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Prague,
Boiobinum
et Boviasmim de Strabon,
Marobodum
de Ptolémée?,
Praha est la capitale
de la République Tchèque
(ancienne capitale de la Bohème et de la
Tchécoslovaquie). Traversée par la Vlatva (anc. Moldau), cours
supérieur de l'Elbe ,
Prague est bâtie sur sept collines et se situe à 186 m au-dessus du niveau
de la mer, et à 327 kilomètres au Nord-Ouest de
Vienne;
1 200 000 habitants. Les coteaux qui l'entourent, le large fleuve avec
ses ponts et ses îles (l'île Sophie et l'île des Archers), les églises
et les tours, ses monuments du Moyen âge,
font de cette ville une des plus belles d'Europe.
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Prague se divise en plusieurs parties
: la Vieille Ville (Staré Mesto), centre du commerce et de l'industrie,
qui remonte à 759, et silloné par un dédale de passages, analogues aux
traboules de Lyon; le Petit côté (Mala
Strana, anc. Kleinseite) ou Petit Prague, qui serait encore plus
ancien; l'ancienne Ville juive ou Ghetto
de Prague (Josefov, anc. Josephstadt), qui s'est constitué au XIIIe
siècle; la Nouvelle Ville (Nové Mesto, anc. Neustadt), fondée
par Charles IV, en 1348, et qu'il
nomma Karlow ou Karlstadt; le Hrad any
(Hradcany, Hradschin), qui en est le plus beau quartier, en tout cas, celui
qui livre la plus belle vue sur la ville, Ã cause de sa situation sur
une colline escarpée au Nord-Ouest, à quelque distance de la rivière,
et qu'on regarde comme l'Acropole ou le
Capitole de Prague; les quartiers de Vyšehrad, de Zizkov, de Smichov (où
se trouvaient les anciennes Vignes royales), etc.
Histoire.
La légende attribue la fondation de la
ville à Libussa; en réalité, elle fut formée de quatre bourgs qui,
augmentés par des Allemands vers 1100,
se réunirent au pied (prah) du Vyšehrad (Wyschehrad). Sobieslaw
Il lui octroya sa première charte en 1478; c'est en 1235 que la Vieille
Ville et en 1257 que la Mala Strana reçurent le droit municipal et un
mur d'enceinte; Ottokar II embellit la ville et fit construire sur le Hradcany
le
château royal; la grandeur de Prague
date cependant de Charles IV (1346-1378).
Prague fut, à partir de 1409, le théâtre des troubles religieux les
plus graves, suscités par les doctrines que professait
Jean
Huss, recteur de l'université; les Allemands durent quitter la ville;
Jean Ziska pénétra dans Prague en 1419 à la tête des Hussites et y
massacra les sénateurs; on y signa en 1433 les Compactata, qui
rétablirent momentanément la paix. La ville fut reprise par Sigismond
en 1436. Podiébrad et les Jagellons Vladislas et Louis II agrandirent
la cité qui, sous Rodolphe Il et Mathias (1576 - 1649), devint très florissante.
Prague joua aussi un grand rôle dans la
guerre de Trente Ans, dont elle eut
aussi beaucoup à souffrir : c'est là qu'eut lieu la fameuse
Défénestration,
qui fut le début de la guerre (1618), L'armée de l'électeur palatin
Frédéric V, proclamé roi de Bohème, fut défaite près de Prague, Ã
la bataille de la Montagne Blanche (8 novembre 1620). En 1631, elle fut
prise par les Saxons, mais
Wallenstein la
délivra l'année suivante. En 1635, l'empereur y conclut la paix avec
l'électeur de Saxe; en 1648, Königsmark, général suédois, s'empara
d'une partie de la ville, ce qui mit fin aux hostilités.
Dans la guerre
de la succession d'Autriche, Charles VII, duc de Bavière, s'empara
de Prague (1741) : les Français ses alliés
y soutinrent un siége célèbre, remarquable par la défense de Chevert,
et qui fut suivi de la retraite de Belle-Isle (1742), qui commandait
à 13.000 hommes; les Prussiens la reprirent,
puis l'abandonnèrent en 1744. Une autre grande bataille de Prague eut
lieu pendant la guerre de Sept Ans, entre
les Autrichiens et les Prussiens; ceux-ci
la bombardèrent (1757), mais ne purent la prendre.
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Vue
générale de Prague.
