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L'histoire de la Suisse

Préhistoire et protohistoire de la Suisse

Paléolithique et Mésolithique.
Les premiers habitants du territoire devenu la Suisse, qui vivaient au Paléolithique supérieur (env. 50 000 à 10 000 av. JC), étaient des chasseurs-cueilleurs. Les fouilles archéologiques révèlent l'utilisation d'outils en pierre et la chasse au renne et au mammouth. Des sites comme celui de Kesslerloch près de Thayngen montrent des habitations temporaires utilisées par ces populations.

Après la dernière glaciation, au MĂ©solithique (env. 10 000 Ă  5500 av. JC), les forĂŞts remplacent les steppes, et les groupes humains s'adaptent Ă  ces nouveaux environnements tout en continuant leur Ă©conomie basĂ©e sur la chasse et la cueillette. 

NĂ©olithique.
L'agriculture fait son apparition, apportĂ©e par des populations venues du sud, au 
Néolithique ancien (env. 5500 à 3500 av. JC). Les premières communautés agricoles cultivent des céréales, élèvent des animaux et vivent dans des villages de maisons en bois et en argile. Des sites comme celui de Cortaillod montrent des habitations lacustres (sur pilotis).

Au Néolithique moyen et final (env. 3500 à 2200 av. JC), les techniques agricoles se développent et les échanges avec d'autres régions d'Europe augmentent. Les poteries décorées et les outils en pierre polie sont communs.

Ă‚ge du bronze.
Les premiers objets en bronze apparaissent dès le Bronze ancien (env. 2200 à 1500 av. JC). Les villages deviennent plus grands et mieux organisés, et les échanges avec d'autres régions d'Europe s'intensifient.

Pendant le Bronze moyen et final (env. 1500 à 800 av. JC), les cultures de la région continuent à se développer. La culture des Champs d'urnes, caractérisée par des sépultures en urnes funéraires, se répand. Les structures sociales deviennent plus complexes, et les échanges commerciaux s'étendent encore davantage.

Ă‚ge du fer.
La culture de Hallstatt  (env. 800 Ă  450 av. JC) marque le dĂ©but de l'âge du fer en Suisse. Les sĂ©pultures richement fournies indiquent une sociĂ©tĂ© hiĂ©rarchisĂ©e avec des Ă©lites locales. Les Ă©changes commerciaux, notamment avec les civilisations mĂ©diterranĂ©ennes, se dĂ©veloppent.

La culture de La Tène (env. 450 à 50 av. JC), du nom d'un site archéologique sur les rives du lac de Neuchâtel, représente l'apogée de la culture celtique en Suisse. Les Celtes, auteurs d'un artisanat métallique sophistiqué (bijoux, armes), dominent la région. Les oppida (forteresses) sont construits sur des hauteurs stratégiques, et les tribus celtes telles que les Helvètes sont bien établies.

Tribu des Helvètes.
Les Helvètes sont la principale tribu celtique en Suisse avant l'arrivée des Romains. Ils vivent dans une société structurée, pratiquent l'agriculture, et sont réputés pour leurs compétences en métallurgie. Ils occupent une grande partie du plateau suisse et ont des interactions fréquentes avec les Romains et d'autres peuples celtiques.

L'Antiquité et le Moyen Âge

La Suisse, l'HelvĂ©tie des Romains, Ă©tait comprise par eux presque tout entière dans la grande SĂ©quanaise (province de la Gaule); le reste, la partie Ă  l'Est du Rhin, faisait partie de la RhĂ©tie. Les Helvètes avaient quittĂ© leur pays en masse pour venir s'Ă©tablir dans la Gaule (61 av. J.-C.), quand CĂ©sar, en 58, extermina les uns, refoula les autres. Ensuite, sous la  domination romaine, les Helvètes furent tranquilles. 

