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Quand
le monde germanique
tout entier, ébranlé par les invasions asiatiques, s'était
déversé sur I'Occcident, d'autres peuples l'avaient suivi,
en quête de pillage ou d'un établissement durable dans les
régions évacuées. Parmi eux figuraient les tribus
slaves. De toutes les grandes familles de peuples du sous-continent européen,
la famille slave est celle qui est arrivée la dernière et
qui est demeurée le plus longtemps éloignée des foyers
de la culture méditerranéenne. Au moment où elle entre
en scène, elle est nombreuse, mais elle semble surgir subitement
de la préhistoire. Le monde ancien, dont elle était séparée
sur tous les points par un épais rideau de populations barbares,
l'avait ignorée à peu près totalement.
Le nom de Slaves,
lui-même, n'apparaît au VIe
siècle et ne leur sera appliqué qu'au IXe.
Un nom, d'ailleurs, dont le sens et l'origine ne sont pas certains. Suivant
l'étymologie la plus probable, il dériverait du mot slavo,
c. à d. parole. Jornandès, le
premier historien qui mentionne les Slaves, nous les montre au VIe
siècle divisé en 3 fractions les Vénètes, Vénèdes
ou Wendes (nom sous lesquels les connaissaient les Germains),
les Antes et les Slaves proprements dits, qui s'appelaient eux-mêmes
Slovènes. Tacite appuie l'opinion de l'identité
des Slaves avec les anciens Sarmates,
en rangeant les Vénèdes parmi ces derniers. Autant dire que
beaucoup de confusion règne chez les anciens auteurs à leur
propos.
Aucun fait historique,
aucune tradition sérieuse n'éclairent ainsi les origines
des Slaves. Seule, la linguistique a fourni des données solides.
Elle a établi, que les Slaves sont des populations parlant des langues
indo-européennes, que l'on a rangé dans le groupe
linguistique balto-slave, dont l'unité primitive subsistait
encore sensiblement plusieurs siècles après le commencement
de notre ère. Les Slaves, avant les grandes invasions, n'auraient
formé qu'un seul groupe établi soit entre le Don et le Dniestr,
soit dans les régions essentiellement forestières et marécageuses
comprises entre les Carpates au sud, les abords de la mer Baltique au nord,
le bassin du Dniepr à l'est et l'Oder à l'ouest.
La
dispersion des Slaves
De l'emplacement
approximatif que l'on vient d'indiquer, et où tout suggère
qu'ils résidaient depuis un temps immémorial, un grand nombre
de Slaves sont partis pour essaimer à travers l'Europe
centrale et orientale. Ils ont cheminé lentement, s'infiltrant par
groupes dans les masses étrangères voisines, ou occupant
les vides laissés par les envahisseurs qui les précédaient.
Certains se sont avancés très loin dans la grande plaine
germanique, au delà de l'Oder. Berlin
et Vienne ont été des bourgades
slaves. Des colons slaves se sont établis jusque sur le Rhin. Les
Polabes (Obotrites, Viltzes, Serbes du Nord s'établirent entre l'Elbe
et l'Oder; les Polonais et les Pomoranes (Poméraniens) plus à
l'est.
D'autres, après
la destruction de la puissance des Goths,
auxquels ils étaient soumis, passèrent vers la fin du IVe
siècle, sous la domination des Huns,
et après la mort d'Attila, à la
chute de son empire, au Ve siècle,
ils occupèrent les contrées entre le Danube et les Carpates
au Sud et la Baltique au Nord. Les Tchèques remplacèrent
en Bohème
les Marcomans, qui étaient des Germains.
Ils formèrent alors deux grandes confédérations :
l'une dans la Bohème orientale, la Silésie
et la Galicie ,
et l'autre dans la Bohème occidentale, la Misnie
et la Moravie .
Ces deux confédérations avaient été dissoutes
par les Francs et les Avars,
lorsque Samon fonda de leurs débris, vers 627, un royaume dont la
Bohème était le centre, mais dont la puissance ne fut que
passagère.
Les Slaves pénétrèrent
également en grand nombre dans la presqu'île
des Balkans ,
dès que les Goths l'eurent quittée.
Au milieu du VIIe siècle presque
toute la péninsule était slavisée Les Hellènes
se maintenaient péniblement dans quelques villes comme Athènes
et dans la plupart des îles. Le Péloponnèse
était presque tout slave. La mer même ne les arrêtait
pas. Montés sur des pirogues. ils allaient piller les villes côtières
de la Méditerranée orientale. Des colons s'établirent
en Crète
et en Bithynie .
Dès le VIIe
siècle les divers groupes slaves étaient à peu près
constiués : Slaves du Nord (Tchèques, Moraves, Polonais,
Slovaques, Slaves du Sud (Serbes et Croates); Slaves de l'Est ou Antes
(Russes), les Russes n'occupaient alors qu'une partie de la Russie
actuelle, Kiev était leur centre. Au
VIIe siècle, époque où
cessèrent les migrations des Slaves, apparaissent pour la première
fois dans l'histoire les Tchèques, les Moraves et les Silésiens,
à l'Est desquels habitaient les Léchites ou Leckhes, les
Slovaques et les Polaues, et plus loin les nombreuses tribus slaves qui
se réunirent ensuite sous le nom de Russes, qui leur fut apporté
par les Varègues-Russes dans la seconde moitié du IXe
siècle.