Le 6 mai 1757, Frédéric
Il livra bataille au prince Charles de
Lorraine
sous les murs de Prague et l'en repoussa, mais l'échec de Kolin le força
d'abandonner le siège. En 1784 les quatre municipalités distinctes de
la Vieille Ville, la Ville Neuve, le Petit côté (Mala Strana) et le Hrad any
(Hradschin), les quatre quartiers d'origine, fusionnèrent en une ville
unique. C'est là que se tint, en juin et juillet 1813, le Congrès où
l'empereur François II à la suite
d'efforts infructueux pour décider Napoléon Ier
à traiter avec la Prusse et l'Angleterre
se décida à se joindre à la coalition européenne que Windischgraetz
dispersa après avoir bombardé la ville. La branche aînée des Bourbons,
bannie de France, vint en 1833 y habiter
le château de Hradschin. En 1848 eut lieu
à Prague. une violente insurrection contre l'Autriche
: elle fut aussitôt réprimée par le prince de Windischgrettz, qui bombarda
la ville. C'est encore à Prague que fut conclu, le 23 avril 1866, le traité
de paix entre l'Autriche et la Prusse victorieuse.
L'armée prussienne était entrée dans la ville, sans coup férir, le
8 juillet.
En 1918, Prague devint la capitale de la
Tchécoslovaquie, nouvel Etat fondé par la réunion de la Bohème, de
la Moravie et de la Slovaquie, Ã la suite
du démembrement de l'Empire Austro-Hongrois. Passée en 1939, sous la
coupe de l'Allemagne nazie avec le reste du pays qui y installa un
régime collaborationniste, coupable de la déportation de dizaines de
milliers de Juifs du ghetto, Prague accueillit l'armée rouge en libératrice
en 1945. Cependant, en 1948 eut lieu un durcissement du régime qui avait
été mis en place sous l'égide de l'URSS
(Coup de Prague). Un soulèvement populaire eut lieu dans la ville
en 1968 contre le régime communiste, et qui fut réprimé dans le sang
par les troupes du Pacte de Varsovie
(Printemps de Prague). Au moment de l'effondrement de l'Union Soviétique,
la Tchécoslovaquie s'émancipa de la tutelle communiste (Révolution
de velours, en 1989), puis, en 1992-1993, se scinda, sous la poussée
du national-populisme en pleine floraison, pour donner naissance à deux
Etats : la Slovaquie, avec Bratislava pour
capitale, et la République Tchèque (constituée de la Bohème et de la
Moravie), dont Prague resta la capitale.
Monuments.
Prague a admirablement réussi à conserver
son patrimoine architectural. Aussi ne peut-on songer ici qu'Ã mentionner
quelques uns de ses édifices les plus marquants. (Pour certains d'entre
eux, on trouvera entre parenthèses leur nom en tchèque, et leur ancien
nom en allemand, qui était celui par lequels ils étaient connus jusqu'en
1918). Parmi les édifices civils, on citera :
L'ancien château
royal de Hrad any.
Commencé par le roi de Bohème' Charles
IV, en 1333, sur le modèle du vieux Louvre,
modifié et agrandi par Vadislas Il, il fut incendié en 1541.
Ferdinand
Ier l'ayant
reconstruit, il eut à subir les dévastations des
Bavarois
en 1620, des Saxons en 1631, des
Suédois
en 1648, et des Prussiens en 1757 : Marie-Thérèse
et Joseph Il le firent réparer par l'architecte Loragho, de 1758 à 1775.
L'ex-roi de France'
Charles
X y habita en 1831-1832, et l'empereur d'Autriche Ferdinand
après son abdication en 1849.
Un incendie l'a encore fort endommagé
en 1855. Le château de Prague enveloppe
trois cours, dont l'une est ornée d'une statue
équestre de Saint Georges, fondue en 1373; il contient 440 chambres, trois
grandes salles, dont l'une n'est dépassée en grandeur que par celle de
Westminster, et plusieurs galeries et
une chapelle. On remarque la Chambre de
l'hommage, où les nobles de la Bohème prêtaient serment d'obéissance
à leur souverain après son couronnement, et la Chambre des États ou
du Conseil, d'où Slawata, Martinitz et leur secrétaire Fabricius furent
précipités dans le fossé, le 23 mai 1618 (Défenestration de Prague),
date qui fut le signal de la guerre de Trente ans.
L'hôtel de ville,
avec une chapelle (1381), et flanqué
d'une énorme tour portant une célèbre horloge mécanique, devant laquelle
furent décapités les chefs protestants
du pays, après leur défaite à la Montagne-Blanche.
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L'Hôtel
de Ville de Prague, avec sa tour de l'horloge.
Le Carolinum, qui abrite
aujourd'hui le rectorat de l'université Charles-Ferdinand, fondée
par Charles IV en 1348, sur le modèle
de celle de Paris. C'est la plus vieille
université d'Europe centrale encore en fonctionement. Elle fut longtemps
la seule école supérieure allemande et comptait, au commencement du XVe
siècle, 10.000 étudiants. Les troubles religieux et politiques firent
partir alors la plupart des étrangers, et l'Université baissa lorsque
Ferdinand III la réunit à l'école
des jésuites. De nos jours, outre les bureaux
administratifs de l'université, le Carolinum accueille des cérémonies
officielles telles que les remises de diplômes.