A partir du Vesiècle, leur pays appartint tour Ă  tour (pour la plus grande part) au royaume de Bourgogne, au royaume de Bourgogne Transjurane et au royaume des Deux-Bourgognes ou royaume d'Arles. Lorsque Rodolphe III lĂ©gua les deux Bourgognes Ă  Conrad le Salique sous le nom de Royaume d'Arles (930), la Suisse fut comprise dans ce legs et dès lors elle devint province immĂ©diate de l'Empire : l'administration en fut confiĂ©e aux ducs de Zaeringhen. Pendant la pĂ©riode fĂ©odale, le pays se trouva divisĂ© en une foule de fiefs de tout ordre, presque indĂ©pendants, dont bon nombre Ă©taient possĂ©dĂ©s par la maison de Habsbourg lors de l'avènement Ă  l'empire de Rodolphe de Habsbourg (1273). Ce prince, qui avait Ă©tĂ© choisi pour avouĂ© par les cantons d'Uri, Schwitz et Unterwald, respecta leurs franchises et mĂŞme les augmenta; mais Albert son fils, tendit Ă  convertir en souverainetĂ© les droits  de simple patronage que sa famille exerçait et entreprit de soumettre toute L'HelvĂ©tie (1304). 

L'oppression de ses agents fit soulever les trois cantons d'Uri, Schwitz et Unterwald : c'est alors qu'eurent lieu et la conspiration de Grutli, qui eut pour chefs Stauffacher, Walter Furst et Arnold de Melchthal, et que l'on place l'aventure imaginaire de Guillaume Tell : un soulèvement gĂ©nĂ©ral Ă©clata le 1er janvier 1308. Les 3 cantons primitifs, après de longs combats, battirent Ă  Morgarten le duc LĂ©opold I, fils d'Albert (1315), et formèrent la ligue perpĂ©tuelle de Brunnen. Ils s'adjoignirent successivement Lucerne (1332), Zurich (1351), Zug et Glaris (1352), Berne (1353). Deux autres victoires remportĂ©es sur les ducs d'Autriche (Ă  Sempach et Ă  Naefels, 1386 et 1388), diverses conquĂŞtes faites sur les domaines de ces ducs (1415 et annĂ©es suivantes), rendirent bientĂ´t les Suisses respectables Ă  leurs voisins. En 1422 commencèrent Ă  se former les Ligues grises (ou des Grisons). Mais de 1439 Ă  1450 la guerre de Tockenbourg mit les Suisses aux prises les uns avec les autres : Zurich se sĂ©para, et la dissolution de la ligne semblait imminente; Ă  la mĂŞme Ă©poque, ils furent attaquĂ©s Ă  l'improviste par la France, que l'empereur Ferdinand III avait appelĂ©e Ă  son secours (1444), et seize cents d'entre eux furent exterminĂ©s, après une hĂ©roĂŻque rĂ©sistance, Ă  la bataille de St-Jacques, par le dauphin (devenu ensuite Louis XI). 

Cependant, tout rentra dans l'ordre en 1450; la paix fut conclue en 1453 avec la France, qui n'avait eu qu'Ă  se plaindre de l'empereur. En 1460 eut lieu la conquĂŞte de la Thurgovie. Mais bientĂ´t les Suisses virent de nouveau leur indĂ©pendance menacĂ©e par l'ambition de Charles le TĂ©mĂ©raire, duc de Bourgogne (1475) : malgrĂ© l'infĂ©rioritĂ© du nombre, ils repoussèrent cet ennemi redoutable et portèrent un coup mortel Ă  sa puissance dans les batailles de Granson et de Morat (1476), et le renom de leur bravoure devint europĂ©en. De lĂ  leur alliance (dite Union hĂ©rĂ©ditaire) avec la France et l'Autriche, puis le traitĂ© de Bâle avec l'Empire, qui dut renoncer Ă  toute prĂ©tention sur la Suisse, 1499. 
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1. Soldat suisse de François Ier; 2. Suisse de la cour de Louis XIII; 3. Cent-Suisses (1786);
4, 5, 6. Grenadier, fusilier et officier du régiment des gardes suisses (1786).

