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La légende
de Faust. - La tradition représente Faust
comme un magicien et nécromancien fameux, originaire de Kundlingen
en Wurtemberg, ou de Roda près de Weimar,
et qui aurait vécu à la fin du XVe
siècle et au commencement du XVIe.
On le fait étudier d'abord à Ingolstadt,
puis à Wittemberg en Saxe, et on lui donne toutes les connaissances
cultivées de son temps, théologie, jurisprudence, philosophie,
astronomie; il s'attacha surtout aux sciences occultes, telles que l'astrologie ,
la chiromancie, la démonologie. Un oncle riche lui ayant légué
sa fortune, il en profita pour se livrer à tous les genres d'excès
quand son patrimoine fut épuisé, il fit, selon la légende,
un pacte de 24 ans avec le Diable .
Il reçut de lui pour serviteur le démon
Méphistophélès, qui apparut sous la forme d'un petit
moine gris, avec lequel il voyagea et mena une vie de plaisir. A l'expiration
du pacte, Faust fut emporté par Satan ,
à Limling en Wurtemberg. C'est vers 1550 qu'on place cet événement.
On donne pour amante à Faust l'innocente Marguerite, qu'il avait
séduite, et pour compagnon un fidèle valet, Wagner, qui lui
aussi avait un démon particulier, Auerhahn.
On
a parfois dit que Faust n'est autre que Jean Fust
de Mayence ,
un des inventeurs de l'imprimerie, dont la vie aurait été
défigurée par les contes populaires.
L'histoire des prodiges
opérés par Faust a été exploitée soit
simplement pour amuser, soit pour montrer les dangers des sortilèges
et d'une vie remplie par les passions. Dès 1590, George Widmann,
refondant un livre imprimé deux ans auparavant à Francfort-sur-Mein,
publia à Hambourg l'Histoire véridique des horribles péchés
du docteur Jean Faust, que Palma Cayet traduisit
en français sous le titre d'Histoire prodigieuse et lamentable
de Jean Faust grand magicien, avec son testament et sa vie épouvantable.
Heuman a composé une curieuse dissertation sur Faust, Wittemberg,
1683, et le travail de Widmann fut refait par Pfitzer à Nuremberg,
en 1695. La spéculation imagina de publier la Grande condamnation
de Faust à l'enfer, l'Art merveilleux de Faust, et une foule
de livres de magie ,
qu'elle attribuait à Faust lui-même.
La vie du magicien fournit matière
à une quantité considérable de pantomimes et de pièces
à spectacle; dans le répertoire des marionnettes, la Pièce
du docteur Faust, avec mille arrangements variés, est en possession
de divertir la foule en Allemagne depuis la fin du XVIe
siècle.
La littérature s'est emparée de la légende de Faust,
et en a fait une expression poétique de la lutte du bien et du mal.
En Angleterre, le premier auteur de quelque renom qui mit ce sujet à
la scène fut Christophe Marlowe, vers 1600. En Allemagne, Goethe
surpassa tout ce qui avait été fait jusqu'à lui :
la première partie de son Faust fut publiée à
Leipzig
en 1790, et de nouveau, mais refondue, à Tubingen en 1808; la deuxième
ne parut qu'après la mort du poète, en 1833. Cette oeuvre
a été évidemment imitée dans le Manfred
de lord Byron. II faut encore signaler : Faust
et les sept Esprits, beau fragment de Lessing;
la Vie du docteur Faust (Manheim, 1778), essai dramatique informe,
mais original et vigoureux, par Müller; Faust, tragédie
populaire, par le comte de Soden, 1791; Jean Faust, fantaisie dramatique,
par Schink, 1809.
Les beaux-arts
ont aussi pris pour sujet la légende de Faust. II y avait autrefois
à Leipzig, dans le cellier de la cour
d'Auersbach, deux peintures de 1525, représentant deux apparitions
que Faust et Méphistophélès auraient faites en ce
lieu. On a de Rembrandt une planche gravée
représentant Faust dans son cabinet pendant une apparition d'esprits.
Cornelius
a composé de spirituelles illustrations pour le Faust de
Goethe.
Ary Scheffer a tiré de cette légende plusieurs sujets de
tableaux, Faust tourmenté par le doute,
Marguerite à
son rouet, Marguerite à l'église, Marguerite sortant de l'église,
Marguerite au jardin, Marguerite au sabbat .
Il existe un opéra de Faust par Spohr (1818), et un autre
par Charles Gounod (1858). (B.).
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La tragique histoire de
Faust est un drame anglais de Marlowe (1592).
- Faust, dans cette pièce, n'est pas, comme dans celle de Goethe,
un vieillard dégoûté de tout, et qui a recours au diable
pour raviver son goût blasé : c'est un homme jeune,
qui jouit avec délice de tous les plaisirs qu'il a achetés
au prix de sa damnation. Le rôle de Méphistophélès
est d'une grande beauté; ce n'est pas un rôle de convention.
