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Moïse
est un personnage de la Bible ,
que le Pentateuque
présente comme le libérateur et législateur
des Hébreux, moins illustre pour
avoir arraché les siens à la dure oppression que faisaient
peser sur eux les Egyptiens, que
pour leur avoir donné un ensemble de lois
destiné à régler leur conduite dans le pays de Chanaan ,
au seuil duquel, il les conduit. Telle est, en deux lignes, la grandiose
figure qu'exalte la mythologie biblique et qui a subsisté à
peu près intacte jusqu'à une époque rapprochée
de nous; les travaux de la critique ont définitivement établi
que la personne de Moïse est plus légendaire que réelle
et que la législation dont on lui faisait honneur est l'oeuvre d'hommes
ayant vécu huit ou dix siècles après l'époque
de la prise de possession de la Palestine
par les Hébreux.
Les descendants d'Abraham
s'étant établis en Egypte
à la suite de la merveilleuse fortune de Joseph,
l'un des fils de Jacob, y avaient pris un extraordinaire
accroissement; passés de l'état de famille à celui
de peuple, ils devinrent un sujet d'inquiétude pour la dynastie
et la nation égyptiennes. Après les avoir assujettis au plus
pénible servage, le roi prit le suprême parti de faire mettre
à mort par les sages-femmes israélites tous les enfants du
sexe masculin, et, cet ordre ayant été méconnu, de
les jeter dans le fleuve (le Nil). Sur ces entrefaites
naît, dans la famille de Lévi, un garçon de si belle
apparence que ses parents font de suprêmes efforts pour l'arracher
à la tragique destinée qui l'attend; force est cependant
à la fin de l'exposer sur l'eau dans un coffret soigneusement goudronné.
Recueilli par la fille même du roi, Moïse a pour nourrice sa
propre mère et est élevé dans le palais du mortel
ennemi de sa famille. Son nom Moshéh = tiré (de l'eau)
rappellera son émouvant sauvetage. Ne pas trop s'étonner
s'il est donné en hébreu
au jeune enfant par une princesse égyptienne, la légende
du sauvetage ayant été visiblement suggérée
à l'écrivain par le sens naturel du nom de Moïse. Ainsi
débute, à la façon d'un conte
de fées, la merveilleuse histoire du libérateur
d'Israël. Par pressentiment de sa haute destinée, Moïse
prend la défense des siens contre les Égyptiens
et doit prendre la fuite pour échapper à la vengeance du
roi. Les hasards de la route l'amènent au pays
de Madian, à l'Est du golfe Elahitique ou d'Aqaba; il y épouse
la fille du grand prêtre et devient pasteur de troupeaux.
Un jour qu'il se
trouvait assez loin de sa résidence ordinaire, dans les vallons
du massif sinaïtique (mont Horeb), la divinité
d'Abraham lui apparut et lui donna l'ordre de regagner l'Egypte pour arracher
son peuple au joug du Pharaon et le conduire, à travers le désert,
au pays fertile de Chanaan ,
dont la possession avait été promise aux patriarches. Hésitations
de Moïse, qui finit par se rendre près du roi égyptien
et lui arrache, à coups de miracles (les
plaies d'Égypte), la permission de quitter le pays. Tout ce tableau
est très pittoresque et son caractère visiblement légendaire
et artificiel ne doit pas faire perdre de vue les beautés de premier
ordre qu'il renferme; l'incident de la mort de tous les premiers-nés
est retracé avec une éloquence du plus grand effet, et bien
d'autres traits attestent à la fois le talent de l'écrivain
et le haut développement littéraire de l'époque qui,
a donné sa forme au poème de la délivrance d'Egypte.
Le peuple hébreu s'ébranle
enfin, en colonne immense, après avoir célébré
la Pâque; par un anachronisme,
ou plutôt un métachronisme très familier aux écrivains
juifs, la Pâque, commémoration de la délivrance d'Egypte,
est instituée avant l'événement qu'elle est destinée
à rappeler; la même erreur sera reproduite par les Evangiles ,
qui feront instituer la Pâque chrétienne,
commémoration du sacrifice de Jésus,
par Jésus lui-même avant de marcher au supplice.
-
Episodes
de la vie de Moïse
représentés
dans la Chronique de Nuremberg (fin du XVe
siècle).
Au moment où
l'on se croyait hors d'affaire, le danger apparaît sous la forme
de l'armée de Pharaon, lancée à la poursuite des fugitifs.