Dès le IXe
siècle, les Slaves furent amalgamés avec les Allemands
ou rejetés par eux au delà de l'Elbe, et, au XIIe
siècle, les ducs de Saxe
et les rois du Danemark
conquirent le royaume de Slavénie ,
fondé vers le milieu du XIe par
Gottschalk, qui avait soumis les Obotrites. Dans ces luttes, les Allemands
vendirent leurs prisonniers de guerre, et le nom de slave devint
synonyme d'esclave. La Pologne
et la Russie
formèrent des Etats indépendants. Au Xe
siècle la Bohème ,
dont la dynastie nationale ne s'éteignit qu'en 1306, devint un fief
de l'empire d'Allemagne .
Au Sud, les Slaves
qui s'étaient étendus le long du Danube jusqu'au Dniestr,
et à l'Ouest jusqu'à la mer Adriatique, furent subjugués
par les Avars et ensuite par Charlemagne.
Renforcés par des migrations slaves, ils fondèrent les royaumes
de Croatie ,
de Dalmatie ,
de Serbie
et de Bosnie ,
qui finirent par tomber sous la domination de l'Autriche
ou de la Turquie.
Les différentes
populations de langues slaves vivent
dans les régions qui s'étendent depuis l'Elbe jusqu'au Kamtchatka,
et depuis la mer Glaciale jusqu'à l'Adriatique, à la Chine
et au Japon
( L'exploration et la colonisation
de la Sibérie ).
On a appelé panslavisme l'idée, conçue
par la Russie ,
de réunir tous les Slaves sous un seul sceptre.
Les Slaves d'Occident.
Germains et Slaves.
La lutte contre la puissance germanique
a été, pour les Slaves de l'Ouest,
le fait dominant de leur histoire au Moyen âge .
Dès le VIIIe siècle, on voit
les Bavarois entreprendre la soumission des Slaves et détruire l'État
slovène. Héritier de l'Empire romain, l'Empire de Charlemagne
est, à son tour, menacé par les Barbares sédentaires
ou nomades de l'Est, Saxons, Avars,
Slaves. Charlemagne lutte contre eux, fonde des « marches »,
établit la suzeraineté de l'État franc sur les Slaves,
qui sont ses voisins immédiats dans les régions de l'Elbe,
du Danube et de la Save. Puis, du jour où le traité de Verdun,
en 843, crée le Royaume de Germanie ,
qui deviendra en 962 le Saint-Empire romain
germanique, c'est aux Allemands qu'incombera la charge directe et pour
ainsi dire exclusive de faire face aux envahisseurs de l'Est et aux peuples
slaves. A partir, surtout, du XIe siècle,
sous leurs dynasties successives, saxonne, franconienne, souabe, les Allemands
ont mené la lutte contre les Slaves avec vigueur et habileté.
Naturellement désignés par leur position même pour
une mission d'apostolat auprès des Slaves païens, ils surent
mettre l'Église romaine
au service de leurs intérêts politiques, en utilisant à
la fois, pour refouler ou dénationaliser l'adversaire, les soldats,
les missionnaires et les colons. Avec un art supérieur, ils tirèrent
parti des rivalités des Slaves et les usèrent les uns contre
les autres. Au XIVe siècle ils l'emportent
incontestablement contre eux.
Les
Tchèques, Moraves et Slovaques. - A l'époque des migrations,
des tribus slaves parentes, venant du Nord, s'étaient établies
au sud des monts de Bohème, des Sudètes et des Carpates.
Tandis que certaines d'entre elles, unifiées plus tard sous le nom
de Tchèques, se fixaient en Bohème ,
d'autres occupaient les pays situés au nord du Danube moyen : c'étaient
les Moraves et les Slovaques. Ces derniers s'enfonçaient fort avant
dans les vastes plaines de Hongrie .
La région
du Danube moyen était riche, placée au croisement des grandes
voies commerciales, dans le voisinage à la fois du monde latin
et du monde byzantin .
En revanche, l'attrait même de ses richesses et les facilités
que ses plaines offraient aux mouvements des peuples cavaliers la destinaient
à constituer un véritable couloir d'invasions. Par là
s'explique que les Slaves y aient réalisé leur première
oeuvre politique importante, et que cette oeuvre se soit rapidement effondrée.
Les
Slovènes. - Une grande partie des territoires qui servirent;
au XIIIe siècle, à constituer
le fonds territorial de la monarchie autrichienne ,
était occupée par des populations purement slaves. Certaines
tribus qui avaient descendu les pentes occidentales des Carpates s'étaient
dirigées, au Ve ou au VIe siècle vers la Pannonie
et l'Adriatique, et s'étaient fixées dans les régions
désignées plus tard sous les noms de Styrie ,
de Carinthie
et de Carniole .
Ces Slaves, appelés dans les sources anciennes Sclavi ou
Sclaveni,
ont adopté eux-mêmes cette appellation sous la forme de Slovènes
(Slovenci) .
