située sur l'ancienne frontière de l'empire. Basile Il (976-1025) mérite le surnom de Bulgaroctone par une guerre acharnée de trente-sept ans qui aboutit à la ruine du puissant empire bulgare qui s'était établi au sein même de l'empire et qui, avec Samuel, avait conquis la Macédoine moins Salonique; l'Épire, moins Nicopolis; envahi la Thessalie, la Grèce propre, menacé le Péloponnèse. Si les provinces byzantines continuaient à se peupler de colonies slaves, du moins reconnaissaient-elles l'autorité impériale. Enfin, pendant toute cette période, l'Italie du Sud fut reconquise et, dans certaines régions, comme la Calabre, toute pénétrée de l'influence byzantine. Au delà des provinces proprement dites de l'empire, s'étendait la zone des États vassaux; en Italie, les Républiques commerçantes, Gaète, Amalfi, Naples, Venise, surtout; au Nord-Est, les Serbes et les Croates; en Asie, l'Arménie. Ces États vassaux formaient pour l'empire une première ligne de défense et lui furent souvent utiles. Ainsi, jusque vers 1025, l'empire se reconstitue territorialement. Par suite, son influence politique et religieuse s'étend. Les empereurs d'Allemagne, les rois de France recherchent en mariage des princesses byzantines. Les Russes, longtemps ennemis de l'empire, se laissent séduire par l'éclat de la civilisation grecque. Olga, veuve d'Igor, qui s'était attaqué à Constantinople, vient à la cour de Constantin Porphyrogénète (957) et reçoit le baptême; Vladimir épouse une soeur de Basile II (988), se convertit au christianisme et l'impose à ses sujets; avec la religion grecque s'introduit la civilisation grecque et Kiev devient comme une copie de Constantinople. Déjà les Serbes avaient été rattachés à l'Église grecque. En 863, deux moines de Constantinople, Cyrille et Méthode, avaient porté le christianisme en Moravie d'où il se répandit en Bohême. On put croire que ces nouvelles églises slaves relèveraient de Constantinople, mais la papauté voulut les soumettre à son autorité. Du reste, l'antagonisme entre l'Église de Rome et celle de Constantinople s'accentuait de plus en plus. En 857, la disgrâce du patriarche de Constantinople, Ignace, l'élévation du savant et ambitieux Photius provoquèrent un violent conflit. Photius et les Grecs reprochaient aux Latins l'introduction du Filioque dans le symbole, le célibat des prêtres, et quelques autres usages. La paix, rétablie non sans peine, fut définitivement rompue au XIe siècle, lorsque le patriarche Michel Cérulaire ferma les églises des Latins à Constantinople et confisqua leurs couvents. Le 16 juillet 1054 les légats du pape Léon IX déposèrent sur l'autel de Sainte-Sophie une sentence d'excommunication contre le patriarche. Les conséquences de ce schisme devaient être graves pour l'empire byzantin. Au lieu de s'unir contre le monde musulman désigné, à l'époque, comme l'adversaire commun, l'Orient et l'Occident chrétiens étaient désormais séparés. Entre eux se développèrent des sentiments de malveillance et de haine que de part et d'autre l'Église entretint et dont on retrouve sans cesse l'expression dans les chroniqueurs grecs aussi bien que dans les chroniqueurs latins. Il en résulta que plus tard les croisades, loin de les rapprocher, ne firent qu'augmenter les dissentiments et affaiblirent l'empire byzantin qu'elles auraient dû fortifier. La "Renaissance
byzantine".
Sous Constantin Porphyrogénète, la cour devient le centre du mouvement littéraire et scientifique. L'empereur s'entoure d'historiens, de savants, de jurisconsultes, lui-même donne l'exemple et compose de nombreux ouvrages : la Vie de Basile, les Thèmes, les Cérémonies, l'Administration de l'empire. Par ses ordres sont entreprises de grandes collections historiques et politiques d'extraits des écrivains antérieurs. Si cette littérature officielle manque d'originalité, du moins atteste-t-elle une grande étendue de lectures et de connaissances. L'empire byzantin n'est pas moins puissant par son industrie et par son commerce. Constantinople est alors le plus grand entrepôt du monde entier, le point de contact entre l'Orient et l'Occident. Les navires de tous les pays affluent dans son port; les produits byzantins, étoffes de luxe, ivoires, pièces d'orfèvrerie sont partout recherchés, en Italie, en France, en Allemagne. Mais d'autres villes, Salonique par exemple, offrent la même animation et la même activité. Aussi l'empire byzantin dispose-t-il de ressources financières extraordinaires; d'après certains calculs, qui ne reposent malheureusement que sur des données partielles, les revenus de l'empire se seraient élevés à une somme qui équivaudrait à trois milliards de notre monnaie. L'organisation
de l'État.
