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Hadrien

Hadrien ou Adrien, P. AElius Hadrianus, empereur romain, de 117 à 138 ap. J.-C. (870-891 de la fondation de Rome). Il naquit à Rome le 24 janvier 76 ; mais il était d'origine espagnole. Sa famille avait quitté, à l'époque des Scipions, la ville d'Hadria en Italie (de là ce surnom d'Hadrianus), pour se fixer à Italica, municipe d'Espagne ultérieure ou Bétique. Hadrien se trouvait donc le compatriote de Trajan à qui il devait succéder, et qui était son cousin. Vers l'âge de dix ans il perdit son père Trajan lui servit de tuteur. Sa jeunesse se passa à Athènes il y prit cette passion pour l'antiquité grecque et pour les beaux-arts à laquelle il demeura fidèle toute sa vie; ses compagnons l'appelaient le petit Grec, Graeculus. A l'âge de dix-huit ans commence sa carrière : il passa régulièrement par tous les échelons de la hiérarchie, tribun légionnaire, questeur, tribun du peuple, préteur, légat légionnaire, consul. Au commencement du règne de Trajan, il s'était allié à la famille impériale, en épousant, par la faveur de l'impératrice Plotine, la petite-nièce de l'empereur, Vibia Sabina. Ce mariage, non moins que les talents militaires dont il avait donné maintes preuves sous les yeux mêmes de Trajan, le désignaient à l'adoption de celui-ci. L'empereur en fit son héritier à son lit de mort, en 117 : Hadrien avait alors quarante et un ans.

Dès son début, il brisa avec la politique agressive de son prédécesseur, en faisant rentrer l'Empire du côté de l'Orient dans les limites qu'Auguste lui avait tracées. Des quatre provinces conquises par Trajan, l'Arménie, la Mésopotamie, l'Assyrie, l'Arabie, il ne garda que la dernière. Il entendait du moins que dans ces limites l'Empire fut respecté, et presque tout son règne passa à en faire un formidable camp retranché. En Bretagne (Angleterre), il fit construire un grand ouvrage militaire, le vallum Hadriani (mur d'Hadrien), pour protéger l'île contre les invasions des Calédoniens (Écossais) . En Germanie, les champs Décumates furent garantis par une fortification analogue, de Mayence à Ratisbonne : les débris de ce gigantesque ouvrage s'appellent le Mur-du-Diable, Teufelmauer. Tout le long du Danube s'élevèrent des forteresses et des retranchements. Une ligne frontière, appelée à Rome le limes.

Hadrien avait l'humeur voyageuse. Tertullien a dit de lui qu'il était curiositatum omnium explorator. Il avait, en effet, une véritable passion pour les curiosités, pour les lieux historiques, pour les beaux paysages, pour les sites renommés (il fit l'ascension de l'Etna), pour les pèlerinages célèbres, ceux de Dodone et de Delphes, comme celui du colosse de Memnon : aussi passa-t-il les deux tiers de son règne, quatorze années sur vingt et une, à parcourir l'Empire en tous sens : vingt-cinq provinces, quelques-unes à plusieurs reprises, furent visitées par lui, Gaule, Germanie, Bretagne, Espagne, Afrique, Grèce, Asie Mineure, Syrie, Égypte, etc. Dans ses voyages, il était accompagné de toute une armée d'architectes et d'ouvriers, qui partout a laissé des traces de son passage par de nombreuses constructions. 

L'Orient eut pour lui une véritable séduction; il y alla plusieurs fois. Athènes fut décorée de monuments magnifiques : on l'appela la ville nouvelle d'Hadrien (le plus beau de ces monuments fut le temple de Jupiter olympien, dont 15 colonnes sont encore debout). Presque toutes les villes d'Asie reçurent des embellissements. Jérusalem fut reconstruite sous le nom d'Aelia Capitolina. Partout furent frappées des médailles avec la légende bien méritée, restitutori orbis terrarum (ci-dessous). Ce grand bâtisseur ne pouvait pas négliger Rome : au Forum il éleva le temple de Vénus et de Rome, si curieux par sa double abside encore debout; sur la rive droite du Tibre, un énorme mausolée, aujourd'hui le château Saint-Ange, et sur le fleuve, un pont (pons Aelianus , pont Saint-Ange), pour relier son tombeau au Champ-de-Mars. Hors de Rome, à Tibur (Tivoli), il fit construire une villa grandiose (Villa d'Hadrien).

Hadrien mérite une place à part pour ses réformes dans l'administration et dans le droit. Jusqu'à lui l'administration, ce que nous appellerions les ministères, appartenait aux affranchis : il les remplaça partout par des chevaliers; l'ordre équestre devenait ainsi une aristocratie gouvernante dans l'État. Il réorganisa aussi le conseil privé qui assistait l'empereur, consilium principis, en le composant surtout de jurisconsultes. Enfin, il fit faire le premier code raisonné de la jurisprudence romaine. Le jurisconsulte Salvius Julianus fut chargé de publier un résumé du droit prétorien et un code de procédure : ce fut l'Édit perpétuel; un sénatus-consulte lui donna force de loi en 131. Le sort des esclaves fut amélioré par plusieurs lois. A l'égard des chrétiens, il montra plutôt de la tolérance que de la rigueur. La seule guerre de ce règne de vingt et un ans fut une guerre religieuse. Une insurrection générale éclata en Judée en 132, conduite par un rabbin, Akiba, et un chef de bandes, Bar Kokaba; elle ne fut domptée qu'en 135, mais la répression fut terrible : 180 000 Juifs furent tués, d'innombrables captifs vendus comme esclaves, et beaucoup furent dispersés par tout le monde romain (La Diaspora juive).

Les dernières années de la vie d'Hadrien se passèrent dans sa villa de Tibur : c'était la résidence favorite de ce bel esprit qui avait groupé autour de lui une cour d'artistes et de gens de lettres. Il se piquait lui-même de littérature et de beaux-arts ; il s'amusait à modeler des statues et à faire des petits vers, témoin ceux qu'il composa sur le point de mourir et qui ont été rendus ainsi par Fontenelle :

Ma petite âme, ma mignonne;
Tu t'en vas donc, ma fille, et Dieu sache où tu vas!
Tu pars seulette et tremblottante, hélas! 
Que deviendra ton humeur folichonne!
Que deviendront tant de jolis ébats!
La villa de Tibur a peut-être vu bien des débauches et bien des cruautés; on sait la passion singulière qu'il eut pour son favori Antinoüs, passion qu'il poussa jusqu'à honorer d'un culte après sa mort, en lui faisant dresser partant des autels et des statues. 

Hadrien occupe une des premières places dans la série des empereurs, pour avoir donné au monde, grâce à une discipline sévère et à une administration prévoyante, vingt et une années de paix et de prospérité. 

« Quand la gloire des princes se mesurera au bonheur qu'ils ont donné a leurs peuples, a-t-on écrit, Hadrien sera le premier des empereurs romains. »
Hadrien mourut à Baia, le 10 juillet 138, à soixante-deux ans. Il n'avait pas eu d'enfant; mais il avait voulu assurer son oeuvre en se choisissant un héritier. Il avait adopté Lucius Verus ; celui-ci mourut, Alors il choisit Antonin, qu'on devait surnommer le Pieux, en lui imposant la condition d'adopter Marc Aurèle et le fils de Verus. (G. L-G.).


En librairie - La vie d'Hadrien a été écrite par l'historien latin Spartien, dans l'Histoire auguste. Et bien sûr, dans une biographie romancée de Marguerite Yourcenar, Les mémoires d'Hadrien.
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Dictionnaire biographique
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