Les Slovènes
appartenaient au groupe des Slaves du Sud. Mais, séparés
de la masse méridionale par les Magyars
dès le XIe siècle, ils se
sont trouvés dans la sphère d'attraction directe des Etats
germaniques
et ont partagé les destinées générales des
Slaves placés entre la Baltique et l'Adriatique.
Leur rôle,
d'ailleurs, fut très pâle. On les voit, dès la fin
du VIe siècle, aux prises avec les
ducs de Bavière .
Au VIIe siècle, ils tombent sous
la domination des Avars, dont ils sont libérés
momentanément par Samo. Au VIIIe siècle, les Bavarois, convertis
au christianisme, détruisent leur
État sous prétexte d'évangélisation. Après
une révolte inutile en 772, ils tombent, en 788, sous la domination
de l'Empire franc. Quand la suzeraineté franque sur les Slaves prend
fin au traité de Verdun, les Slovènes seuls restent sous
l'autorité des rois de Germanie ,
qui créent sur leur territoire le duché allemand de Carinthie .
Placés sous la juridiction des évêques de Salzbourg,
inondés de missionnaires allemands, ils acceptent le christianisme.
Dans la partie septentrionale, la germanisation, après le passage
au catholicisme, progresse rapidement,
et le slavisme y a disparu dès le XIIIe
siècle. Dans la partie méridionale, où ils étaient
établis en masses compactes, ont réussi a maintenir leur
nationalité jusqu'à nos jours, après n'avoir obtenu
leur indépendance, une première fois, qu'en 1919.
Les Slaves de l'Elbe
et de la Baltique. Les tribus slaves de Germanie.
Le territoire qui correspond
à peu près à celui de l'Allemagne
et de la Pologne
actuelles a été jadis peuplé de Slaves sur les deux
tiers environ de son étendue. Il y a toute apparence que, dès
le IIe et le IIIe
siècle, à la suite des déplacements des grandes tribus
germaniques, dans la direction du Danube et de la Hongrie ,
de forts éléments slaves se sont avancés sans rencontrer
de résistance sérieuse vers le centre et l'ouest de la plaine
germanique. Au VIIe siècle, ils
sont fixés, en masses compactes, sur la Saale ,
et ils envahissent la Thuringe .
Au VIIIe siècle, ils sont les voisins
immédiats de l'Empire de Charlemagne.
A cette époque, leurs principaux groupes étaient les suivants
:
Les
Sorabes, ou Serbes de Lusace, au nord des monts de Bohème,
entre la Saale à l'ouest et la Bobra à l'est;
Les
Polabes, ou Slaves de l'Elbe (en slave, po = le long
de, Laba = Elbe). Etablis sur le cours inférieur du fleuve, ils
se sont avancés jusqu'au Sleswig. Hambourg
était, au IXe siècle, «
civitas Sclavorum ». A côté d'eux, les Vagriens occupaient
une grande partie du Holstem;
Les
Obodriles, à l'est des Polabes, dans le Mecklembeurg actuel;
Les
Luticiens ou Vélètes, entre les Obodrites et l'Oder,
groupe puissant, dont le grand chef appartenait à la tribu des Ratars
ou Rétranes (leur place principale, Rétra, avait un temple
et un oracle célèbres).
Les
Havolanes. - Au sud des Luticiens, entre les cours moyens de l'Elbe
et de l'Oder, au coeur de la future Prusse ,
une série de tribus, notamment les Havolanes, rejoignaient le domaine
sorabe.
Les
Ranes, ou Rugiens. - Au nord, sur la Baltique, résidaient
d'autres groupes autonomes, dont le principal, celui des Ranes ou Rugiens,
avait, dans l'île de Rügen ,
le fameux temple d'Arcona ,
consacré au dieu slave Svantovit
(les fondations en ont été retrouvées en 1921);
Les
Poméraniens (en slave, po = le long de; morje
= mer), entre l'Oder, la Notec (Netze), la Vistule et la Baltique.
Les Slaves de l'Est.
Entre la Baltique et la Mer Noire.
Les Slaves de l'Est,
qui ont plus tard porté le nom collectif de Russes,
occupaient, à l'origine, un territoire considérablement plus
réduit que de nos jours bassin du Pripet, cours inférieur
de la Bérézina, de la Desna, du Teterev, et probablement
la Volhynie .
Leur tendance naturelle,
comme celle de leurs congénères du Sud et de l'Ouest, devait
être de se créer des débouchés maritimes. Mais
la tâche était pour eux plus difficile. Enfoncés au
cour du continent, ils étaient, au Nord et au Sud, séparés
de la mer par des éléments étrangers compacts. Au
Nord, tout le littoral et son hinterland, de l'embouchure de la Vistule
au golfe de Botnie, étaient occupés par des populations dites
baltiques ou baltes, Prussiens, Lituaniens,
Lettons,
et par des populations finnoises, Lives,
Estes, Wots, Ingriens.
En raison de ces obstacles, les Slaves orientaux n'ont atteint la Baltique
qu'à date tardive, et en colonies isolées, et très
au nord, à l'est du lac Peïpus et au sud du lac Ladoga.
C'est vers le sud,
en direction de la mer Noire et de la mer d'Azov, que devait tendre leur
effort principal. Les régions méridionales étaient
incomparablement plus riches, plus favorables à l'activité
commerciale avec le réseau fluvial constitué par le Dniestr,
le Bug, et surtout le bassin du Dniepr. Elles étaient, en outre,
orientées vers les centres des vieilles civilisations méditerranéennes.