La Renaissance et les Temps modernes

L'accession de 5 cantons nouveaux, Fribourg et Soleure (1481), Bâle et Schaffhouse (1501), Appenzell (1513), vint complĂ©ter les 13 cantons. Pendant la mĂŞme pĂ©riode s'effectuaient l'alliance du Valais (1475) et des Grisons (1497), la conquĂŞte de Locarno, de Lugano (1513), etc. C'est surtout alors que les Suisses furent recherchĂ©s comme troupes mercenaires. Après la bataille de Marignan, oĂą ils avaient combattu pour le duc de Milan, et oĂą ils avaient Ă©tĂ© battus, malgrĂ© une hĂ©roĂŻque rĂ©sistance, par François Ier, ils conclurent avec la France une Alliance perpĂ©tuelle (1516), qu'ils ont toujours respectĂ©e ensuite. De 1512 Ă  1530, les Grisons avaient soumis ou obtenu la Valteline : pendant la guerre de Trente Ans, l'Espagne leur fit en vain la guerre pour la leur reprendre (1618-1638); enfin, en 1648, Ă  la paix de Westphalie, le corps helvĂ©tique fut dĂ©finitivement reconnu par l'Autriche et par l'Europe entière comme une puissance indĂ©pendante de L'empire. Le Protestantisme avait Ă©tĂ© introduit en Suisse dès 1519 par Zwingli (Ă  Zurich), puis par Calvin (Ă  Genève), et bientĂ´t la majeure partie de la Suisse quitta le Catholicisme pour embrasser la RĂ©forme; de lĂ  nombre de petites guerres locales jusqu'Ă  1712, Ă©poque qui fixa l'État respectif des deux religions dans les 13 cantons. 

La Suisse fut ensuite tranquille jusqu'Ă  la RĂ©volution française. Alors surgit un parti qui voulait l'Ă©galitĂ© de droits pour tous, l'unitĂ© de la Suisse, l'abolition de la distinction de cantons souverains et de sujets, et qui, pour en venir lĂ  appela l'intervention française. Bonaparte, après le traitĂ© de Campo-Formio (1797), envoya Brune en Suisse pour y opĂ©rer la rĂ©volution dĂ©sirĂ©e : elle eut lieu en effet, et le 12 avril 1798 fut proclamĂ©e la RĂ©publique helvĂ©tique une et indivisible, qui fut confirmĂ©e par la victoire de Stanz (9 septembre). Lors de la deuxième coalition contre la France (1799), la Suisse devint la théâtre de la guerre et fut sur le point d'Ă©chapper Ă  l'influence libĂ©rale de la France : la victoire de MassĂ©na Ă  Zurich rĂ©tablit cette influence. Après plusieurs changements successifs, et l'Ă©tablissement provisoire de plusieurs constitutions Ă©phĂ©mères, Bonaparte donna aux Suisses, le 19 fĂ©vrier 1803, une organisation nouvelle, fĂ©dĂ©rative, sans inĂ©galitĂ©s : ce fut celle en 19 cantons. 

Après la chute de NapolĂ©on, 1814, l'ancienne ConfĂ©dĂ©ration fut rĂ©tablie sous la prĂ©sidence de Zurich. Une nouvelle constitution, Ă©laborĂ©e par la diète rĂ©unie Ă  Zurich fut signĂ©e le 7 aoĂ»t 1815, sous le nom de Pacte fĂ©dĂ©ral : l'admission du Valais, de Neufchâtel et de Genève, demandĂ©e par le Congrès de Vienne, porta alors le nombre des cantons Ă  22. Le traitĂ© de Paris de la mĂŞme annĂ©e (1815) reconnut la neutralitĂ© perpĂ©tuelle de la Suisse, et lui garantit l'intĂ©gralitĂ© et l'inviolabilitĂ© de son territoire dans ses nouvelles limites. La rĂ©volution française de 1830 eut son contre-coup en Suisse : Bâle se morcela en Bâle-Ville et Bâle-Campagne, 1833; le parti dĂ©mocratique opĂ©ra une rĂ©volution dans le Valais en 1840; des troubles Ă©clatèrent dans le TĂ©sin en 1841, et Ă  Genève en 1846. La courte guerre du Sonderbund, heureusement terminĂ©e en 1847, amena la rĂ©vision du pacte fĂ©dĂ©ral de 1815, et l'adoption de la constitution fĂ©dĂ©rale dĂ©mocratique du 12 septembre 1848. 