Cet ange, déchu n'a rien du grand diable, culotté de rouge,
au double plumet, ricanant comme un traître de mélodrame sous
ses moustaches en croc : c'est une créature humaine, admirablement
tragique, qui, dans ses yeux, ainsi que le Satan
de Milton, porte le regret du ciel. Marlowe a
craint d'amoindrir son Faust en lui prêtant l'inquiétude de
la femme; il a voulu qu'il demeurât formé aux coutumières
préoccupations des autres hommes; et c'est ainsi que nulle figure
féminine ne traverse l'unité de l'action. A l'avant-dernier
tableau, cependant, Faust évoque Hélène
de Troie, c'est-à-dire la Renaissance elle-même, la beauté
antique réapparue. Il synthétise par là son amour
de la science et. de la poésie. La mort de Faust est la plus belle
scène de ce drame. Ce damné attend l'heure fatale en proie
au repentir, mais il est trop tard : Méphistophélès
ne lui fera pas grâce. Nous assistons au désespoir d'une âme
immortelle, qui se voit près de souffrir éternellement.
Faust a été traduit
en français par F.-V. Hugo (1858); par F. Rabbe (théâtre
de Marlowe, 1889), et par C. Stryienski et François de Nion,
qui ont fait jouer leur traduction en 1892.
(NLI). |
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Faust
est une drame de Goethe en deux parties C'est
une oeuvre des plus puissantes que la légende ait inspirées
et aussi l'oeuvre capitale de Goethe. Le poète commença en
1773 à jeter sur le papier les premiers linéaments de son
drame, qui fut achevé en 1832. Dans l'intervalle, des publications
partielles tinrent en haleine la curiosité du monde lettré.
En 1790, Goethe fit paraître un Fragment qui comprenait à
peu près la moitié de la première partie. Puis il
compléta les lacunes du Fragment, l'augmenta de la
Dédicace,
du Prélude sur le théâtre et du Prologue
au ciel, et publia en 1808 la première partie de son drame,
qui désormais ne fut plus remaniée.
Première
partie. Le docteur Faust, passionné pour l'étude, a épuisé
toutes les sciences sans pouvoir combler le vide de son âme : l'ennui
et la satiété le rongent. Il s'adonne à la magie,
évoque l'Esprit de l'univers, dont les railleries ne font qu'irriter
son désespoir. Sur le point de porter à ses lèvres
une coupe empoisonnée, il entend soudain le joyeux son des cloches
annonçant la résurrection du Christ
: il s'arrête, vaincu par le remords. Le démon, sous le nom
de Méphistophélès, lui apparaît alors et lui
promet, au prix de son âme, de rassasier tous ses désirs.
En effet, grâce aux prestiges diaboliques, Faust s'enivre de jouissances,
et néanmoins le bonheur fuit loin de lui. Une jeune fille, Marguerite,
modèle d'innocence et de candeur, est victime de ses séductions;
sa mort termine la première partie du drame.
-
Remords de
Faust
[Au
montent où Faust allait s'abandonner au désespoir, il entend
les cloches qui annoncent le jour de Pâques et les choeurs qui, dans
l'église, voisine, annoncent cette sainte fête.]
Le
Choeur des anges. - Le Christ est ressuscité! Réjouissez-vous,
mortels, vous qui languissez en proie à des maux cruels, des infirmités
héréditaires.
Faust.
- Comme le bruit imposant de l'airain m'ébranle jusqu'au fond de
l'âme! Annoncez-vous, cloches retentissantes, la première
heure du jour de Pâques? Vous, choeurs, célébrez-vous
déjà les chants consolateurs, ces chants que, dans la nuit
du tombeau, les anges firent entendre quand ils descendirent du ciel pour
commencer la nouvelle alliance?
Le
Choeur des femmes. - Nous avions embaumé son corps; nos mains
fidèles lui avaient donné la sépulture; nous avions
enveloppé ses membres d'un linceul avec un soin pieux, et maintenant,
hélas! nous ne trouvons plus le Christ.
Le
Choeur des anges. - Le Christ est ressuscité! Gloire à
celui
qui, plein d'amour, a subi la salutaire, la fortifiante épreuve
de la tribulation !
Faust.
- Chants célestes, puissants et doux, pourquoi me cherchez-vous
dans la poussière? Faites-vous entendre aux humains que vous pouvez
consoler; j'écoute bien la nouvelle que vous m'apportez, mais la
foi me manque pour y croire. Le miracle est l'enfant chéri de la
foi... Je ne puis m'élancer dans la sphère d'où votre
auguste nouvelle est descendue, et cependant, accoutumé dès
l'enfance à ces chants, ils me rappellent à la vie. Autrefois,
un rayon de l'amour divin descendait sur moi pendant la solennité
tranquille du dimanche. Le bourdonnement sourd de la cloche remplissait
mon âme du pressentiment de l'avenir, et la prière était
la
jouissance la plus ardente de mon coeur. Cette même cloche annonçait
aussi les jeux de la jeunesse et la fête du printemps. Le souvenir
ranime en moi les sentiments de l'enfance... Oh! faites-vous entendre encore,
chants célestes! mes larmes coulent, je renais à la vie.