-
Une
bataille entre les Slaves et les Scythes, par Victor Vasnetsov (1879).
Entre tous les points
de l'immense plaine orientale, elles se prêtaient évidemment
par excellence à la formation d'un empire. Mais, ici encore, les
obstacles étaient énormes. Ces régions, par leurs
richesses mêmes, attiraient les populations nomades de l'Asie ,
et elles constituaient la voie naturelle de leurs invasions. Aussi voit-on,
dès les temps les plus anciens, et pendant des siècles, des
tribus sédentaires ou nomades s'interposer continuellement entre
les Slaves orientaux et la mer Noire. Après les Scythes
iraniens, qui établissent, au VIIIe
siècle av. J.-C., un grand Empire du Danube au Don, ce sont les
Sarmates,
puis l'Empire goth .
C'est vers ce moment, au IIIe et au IVe
siècle de notre ère, que les Slaves de l'Est (Russes
ou Proto-Russes) commencent à apparaître dans l'histoire.
Les sources grecques et latines les appellent les Antes.
Les
Antes. - Les Antes ne représentaient sans doute qu'une partie
des Slaves de l'Est. Ils avaient dû constituer une sorte de fédération
des tribus slaves méridionales entre le Dniestr et le Dniepr. On
peut donc voir dans l'Empire des Antes, dont on sait d'ailleurs fort peu
de choses, le premier organisme politique de la Slavie orientale, entre
le IVe et le VIe
siècle.
Cet Empire voisinait
avec celui des Goths. D'après Jordanès,
les Goths le soumirent, après une longue lutte, dans la seconde
moitié du IVe siècle. Mais
leur État, peu après, était détruit par les
Huns,
qui, à leur tour, subjuguèrent les Slaves. Leur domination
ne dura pas. Les Antes, après leur départ, reprirent leur
marche vers le Sud. Ils furent arrêtés, au VIe
siècle, par l'Empire byzantin
et aussi par de nouvelles hordes turco-mongoles,
Bulgares, puis Avars. Les Avars organisèrent
contre eux, en 602, une grande expédition. Après cette expédition,
les historiens byzantins ne parlent plus des Antes. Furent-ils exterminés?
Il est plus probable qu'ils ont reculé vers l'intérieur de
la Russie .
La première
unité russe fut brisée non seulement par les Avars, mais
par l'invasion des Khazars, population turque.
Les Khazars, au VIIe siècle, occupèrent
la région de la mer d'Azov, ainsi que les territoires compris entre
le Don et la Volga. De là, ils étendirent leur domination,
d'ailleurs peu brutale, sur une grande partie des Slaves de l'Est, dont
les tribus, du pays de Kiev à celui de
Moscou,
leur payèrent tribut jusqu'au IXe
siècle, certaines même jusqu'au Xe.
La domination étrangère, désormais, devait durer,
sans arrêt, pendant des siècles : après les Khazars
allaient venir de la Volga les Petchénègues, puis les Oghouz
( Les Turkmènes),
puis les Polovtses ou Koumanes, puis enfin les Tatars.
Les Slaves du Sud.
Les Slaves de l'Empire byzantin.
Quoique la présence
des Slaves dans la péninsule balkanique ne soit pas constatée
historiquement avant le VIe siècle,
il est certain que, à une date bien antérieure, ils avaient
suivi les migrations des peuples septentrionaux vers le Danube et s'étaient
infiltrés parmi les anciennes résidences des Illyriens
et des Thraces, puis entre les Germains
et les Huns. En tout cas, dès le IVe
et le Vesiècle, la partie septentrionale
du pays danubien, point faible de l'Empire romain ,
apparaît pleine de Slaves.
L'objectif de ces
Slaves était la mer, l'Adriatique, l'Égée, Salonique,
surtout Constantinople, « le
Paris du Moyen âge », qui fut, pendant plusieurs siècles,
le vrai centre de la civilisation européenne, et qui exerça
de bonne heure une extraordinaire fascination sur tous les peuples orientaux.
Ils se ruèrent contre Byzance
en même temps que les Barbares qui l'assaillaient du côté
des Balkans et du côté de l'Asie .
L'histoire de leur établissement et des États qu'ils constituèrent
a été ainsi liée très étroitement aux
vicissitudes par lesquelles a passé l'Empire de Constantinople jusqu'à
la veille de son effondrement. Ils progressent et s'affermissent quand
cet Empire fléchit; ils s'arrêtent ou reculent quand des princes
énergiques en rétablissent la fortune.
Les Slaves furent
plusieurs fois sur le point de mettre la main sur l'Empire et d'accaparer
la couronne byzantine. Ils créèrent des États
brillants et redoutables. Ils s'étendirent très loin, en
Thessalie ,
dans la Grèce
centrale, dans le Péloponnèse ,
dans la mer Egée, en Crète ,
et, si leur vague a reflué, leur recul a été beaucoup
moins prononcé qu'en Europe
centrale et en Allemagne .