Pays neutre, État fédératif depuis 1848, doté du référendum depuis 1874, la Suisse voyait ses institutions démocratiques suivre leur libre cours et leur régulier fonctionnement. Le conflit avec la Prusse au sujet de Neuchâtel (1856), qui avait secoué en 1848 la domination prussienne, ne réussit pas à troubler la paix; ce fut à Genève que fut signée la convention internationale de la Croix-Rouge. En 1889, pourtant, le pays attira les regards de l'Europe à l'occasion de son conflit avec l'Allemagne, qui faillit porter une atteinte au principe de sa neutralité. Un inspecteur de police allemand, Wohlgemuth, arrêté sur le territoire suisse où il cherchait à embaucher des agents pour surveiller les socialistes, avait été expulsé. L'Allemagne protesta et demanda que la Suisse n'accordât plus le droit de séjour qu'aux Allemands munis de papiers en règle : le conseiller fédéral Droz, chargé des affaires étrangères, qui montra dans ce conflit une remarquable fermeté, répondit que la Suisse, en exerçant le droit d'asile, agissait dans la plénitude de sa liberté et de sa souveraineté, et que la neutralité suisse, qui avait été mise en cause, ne devait pas être mêlée au débat. La Suisse rassura l'Allemagne en rétablissant le poste, aboli depuis 1856, de procureur général de la Confédération, afin d'établir une surveillance plus efficace sur les étrangers. Bismarck n'insista pas. La conclusion, le 31 mai 1890, d'un traité d'établissement destiné à remplacer celui du 27 avril 1876, mit fin aux difficultés entre la Suisse et l'Allemagne.

La Suisse fut ensuite troublée à l'intérieur, en 1890, par une révolution au Tessin qui fut assez grave pour motiver l'intervention de l'autorité fédérale dans les affaires cantonales. Le gouvernement était, depuis 1876, aux mains du parti conservateur catholique et était présidé par l'avocat Respini. Les radicaux lui reprochèrent d'avoir violé la constitution en retardant la convocation des électeurs appelés à se prononcer, à la suite d'une initiative populaire, sur une révision partielle de la constitution. Le 11 septembre, un mouvement insurrectionnel se produisit sur plusieurs points et, à Bellinzona, une troupe de radicaux armés envahit le palais du gouvernement; le conseiller Rossi, directeur de l'intérieur, fut tué; d'autres conseillers, ainsi que le président, furent arrêtés, et un gouvernement provisoire constitué. Le Conseil fédéral envoya au Tessin le colonel Kuenzli, en qualité de commissaire. Celui-ci agit avec indécision, et ne sut pas suffisamment faire abstraction de ses sympathies pour le parti radical; il essaya de la conciliation et ne rétablit pas tout de suite le gouvernement régulier. Ce ne fut qu'en novembre, à la suite de la démission du conseiller Respini et d'un ses collègues, que le conseil d'État fut reconstitué, avec introduction de deux membres de la gauche. Le vote sur la révision s'était prononcé, en octobre, pour la nomination d'une Constituante; les membres en furent élus le 11 janvier 1891. La révision eut lieu dans un sens franchement démocratique, et la Constitution fut acceptée le 8 mars, par le peuple tessinois. A l'exception de l'assassin du conseiller Rossi, qui fut condamné par contumace, les auteurs de la révolution tessinoise, traduits devant les assises fédérales en juillet 1891, furent acquittés, de sorte que les émeutiers avaient pu renverser par la violence un gouvernement impopulaire, mais légal.

Une nouvelle révision de la Constitution fédérale eut également à cette époque. Le peuple suisse pratiquait, depuis 1848, le référendum qui lui permet d'émettre, à certaines conditions, un vote d'adoption ou de rejet des lois fédérales. Il avait reçu en même temps le droit de provoquer une résistance totale, si 50 000 citoyens en faisaient la demande. Le Conseil fédéral présenta aux Chambres, en 1890, un projet de révision de l'article 120 de la Constitution, en vue de permettre l'abrogation ou la modification d'articles déterminés, pourvu que la demande en fût faite aussi par 50 000 citoyens. D'après le système qui fut adopté, la demande d'initiative peut revêtir soit la forme d'une proposition conçue en termes généraux, soit celle d'un projet rédigé de toutes pièces. Le projet de loi sur cette révision a été adopté par le vote populaire du 5 juillet 1891. Par contre, un projet de révision de l'article 39 de la Constitution, tendant à introduire en faveur de la Confédération le monopole de l'émission des billets de banque, échoua en juin 1891, par défaut d'entente entre les Chambres.