Que faire? La mer Rouge (golfe de Suez) barre la route; Moïse lève
sa verge et les flots s'entrouvrent pour laisser passage aux Hébreux,
puis se rejoignent pour submerger avec son armée l'orgueilleux monarque
qui s'imagine pouvoir lutter contre les volontés du dieu d'Abraham,
protecteur des Hébreux. Le peuple, sauvé, entonne le cantique
de la délivrance. Après quelques épisodes, au cours
desquels on signale l'intervention amicale de Jéthro, prêtre
des Madianites et beau-père de Moïse,
ramenant à celui-ci sa femme et ses fils, le peuple doit se préparer,
sur l'ordre de Yahveh donné à Moïse,
à recevoir communication de la loi que le libérateur impose
à son peuple, arraché à la servitude égyptienne
et destiné à s'installer sans délai sur le territoire
de la Palestine .
Les Hébreux vivaient-ils donc jusqu'à ce jour sans lois,
sans coutumes, sans cérémonies religieuses? Poser cette question,
c'est montrer ce qu'il y a de forcé dans ce coup de théâtre
d'une législation familiale, civile et rituelle, donnée de
toutes pièces et qui suppose avant elle une tabula rasa.
Ce parti pris dogmatique oblige le lecteur à des concessions excessives;
l'on est subjugué plutôt qu'on n'éprouve une véritable
émotion. Nous laissons de côté, pour l'instant, cela
va sans dire, les scrupules et les exigences de l'historien, la critique
devant, d'une part, reconnaître le caractère absolument légendaire
du cadre, de l'autre, rajeunir de huit ou dix siècles la prétendue
loi du Sinaï.
La divinité,
dans un appareil solennel, du haut du Sinaï que couvre une nuée
d'orage, promulgue le Décalogue, puis communique à
Moïse une série d'instructions d'un caractère à
la fois civil, social et rituel (ch. XX-XXIII de l'Exode ).
Une alliance ou pacte consacre le lien mutuel qui rattache désormais
l'un à l'autre et d'une façon indissoluble Yahveh
et Israël. Dieu communique ensuite à Moïse ses instructions
sur les dispositions du Tabernacle ou temple
portatif, qu'il lui ordonne d'ériger sans délai, et sur l'organisation
du sacerdoce. Après l'incident du « veau
d'or », scène de rébellion assez singulièrement
motivée, qui provoque la fureur de Yahveh et manque de compromettre
tout ce qui a été fait jusqu'ici, Moïse reçoit
de la divinité des tablettes ou tables de pierre, destinées
à remplacer celles qu'il a brisées lui-même dans un
mouvement de sainte colère causé par la défection
du peuple; ces tablettes sont singulièrement saintes, ayant été
confectionnées et gravées par Yahveh lui-même. Après
que tous les services du culte ont été aussi minutieusement
que luxueusement organisés, - ici l'invraisemblance dépasse
toutes les bornes permises, à moins qu'on ne suppose au pied du
Sinaï une succursale du quartier Saint-Sulpice, - le peuple
hébreu, passé de l'état de troupe confuse à
celui d'armée innombrable, savamment disposée, quitte la
région du Sinaï pour pointer au Nord, dans la direction du
Chanaan .
Il est sous la conduite de Moïse, ou plutôt de Yahveh lui-même,
qui le précède sous la forme d'une colonne de fumée
le jour, d'un feu éclatant la nuit.
Ici encore, l'excès
de la symétrie cherchée par l'écrivain obtient un
effet de surprise et d'admiration auprès des lecteurs naïfs,
mais laisse froids ceux qui saisissent l'absurdité de cette procession
hiératique de deux millions d'hommes, de femmes et d'enfants, exécutant
des marches de champ de manoeuvre dans les âpres solitudes de la
péninsule sinaïtique. La nourriture nécessaire à
l'entretien de cette multitude tombe du ciel et,
quand il est besoin, la verge de Moïse fait jaillir l'eau du rocher.
Poème désordonné, tour à tour fatigant par
ses minuties rituelles, émouvant par des épisodes ingénieux
et habilement retracés, rien ne ressemble moins aux conditions des
oeuvres littéraires modernes que cette épopée de la
traversée du désert, où l'on discerne à la
fois la plume de plusieurs collaborateurs et la marque du système
théologique des écoles de la Restauration. Après quelques
incidents, nous voici à Kadès, à l'extrême Sud
du pays de Chanaan .
Moïse prépare l'attaque de la terre promise par une exploration
qui confirme le florissant état du territoire que Yahveh
a réservé aux siens; malheureusement, la lâcheté
du peuple, reculant devant le danger d'affronter la population indigène,
oubliant que le bras de Dieu terrassera l'ennemi à l'appel du clergé,
remet tout en question.