Le succès
relatif des Slaves du Sud s'explique par des causes diverses. La péninsule
balkanique, où ils venaient s'installer, avait été
ravagée et très fortement dépeuplée par les
invasions, ce qui permettait un renouvellement ethnique presque complet.
L'Empire byzantin ,
beaucoup moins vigoureux que l'Empire romain-germanique ,
affaibli par ses querelles religieuses et sa vieille civilisation, embrassait
un domaine hétéroclite et devait dépenser ses énergies
dans les directions les plus variées. Alors que leurs congénères
du centre et du nord de l'Europe étaient livrés à
leurs propres forces, les Slaves du Sud trouvaient des auxiliaires naturels
dans tous les barbares adversaires de l'Empire. Enfin, les luttes entre
la latinité et le byzantisme, dont ils étaient un des enjeux,
leur offraient des avantages qu'ils pouvaient et surent parfois utiliser.
Et pourtant, malgré
ces conditions favorables, ils devaient être précipités
dans une catastrophe générale. Tout comme ailleurs, ils n'eurent
pas, devant l'étranger, la conscience de la solidarité de
leurs intérêts, si ce n'est par intermittence. Il était
difficile que plusieurs États slaves suffisamment solides pussent
coexister dans l'espace relativement étroit qui s'étendait
entre l'Empire de Byzance ,
encore fort, et la jeune Hongrie, très entreprenante, qui rêvait
d'étendre sur eux sa tutelle. L'instabilité morale créée
dans toute la péninsule par la rivalité entre Rome
et Byzance
ne fit que renforcer chez les Slaves la tendance naturelle au particularisme.
En se disputant l'hégémonie, les Slaves ne firent que se
neutraliser les uns les autres. En affaiblissant Byzance sans parvenir
à la remplacer, ils ne firent que ruiner le front qui couvrait l'Europe
et forger eux-mêmes leurs chaînes.
Les
Croates et les Serbes. - Les Croates et les Serbes constituent, au
point de vue de leurs origines comme au point de vue linguistique, une
seule nationalité. Ils ne se distinguent que par les conditions
géographiques qui ont entraîné une différence
des religions et les alphabets.
Les sources arabes
des IXe et Xe
siècles parlent d'un grand pays slave, situé au nord des
Carpates, et appelé Chordab, Chravat. Ce fut probablement
le berceau des Croates et de leurs voisins
serbes.
Quand ils descendirent vers la péninsule balkanique, l'empereur
Heraclius (610-641) leur permit de s'établir,
à la condition qu'ils se convertissent et qu'ils devinssent les
vassaux de Byzance.
Un bilan de l'histoire
slave.
On le voit, l'expansion
des peuples slaves a été considérable. Dans un temps
relativement court, ils ont occupé d'immenses territoires.
Des princes slaves, à plusieurs reprises, ont été
sur le point de ceindre la couronne du Saint-Empire
ou celle de Byzance .
Et pourtant, sept ou huit siècles après l'apparition des
Slaves, quel est le bilan général de leur histoire? Leur
domaine d'occupation s'est rétréci très sensiblement.
La plupart de leurs peuples sont tombés sous le joug étranger.
D'autres ont été dénationalisés complètement;
d'autres ont disparu.
Cette régression
de la Slavie (c'est-à-dire de l'espace géographique occupé
par les Slaves) s'explique d'abord par le fait que les Slaves, tard venus,
se sont trouvés placés aux confins de la civilisation méditerranéenne,
sur la ligne de choc de deux mondes : le monde nouveau, qui s'élaborait
en Occident, après les grandes invasions, sur les débris
de l'Empire romain ,
et le monde barbare, perpétuellement instable, dont les hordes continuaient
à déferler, les unes après les autres, du fond de
l'Asie .
Malgré leur
dispersion tardive, ils avaient perdu de très bonne heure tout sentiment
de l'unité de leur origine. Non seulement ils se sont combattus
les uns les autres avec un acharnement souvent extrême, mais ils
ont sans cesse mêlé l'ennemi commun à leurs querelles.
Le retard initial de leur culture, joint à un don remarquable d'assimilation,
les a rendus très dociles aux influences étrangères
les plus variées, germaniques, latines, byzantines, qui ont accéléré
leur dislocation morale. Leur « xénomanie », comme disait
un Croate au XVIIe
siècle, a fait d'eux la proie de populations mieux installées
et organisées, qui les ont aisément dominés ou exploités.
Les Slaves étaient,
d'ailleurs, portés à la vie sédentaire et agricole.
Plus turbulents que brutaux, plus batailleurs que guerriers, ils n'étaient
pas organisés pour les opérations de conquête. S'ils
n'avaient été, en beaucoup de points, défendus par
l'obstacle naturel des forêts
et des marécages ,
comme le furent les Saxons luttant contre
Charlemagne,
on peut se demander s'ils n'auraient pas été, à la
longue, délogés à peu près complètement
de la plupart des territoires qu'ils occupaient.
