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Histoire de la Sardaigne
Les plus anciens habitants connus de la Sardaigne sont les Sardes que l'on rapproche des Ibères. On ignore s'il faut leur attribuer ces curieux et énigmatiques monuments connus sous le nom de Nuraghi et dont on en retrouve encore 3000. On discute aussi leur identification avec les Shardana, cités parmi les envahisseurs de l'Égypte au temps de Ramsès III, et dont le nom rappelle également celui de la cité lydienne de Sardes.

L'île fut visitée par les Phéniciens qui eurent un comptoir à Caralis (Cagliari); ils eurent pour successeurs les Carthaginois, lesquels soumirent au début du Ve siècle les populations indigènes des Iliens et des Corses et fondèrent plusieurs villes.  En 238 av. J.-C., les Romains profitèrent de la guerre des mercenaires pour annexer la Sardaigne. Manlius Torquatus en repoussa les Carthaginois (215). Une révolte en 181 fut écrasée par le consul Tiberius Sempronius Gracchus, lequel égorgea ou vendit comme esclaves 80.000 sardes; l'expression de « Sardes à vendre » devint proverbiale pour désigner une denrée abondante et sans valeur. Une révolte en 114 fut comprimée en deux ans par le proconsul M. Caecilius Metellus, qui célébra un triomphe à cette occasion. La Sardaigne formait depuis l'annexion une province, comprenant aussi la Corse, et généralement administrée par un préteur. Elle payait un tribut en argent, plus la dîme du blé. Sa richesse en blé et l'insalubrité du climat furent constamment signalées. On y exila souvent durant l'Empire, notamment des Juifs sous Tibère et des chrétiens sous Commode, quoique ce fût devenu une province sénatoriale (proconsulaire). Constantin la sépara de la Sardaigne.

En 456, les Vandales la conquirent, Cyrille la reprit pour Justinien en 534 et elle demeura province du diocèse d'Afrique. A partir du VIIIe siècle, les Sarrasins la ravagèrent; l'île, que les Byzantins ne pouvaient défendre, se rendit indépendante sous des magistrats qui s'intitulaient juges. Après l'an mille, l'émir Moudjehid de Denia, maître des Baléares, conquit la Sardaigne. Elle lui fut enlevée dès 1015 par les Génois et les Pisans, qui repoussèrent en retour offensif l'année suivante; eux-mêmes se brouillèrent et Pise l'emporta, s'assurant le monopole commercial en Sardaigne. mais comme le pape Benoît VIII avait concouru à la victoire de 1016, ses successeurs revendiquèrent la suzeraineté de la Sardaigne, en particulier Grégoire VII. Les quatre juges ou rois d'Arborea, Cagliari, Gallura, Torre (Logadovo) qui se divisaient l'île étaient assez disposés à reconnaître cette suzeraineté théorique.

Les évêques de Pise furent déclarés légats permanents du pape, avec délégation de son autorité. Cependant la lutte contre Gênes continuait. L'empereur intervint à son tour : Frédéric Barberousse nomma puîné de Sardaigne son oncle Welf, puis roi de Sardaigne le juge Bareso d'Arborea (1164), puis donna l'île en fief à Pise. Frédéric Il maria son bâtard Enzio à Adelasia, héritière de Torre et Gallura (1238) et lui donna le titre de roi de Sardaigne. Il n'eut guère que le titre; la possession effective continuant à se disputer entre Pise et Gênes. En 1297, le pape Boniface VIII donna à Jacques Il d'Aragon la Sardaigne et la Corse, afin de lui faire rendre la Sicile à Charles de Naples. Alphonse, fils de Jacques II, réussit à s'emparer de la Sardaigne (1322), avec l'aide du juge d'Aiborea, et à faire reconnaître sa suprématie par les Pisans (1326). 