Le Clémentinum (Klementinum),
ancien séminaire archiépiscopal, est le plus grand édifice de Prague
après le château. Installé dans un collège
fondé par les jésuites au XVIIe
siècle, il abrite plusieurs
églises et chapelle,
mais surtout une très riche bibliothèque universitaire. Ce fut, en 1989,
un des principaux rendez-vous des étudiants au moment de la Révolution
de Velours.
Le Pont-Charles (Karluv
Most, anc. Karlsbrucke), le plus connu de neuf ponts qui permettent
de franchir la Vlatva à Prague, et l'un des plus beaux d'Europe centrale.
Il fut construit sous l'empereur Charles
IV entre 1357 et 1503. Les 16 arches qui le portent lui donnent 497
m de longueur sur 10 m de largeur; il est orné de 30 statues et groupes
de saints, et les issues en sont gardées par
deux tours autrefois fortifiées; la voûte de l'une de ces tours fut décorées
des mains et des têtes des vaincus de la Montagne-Blanche.
Le
pont Charles, sur la Vlatva, Ã Prague.
La place Venceslas (Vaclavské
nam), au coeur de la Ville Nouvelle, très commerçante et animée. En
son centre se trouve la statue équestre de saint Venceslas, au pied de
laquelle, le 16 janvier 1969, s'est immolé par le feu Jan Palach, un étudiant
qui entendait ainsi protester contre les dix ans d'occupation soviétique,
depuis le Printemps de Prague. En 1989, elle a été le point de convergence
de la population, au moment de la Révolution de velours.
Quelques autres monuments remarquables méritent
encore d'être mentionnés : le Belvédère, élégante villa bâtie dans
les jardins du Hrad any
et d'où l'on domine toute la cité, et où l'astronome
Tycho
Brahé observait les astres avec l'empereur Rodolphe II; le palais
Czernin, bâti au XVIIe siècle,
situé dans le même quartier, de l'autre côté du château, le tribunal
avec des tableaux de Brozik; la maison où
Mozart
composa
Don Giovanni ,
dans le quarier de Smichov, et reconstruite vers 1870 après avoir été
détruite par un incendie; la maison dite de Faust ,
dans la Nouvelle ville, où vécurent jadis des alchimistes,
et que hante toujours une légende où se croisent le Diable
et les secrets de l'éternelle jeunesse; les maisons d'inspiration cubiste
(début du XXe siècle) de Josef Chochol,
dans le quartier de Vyšehrad : les monuments des empereurs
Charles
IV et François Ier.
Et plus de 70 palais construits autrefois par l'aristocratie du pays, dans
les styles les plus variés.
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La
Tour de la Poudrière
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La
cathédrale de Prague
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Il y aurait à Prague 47 églises
catholiques, 23 chapelles, 4 temples protestants,
une église russe, 22 couvents et monastères
et 6 synagogues, parmi lesquelles, la plus ancienne de l'Europe,
datant du XIIe siècle. Les églises,
les plus belles sont :
La cathédrale
(église métropolitaine) Saint Guy (Saint Veit), au centre de Hrad any.
Commencée en 1344 sous Charles IV,
d'après les plans de Mathias d'Arras, elle
rappelle dans quelques parties la cathédrale de Cologne.
Peter Arler de Gmünd l'amena, en 1385, au point où elle est encore au
début du XXe siècle. Elle fut, jusqu'Ã
l'incendie de 1541, l'édifice le plus élevé du monde; elle est
très belle. Longtemps restée inachevée et quelque peu endommagée par
les boulets de Frédéric II, elle ne fut terminée en 1929. C'est
un beau modèle d'art ogival, étonnante
par sa solidité, son élégance et sa hardiesse, elle s'arrête un peu
au-dessous du transept. Sa tour a 128 m
d'élévation.
L'intérieur de l'édifice est éclairé
par 47 fenêtres; alentour sont 12 chapelles,
désignées chacune par un nom de roi ou de seigneur bohème. Dans celle
de Saint Venceslas, située près de l'entrée, et que décorent quelques
tableaux byzantins et des fresques
sur fond d'or peintes par Thomas de Mutina et Nicolas Wurmser, on montre
une colonne faite avec le cuivre de canons
pris sur les Hussites, ainsi que le casque et la cuirasse de Charles IV;
la chapelle communique, par une porte de fer à sept serrures dont les
clefs étaient autrefois confiées à la garde
des sept personnages les plus considérables de la Bohème, avec une salle
où sont conservés le sceptre d'or et la couronne des anciens rois.