Le caractère
généralement précaire de leurs établissements
est dû enfin à la faiblesse de leur organisation sociale et
politique. Ils ont eu la plus grande peine à se dégager des
cadres et de l'esprit du clan primitif. « Ils vivent en démocratie
», constate Procope au VIe
siècle. Ils répugnent naturellement à la subordination,
au groupement. Les historiens byzantins
du Moyen âge
sont déjà frappés du caractère « anarchique
» des tribus slaves, jalouses de leur autonomie. L'État
reste longtemps assimilé, selon les conceptions patriarcales, à
un simple domaine dont tous les héritiers, à la mort du chef
de famille, doivent recevoir une part égale. De là, ou la
dispersion du pouvoir en un fédéralisme
faible, ou la nécessité pour les princes à vues plus
larges de réaliser par la violence une unité perpétuellement
remise en question. Ces causes diverses ont rendu éphémères
ou fragiles la plupart des créations politiques du monde slave.
Au XIVe siècle, après de
prestigieuses constructions et des épisodes brillants, les Slaves
n'auront encore presque rien édifié de durable et n'auront
pas encore réussi à devenir un facteur important dans l'histoire
générale du continent. Cela ne viendra que plus tard, mais
dans le cadre d'un nationalisme d'autant plus étroit qu'il s'adossera
à des antagonismes religieux qui perdurent jusqu'à nos jours
La
culture slave
Les Slaves n'ont
pas joué au Moyen Age
un rôle historique proportionné à leur nombre et à
l'étendue des régions occupées par eux. Cette obscurité
s'explique par leur position même dans les plaines de l'Europe
centrale et orientale; éloignés des foyers de la civilisation
méditerranéenne, ils n'ont pas pu, comme les Celtes
ou même comme les Germains, connaître
le monde romain avant l'écroulement de l'empire d'Occident. Les
Germains leur ont barré le passage vers l'ouest. Du côté
de l'est, ils se sont trouvés sans cesse exposés aux grandes
invasions venues d'Asie .
Ainsi la culture slave a-t-elle longtemps conservé son originalité
et aussi son unité, malgré l'absence d'unité politique.
Avec la conversion des Slaves au christianisme,
à partir de la seconde moitié du IXe
siècle, les Slaves se sont rattachés à la civilisation
méditerranéenne, mais, bientôt, la séparation
de l'Eglise romaine
et de l'Eglise grecque a induit chez eux une dualité de culture.
La Slavie païenne.
Au seuil de la période
historique, quand leur dispersion commence, les Slaves n'ont partiquement
pas eu de contacts avec la civilisation méditerranéenne.
Leurs moeurs et coutumes scandalisent souvent les étrangers. Ils
sont soumis à un régime patriarcal primitif, avec une organisation
tribale analogue à celle des Germains. Ils sont divisés en
tribus et les tribus en familles. Chaque famille comprend tous les descendants
d'un ancêtre lointain et vivent sous l'autorité d'un chef
élu (staroste), tous ses membres sont égaux, tous
travaillent la terre qui était leur propriété commune.
Les chefs de famille se réunissent en conseil sous la présidence
d'un prince ou joupan. Il n'y a pas de clergé : starostes
et joupans représentent les familles et les tribus devant les dieux.
Ils ne construisent pas de villes et n'a presque pas d'industrie. La polygamie
est très répandue. Les Slaves, nous disent les anciens auteurs,
sont très hospitaliers. Ils ont la passion de la musique
et de la danse.
La religion
des Slaves est un polythéisme. On citera les dieux Perun (Péroun),
dieu de la foudre; Volos, dieu des troupeaux; Svarog, Siriborg, Dielbog,
le dieu blanc et bon; Czernebog, le dieu noir et mauvais; Lada, déesse
de l'amour et de l'hymen; Diva ou Djevanna, déesse de la nature
mystérieuse, et Marzanna, déesse de la mort,ainsi qu'une
foule de divinités secondaires. Ils sacrifient à leurs dieux
des animaux, des prisonniers. Les Slaves de la Baltique, qui ont une forte
caste sacerdotale, honorent principalement Svantovit ,
dont la statue géante, à quatre têtes, rend des oracles
réputés dans le grand sanctuaire d'Arcona .
Les Slaves pratiquent l'incinération de préférence
à l'ensevelissement. Ils font suivre les funérailles d'un
festin accompagné de jeux guerriers. Les femmes accompagnent leur
mari dans les combats, et, quand il meurt, se font brûler sur son
bûcher. Les mariages se pratiquent par achat ou par enlèvement.
Le christianisme.
Le christianisme
est entré dans les pays slaves par deux voies celle de Rome
et celle de Byzance .
Tandis que les Slaves d'Occident, surtout par l'intermédiaire du
clergé allemand, adoptaient à des dates diverses le catholicisme
romain, la masse des autres Slaves fut soumise à l'apostolat direct
ou indirect de Cyrille et Méthode, qui
étaient frères. Le prince Ratislav de Grande Moravie
ayant demandé des missionnaires à l'empereur byzantin Michel
III, les deux frères, moines du Mont Athos ,
lui furent envoyés (862-863) et organisèrent chez eux une
Église de rite grec avec la langue
slave. Ils obtinrent un succès dont s'émut le clergé
allemand, qui les accusa d'hérésie .
Ils allèrent se défendre à Rome, où Cyrille
mourut. Méthode devint évêque de Pannonie
et le resta jusqu'à sa mort. Reprenant sa mission, il convertit
les Moraves, les Slovaques, les Tchèques, même une partie
de la Galicie .
A sa mort, son oeuvre s'écroula, et ses disciples durent se réfugier
en Bulgarie .