Le premier usage qui fut fait du droit d'initiative eut pour objet de demander l'introduction dans la Constitution d'un article 22 bis, tendant à interdire l'abattage du bétail suivant le rite juif. Malgré l'opinion contraire des Chambres, le peuple se prononça, le 20 août 1893, pour l'introduction de l'article dans la Constitution. Cette mesure vexatoire, qui fut une manifestation de l'antisémitisme, ne paraissait pas d'accord avec l'article 50, qui garantit le libre exercice des cultes. L'introduction du droit d'initiative a eu aussi cette conséquence qu'on a cherché à tout réformer par cette voie en dehors de l'action du Parlement. Les socialistes, qui avaient manifesté leurs prétentions dans plusieurs congrès, voulurent à leur tour user du droit d'initiative, en 1894. Mais un projet tendant à inscrire dans la Constitution le principe du droit au travail fut rejeté par le peuple, et un autre projet sur l'assistance médicale gratuite ne réunit pas le nombre de signatures voulu. A son tour, la droite voulut demander, en vertu du droit d'initiative, que la Confédération versât aux cantons, sur le produit des douanes, une contribution calculée à raison de 2 francs par tête de population : mais le peuple rejeta également cette proposition en 1894. Il se produisit encore une vraie lutte entre le Parlement autoritaire et centralisateur, et, d'autre part. le peuple et les cantons, fédéralistes et libéraux. Trois fois le peuple se prononça, en 1895, contre la politique centralisatrice : il rejeta une loi qui devait confier au Conseil fédéral le soin de créer de nouveaux postes diplomatiques ou de supprimer les postes existants; il repoussa le monopole des allumettes et il rejeta un projet d'arrêté révisant les articles de la Constitution relatifs à l'organisation militaire dans un sens centralisateur.

La politique de centralisation, ou politique "étatiste", se manifesta sur un autre terrain ; il s'agissait de la question, déjà ancienne, de la création d'une banque d'État. Le peuple repoussa le projet qui l'instituait par son vote du 28 février 1897. La peuple suisse se montra favorable, en 1898, à la politique centraliste en votant le projet sur l'unification du droit qui plaçait toute la législation civile et pénale dans la compétence de la Confédération. Mais, par contre, le 20 mai 1900, il repoussa le projet d'assurance obligatoire, non pour faire acte d'hostilité contre l'assurance elle-même, mais pour protester contre ce nouveau moyen de gouvernement et d'assujettissement. Le désaccord entre le peuple et ses députés apparaissait de plus en plus flagrant. Aussi une double initiative populaire demanda-t-elle l'élection proportionnelle du conseil national pour la représentation des diverses opinions et l'élection du Conseil fédéral par le peuple. Mais les deux mesures proposées furent repoussées par le vote populaire du 4 novembre 1900. La réforme se heurtait à de nombreux préjugés.