Au-dessous de ces hauts dignitaires s'échelonne une multitude d'autres fonctionnaires; tous, d'après un système analogue à celui qui se rencontre à la fin de l'empire romain, sont répartis dans les cadres d'une noblesse administrative; patrices, hypathi (consuls), archontes, nobilissimes, spathaires et protospathaires, spatharocandidats, candidats, etc. La vie officielle est assujettie à une minutieuse étiquette dont on trouve les règles exposées dans le livre des Cérémonies de l'empereur Constantin Porphyrogénète. Les écrits de Liutprand, évêque de Crémone, qui fut envoyé deux fois comme ambassadeur à Constantinople, offrent un tableau curieux mais malveillant de la cour byzantine à cette époque. Le territoire de l'empire, depuis le VIIe siècle, semble-t-il, est divisé en thèmes (17 thèmes d'Orient, 12 d'Occident correspondant à deux grands bureaux de l'administration centrale). Cette division a un caractère essentiellement militaire, et le mot de thème s'applique à la fois à la province et au corps de troupes qui la garde. A la tête de chaque thème se trouve un fonctionnaire qui porte ordinairement le nom de stratège et qui réunit des attributions militaires, financières, civiles. Les thèmes se subdivisent en turmae, gouvernés par des turmarques; les turmae en vexilla ou bandoi Toutes ces appellations ont un caractère militaire. Auprès du stratège on trouve le domestique du thème, qui est son lieutenant; le chartulaire du thème, qui remplit les fonctions d'intendant militaire; le protonotaire du thème, qui est chargé de l'administration financière; le comte de la tente qui surveille le service du quartier général. Puis vient la foule des fonctionnaires inférieurs : militaires, comme les comtes, les topotérètes, les drongaires, les clisurarques, les centarques; civils, comme les comtes des aqueducs, les directeurs des manufactures impériales, les curateurs des palais et des domaines de l'empereur. Dans certains pays, situés sur les frontières, des ducs commandent au lieu de stratèges. Cette administration solidement constituée se heurte dans les provinces à la classe des grands propriétaires, archontes, phylarques, puissants, qui oppriment les petits propriétaires, les dépouillent de leurs terres, et arrivent ainsi à posséder des cantons entiers, presque des provinces. Les empereurs du Xesiècle luttent par leurs constitutions ou Novelles contre les progrès et les exactions des puissants, en même temps que contre la multiplication des monastères et l'extension indéfinie de leurs domaines. En tout cas il n'y eut jamais en Orient une féodalité comme en Occident (L'Europe latine au Moyen âge) capable de déposséder le pouvoir central. Contre les dangers
extérieurs le gouvernement byzantin se défend par ses institutions militaires
et diplomatiques. Les armées byzantines se composent, il est vrai, en
grande partie de mercenaires; il n'existe ni service obligatoire, ni tirage
au sort. Les empereurs établissent dans les provinces des colonies militaires;
les soldats reçoivent des terres qui se transmettent par héritage mais
dont les bénéficiaires sont astreints à l'impôt du sang. Certains corps
mercenaires sont surtout célèbres, ainsi les Varangiens ou Varègues
qui formèrent la garde d'honneur des empereurs. Au Xe
siècle, un écrivain arabe, lbn-Khordadbeh,
évalue à 120 000 hommes les forces byzantines. Ces troupes sont en général
aguerries, expérimentées, les bons généraux ne sont pas rares. L'art
de fortifier les places, de les attaquer, de les défendre est poussé
fort loin; les engins de guerre, les machines, le feu grégeois sont habilement
employés. Quant à la diplomatie byzantine, elle a été longtemps la
première de l'Europe par son astuce et sa finesse. La diplomatie italienne
est née et s'est formée à cette école.
De 1056 Ã 1260 Les derniers temps
de la maison macédonienne avait été signalés par
Les Croisades.