L'Église allemande, refoulant le culte slave, se substitua à
lui. Mais, de son nouveau centre bulgare, il rayonna sur la Russie kiévienne ,
sur la Serbie ,
jusque chez les Croates.
Jusqu'au Xe
siècle, le monde slave offrait une certaine unité de foi,
de langue, de civilisation. Mais les Hongrois,
en s'établissant dans la vallée moyenne du Danube, détruisirent
l'Empire morave et séparèrent les Slaves du Nord des Slaves
du Sud. D'autre part, les Slaves de l'Est (Russes, Bulgares, Serbes) s'étant
mis à l'école de Byzance
et les Slaves de l'Ouest (Polonais, Tchèques) à celle de
Rome
et de la Germanie ,
la profonde différence qui peu à peu s'établit entre
la civilisation byzantine et celle des pays d'Occident eut pour conséquence
la division des Slaves en deux groupes, qui n'ont pas la même religion,
la même culture, les mêmes traditions sociales et qui, avant
les efforts des panslavistes modernes, à partir du XIXe
siècle, ne gardaient de l'unité slave primitive qu'un bien
vague souvenir.
Cette dualité
religieuse a eu des conséquences funestes. Elle a donné prise
à l'action des ennemis des Slaves, c'est-à-dire avant tout
des populations germaniques qui, en expulsant le rite slave des pays mêmes
pour lesquels il avait été créé, a grandement
affaibli la Slavie d'Europe centrale et réalisé, sous le
couvert de l'orthodoxie romaine, une oeuvre d'accaparement politique. Sur
un autre terrain, en Europe méridionale, les conflits entre Byzantins
et latins ont fortement gêné le développement des jeunes
États slaves. Ce qui restait à la Slavie de son unité
primitive a été définitivement ruiné, sans
espoir pour elle, désormais, de la reconstituer. Dès le Moyen
âge
apparaissent dans son domaine les germes de graves antagonismes politiques.
La Pologne ,
ralliée complètement à l'Église latine ,
allait se heurter, au cours de son expansion vers l'est, à des problèmes
religieux dont le rôle devait être considérable dans
la genèse de son antagonisme avec la Russie
orthodoxe.
Les langues slaves.
Littératures et arts.
La Slavie païenne
n'avait pas d'écriture. Le christianisme
lui en a apporté deux : l'écriture latine, en Occident, et
l'écriture glagolitique, imaginée par Cyrille
et Méthode pour noter leurs traductions de textes bibliques et liturgiques.
Après leur mort, leurs disciples substituèrent à cet
alphabet l'alphabet dit cyrillique.
L'idiome dans lequel
Cyrille et Méthode ont traduit la Bible ,
et qui était un parler bulgare de la région de Salonique,
s'appelle le paléoslave, ou vieux-slave, ou slavon. Le slavon a
joué chez les Slaves orthodoxes le même rôle qu'en Europe
de l'Ouest le latin au Moyen âge .
Il a été par excellence, pour les Russes,
les Serbes, les Bulgares,
la langue liturgique, la langue sacrée. Dans, les pays roumains
eux-mêmes, très influencés par la culture slave, il
a constitué jusqu'au XVIe siècle
le seul organe de la vie intellectuelle.
Les idiomes slaves
occidentaux, suivant la fortune des peuples qui les parlaient, ont été
ou éliminés, ou fortement imprégnés d'éléments
étrangers, ou relégués aux classes populaires, en
marge de la culture savante. C'est seulement au commencement des temps
modernes. qu'ils s'émanciperont pour servir d'instruments à
des littératures vraiment nationales.
Les conditions politiques
générales, très instables, n'ont pas permis aux peuples
slaves, pendant bien des siècles, de développer normalement
une littérature propre. Dominés par le prestige des civilisations
étrangères et par les influences religieuses, ils n'ont guère
pu, au Moyen âge ,
affirmer leur originalité, et se sont généralement
bornés à imiter, à traduire et à adapter.
Les Slaves de l'Elbe
et de la Baltique n'ont laissé aucun texte littéraire ou
historique. Les Tchèques se placent de bonne heure au premier rang,
et leur langue est, de toutes les langues
slaves, celle dont les témoignages écrits permettent
de suivre l'évolution depuis la date la plus ancienne. Mais la culture
latine et la culture allemande laissent chez eux peu de place à
la culture slave, et leur langue nationale n'est guère employée
qu'à la rédaction de légendes
rimées. La pittoresque Chronique de Kosmas (XIIe
siècle)
est écrite en latin. En Pologne ,
les premiers textes sont postérieurs d'un siècle environ
à ceux de Bohème ,
et leur intérêt littéraire est infime ( La
Littérature
polonaise). L'idiome national n'est représenté que par
quelques cantiques et légendes. C'est
en latin que sont rédigées, au XIIe
et au XIIIe siècle, des chroniques
comme celle de Gallus et de Kadlubek.
Chez les Slaves de
l'Est, la littérature, dont le centre est à Kiev,
ne se borne pas aux textes purement religieux, d'ailleurs le plus souvent
traduits du grec ou du bulgare.