Depuis lors, l'île demeura aragonaise. On lui donna une constitution (1355); des Stamenti, où siégeaient les représentants du clergé, des nobles et des villes, furent convoqués à Cagliari (1366). Les juges d'Aiborea s'insurgèrent cependant, et la veuve de l'un d'eux, Eléonore, maîtresse d'une grande partie de l'île, promulgua la Carta di Logu, qui demeura la base du droit sarde. Elle mourut de la peste (1404), et les Aragonais reprirent le dessus. Un vice-roi gouverna l'île en leur nom, puis en celui du roi d'Espagne. Charles-Quint réunit pour la seconde fois des Stamenti (1519). Philippe III créa une Université à Cagliari; Philippe IV promulgua un nouveau code, les pragmatiques royales. Le traité de Rastadt la donna en 1714 à l'Autriche. Alberoni l'occupa, et elle fut en 1720 attribuée au  duc de Savoie, Victor-Amédée II, en échange de la Sicile, devenant la base nominale du royaume de Sardaigne. Dépouillés de leurs Etats de terre ferme par la France, les rois de Sardaigne Charles-Emmanuel et Victor-Emmanuel se réfugièrent dans cette île et y résidèrent de 1798 à 1814. (A.-M- B.).

Le règne de Charles-Albert, successeur de Victor-Emmanuel Ier, fut crucial. Il octroya le Statut Albertin en 1848, une constitution libérale qui deviendra par la suite la constitution du royaume d'Italie. La Sardaigne, sous la direction éclairée de ministres comme Camillo Benso, comte de Cavour, devint le moteur du Risorgimento. Cavour, en particulier, mena une politique habile d'alliances internationales, notamment avec la France de Napoléon III, pour affaiblir l'Autriche, principal obstacle à l'unification italienne.

Les guerres d'indépendance italienne, dont la deuxième fut particulièrement significative, aboutirent à l'annexion de plusieurs territoires au royaume de Sardaigne. L'expédition des Mille de Garibaldi en 1860, bien que partant de Gênes, fut une étape fondamentale qui permit l'annexion du Royaume des Deux-Siciles. En 1861, le royaume de Sardaigne devint le royaume d'Italie, avec Victor-Emmanuel II comme premier roi. La Sardaigne, bien que donnant son nom au royaume initial, se retrouva intégrée dans une entité plus vaste.

L'unification italienne, si elle représentait un idéal politique, n'apporta pas immédiatement de bénéfices économiques uniformes à toutes les régions. La Sardaigne, comme d'autres régions du Sud de l'Italie, resta relativement marginalisée par rapport au développement industriel du Nord. Le XIXe siècle et le début du XXe siècle furent marqués par l'émigration sarde, principalement vers le continent et les Amériques, en quête de meilleures opportunités économiques. L'économie sarde, restée longtemps centrée sur l'agriculture et le pastoralisme, peinait à se moderniser et à rivaliser avec les régions plus industrialisées.

Au cours du XXe siècle, la Sardaigne, comme le reste de l'Italie, connut les deux guerres mondiales et la période fasciste. Le régime fasciste tenta de développer l'île, notamment par des projets de bonification des terres et de développement industriel, mais ces efforts furent souvent limités et axés sur des objectifs autarciques et militaires. Après la Seconde Guerre mondiale et la chute du fascisme, l'Italie devint une république. La Sardaigne obtint un statut de région autonome à statut spécial en 1948, reconnaissant ses spécificités culturelles et linguistiques, ainsi que ses besoins de développement économique.

La seconde moitié du XXe siècle et le début du XXIe siècle ont vu un développement du tourisme en Sardaigne, qui est devenu un secteur économique majeur. Cependant, ce développement touristique a également soulevé des questions de durabilité, de préservation de l'environnement et de l'identité culturelle sarde. La région continue de faire face à des défis économiques, notamment en termes de diversification économique au-delà du tourisme, de lutte contre le chômage, et de maintien de ses traditions et de sa langue sarde dans un contexte de mondialisation et d'intégration nationale italienne.

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