Manoeuvres ferroviaires. - Depuis plusieurs dĂ©cennies, l'Ă©quipement ferroviaire de la Suisse Ă©tait devenu un enjeu pour la finance internationale, et se concrĂ©tisa  par le percement de plusieurs tunnels, Ă  commencer par celui du Gothard, en 1882. Le gouvernement suisse avait, lui, depuis longtemps dans son programme le rachat des chemins de fer. Le rejet par le peuple, en 1891, du projet de rachat du Central avait amenĂ© la dĂ©mission du conseiller fĂ©dĂ©ral Welti. Zemp, qui lui succĂ©da, se convertit plus tard Ă  l'idĂ©e de nationalisation des chemins de fer. La loi de comptabilitĂ©, adoptĂ©e par le peuple le 4 octobre 1896, devait prĂ©parer le rachat. Le 20 fĂ©vrier 1898, le peuple suisse se prononça pour le rachat; ce vote laissait d'ailleurs Ă  rĂ©soudre toutes les questions d'application. Les Chambres suisses ratifièrent, en 1896, un traitĂ© avec l'Italie pour le percement du Simplon. Le rĂ©seau de l'Union-Suisse fut rachetĂ© Ă  l'amiable au dĂ©but de 1902; puis ce fut le tour du Jura-Simplon, et, avant la fin de 1903, la ConfĂ©dĂ©ration exploitait tout le rĂ©seau, sauf la ligne du Gothard, rachetable seulement en 1909. Le percement du tunnel du Simplon fut achevĂ© le 24 fĂ©vrier 1905, et la ligne inaugurĂ©e le 19 mai 1906. La Suisse dĂ©cida Ă©galement le percement du Loetschberg pour relier la voie du Simplon Ă  Berne. Il fut achevĂ© en 1912.
La Banque centrale.-  Depuis le vote populaire du 28 fĂ©vrier 1897, rejetant l'institution d'une banque d'État, le projet fut repris sous des formes diverses par le conseiller fĂ©dĂ©ral Hauser chargĂ© des finances, puis par - son successeur, Comtesse. Il fallut près de dix ans pour concilier les points de vue opposĂ©s : celui d'une banque d'État pure, dont le crĂ©dit se serait confondu avec celui de l'État lui-mĂŞme, et celui d'une banque concessionnaire, opĂ©rant sous le contrĂ´le de l'État, mais distincte de lui. C'est le premier point de vue qui avait Ă©tĂ© repoussĂ© en 1897; c'est au second que se rattache la loi sur la Banque nationale votĂ©e en 1905. Les partisans intransigeants de la banque d'État tentèrent de demander le rĂ©fĂ©rendum, mais ne parvinrent pas Ă  rĂ©unir le nombre de signatures voulues. La loi fut donc promulguĂ©e en 1906. La Banque nationale eut le droit d'Ă©mettre des billets de banque; elle installa son siège Ă  Berne, et elle fut administrĂ©e avec le concours sous la surveillance de la ConfĂ©dĂ©ration.
La Suisse contemporaine

La Pendant la Première Guerre mondiale, la Suisse se trouve partagée entre partisans de l'Allemagne et partisans des Alliés. Mais elle reste neutre et n'intervient dans le conflit que par le biais de la Croix Rouge. En 1919, le Traité de Versailles réaffirme la neutralité suisse. En 1920, la Confédération adhère à la Société des Nations (SDN) qui établit son siège à Genève. Une union est conclue en matière monétaire et diplomatique avec le Liechtenstein, qui se complète par une union douanière en 1923.

Frappée durement par les effets de la crise des années 1930, la Suisse est conduite en 1936 à dévaluer sa monnaie. Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, le pays maintient sa neutralité, qu'elle a réaffirmée dès 1938. Une armée solidement organisée autant qu'un système bancaire dans la préservation duquel les nazis voient un intérêt, lui permettent même de faire hésiter l'Allemagne, après qu'elle eût manifesté quelques intentions d'invasion en mai 1940. La mise en place d'une économie de guerre (plan Wahlen) permettra au pays de manifester à la fin du conflit une bonne santé économique, au coeur d'une Europe presque partout ruinée. Renforcée dans ces convictions neutralistes, la Suisse refusera ensuite d'intégrer l'Organisation des Nations Unies (ONU), en 1945. Une prise de distance vis-à-vis des institutions internationales qui ne l'empêche cependant pas de devenir en 1959 un des membres fondateurs de l'Association européenne de de libre échange (AELE ou, en anglais, EFTA) qui se veut une sorte d'alternative à la CEE, puis en 1963 du Conseil de l'Europe.