La Chronique de Nestor (XIVe) fournit
de précieux renseignements sur l'histoire des Russes et de leur
civilisation. Un morceau de prose poétique, le Récit de
l'expédition d'Igor, n'apparaît pas à tous d'une
authenticité absolument démontrée. L'imagination populaire
crée, en outre, toute une riche littérature populaire, contes,
légendes,
bylines ou chansons de geste, dont la
plupart célèbrent Vladimir, le
convertisseur de la Russie
( La Littérature
russe).
Les Serbes
n'ont pas pendant très longtemps de littérature laïque,
en dehors de belles épopées
populaires et anonymes transmises par la tradition orale. Chez eux, comme
chez les Croates, quelques textes écrits,
vies de saints, chroniques, sont dépourvus de valeur littéraire.
En Bulgarie ,
le tsar Siméon a une riche bibliothèque, mais uniquement
constituée de livres traduits du grec. On traduit des chroniques
grecques, on compile de vastes recueils, dont la plupart ont été
conservés chez les Serbes et chez les Russes. Pas un poème,
pas un récit historique, ni même un texte juridique.
L'art
des Slaves, dans sa période ancienne, présente les mêmes
caractéristiques générales que la littérature.
Avant tout - sinon uniquement - religieux, il est emprunté et composite,
et se borne à peu près partout à refléter les
influences diverses exercées par les civilisations voisines. Les
Tchèques, dont la capitale, Prague,
est l'une des plus brillantes de l'Europe ,
ornent ou font orner leurs principales villes d'églises'
romanes
ou gothiques. Les Polonais font de
même; les sculptures
qu'on rencontre dans leurs églises sont dues à des étrangers
; leur peinture
religieuse s'inspire d'abord des types byzantins ,
puis des oeuvres de l'école bohémienne. L'influence italienne
prévaut chez les Croates, et l'influence
byzantine chez les Serbes. En Bulgarie ,
architectes ,
peintres, miniaturistes sont élevés
à l'école de Constantinople. La Russie, plus originale et
plus inventive, modifie les types architecturaux byzantins selon son goût
propre. Après la magnifique période kiévienne, où
elle rivalise avec Constantinople, elle combine les influences asiatiques,
byzantines et occidentales pour élaborer en pleine Moscovie un art
qui prendra conscience de lui-même et deviendra «-l'art souzdalien
».
Le panslavisme.
Le mot panslavisme
est apparu dans la langue politique vers 1830. Il désignait la tendance
qu'auraient eue tous les Slaves à se grouper en un seul corps politique
sous la tutelle ou la domination de la Russie. Il a été mis
en circulation, non pas par les Slaves eux-mêmes, mais par leurs
ennemis, par les peuples qui avaient intérêt à les
maintenir dans un état de servitude ou de vasselage, les Hongrois,
les Allemands, les Turcs et les Grecs. Pendant de longues périodes
historiques, les peuples slaves - sauf les Polonais et les Russes - les
Tchèques, les Slovaques, les Croates, les Serbes, les Bulgares ont
été asservis à des peuples étrangers. A partir
de la fin du XVIIIe siècle ils se
sont efforcés de reconquérir leur indépendance. Trop
faibles pour lutter individuellement contre leurs oppresseur, ils ont songé
à demander un secours matériel ou plus souvent moral à
des peuples congénères. Ils se sont consolés des misères
du présent par l'idée de la grandeur ou de la gloire de leur
peuple. Ils ont rêvé d'avoir une littérature, une langue
unique. Les publicistes, les poètes, les hommes d'État qui
ont prêché ces idées ou qui les ont mises en oeuvre
ont volontiers été considérés par leurs ennemis
comme de simples instruments de la politique russe, comme des agents panslavistes.
En réalité, plus un peuple slave se croyait assuré
de l'indépendance, moins il été tenté de s'absorber
dans l'ensemble slave.
Les Etats slaves
créés au XIXe siècle,
la Serbie, la Bulgarie, s'inspirent avant tout des intérêts
du pays et de la dynastie et ne songent nullement à les sacrifier
à l'intérêt supérieur du peuple privilégié
qui la représenterait. Parmi les écrivains qui ont prêché
avec le plus d'éloquence les doctrines dites panslavistes, on peut
citer au XVIIe siècle le Croate
Krijanitch, au XIXe le Tchèque Kollar.
En 1848, les Slaves d'Autriche essayèrent de discuter leurs intérêts
communs dans un congrès tenu à Prague, qui fut dissous au
bout de quelques jours. En 1867, quand le gouvernement austro-hongrois
établit le régime dualiste qui sacrifiait les intérêts
des Slaves à ceux des Allemands et des Hongrois, un certain nombre
de Tchèques, de Slovaques, de Croates et de Serbes se rendirent
à Moscou pour prendre part à une exposition ethnographique
et se livrèrent à des manifestations qui restèrent
d'ailleurs purement platoniques. Que la Russie ait pu mettre à profit
les aspirations des Slaves nul ne peut s'en étonner. Chaque pays
s'efforce d'étendre sa sphère d'action au gré de ses
intérêts. Ce qui est certain, d'autre part, c'est que les
petits peuples slaves n'ont jamais eu aucune envie de se laisser absorber,
même par un peuple congénère, voulant être eux-mêmes
avant tout. (L. Léger / HGP / GE / HUP). |
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