Les mêmes faits se reproduisent sous les deux longs règnes de Jean Comnène (1118-1143) et de Manuel Comnène (1143-1180). Les croisés ravagent les provinces grecques qu'ils traversent, le roi normand de Sicile, Roger Il, dévaste le Péloponnèse, pille Thèbes, Corinthe; les Vénitiens, brouillés avec l'empire, ravagent Rhodes, Chios, Samos, Mytilène, Andros. Déjà , dès la seconde croisade, l'évêque de Langres conseillait à Louis VII de s'emparer de Constantinople. En un mot, les Latins sont pour l'empire une cause de dangers, alors qu'il devrait concentrer toutes ses forces contre ses ennemis naturels, et l'on s'explique que les empereurs grecs, pour s'en débarrasser, aient eu parfois le tort de recourir à la fourberie et à la trahison. Pourtant ni Jean, ni Manuel ne se découragent, ils luttent, souvent avec succès, contre les Turcs, les Petchenègues (Les Turks), les Serbes, les Croates, les Hongrois. A la fin du XIIe siècle, les haines entre les Latins et les Grecs s'exaspèrent de plus en plus. Manuel Comnène avait parfois entretenu des relations amicales avec les Occidentaux, il en avait pris à son service, il avait accordé de nouveaux privilèges aux Vénitiens. Après sa mort, l'avènement d'Andronic Comnène (1182-1185), qui usurpe le pouvoir, est signalé par de véritables vêpres siciliennes: la population de Constantinople massacre les Latins, prêtres, soldats, marchands, sans épargner ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards, ni les malades. D'autre part l'ordre intérieur, assuré par les premiers Comnènes, est troublé ; les séditions, les insurrections recommencent : Isaac Comnène s'empare de Chypre et s'y rend indépendant, Alexis Comnène, révolté contre Andronic, fait appel à Guillaume Il, de Sicile, qui s'empare de Salonique (1185). Après la chute d'Andronic (la même année), et avec l'avènement de la famille des Anges, commence une épouvantable anarchie; les généraux s'insurgent et se proclament empereurs, comme Branas; la Bulgarie se rend indépendante; armées, flotte, administration, tout est en décadence. Cette déplorable situation explique la facilité avec laquelle s'établit l'empire latin de Constantinople. Cependant telle était la vitalité de l'empire grec que ces terribles crises ne le ruinèrent pas encore. Tandis que l'empire latin était, dès ses premiers jours, livré aux discordes, incapable de se défendre et de se gouverner, Michel-Ange Comnène fondait le despotat d'Épire ou d'Hellade, avec Arta pour capitale. Son frère, Théodore Comnène, se maintenait indépendant, battait les Latins (1217), s'emparait de Salonique (1223) et s'y faisait couronner empereur. Théodore Lascaris, proclamé empereur à Constantinople pendant le siège, s'emparait de la Bithynie, de la Lydie, des côtes de I Archipel, d'une partie de la Phrygie, et constituait l'empire de Nicée. Alexis Comnène fondait l'empire de Trébizonde qui devait se maintenir comme État autonome jusqu'en 1461. De tous ces États celui de Nicée fut le plus important. Théodore Lascaris l'organise habilement (1206-1222). Son gendre, Jean Ducas Vatatzès (1222-1255), réunit l'empire de Salonique à celui de Nicée, enlève aux Latins les places qu'ils possédaient en Asie, puis les attaque en Europe, envahit la Thrace, prend Andrinople (1225), essaie même de s'emparer de Constantinople (1235). Ses États bien administrés lui fournissent les ressources dont il a besoin pour ces luttes incessantes. Après le règne
assez court de Théodore Il Lascaris (1255-1259),
la famille des Paléologues s'empare du pouvoir (1260)
avec Michel VIII. Dès l'année suivante, par un coup de main imprévu,
le général Strategopoulos entrait à Constantinople
(26 juillet 1261).
L'empire était restauré; il devait vivre près de deux siècles encore
sous le gouvernement des Paléologues, mais jamais il ne retrouva la force
et la prospérité dont il avait joui au IXe
siècle et au Xe
siècle.