-
Dieu
le Père (version chrétienne de Yahveh) inspire le décalogue
à Moïse
Bas-relief
du portail latéral sud de l'église de Vétheuil (Val-d'Oise).
©
Photo : Serge Jodra, 2009.
La divinité,
irritée, condamne le peuple à errer pendant quarante ans
dans les solitudes du désert avant d'entreprendre la conquête.
Enfin, après être revenus à ce même Kadès
(nous devons prévenir que le désordre du poème est
ici poussé jusqu'aux dernières limites et que la fameuse
légende des quarante années a été fréquemment
perdue de vue par l'écrivain), Moïse reprend la marche sur
le Chanaan ,
en redescendant au Sud jusqu'à la pointe du golfe Elahitique ou
d'Aqaba, puis en décrivant à l'Est un immense cercle dont
le point terminus sera la région du mont Nébo, ou «
plaines de Moab
», en face et à la hauteur de la ville de Jéricho,
de façon à attaquer la Palestine
par l'Est. Cette marche stratégique, assez maladroitement motivée
par l'écrivain, fait plus que soulever des objections très
graves : c'est une pure et simple impossibilité. Au cours de cet
itinéraire fantastique, nous relèverons la mort de Marie,
soeur de Moïse, la mort d'Aaron, son frère, chef du sacerdoce,
l'épisode des serpents brûlants, la mauvaise volonté
des Edomites à l'égard d'Israël,
l'intervention du prophète Balaam, soudoyé par les Moabites
pour maudire les Hébreux, mais que
la divinité contraint de déclarer hautement leurs glorieuses
destinées, l'extermination des Madianites, coupables d'avoir corrompu
et gagné à leur culte profane les enfants d'Abraham
(ailleurs, les Madianites, représentés
par Jéthro, beau-père de Moïse, étaient des alliés);
l'investiture de Josué, lieutenant de Moïse, comme successeur
de celui-ci et chargé de procéder à la conquête
proprement dite du Chanaan; la défaite des Amorrhéens ou
Chananéens qui occupaient la région du Galaad (rive orientale
du Jourdain );
l'attribution de ce territoire, qu'on n'avait pas, à l'origine,
projeté d'occuper, aux tribus de Ruben, Gad
et Manassé (demi-Manassé transjordanique).
Moïse, averti
par la divinité qu'il ne franchira pas le Jourdain, adresse au peuple,
groupé dans « les plaines de Moab », en face de Jéricho,
de longs discours où il déroule l'avenir; ces discours, qui
forment la première partie du Deutéronome
(chap. I à XI), sont précieux pour la connaissance des idées
théologiques des écoles juives
de l'époque de Néhémie
et de ses successeurs. La doctrine de la spiritualité divine y est
traitée avec une grande sûreté et une incontestable
élévation, malgré le parti pris de mettre Israël,
l'élu de Dieu, au-dessus de toutes les autres
nations. Puis vient une nouvelle édition de la législation,
où l'écrivain insiste sans se lasser sur le monopole du sanctuaire
central et unique (Jérusalem) et
prend des précautions rigoureuses contre tout écart dans
le rite et la doctrine. Une note d'attendrissement et de bienfaisance corrige
heureusement, en bon nombre d'endroits, le caractère étroit
et blessant de ces recommandations, que le souci jaloux de l'orthodoxie
rend pénibles au libéralisme des temps modernes. Moïse,
comme épuisé par cet effort oratoire, meurt après
avoir contemplé du haut du mont Nébo la terre promise, où
la divinité, indisposée par un mouvement antérieur
d'hésitation, ne veut pas qu'il ait la joie de poser le pied. Seuls,
de toute la génération sortie d'Egypte ,
les deux chefs Josué et Kaleb franchiront le Jourdain. Moïse
avait quatre-vingts ans en sortant d'Egypte, cent vingt après la
traversée du désert.
-
Moïse
recevant la loi de Dieu. Illustration d'un psautier de 1514.
La critique historique
appliquée aux livres bibliques, dans ses premiers essais, s'est
employée à relever les impossibilités dont étaient
issues l'oeuvre et la personne de Moïse; cependant elle n'osait pas
s'attaquer à la réalité de ce personnage, considéré
comme la clef de voûte de tout le système de la théologie
juive.
