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En
termes généraux, on appelle force toute cause
qui tend à modifier l'état d'un corps sous quelque aspect
qu'on l'envisage. A ce point de vue, les forces de la nature que
se divisent en autant de classes qu'il existe de classes de phénomènes
distincts. Le terme a un sens plus restreint en mécanique où
on voit dans une force la cause du changement d'état
dynamique d'un corps. Une force se définit
à partir du taux de variation de la quantité
de mouvement de ce corps. La physique contemporaine tend à remplacer
la notion de force par celle de champ ou, mieux de potentiel.
Au niveau fondamental, force et interaction deviennent des termes synonymes,
renouant ainsi en quelque sorte avec le sens premier du mot.
Pendant
longtemps, l'idée de force est restée inséparable
de celle de substance : une force était une puissance active. L'idée
de force occupe ainsi une grande place dans la philosophie. Déjà
Archytas ,
pythagoricien, et Démocrite
accordaient la force à la matière
en tant qu'elle est en mouvement. Avec Platon
la force est conçue dans l'âme, comme le mouvement dans la
matière, et, chez Aristote ,
l'entéléchie exprime une réalité qui a en soi
la force et le principe de son action. Chez les modernes, Descartes
avait négligé l'idée de force, en ne constatant que
l'étendue dans la matière; mais Leibniz
pensait qu'ill fallait admettre, dans les corps, des unités véritables,
et réhabiliter l'entéléchie d'Aristote ainsi que les
formes substantielles des scolastiques, en les concevant comme des forces
primitives douées d'activité. C'est à Newton
finalement qui parvint à de donner une définition opérationnelle
de la force mécanique.
Les forces ne produisent pas toujours le mouvement;
des résistances peuvent neutraliser leur action. Dans ce cas, elles
donnent lieu à une pression ou à
une tension. Une pierre presse le sol qui la supporte on tend le fil auquel
elle est suspendue. Toute pression ou tension donne lieu à une réaction
égalent contraire dans le corps pressé ou tendu. Le sol pousse
la pierre, et le fil la tire de bas en haut exactement comme ils en sont
poussés on tirés de haut en bas. Quelle que soit une force
qui produit une pression ou une tension, il existe toujours au poids
capable de donner lieu à un même effet; on peut donc comparer
mécaniquement les forces à des poids qui leur servent de
mesure.
La direction que prendrait un point matériel,
si, partant du repos, il cédait à l'action d'une force sans
qu'aucune résistance ou autre force vienne en gêner l'action,
est ce que l'on appelle direction de cette force. Un corps que l'on tient
à la main et qu'on abandonne à lui-même sans lui donner
d'impulsion, au milieu d'un air calme, tombe en parcourant une ligne droite
verticale; la verticale sera donc, la direction
de la pesanteur. Les corps sont très loin de suivre toujours la
direction des forces qui agissent sur eux, parce que le plus souvent chaque
corps est soumis à l'action de plusieurs forces simultanées
qui s'influencent mutuellement. Lorsque les forces réagissent ainsi
les unes sur les autres, de telle façon que le corps se trouve,
quant à son mouvement, dans le même état que s'il n'était
soumis à aucune force, on dit que ces forces se font équilibre.
Tel est, par exemple, le cas d'un corps qui appuie sur le sol
: son poids est équilibré par la résistance de son
support.
En dehors des conditions d'équilibre,
lorsque plusieurs forces agissent sur un même corps, comme, par exemple,
lorsque plusieurs chevaux tirent sur une même voiture, on peut ordinairement
imaginer une force qui, à elle seule, produirait le même effet
que toutes les autres réunies : cette force est appelée résultante,
les forces elles mêmes sont appelées composantes. Inversement,
quand une force unique agit sur un corps, on peut imaginer autant de forces
qu'on voudra, qui, réunies, produiraient, le même effet que
la force primitive. Les règles à suivre dans ces substitutions
sont les suivantes :
1°
Deux forces agissant simultanément sur un même point O ont
une résultante représentée en grandeur et en direction
par la diagonale OC du parallélogramme, dont les côtés
OA, OB, représentent en grandeur et en direction les deux forces.
