| Trajan (M. Ulpius Trajanus Crinitus) est un empereur romain, né le 18 septembre 53, mort le 11 août 117 ap. J.-C. Il naquit en Bétique, à Italica, près de Séville. Fils d'un soldat de fortune, il fut élevé aux honneurs par Vespasien. Il se montra sous Domitien militaire aussi habile que brave. Il fut successivement tribun militaire, préteur, légat impérial et commandant de légion en Espagne. En 91, il fut consul; en 97, Nerva le nomma gouverneur de la Germanie supérieure. Dans tous ces postes, Trajan fit preuve d'éminentes qualités. A la tête de ses troupes, il exigeait des soldats une discipline parfaite, mais il partageait toutes leurs fatigues. Il rendait la justice avec impartialité; il avait su devenir populaire parmi les légions. Aussi, lorsque Nerva, affaibli par l'âge, voulut adopter et associer à l'empire un homme vigoureux, énergique et plein de talent, il choisit sans hésiter Trajan. Celui-ci monta sur le trône impérial après la mort de Nerva, en 98, mais il ne parut à Rome qu'après avoir assuré les limites de l'empire du côté du Rhin. Il fut reconnu sans difficulté par l'armée et par le Sénat. Son règne de dix-neuf ans (98-117) fut l'un des meilleurs que connut le monde romain. Il fut marqué par des guerres heureuses, qui reculèrent les frontières de l'empire, par un gouvernement paisible et fort, par des mesures économiques importantes, enfin par la grande impulsion qui fut alors donnée aux travaux publics. Trajan porta ses armes en Germanie, en Dacie, en Arménie et sur la frontière de l'Euphrate. En Germanie, il profita des discordes qui éclataient sans cesse entre les peuplades germaniques pour établir l'influence romaine jusqu'au Weser; en Rhétie, il poursuivit la construction du retranchement que Domitien avait commencé pour protéger les Champs Décumates, et qui fut dès lors divisé en deux parties : le limes Germanicus, à l'Est du Neckar, et le limes Reticus, au Nord du Danube. En arrière de ce retranchement, des postes militaires furent établis, des routes stratégiques furent créées; plusieurs colonies furent fondées. Dans la vallée moyenne et inférieure du Danube, Trajan eut à coeur de venger les échecs humiliants que la politique romaine avait éprouvés sous Domitien; il se donna pour tâche d'infliger aux Daces une défaite éclatante. Il fit à ce peuple deux guerres consécutives. Au début de l'année 101, il pénétra en Dacie, vainquit le roi des Daces, Décébale, au Nord du Danube, atteignit sa capitale, Sarmizegethusa, s'en empara et força son ennemi vaincu à implorer la paix. Décébale dut reconnaître la suprématie romaine (102). Mais sa soumission n'était qu'apparente. Deux ans plus tard, il se révolta pour reconquérir son indépendance. Trajan résolut de l'écraser définitivement. Il fit les plus grands, préparatifs. Avant d'entrer en Dacie, il fit creuser dans le roc vif, le long de l'étroit défilé par lequel le Danube passe de la plaine de Hongrie dans celle de Bulgarie, une route de plusieurs kilomètres qui subsiste encore de nos jours; en aval de ce défilé, connu sous le nom de Portes de Fer, il jeta sur le fleuve un pont monumental en pierre. Puis l'empereur se dirigea droit sur Sarmizegethusa. En vain le roi Décébale opposa aux troupes romaines une résistance patriotique et désespérée. Partout vaincu, il se jeta sur son épée pour ne pas tomber vivant entre les mains de ses ennemis (106). La Dacie fut conquise et réduite en province romaine; de nombreux vétérans, recrutés dans toutes les légions, y furent installés comme colons. La double expédition de Trajan en Dacie compte certainement parmi les guerres les plus glorieuses de l'empire. Il nous en reste un monument inestimable, la colonne Trajane, que l'empereur fit élever à Rome pour célébrer et perpétuer le souvenir de ses victoires. Haute d'environ 30 m, cette colonne est ornée d'une série de bas-reliefs qui s'enroulent en spirale autour du fut, depuis la base jusqu'au sommet. Ces bas-reliefs forment 124 tableaux, qui représentent les divers épisodes de la guerre des Daces; on y voit les travaux des soldats pendant les marches et dans le camp, l'armement, le costume des légionnaires et des Daces, la prise de Sarmizegethusa, la mort tragique de Décébale; on y reconnaît de grandes batailles, des engagements moins importants, et même de simples reconnaissances d'avant-garde. L'année même où Trajan terminait la conquête de la Dacie, de graves événements se passaient en Asie. Les riches cités de Palmyre, Damas et Bostra, qui étaient restées libres jusqu'alors, furent annexées à la province romaine de Syrie. Un peu plus au Sud, le royaume des Nabatéens, qui bornait la Palestine à l'Est et au Sud, fut transformé en une province, qui s'appela l'Arabie ou Arabie Pétrée. - Enfin, pendant les dernières années de son règne, Trajan entra en lutte avec les Parthes. Le roi des Parthes, Chosroès, ayant voulu s'emparer de l'Arménie, Trajan n'hésita pas à intervenir. Il entra en Arménie, fit mettre à mort le roi de ce pays, qui avait reconnu la suprématie des Parthes, et réduisit ses Etats, y compris l'Ibérie et la Colchide, en province romaine (114). Cette politique énergique fit éclater la guerre entre Rome et les Parthes. Edesse et Nisibe furent prises par les légions. Puis Trajan descendit le cours de l'Euphrate et du Tigre. Il emporta Ctésiphon , Séleucie, Suse et Babylone, atteignit les rivages, du golfe Persique, et créa deux nouvelles provinces : la Mésopotamie et l'Assyrie. Mais il ne put renverser, comme il le