| Ravenne (ital. Ravenna) est une ville du Nord-Est de l'Italie, située à 270 kilomètres au Nord de Rome, et à 7 km de la mer Adriatique, sur le canal Corsini, dans une plaine marécageuse; 154 000 habitants (est. 2008). A l'origine Ravenne était réellement sur le rivage, mais elle en est séparée aujourd'hui par une forêt de Pins. Un chemin de fer relie Ravenne à Ferrare et Rimini et à Bologne. La ville est pleine de belles églises riches en magnifiques oeuvres d'arts, et de luxueux palais. Monuments. La grande importance actuelle de Ravenne est due à ses monuments qui sont essentiels pour la connaissance de l'art chrétien dans la période entre l'Empire romain et le Moyen âge. L'art chrétien primitif du Ve au VIIIe siècle est trouvé moins gêné qu'à Rome par les traditions et s'est développé librement : l'art romain et l'art byzantin y font alliance; près des basiliques s'élèvent des constructions à coupoles, sur le modèle de celles de Constantinople. Il y a eu deux périodes : 1° de 404 à 450 (gouvernement d'Honorius et de sa soeur Placidia) datent la cathédrale, le baptistère, la chapelle de l'archevêché, Sainte-Agathe, Saint-Nazaire et Saint-Celse, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Jean l'Evangéliste; 2° de 493 à 550, période de l'époque des rois ostrogoths, pendant laquelle ont été bâtis S. Spirito, Sainte-Marie in Cosmedin, Saint-Apollinaire in Classe, et la Rotonde, le mausolée de Théodoric. Ces magnifiques monuments font une grande impression, encore augmentée par le calme majestueux et la solitude des alentours; malgré les modifications successives et l'exhaussement du terrain de 1 à 2 m. La peinture en mosaïque a été très cultivée à Ravenne, et l'en y suit l'opposition du style historique chrétien et de l'ancien style symbolique; le dessin prend peu à peu de la raideur. On trouve aussi à Ravenne de nombreux sarcophages, d'ivoires sculptés, caractéristiques de l'art des siècles précédant celui de Charlemagne. Les principaux monuments de Ravenne sont : La cathédrale, Basilica Ursania, rebâtie en 1743 par Guiccioli sur les ruines d'une construction de l'an 400, due à l'archevêque Ursus; il ne reste du passé que les colonnes, une crypte et un campanile rond ; elle possède deux sarcophages chrétiens, un trône en ivoire de saint Maximien avec bas-reliefs des Ve et VIe siècles, dans la sacristie, et des fresques de Guido Reni; tout à côté de cathédrale, le baptistère de San Giovanni in Fonte (restauré en 430), construction octogone avec deux rangées d'arcades superposées à l'intérieur, une coupole en poterie décorée de mosaïques du Ve siècle (très bien conservées, les plus anciennes de Ravenne, représentant le baptême de Jésus) et des fonts en marbre blanc, datant du Ve siècle. - L'église de San Vitale (bâtie de 526 à 547) est le type le plus complet de l'architecture byzantine en Occident. Elle fut élevée au VIe siècle, pendant le règne de Justinien par l'archevêque Ecclesius et consacrée par saint Maximien, imitation de Sainte-Sophie de Constantinople : Charlemagne l'a fait prendre comme modèle pour la cathédrale d'Aix-la-Chapelle. Les façades extérieures, dénaturées par la construction d'un vestibule moderne, offrent peu d'intérêt aujourd'hui. Elle a la forme d'un octogone régulier de 35 m de diamètre, avec une coupole reposant sur huit piliers. Ces piliers, correspondent aux huit angles, forment une espèce de galerie circulaire : entre les piliers s'élèvent deux à deux des colonnes supportant des arcades. Une galerie, établie au premier étage, forme des tribunes semblables à celles qui, dans les églises d'Orient, étaient réservées aux femmes. Une coupole hémisphérique, construite en vases d'argile emboîtés les uns dans les autres, couronne le monument, et l'éclaire par des fenêtres percées dans la partie basse de la voûte. Tout est revêtu de marbre. Les mosaïques du choeur ont conservé leur fraîcheur primitive : elles représentent