Dans le cas particulier où ces deux forces agiraient suivant une
même ligne, dans une même direction ou dans deux directions
opposées, leur résultante aurait la même direction
elle-même et serait égale à leur somme ou à
leur différence.
 
2°
Si le nombre des forces concourantes était supérieur à
deux, on choisirait deux quelconques de ces forces F et F', on en construirait
la résultante OR comme précédemment, puis, substituant
cette résultante O ses deux composantes, on diminuerait ainsi d'un
le nombre des forces données. En renouvelant cette opération
partielle jusqu'à ce qu'on ait épuisé toutes
les forces, on arriverait finalement à la résultante
cherchée. Dans le cas particulier où toutes ces forces agiraient
suivant une même ligne, leur résultante serait égale
à la somme de toutes les forces dans un sens diminué de la
somme de celles qui agiraient en sens opposé.

3°
Lorsque deux forces P et Q de directions parallèles et de même
sens agissent en deux points différents A et B d'un même corps,
elles ont encore une résultante. Cette résultante est elle-même
de direction parallèle aux premières et de même sens;
elle est, de plus, égale à leur somme et passe entre elles,
en un point O tel que le produit de chacune des forces multipliées
par sa distance à la résultante soit égal au produit
de l'autre multipliée par sa distance à la même résultante.
4°
Lorsque deux forces semblables aux précédentes ont, au contraire,
des directions opposées, leur résultante est égale
à leur différence; elle est située en dehors des deux
forces du côté de la plus grande, dont elle conserve la direction,
et dans une position telle que les produits des deux forces par leur distance
à leur résultante soient égaux entre eux. Si les deux
forces étaient égales, il n'y aurait pas de résultante
possible; on aurait un couple dont l'effet est de produire un mouvement
de rotation sans translation du corps dans l'espace.
5°
Lorsque le nombre des forces parallèles dépasse deux, on
procède successivement à leur composition comme pour les
forces concourantes.
6°
Dans le cas où un nombre quelconque de forces agissent dans des
directions quelconques, en divers points d'un même corps, le problème
est plus complexe; mais comme, dans la pratique, ce corps est toujours
assujetti à tourner autour d'un ou de plusieurs de ses points, il
en résulte des simplifications qui nous font renvoyer, pour l'examen
de ce cas, aux machines simples dans lesquelles il peut se présenter
(voyez levier, treuil, etc.).
Toutes les fois que la résultante de
plusieurs forces est nulle, ces forces sont en équilibre, à
moins qu'on n'ait un couple, auquel cas l'équilibre ne peut être
produit que par un couple équivalent et de sens contraire. Quand
cette résultante n'est pas pas nulle, une force égale et
directement contraire à la résultante ajoutée aux
composantes produit l'équilibre, parce qu'elle détruit l'effet
de leur résultante. Quand une force n'est pas équilibrée
sur un corps, elle le met en mouvement et s'appelle alors force motrice,
nom que l'on donne aussi à la force qui entretient dans une machine
le mouvement que les résistances arrêteraient plus ou moins
rapidement. La force est encore dite accélératrice quand
elle accélère le mouvement, et retardatrice quand elle produit
l'effet opposé. La pesanteur est accélératrice
pour les corps qui tombent, retardatrice pour ceux qui montent.
II existe entre les forces, les corps
sur lesquels elles agissent et les mouvements qu'elles produisent en eux
des relations importantes à connaître. Elles sont tirées
d'une manière plus ou moins directe de l'expérience, mais
toujours en accord parfait avec tous les faits observés.
1°
Sous le rapport du mouvement, l'action d'une force sur un corps est indépendante
de l'état de repos ou de mouvement dans lequel peut se trouver ce
corps. Un exemple va faire comprendre cette loi fondamentale de la mécanique.