Le
Choeur des disciples. - Le Christ est ressuscité du sein de
la corruption! Mortels, hâtez-vous de rompre vos liens. Célébrez
sa gloire par vos actions : exercez votre charité, nourrissez vos
frères, portez dans tous les pays la parole de Dieu, annoncez partout
la félicité d'une autre vie, et votre divin Maître
sera toujours avec vous, toujours vous l'aurez parmi vous sur la terre.
» (Goethe, Faust). |
Deuxième
partie. Le second Faust présente le docteur devenu vieux; l'âge
n'a pu calmer ses désirs insatiables. Après avoir sondé
l'avenir et épuisé les délices du présent,
il cherche dans le passé des émotions nouvelles. Méphistophélès
lui ouvre la région des ombres : il explore le Tartare
et l'Olympe; Hélène, dont la beauté
arma jadis la Grèce, lui est donnée pour épouse; ce
ne sont plus alors que rêves fantastiques. Enfin le docteur, revenu
en ce monde, va mourir; déjà le démon s'apprête
à saisir son âme : le moribond invoque la miséricorde
divine, Marie intercède pour lui; il est
sauvé.
Le rôle de Faust
semble résumer les propres aspirations de l'auteur, âme vaste,
avide de vérité, d'horizons infinis, et s'agitant, triste
et malheureuse, dans les sentiers du doute pour se prolonger ensuite dans
ue form de n panthéisme. Cette tragédie, si l'on peut donner
ce nom à une telle composition, se rapproche aussi bien que tout
le théâtre de Goethe, du genre de Shakespeare.
On y retrouve les formes grandioses, neuves, originales de la scène
anglaise, avec les défauts qui en sont inséparables, surtout
le manque absolu de plan. Faust transporte le spectateur dans les
régions les plus diverses, et souvent dans un monde idéal,
insaisissable ; toutefois le poète y a répandu tant d'éclairs
de génie que ce drame demeure sa grande oeuvre.
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Faust est un roman
allemand de Klinger (1791). - Faisant de Faust l'inventeur de l'imprimerie,
Klinger nous le montre d'abord aux prises avec les difficultés de
la morale et de la théologie, puis s'adonnant à la magie,
qui lui enseigne la formule capable d'évoquer Satan. Faust ne se
livre aux études que pour en découvrir la vanité.
Partout, l'homme vertueux est pauvre et opprimé, le fripon riche
et considéré. La métaphysique ne donne pas davantage
un résultat probant. Et Faust se décide à évoquer
Satan. Le lieu de l'évocation a quelque chose de sombre et de tragique.
C'est Léviathan, envoyé par Satan, qui répond à
l'appel. Le pacte est conclu. Faust constate, à travers l'Europe
entière, que ni les femmes, ni les prêtres, ni les juges,
ni les princes ne résistent aux séductions de l'or ou de
la volupté. Lassé des voyages et dégoûté
de l'homme, il retourne en Allemagne.
Chemin faisant, il rencontre son fils aîné pendu à
une potence. Sa femme et ses autres enfants sont dans une misère
affreuse. Alors, Faust demande à Léviathan de le descendre
aux enfers. Léviathan le tue et l'entraîne. Roman étrange,
où le pire se rencontre à côté du meilleur.
Le pessimisme le plus décourageant en constitue l'ensemble et les
détails. (NLI). |
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Faust est un poème
épico-dramatique allemand de Lenau (1836), où se retrouvent,
à côté de personnages et d'allégories de pure
invention, les héros du drame de Goethe et certaines réminiscences
de Byron. - Faust est à la recherche des
secrets de la création. Le son des cloches lui fait comparer son
agitation présente à sa sérénité d'autrefois.
Pris de désespoir, il veut se jeter dans un précipice; un
chasseur noir le retient. Plus loin, nous retrouvons Faust avec Wagner,
successivement à l'amphithéâtre d'anatomie et dans
les forêts où il s'interroge sur
la vie, la mort et la création. Survient Méphistophélès,
qui conclut avec Faust un marché aux termes duquel celui-ci abandonne
son âme, pour peu que ses fantaisies soient satisfaites. Faust visite
les tavernes, les jardins du roi, les forêts, découvrant partout
et professant lui-même l'impudicité et la trahison. L'apparition
d'une mendiante tenant un enfant sur ses bras rappelle à Faust son
propre crime. Il s'enfuit et croise en route une procession qui l'émeut
profondément. Cependant, il reprend son chemin, séduit la
fiancée du duc Hubert, s'embarque avec Méphistophélès,
est rejeté à la côte, pénètre dans une
taverne louche, d'où il ne sort, dégoûté et
lassé, que pour se précipiter du haut d'un rocher. Méphistophélès
emporte son âme.
L'oeuvre est complexe dans la forme et
le fond. Cependant, son lyrisme, ses pensées, son pessimisme voulu
en font un des plus beaux textes de la poésie allemande. (NLI). |