Un nouveau canton en crĂ©Ă© en 1972, pour Berne, tandis qu'un an auparavant, en 1971 le droit de vote au niveau fĂ©dĂ©ral est accordĂ© aux femmes  (il leur avait Ă©tĂ© concĂ©dĂ© au niveau cantonal Ă  partir de 1959, sauf dans le canton d'Appenzell Innerrhoden (Rhodes intĂ©rieures), oĂą il a fallu attendre 1990). En 1985 l'Ă©galitĂ© des hommes et des femmes dans le mariage est reconnue. Mais on assiste aussi Ă  partir de cette Ă©poque Ă  la montĂ©e de plus en plus insistante de la place de la Suisse dans le concert international. En 1986, un rĂ©fĂ©rendum confirme le refus du pays d'adhĂ©rer aux Nations Unies, et la mĂŞme annĂ©e la lĂ©gislation visant Ă  limiter l'immigration se renforce. En 1992, la ConfĂ©dĂ©ration rejoint la Banque mondiale et le Fonds monĂ©taire international (FMI), tout en rejetant un projet d'adhĂ©sion Ă  la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne (CEE). Un nouveau vote, en mars 2001, rejette l'ouverture de nĂ©gociations en vue de l'adhĂ©sion Ă  l'Union europĂ©enne, mais la mĂŞme annĂ©e, le pays opère une inflexion dans sa politique internationale depuis 1945 : une Ă©troite majoritĂ© accorde, en juin, le droit pour les soldats suisses d'intervenir (dans un cadre limitĂ©) lors de missions internationales de maintien de la paix, et le Parlement se prononce, en septembre, pour une adhĂ©sion Ă  l'ONU. Un rĂ©fĂ©rendum, en mars 2002, entĂ©rinera ce choix par une faible majoritĂ©. L'entrĂ©e dans l'organisation internationale aura lieu officiellement en septembre.  En juin 2005, la Suisse, toujours rĂ©tive Ă  entrer dans l'Europe, mais qui n'a cessĂ© au cours des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes de multiplier les accords bilatĂ©raux avec ses voisins et de modifier sa lĂ©gislation pour la rapprocher de celle du reste de l'Europe, a signĂ© le traitĂ© de Schengen sur la libre circulation des personnes dans l'espace europĂ©en.

En 2007, Doris Leuthard devient prĂ©sidente de la ConfĂ©dĂ©ration, reprĂ©sentant le Parti dĂ©mocrate-chrĂ©tien (PDC).  La crise financière mondiale de 2008 se fait sentir, mais la Suisse, grâce Ă  sa solide politique Ă©conomique et Ă  son secteur financier robuste, parvient Ă  maintenir une stabilitĂ© relative. Eveline Widmer-Schlumpf devient prĂ©sidente de la ConfĂ©dĂ©ration, reprĂ©sentant le Parti bourgeois dĂ©mocratique (PBD) en 2012. 

En 2014, le référendum sur l'immigration de masse (initiative populaire Contre l'immigration de masse) est accepté par une courte majorité des électeurs, provoquant des tensions avec l'Union Européenne en raison des accords sur la libre circulation des personnes. La crise des réfugiés en Europe atteint son apogée en 2015 et affecteégalement la Suisse. Le pays accueille un nombre important de demandeurs d'asile, ce qui provoque encore des débats politiques sur l'immigration et l'intégration.

2016 : Johann Schneider-Ammann, du Parti libéral-radical (PLR), est élu président de la Confédération en 2016. Doris Leuthard est réélue présidente de la Confédération l'année suivante. Son mandat est marqué par des initiatives en faveur de la transition énergétique et de la réduction des émissions de carbone. En 2019, les élections fédérales voient une montée en puissance des Verts et des Verts libéraux, signe de la préoccupation croissante de la population pour les questions environnementales et climatiques.

La pandémie de covid-19 frappe la Suisse comme le reste du monde en 2020. Le gouvernement suisse met en place des mesures de confinement, de restrictions sanitaires et de soutien économique. Simonetta Sommaruga, membre du Parti socialiste suisse (PS), est présidente de la Confédération pendant cette période critique. En 2021, Guy Parmelin, de l'Union démocratique du centre (UDC), devient président de la Confédération. La gestion de la pandémie et la campagne de vaccination sont les principaux défis de son mandat.

Ignazio Cassis, du Parti libéral-radical, devient président de la Confédération en 2022. La guerre que déclenche la Russie contre l'Ukraine éclate, affectant l'Europe, y compris la Suisse, en termes de sécurité, de politique étrangère et de prix de l'énergie. La neutralité suisse est réaffirmée, mais le pays participe aux sanctions économiques contre la Russie. En 2023, Alain Berset, du Parti socialiste, prend la présidence de la Confédération. Les débats politiques se concentrent sur la durabilité économique, les réformes du système de santé et les politiques environnementales.

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