Au milieu de la nef
de l'église, et entouré d'une grille d'un beau travail, s'élevait un
mausolée en albâtre, construit en 1589 par
Alexandre Colin de Nuremberg, sur l'ordre
de Rodolphe II; on l'a transporté dans une chapelle.
Un autre monument a été consacré à Saint Jean Népomucène, patron
du pays : la châsse qui renferme les
reliques du saint est en argent massif
(plus de 2000 kg); le baldaquin qui la surmonte
est supporté par quatre anges ,
aussi d'argent, et qui pèsent 910 marcs; alentour sont suspendues 23 lampes
d'argent et une lampe d'or.
Le choeur,
long de 48 m, large de 44 m avec les bas côtés, n'a pas moins de 44
m de hauteur; le tombeau de Saint Veit est derrière le maître-autel.
La sacristie, ornée de portraits
d'archevêques, conduit au Trésor, où l'on conserve diverses reliques
de la Passion de Jésus,
la langue de Saint Jean Népomucène, les statues d'or de Saint Adalbert,
de Saint Venceslas, de Saint Veit et de Sainte Ludmilla, un grand nombre
de mitres et de chasubles précieuses, etc.
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L'église
Notre-Dame de Tyn, Ã Prague.
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L'horloge
de l'Hôtel de Ville.
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L'église'Notre-Dame
du Tyn ou église de la Nativité
(Kostel Panny Marie Pred Tynem, anc. Teynkirche), qui est
l'église principale de la Vieille-Ville. C'est une église du commencement
du XVe siècle. Elle renferme le tombeau
de Tycho Brahé, ainsi que les statues de Cyrille
et de Méthode, apôtres des Slaves; elle a des tourelles sur les côtés
de ses clochers.
L'église de Saint-Gallus, où Jean
Hus prêcha quand il était recteur de l'université de Prague.
L'église Saint-Georges, en style
roman, date de 1150; on y voit le tombeau de sainte Ludmilla, du XIVe
siècle.
Autres églises : l'église Saint-Étienne,
où surgirent les guerres des hussites; l'église Saint-Nicolas (1673-1752);
les églises Saint-Clément, Saint-Ignace et Saint-Thomas, la superbe église
de Saint-Sauveur. Dans l'église des Prémontrés (église l'Assomption)
se trouvent les tombeaux de saint Norbert, fondateur de l'ordre, et de
Pappenheim.
Parmi les couvents les plus célèbres,
il faut citer celui des prémontrés, sur le Hrad any,
fondé en 1140, celui des Capucins et celui
des chevaliers de l'ordre de Malte.
Dans la Ville juive (quartier de Josefov),
sillonée de vieilles rues pittoresques, on peut voir la très touristique
synagogue Vieille-Nouvelle (XIIIe-XVIe
s.), la synagogue Maïsel, la synagogue Pinkas (reconstruite après un
incendie au XVIIe s.; transformée en mémorial
pour les victimes juives du nazisme, avec un mur portant 77 000 noms),
la synagogue Haute, la synagogue espagnole, la synagogue Klaus, le cimetière
juif, etc. C'est dans ce quartier qu'est née la légende du Golem,
créature artificielle faite à partir d'argile.
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Un
autre panorama de Prague.
Ajoutons qu'Ã quelque distance au sud-ouest
de Prague se dressent plusieurs châteaux, parmi lesquels, à l'Ouest,
le château de Karlstejn (Karlew-Tyn), sur un roc isolé, autour duquel
la Berounka dessine ses méandres; Ies rois résidèrent de préférence
dans cette somptueuse demeure, construite par Mathias d'Arras et enrichie
d'oeuvres d'art splendides. Beaucoup de ces dernières avaient été prises
pour les musées viennois, notamment les reliques du royaume, les joyaux
de la couronne, les écussons d'or et les plus belles toiles. (J.
K. / DGV).
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Une
rue de Prague.
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La
statue de Kafka, Ã Prague.
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Photos
: © Angel Latorre, 2008.
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Hervé
Bentegeat, Le
roman de Prague, Le Rocher, 2007. - Protégée
par une chance extraordinaire des destructions, Prague
présente un patchwork architectural unique : gothique, baroque, néo-renaissance,
art nouveau... Aux confins de plusieurs mondes, le germain et le slave,
le catholique et le protestant,
la ville de Prague possède une alchimie propre, propice aux bouillonnements
artistiques et littéraires.
Le Roman de Prague nous présente un
portrait passionné de ce coin de Bohême
à l'histoire mouvementée. De Masaryk à Vaclav Havel, des soubresauts
des deux guerres mondiales jusqu'au printemps de Prague et l'entrée dans
l'Union européenne. Du même auteur : Ho, l'enfant dragon;
La Transsibérienne. (couv.). |
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