Justinien précédé de son clergé et au milieu de sa cour, et l'impératrice Théodora apportant avec ses femmes des offrandes au temple. D'autres mosaïques, dont les sujets ont été tirés de l'Ancien et du Nouveau Testament, ornent le reste de l'édifice. On conserve, près du maître-autel, un précieux bas-relief en marbre de Paros, provenant d'un temple grec de Poséidon, et, dans la sacristie, un autre bas-relief où est figurée l'apothéose d'Auguste. - Intérieur de l'église Saint-Vital, à Ravenne. - San Francesco, bâtie vers 450 par saint Pierre Chrysologue, sur les ruines d'un temple de Neptune, église à trois nefs, modernisée, mais qui a conservé sa forme ancienne en partie, avec d'anciennes colonnes, un campanile, un sarcophage du Ve siècle de l'archevêque Libérius. L'église Saint-Vital, à Ravenne. San Apollinare Nuovo, basilique ancienne, commencée sous Théodoric en 504 (elle s'appelait alors Saint-Martin au ciel d'or), consacrée au culte catholique en 570 par l'évêque saint Agnelle, avec trois nefs dont la plus grande et centrale présente un des rares spécimens bien conservés de décoration intérieure des premiers temps du christianisme, colonnes de marbres, mosaïques, etc. - L'église Saint-Apollinaire Nuovo, à Ravenne. - San Giovanni Evangelista, église construite par Galla Placidia en 425 à la suite d'un voeu; elle a été transformée complètement; les bas-reliefs au-dessus du portail sont richement sculptés, et la quatrième chapelle est décorée de fresques de Giotto. San Nazario e Celso, mausolée de l'impératrice Galla Placidia, fondé par elle en 440, en forme de croix grecque avec une coupole; belles mosaïques du Ve siècle à l'intérieur, autel en albâtre d'Orient transparent; grand sarcophage de Galla Placidia, et d'autres sarcophages, seuls tombeaux d'empereurs romains qui soient restés à leur place. - San Apollinare in Classe, situé à 5 km au Sud-Est de Ravenne, la plus remarquable des basiliques de l'art chrétien primitif d'Italie, bâtie de 534 à 549 et restaurée en 1779; campanile rond; l'intérieur a trois nefs, avec d'anciennes colonnes de marbre au milieu de la nef, un ancien autel de marbre; la crypte renferme le tombeau de saint Apollinaire; un escalier conduit à l'abside où s'élève le maître-autel, avec mosaïques du VIe siècle, bien conservées, ainsi que celles de l'arc triomphal. Mausolée de Théodoric le Grand, construit préalablement vers 530 par Amalasonthe, sa fille : c'est une rotonde décagonale en bas avec une coupole plate de 41 m de diamètre, formée d'un seul rocher d'Istrie lourd de plus de 9000 quintaux. Signalons aussi : Santa Agata (432); Santa Maria in Cosmedin, ancien baptistère des Ariens et San Teodoro (qui s'appelle maintenant San Spirito), tous deux datant du VIe siècle; le palais de l'archevêché, dont la chapelle contient des mosaïques du Ve siècle, Les restes du palais de Théodoric, etc. Et enfin : le mausolée de Dante, situé à côté de l'église San Francesco, élevé en 1482 par le podestat Bernard Bembo, restauré en 1592 et 1780 : c'est une construction carrée avec une coupole ornée des portraits des amis de Dante; un sarcophage renferme dans une urne les restes du poète retrouvés en 1865. Dante était mort à Ravenne le 14 septembre 1321 et avait été enterré à San Francesco. Sur la place Vittorio Emmanuele, au centre de la ville, se trouvent deux colonnes de granit élevées par les Vénitiens en 1483, avec les statues de saint Apollinaire et saint Vital, la statue du pape Clément XII (1738) et un portique de huit colonnes de granit de l'ancienne basilique d'Hercule, datant, dit-on, de Théodoric. Devant la gare s'élève le monument du patriote italien Farini, dictateur de l'Emilie en 1860; sur la place Anita Garibaldi, il y a un monument des martyrs inauguré en 1888. Histoire. Ravenne remonte à l'époque des Ombriens, mais ne prit d'importance qu'à l'époque de l'Empire romain. Auguste y creusa le Portus Classis, station de la flotte