De 1261 à 1453 Si les croisadesavaient pris fin, l'Orient grec subissait toujours les conséquences de cette terrible secousse, et il n'opposait plus qu'une résistance affaiblie aux causes de décadence et de ruine qui s'exerçaient sur lui avec une énergie toujours croissante. Plusieurs provinces avaient été détachées de l'empire en Asie, les Vénitiens gardaient uns partie des îles, les Villehardouin la Morée, les de La Roche l'Attique et la région voisine; les pirates infestaient la Méditerranée orientale, Au XIVe siècle, les grandes compagnies catalano-aragonaises (Les Almogavares) promenèrent leurs ravages à travers les provinces grecques d'Europe. D'elles-mêmes des parties de l'empire s'en détachent en 1423, Salonique, assiégée par Mourad (D'Osman à Bayézid II), assure son salut en se donnant à Venise. A mesure qu'on avance, les possessions italiennes s'étendent, les Vénitiens sont les véritables maîtres de la Morée, des Cyclades, les Acciauoli de Florence ont succédé aux de La Roche à Athènes, Dans les îles de la mer Égée, à Lesbos, Lemnos, Thasos, Imbros, Samothrace, etc., dominent des familles génoises. Les ressources de l'empire étaient donc fortement diminuées. Chargés de gouverner dans ces circonstances critiques, les Paléologues furent en général des princes médiocres. Se sentant incapables de lutter avec leurs propres forces contre les progrès des Turcs, ils essayèrent de rallier l'Occident à leur cause. Puisque les querelles religieuses semblaient avoir été le principal motif des divisions et des haines, ne pouvait-on pas espérer que l'union des deux Églises y mettrait un terme à Michel Paléologue se rapprocha de l'Église romaine; en 1274, il envoya des députés au Concile de Lyon, un acte d'union fut signé, mais Michel Paléologue se heurta en Orient à une résistance opiniâtre; il se trouve bientôt détesté par ses sujets et repoussé par la cour de Rome, qui l'accusait de mauvaise foi. Dans la suite, ces tentatives d'union se répètent, mais toujours avec le même insuccès. Jean Paléologue se rend en Italie, abjure solennellement à Rome en présente d'Urbain V (1369), mais n'obtient rien que des promesses en retour de ses concessions. Au cours de cet humiliant voyage, il est même arrêté pour dettes à Venise. Manuel Paléologue (1391-1423) multiplie les appels aux princes latins et leur fait entrevoir les dangers qui menaceront l'Europe si Constantinople est prise. Le roi de Hongrie adresse les mêmes adjurations, une croisade se forme, mais se termine par la défaite de Nicopolis (1396). Le voyage qu'entreprend Manuel et qui le conduit jusqu'en France et en Angleterre (1399-1403) n'aboutit à aucun résultat sérieux. Jean Paléologue (1423-1448) essaie encore la conciliation religieuse. En 1437, accompagné d'un grand nombre d'évêques et d'abbés, il vient prendre part au Concile de Ferrare, qui se transporta ensuite à Florence. Cette fois encore l'acte d'union est conclu, mais subit le même échec en Orient; parmi les prélats grecs qui l'ont signé à Florence, plusieurs de retour en Orient sont les premiers à le condamner. Donc, malgré tous
leurs efforts, les empereurs grecs ne trouvent pas de secours à l'étranger.
A l'intérieur leur attention est souvent absorbée par des querelles théologiques
misérables, mais qui agitent et troublent l'empire. Pendant la dernière
partie du règne de Michel VIII et sous celui de son fils Andronic Il (1282-1328),
les luttes des Joséphites et des Arsénites sont I'affaire capitale. Plus
tard, des moines du mont Athos
s'imaginent voir sortir de leur nombril la lumière non créée du mont
Thabor, telle est la cause de l'ardente querelle des Palamites et des Barlaamites
vers 1340.
Le clergé et les. moines dirigent l'empereur, sacrifiant à leurs préjugés
tous les intérêts de l'empire. Le gouvernement est d'ailleurs hors d'état
de maintenir l'ordre; Ã Constantinople
même les colonies italiennes, avec leurs quartiers particuliers, leurs
tribunaux, leurs consuls ou bailes, sont de véritables petits États indépendants;
les Vénitiens et les Génois, qu'anime une implacable rivalité, ensanglantent
les rues, et l'intervention de l'empereur contre les Vénitiens a pour
résultat d'aviver contre les Grecs l'animosité d'une république
dont l'alliance lui aurait été si nécessaire (1296).