On réduisait alors, par d'habiles atténuations, la figure
du libérateur et législateur d'Israël à un rôle
de chef politique et d'initiateur. Il aurait conduit d'Egypte en Chanaan
non un peuple de deux millions d'âmes, mais une petite peuplade;
il aurait discipliné celle-ci et jeté les bases d'un culte
et d'une organisation sociale, que les siècles suivants devaient
se charger de conduire à un parfait achèvement. Malheureusement,
même si les textes, qui nous sont parvenus, recyclent, comme c'est
le cas dans tous les mythes, un matériau évidemment antérieur
(cf. la théorie du bricolage exposée par Claude Lévi-Strauss
dans La pensée sauvage), leur rédaction est loin d'être
aussi ancienne que les événements qu'ils prétendent
relater. Pour notre part, nous reportons leur rédaction à
l'époque qui suivit la captivité de Babylone.
Et, en présence de textes dont les plus anciens, avec la meilleure
volonté du monde, ne peuvent être assignés à
une époque antérieure au VIIIe
siècle av. J.-C, nous avons le devoir d'être plus rigoureux,
disons le mot, plus sincères envers nous-mêmes.
Réduit, pour
nous prononcer sur la réalité d'un Moïse et de son oeuvre,
à des documents d'origine juive, dont le caractère tendanciel
ne fait plus doute aux yeux de l'exégèse la plus prudente,
contraint à considérer comme des illusions les trouvailles
bruyantes de gens, généralement étrangers aux études
bibliques, qui, tous les dix ans, découvrent dans les documents
égyptiens la mention de Moïse et les traces du séjour
des Israélites en Egypte et dont un examen attentif fait bientôt
reconnaître l'erreur, nous sommes dans l'obligation de considérer
le personnage de Moïse comme absolument légendaire, quand même
on croirait pouvoir envisager le séjour lui-même, plus ou
moins prolongé, d'un groupe de benè-Israël sur
la frontière d'Egypte et par suite leur « exode » à
un moment donné, comme des faits historiques conservés dans
le souvenir d'une série de générations. Auprès
de ceux qui seraient désireux de conserver davantage du Moïse
traditionnel, nous invoquerons, à l'appui de notre attitude, cette
circonstance, si remarquable, que, dans l'ensemble des livres historiques
et prophétiques considérés souvent comme les plus
anciens documents de la littérature
juive, le nom de Moïse n'est prononcé qu'un très
petit nombre de fois et que ces mêmes livres ignorent la législation
du Sinaï. Aux yeux donc des auteurs des Nebyim (seconde partie
du recueil sacré hébreu), Moïse n'est qu'un fort petit
personnage et il n'arrivera à occuper le premier plan - et à
l'accaparer - qu'à partir du jour où les écrivains
théocratiques, porte-paroles des prétentions du clergé,
se seront emparés de ce nom tout secondaire pour construire autour
de lui une merveilleuse légende d'histoire et de législation.
Moïse a-t-il
existé? Sur la foi de quelques textes des Juges
(I, 16; IV, 44), nous voyons en lui un des rares noms de l'époque
la plus ancienne d'Israël, qui aient survécu au naufrage où
ont sombré les souvenirs nationaux antérieurs à Saül.
D'après ces mêmes textes, son souvenir se rattache à
un petit groupe de populations d'origine arabe, les Cinéens ou Kénites,
dont quelques représentants se maintinrent longtemps au milieu d'Israël.
Un autre texte du livre des Juges (XVIII, 30) nous apprend que le
clergé du sanctuaire de Dan se vantait d'avoir pour fondateur un
petit-fils de Moïse (il faut lire en cette place Moïse au lieu
de Manassé); c'est là un indice de la tendance, qui devait
s'accuser par la suite irrésistiblement, à mêler Moïse
aux questions concernant l'organisation du culte. On doit admirer ceux
qui, de ce nom sans signification, ont fait une figure dominant tout le
développement politique et religieux d'Israël; mais l'historien
manque à sa plus stricte obligation qui, après avoir reconnu
le caractère artificiel des documents, entreprend de retracer les
phases du passé le plus reculé en s'appuyant sur les créations
du dogme.
Le
Décalogue.