de l'Adriatique, relié à la ville et au Pô par des canaux. Dans la zone intermédiaire, entre Ravenne et Classis, s'éleva le quartier de Caesarea, bâti sur pilotis et qui ressemblait à la Veniseactuelle. Mais les alluvions du Pô envasèrent le port, les canaux s'obstruèrent; Ravenne cessa d'être la station de la flotte, mais demeura le chef-lieu de la province Flaminienne. La légende chrétienne veut que dès le milieu du Ier siècle elle ait eu pour évêque saint Apollinaire. Au déclin de l'Empire, Honorius, ne se sentant plus en sûreté à Rome, transféra sa résidence à Ravenne, que sa situation au milieu d'un réseau de canaux rendait à peu près imprenable. Elle demeura la seconde capitale de l'Italie durant le Ve siècle, devint celle d'Odoacre, puis de Théodoric et des rois ostrogoths et enfin de l'Exarchat. - Les conciles de Ravenne 22 juillet 877. - Cinquante évêques, y compris le pape Jean VIII, assistaient à cette assemblée. On y fit dix-neuf canons de discipline. I. Les métropolitains enverront à Rome, dans les trois mois de leur consécration, pour exposer leur foi et demander le pallium. Avant d'avoir satisfait à ce devoir, ils n'auront point le pouvoir de consacrer des évêques. III. Ils ne pourront porter le pallium que dans les grandes fêtes, et seulement pendant la célébration de la messe. 899. - Six canons, dont le premier porte : "Si quelqu'un méprise les canons et les capitulaires des empereurs Charlemagne, Louis, Lothaire et son fils Louis, concernant la dîme, tant celui qui la donne que celui qui la reçoit, il sera excommunié". 998. - Neuf évêques présidés par Gerbert, leur archevêque. Trois canons. I. Condamnation de la coutume introduite à la consécration des évêques, en conséquence de laquelle un sous-diacre leur vendait le corps de Jésus-Christ, c.-à-d. l'hostie qu'ils recevaient en cette cérémonie. 1311. - Trente-deux canons. XV. Défense aux médecins de visiter un malade pour la seconde fois, avant que le médecin de l'âme ait été appelé. XXIII. Les Juifs porteront une marque les distinguant des chrétiens. XXX. Ordre aux notaires d'apporter aux évêques, dans le mois, une expédition des testaments contenant des legs pieux. Si les exécuteurs testamentaires négligent leur devoir, l'évêque y pourvoira. (E.-H. V.). | Ravenne fut ensuite prise par Luitprand, roi des Lombards en 718, et de nouveau en 752, par Astolphe. Lorsque Pépin le Bref eut vaincu les Lombards, il céda Ravenne au pape. Mais, bien que cession fut confirmée par la donation de Charlemagne au pape (Etats de l'Eglise), Ravenne ne fut pas réellement soumise à l'autorité pontificale. Ses archevêques, qui y exerçaient le principal pouvoir, étaient, dès l'époque de l'Exarchat, entrés en rivalité avec les papes, et ce conflit se prolongea plusieurs siècles par intermittence. Au XIIe siècle s'établit un régime communal à peu près autonome et vers 1275 la famille della Polenta devint prépondérante. En 1318, le seigneur prend le titre de duc. En 1414, Ravenne tombe au pouvoir des Vénitiens, mais la ligue de Cambrai (1509) la rend au pape qui désormais en reste maître jusqu'au traité de Tolentino (1797). Elle passe ensuite à la République Cisalpine, au royaume d'Italie, revient aux Etats de l'Eglise de 1815 à 1860. (Ph. B.). -- La bataille de Ravenne On connaît sous le nom de Bataille de Ravenne, la bataille gagnée le 11 avril 1512 par Gaston de Foix sur les troupes de la Sainte Ligue. Le roi de FranceLouis XII, craignant de voir l'empereur Maximilien se joindre à ses ennemis et ne parvenant pas à regagner les Suisses, donna l'ordre à son neveu le duc de Nemours d'attaquer et de détruire à tout prix l'armée du pape Jules II et du roi d'Aragon, pour imposer la paix au pape. Gaston de Foix entra en Romagne au mois de mars, puis se porta sur Ravenne pour y attirer les ennemis obligés de défendre une ville si importante : il établit son camp dans la presqu'île que forment les rivières du Ronco et