désirait, l'empire des Arsacides ni franchir l'Indus, et ses victoires n'étaient pas solides. Une révolte formidable éclata derrière, l'empereur et les Parthes essayèrent de couper à Trajan la route de Syrie. Il dut battre en retraite; il subit un échec sous les murs de la petite ville d'Atra, en Mésopotamie, qu'il assiégea pendant plusieurs semaines sans pouvoir la prendre; enfin il entra en Syrie, épuisé de fatigue. Il se remit en route pour Rome; il mourut à Sélinonte, en Cilicie (117). Bilan d'un règne. Trajan préférait la guerre et les conquêtes aux travaux de la paix. Pourtant son oeuvre militaire, si considérable qu'elle soit, ne doit pas faire oublier son gouvernement et ses réformes. Trajan gouverna l'empire pour le bien général; il fut toujours respectueux des lois romaines et il en imposa le respect à tous, et fit cesser les délations. Il assistait souvent aux séances du Sénat, non pour affirmer ses volontés comme un maître, mais pour discuter comme un collègue; il permit aux sénateurs de s'acquitter en toute indépendance des fonctions que la constitution de l'empire leur avait laissées. Les légions lui furent toutes dévouées. Il plut à la foule par son air martial et ses allures simples. L'administration provinciale fut l'objet de ses soins éclairés. Il châtia sévèrement les gouverneurs coupables d'exactions ou de concussions, comme Marius Priscus, proconsul d'Afrique, ou Classicus, proconsul de Bétique. Les excès commis par les procurateurs impériaux ne furent pas réprimés avec moins de vigueur. Trajan surveilla de très près tous les détails de l'administration. Lorsqu'il eut chargé son ami Pline le Jeune du gouvernement de la Bithynie, il entretint avec lui une correspondance suivie; il ne laissa jamais sans réponses les questions que Pline lui adressait en matière de travaux publics, de finances, d'administration générale. La netteté de ses décisions est très remarquable dans plusieurs cas. Une de ces lettres nous montre comment il voulait que les chrétiens fussent traités dans l'empire : pas de persécutions systématiques, mais exiger d'eux le respect absolu de toutes les lois romaines. Trajan donna une grande impulsion aux travaux publics. Il embellit Rome, où il construisit un forum nouveau, le Forum de Trajan, orné d'une grande basilique, la basilique Ulpienne, et dominé par la colonne Trajane. Ces édifices sont parmi les mieux conservés que l'on puisse voir à Rome. Trajan dota l'Italie de deux bons ports, celui de Centumcellae (auj. Civita Vecchia) sur la mer Tyrrhénienne, et celui d'Ancône sur la mer Adriatique. Dans les provinces, il multiplia les voies de communication; de nombreux ponts, dont quelques-uns n'ont pas complètement disparu, furent alors jetés sur de grands fleuves; outre le pont du Danube, cité plus haut, il faut mentionner le pont d'Alcantara, sur le Tage, qui est considéré comme l'un des plus beaux monuments de l'art romain. Malgré les dépenses considérables qu'entraînaient forcément de telles oeuvres, Trajan administra sagement les finances de l'Etat. Il diminua les impôts, introduisit dans le palais impérial une économie rigoureuse et ne consacra les ressources publiques qu'à des oeuvres d'intérêt général. Il rendit les élections aux comices, s'environna de capacités de tout genre, protégea les lettres (c'est sous lui que fleurirent Pline le Jeune, Tacite, Florus, Plutarque, Dion Chrysostome), refondit les monnaies, porta des soins extrêmes à l'approvisionnement de Rome. Il voulut aussi porter remède à la misère privée; il développa et organisa définitivement une oeuvre ébauchée par Nerva, l'institution des Pueri alimentarii. Pour remédier à la diminution croissante des naissances en Italie, Trajan, après Nerva, décida que les enfants des familles pauvres recevraient de l'Etat une subvention, en latin alimenta : de là le nom de Pueri alimentarii. Cette institution fut imitée dans les provinces. De riches particuliers laissèrent souvent par testament des sommes considérables pour organiser dans leur ville un groupe de Pueri alimentarii. En résumé, deux grands faits caractérisent le règne de Trajan : 1° A l'intérieur, le gouvernement impérial s'exerça sans violence et sans troubles : Trajan prouva par son exemple que le régime monarchique institué par Auguste était capable d'assurer au monde romain l'ordre et la paix; mais il prouva aussi que ces bienfaits dépendaient de l'empereur lui-même et non de la constitution impériale. 2° A l'extérieur, Trajan dépassa les limites naturelles qu'Auguste avait assignées à l'empire, le Rhin, le Danube, l'Euphrate. Il prit sur ces frontières une offensive énergique. Il annexa les Champs Décumates, écrasa les Daces, vainquit les Parthes, et créa cinq nouvelles provinces : la Dacie, l'Arménie, la Mésopotamie, l'Assyrie et l'Arabie. Le règne de Trajan peut être regardé comme l'apogée de l'histoire de l'empire. Le Sénat décerna à cet empereur le surnom de Prince excellent (princeps optimus); plus tard, il souhaita à tout empereur nouveau d'être plus heureux qu'Auguste et meilleur que Trajan (felicior Augusto, melior Trajano). Cependant il souilla sa réputation par son intempérance. C'est aussi sous son règne qu'eut lieu la 3e persécution des Chrétiens. Pline a fait le Panégyrique de Trajan. L'histoire de son règne a été écrite par Dion Cassius (abrégé par Xiphilin), par Eutrope, Aurélius Victor, Orose. On a quelques Lettres de lui (dans celles de Pline). Esménard donna, en 1807, le Triomphe de Trajan, opéra. (J. Toutain). | |