Il reste à
donner quelques brèves indications sur l'ensemble des préceptes,
auquel est désormais attaché le titre de « loi de Moïse
». Nous dirons d'abord quelques mots du Décalogue,
autrement dit des « Dix Paroles » (plus connues sous le nom
des « Dix commandements »),
dont on nous donne une double recension, présentant d'intéressantes
variantes (Exode ,
ch. XX; Deutéronome ,
ch. V). Ce très remarquable essai pour ramener la complication du
code législatif à quelques courtes formules, contenant la
substance même de la religion juive,
n'a, en aucune façon, un caractère archaïque; c'est
le fruit savoureux du prophétisme, résumant ses aspirations
en un catéchisme où la brièveté s'allie très
heureusement à une certaine ampleur. C'est la philosophie de la
« loi de Moïse » - nous allions dire : la philosophie
de ce qu'il y a de meilleur dans la loi de Moïse, - nullement un premier
essai, remontant à une époque relativement antique. - En
second lieu, signalons le petit code, souvent dénommé Livre
de l'alliance, par le motif qu'il se trouve placé immédiatement
avant la cérémonie de la conclusion du pacte entre Yahveh
et Israël au pied du mont Sinaï (Exode, ch. XXI à
XXIII). Il y a là une enfilade de prescriptions rituelles, civiles,
morales, qui semblent avoir été placées bout à
bout sans le soupçon de la plus-value que leur donnerait un classement
tant soit peu rationnel; mais, par sa concision qui nous permet de l'embrasser
très rapidement, le « Livre de l'alliance » prend une
haute valeur. On l'apprécie d'autant plus qu'on le compare avec
d'autres parties du Pentateuque ,
soit avec le Deutéronome, qui reprend les mêmes préceptes,
mais en les délayant sans nécessité, soit aux fastidieuses
descriptions du matériel sacré, des cérémonies
du culte et des fonctions du clergé, qui rendent si pénible
l'étude de la seconde partie de l'Exode et des deux livres
du Lévitique
et des Nombres .
C'est donc aux chapitres XXI, 1-XXIII, 19, de l'Exode que nous renverrons
celui qui voudra se renseigner avec précision sur ce qu'il faut
entendre par « loi de Moïse ».
-
Un
campement de bédouins dans Sinaï, au pied de la montagne de
Moïse.
Lithographie
de Louis Haghe (XIXe s.).
Pour la date de ce
recueil, nous repoussons l'opinion qui le fait remonter au VIIIe
siècle av. J.-C. ; d'après la théorie de l'unité
de sanctuaire qu'il proclame et en nous appuyant sur d'autres indices encore,
nous le tenons pour postérieur à la réforme de Néhémie.
Après l'extrait philosophique de la loi qui forme le Décalogue,
après le « Livre de l'alliance » d'une concision presque
lapidaire, voici venir un troisième document qui forme le noyau
du Deutéronome
et en occupe les chapitres XII à XXVI. Nous l'avons suffisamment
caractérisé dans ce qui précède; on dirait,
que son auteur s'est proposé de commenter et de paraphraser d'une
façon oratoire et édifiante la législation d'Exode
(XXI-XXIII), dont il ne diffère point sensiblement. C'est donc une
oeuvre contemporaine de la précédente et nous rejetons absolument
la vue, trop volontiers acceptée par nombre d'exégètes,
qui rapportent la législation deutéronomique à l'époque
du roi Josias, aux temps qui précèdent la captivité
de Babylone.
Des diverses «
éditions » de la loi de Moïse, la plus considérable
est constituée par une série de textes, les uns dispersés
dans la première partie de l'Exode, les autres occupant la
dernière partie du même livre, la quasi-totalité du
Lévitique
et formant, en très grande partie, la matière des Nombres .
En dehors de la caractéristique
sommaire de ces textes que nous avons été amené à
énoncer au cours de cet article et qui a engagé plusieurs
critiques à donner le nom de « code sacerdotal », autrement
dit « code du rituel à l'usage du clergé de Jérusalem
», à l'ensemble de ces développements, nous renverrons
à
la page Pentateuque
(et à celles qui lui sont liées) et nous rappellerons que
le détail accordé ici à des cérémonies
et à des formalités rituelles sans nombre, qui n'ont de raison
d'être que si l'on imagine les services du culte régulièrement
institués dans un sanctuaire unique, ont contraint les critiques
à rapporter la composition de la plus grande partie de la loi dite
de Moïse aux temps de la Restauration, c.-à-d. à la
placer à mille ans de distance de la personne sous le vocable de
laquelle les écrivains juifs
ont cru devoir abriter leur travail.
Ç'a été
là un coup décisif porté à la légende
de la « loi de Moïse », d'autant plus que la comparaison
du « code sacerdotal » avec la « loi deutéronomique
» et le « livre de l'alliance », qui ne se distinguent
du premier que par des traits secondaires, amènera prochainement
la critique, c'est là notre conviction, à proclamer hautement
que les diverses éditions ou recensions de la loi de Moïse,
combinées dans la rédaction dernière du Pentateuque,
sont toutes l'oeuvre des écoles de la Restauration.
(Maurice Vernes). |
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