du Montone. Don Ramon de Cardona vint en effet au secours de la ville et s'arrêta à 3 milles de la ville assiégée, enfermant ainsi les Français entre Ravenne et le camp espagnol. Gaston de Foix décida aussitôt la bataille, manquant de vivres et pressé par un événement important. Maximilien, ayant conclu une trêve avec les Vénitiens, avait envoyé aux 5000 lansquenets allemands l'ordre de quitter le camp français; le colonel des Allemands, Jacob d'Empfer, ami de Bayard et dévoué au roi Louis, garda la lettre et engagea le duc de Nemours à livrer la bataille avant l'arrivée de nouveaux ordres. Le 9 avril, un assaut terrible donné à Ravenne fut repoussé par la garnison commandée par Marc-Antonio Colonna. La bataille fut dès lors décidée, et le 14 avril, jour de Pâques, dès le point du jour, les Français traversèrent le Ronco, sans opposition des coalisés qui attendaient derrière les fossés de leur camp. Des deux côtés les troupes avaient des chefs réputés : les Français étaient conduits par Gaston de Foix, le duc de Ferrare qui avait formé la plus belle artillerie de l'Europe, La Palisse, Bayard, Louis d'Ars, etc.; les coalisés avaient à leur tête le célèbre Pedro Navarro, Fabrizio Colonna, le plus renommé des capitaines italiens, le marquis de Pescaire, et le capitaine espagnol Antoine de Lève. Les coalisés disposaient de 1400 lances, 4000 chevau-légers et 12.000 fantassins; les Français avaient l'avantage du nombre, mais le désavantage de la position. Les fantassins espagnols étaient admirablement retranchés, couverts par des chariots armés de lances de fer et d'épieux et chargés de 20 pièces de campagne et 200 grosses haquebutes ou arquebuses à crochets. La bataille de Ravenne est une des premières batailles où l'artillerie ait joué un rôle capital. Gaston de Foix, voyant que ses adversaires restaient dans leurs retranchements, chercha à les obliger d'en sortir en employant son excellente artillerie : mais Navarro répondit par un feu aussi violent et aussi meurtrier que celui des Français. Après trois heures de cette épouvantable canonnade, les deux partis avaient également souffert : d'un côté l'infanterie française, qui s'était avancée à découvert, perdit la plupart de ses officiers, dont le sire de Molard et le colonel allemand d'Empfer; d'autre part, la cavalerie espagnole et italienne faisait des pertes énormes : l'armée de Gaston de Foix était étendue en forme de croissant, à l'aile gauche les canons du duc de Ferrare prenant en écharpe la ligne des alliés emportaient des rangs entiers à chaque volée. Lassés d'être ainsi décimés, on attaqua des deux côtés. La cavalerie italienne et espagnole chargea le corps de bataille français où se trouvait le duc de Nemours; après une terrible mêlée, la cavalerie espagnole et papale fut culbutée, défaite, et nombre d'officiers furent pris. Pendant ce temps, les piétons français et allemands s'étaient rués à l'assaut du camp de Pedro Navarro; repoussés d'abord après un grand carnage, ils étaient revenus à la charge contre les Espagnols qui, combattant avec le glaive et le bouclier comme les anciens Romains, avaient rompu la phalange allemande hérissée de piques immenses; les Gascons et les Picards étaient également en désordre, lorsque la cavalerie française, prenant les bandes espagnoles en queue, rétablit le combat elles délogea enfin de leur camp. Pedro Navarro fut fait prisonnier. La bataille était gagnée. Mais Gaston de Poix, apercevant une forte bande d'infanterie espagnole qui s'était ralliée et se retirait le long du Ronco en cherchant à gagner Ravenne, n'écoutant que l'ardeur de son jeune courage, se jeta furieusement sur les ennemis; il était presque seul, suivi seulement par quelques gentilshommes. Aussitôt entouré et jeté à bas de son cheval, il se releva l'épée à la main, mais retomba bientôt percé de coups. Ainsi mourut à vingt-quatre ans ce jeune héros qui promettait d'être un grand capitaine. | | |