Malgré les dissensions qui les divisent et qui parfois leur font prendre les armes les uns contre les autres, les Catalans pillent la Macédoine, la Thessalie, la Béotie, l'Attique où ils s'établissent jusque vers la fin du XIVe siècle. A toutes ces causes de faiblesse se joignent parfois encore des luttes intestines dans la famille impériale. Andronic le Vieux et son petit-fils Andronic le Jeune engagent même une guerre civile qui aboutit au triomphe de ce dernier. Puis, après la mort d'Andronic (1341), c'est son ami et son collaborateur, le grand domestique Cantacuzène (1347-1355), qui s'empare du pouvoir aux dépens des Paléologues. Pour triompher il s'allie aux ennemis de l'empire, aux Turcs et aux Serbes, et son règne est rempli par des luttes avec l'héritier légitime, Jean Paléologue. Celui-ci, devenu maître du trône (1355), n'a point d'adversaire plus acharné que son fils Andronic qui, pendant deux ans, usurpa même l'empire. Vénitiens, Gênois, Turcs exploitent à l'envi ces discordes. Manuel (1391-1423) a pour compétiteur son neveu Jean, qui est l'allié de Bayézid, et il est obligé de le reconnaître pour collègue. Ainsi, à quelque point de vue qu'on envisage l'empire byzantin pendant cette période, il apparaît affaibli, incapable de soutenir avec succès la lutte contre la puissance sans cesse grandissante des Turcs. Lors de la prise de Constantinople en 1261, un des ministres de Michel VIII avait, paraît-il, déploré cette victoire; c'est qu'en effet les empereurs grecs, en abandonnant Nicée pour Constantinople, se trouvaient plus éloignés de ces riches provinces d'Asie, d'où ils avaient tiré leurs forces, et qu'il fallait défendre contre les attaques incessantes des Turcs. Après les dissensions et les luttes qui avaient amené la disparition des califes de Bagdad (1258) et la décadence des sultans d'Iconium, commençait la prodigieuse fortune des Turcs ottomans; établis à l'Est du mont Olympe, dans la vallée du Sangarius, ils s'étendent anssitôt au détriment des Grecs. En 1326, Orkhan s'empare de Brousse, qui devient le siège de son empire, Nicée est assiégée; Cantacuzène, qui veut la délivrer, est battu à Pélècanon, et l'ancienne capitale des Paléologues devient une ville turque (1330). Bientôt les Ottomans envahissent l'Europe et ravagent la Thrace. Les empereurs commettent eux-mêmes la faute de les appeler contre les Serbes qui, sous le gouvernement de Douschan, viennent de fonder un menaçant empire, et Cantacuzène marie une de ses filles au sultan Orkhan (1346). Mourad Ier, s'empare d'Andrinople et il en fait sa capitale, Philippopoli lui appartient. Jean Paléologue en arrive à loi payer tribut, il le laisse s'emparer sans résistance de Salonique, que les Turcs ne conservèrent pas, il est vrai, et le suit en vassal dans ses expéditions en Asie. La grande victoire de Kossovo (1389), par laquelle Mourad anéantit l'empire Serbe, achève de consolider la puissance des Ottomans en Europe. L'empire byzantin ne se composait plus désormais que de débris de provinces isolés les uns des autres. « Le centre de l'empire de Byzance était réduit à un petit triangle compris entre la mer de Marmara et la mer Noire, Le peu de territoire que les empereurs conservaient encore en Macédoine, autour de Thessalonique, et le despotat de Misithra (Sparte), apanage d'une branche cadette de la maison de Paléologue, étaient séparés du centre par de vastes enclaves appartenant aux Turcs, aux Slaves, aux Francs; ajoutons quelques îles au Nord de l'Archipel et nous aurons énuméré tout ce qui restait de l'Empire. Entre des possessions ainsi éparpillées, les liens administratifs se relâchaient nécessairement; plus d'union, plus de cohésion : le vieil empire n'inspirait plus de respect à personne, ni à ses amis, ni à ses ennemis » (Heyd).La prise de Constantinople. Déjà les républiques commerçantes de l'Italie, préoccupées surtout des intérêts de leur trafic, acceptaient de traiter avec les Ottomans. Le premier traité conservé entre Gênes et les Ottomans est de 1387, mais d'autres ont certainement précédé. Lorsque l'Occident, cédant aux supplications de Manuel Paléologue et de Sigismond de Hongrie, tente une dernière croisade, c'est pour aboutir au désastre de Nicopolis (1396). Bayézid Ier vainqueur assiège même Constantinople (1397), mais en vain. L'arrivée des Mongols, la victoire de Tamerlan sur Bayézid à Ankara (1402), ménagent quelque répit à l'empire grec, qui profile des discordes des successeurs de Bayézid, mais avec Mourad Il Ia marche envahissante des Turcs reprend. Constantinople assiégée échappe tente fois encore (1423), mais Salonique est définitivement conquise (1430). Sur les bords du Danube le roi de Hongrie, les princes de Serbie et de Valachie, et surtout Jean Hunyade, voïvode de Transylvanie, et Scander-Beg opposent aux progrès des Turcs une résistance héroïque mais pour aboutir aux défaites de Varna (1444), et de Kossovo (1488). Lors de l'avènement de Constantin Dragasès (1450) et de Méhémet II (1451), s'ouvre le dernier acte de la lutte. Dès les premiers jours d'avril 1453 une immense armée turque investit Constantinople : du moins l'empire grec finit-il glorieusement et le dernier des Successeurs de Constantin meurt en héros (29 mai 1453) (L'empire ottoman : d'Osman à Bayézid II). Avec la prise de Constantinople, se termine l'histoire de l'empire byzantin, dont les derniers débris tombèrent rapidement au pouvoir des Turcs le despotat de Morée en 1460, l'empire grec de Trébizonde en 1461.(G. Bayet / Bt.).
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