Nous jouons au billard dans un café, le mouvement de chaque bille
est réglé par l'impulsion que nous lui donnons. Le billard
est transporté dans le salon d'un bateau qui glisse le long d'un
fleuve; billes, billard et joueurs, tout participe à la marche du
bateau, et cependant rien ne sera changé dans nos mouvements et
dans notre jeu; le même coup de queue produira exactement les mêmes
effets, pourvu que le bateau marche sans oscillations ni secousses.
2°
Quand plusieurs forces agissent simultanément sur un même
corps, l'action de chacune d'elles est entièrement indépendante
de toutes les autres. Cette seconde loi a besoin d'être entendue
d'une certaine façon. Imaginons que nous lancions un corps horizontalement
avec une vitesse de 400 mètres par seconde, ce qui est la vitesse
moyenne des balles de fusil. Si la pesanteur n'existait pas et si nous
pouvions faire abstraction de la résistance de l'air, la balle se
mouvrait d'un mouvement rectiligne et uniforme, et au bout d'une seconde
atteindrait sur la ligne horizontale un point situé à 400
mètres. D'autre part, si la balle était abandonnée
librement à elle-même sans vitesse initiale, elle tomberait
verticalement d'une hauteur de 4,9 m pendant la première seconde
En réalité, notre balle pesante lancée horizontalement
avec la vitesse indiquée plus haut, n'en atteindra pas moins en
une seconde à une distance horizontale de 400 mètres; mais,
au lieu d'être restée sur la ligne horizontale elle-même,
elle se trouvera descendue au-dessous de cette ligne d'une hauteur verticale
de 4,9 m. Le mobile a parcouru un chemin réglé par la double
influence des deux causes simultanées, mais dans l'effet complexe
nous retrouvons chacun des déplacements qui eussent été
produits par chacune de ces causes agissant séparément.
3°
Lorsque plusieurs forces continues et constantes agissent sur un même
corps pendant le même temps, elles lui impriment des vitesses qui
sont entre elles dans le même rapport que les forces. Supposons,
en effet, que l'une des forces soit trois fois plus grande que l'autre,
nous pourrons la considérer comme étant formée par
la réunion de trois forces égales entre elles et à
la dernière. En vertu de l'indépendance des forces, l'effet
de trois forces égales sera triple de l'effet d'une seule d'entre
elles.
4°
Si deux forces continues et constantes, agissant pendant le même
temps sur deux corps leur impriment la même vitesse, les forces seront
entre elles dans le même rapport que les masses des corps. Supposons,
en effet, l'une des masses double de l'autre, partageons-la en deux parts
égales, partageons de même la force correspondante et supposons
que chaque moitié de force agisse sur une moitié de masse,
rien ne sera changé. Nous s'irons alors trois forces agissant sur
trois masses égales et leur imprimant une même vitesse ces
trois forces sont donc de même intensité et la moitié
de la plus grande est égale à la plus petite.
5°
- De ces deux dernières propositions, on tire cette cinquième
: si deux forces F, F' continues constantes, agissant sur deux masses
M, M', leur impriment, au bout de l'unité de temps des vitesses
V, V', les forces seront entre elles dans, le même rapport que les
produits MV, M'V', des masses var les vitesses, ou ce que l'on appelle
quantité
de mouvement. F/F' = MV/M'V'. Dès lors, si nous prenons pour
unité de masse la masse des corps qui, soumis à l'unité
de force ou le kilogramme, en reçoit au bout d'une seconde une vitesse
de 1 mètre, masse dont le poids est égal à 9,8088
kg, nous pourrons dire qu'une force constante a pour mesure la quantité
de mouvement qu'elle imprime en une seconde à une masse quelconque.
C'est, en effet, souvent un moyen commode de mesurer certaines forces.
La quantité de mouvement qu'une force
constante imprime à un corps pendant un temps quelconque croît
dans le même rapport que la durée de son action. Il n'en est
plus ainsi quand la force est d'intensité variable; dans ce cas,
cependant, la quantité de mouvement MV que possède le mobile
au bout du temps T représente la somme des impulsions données
par la force, et en divisant cette somme par le temps MV/T, on aura une
expression de l'intensité moyenne de la force, c'est-à-dire
la force qui, pendant le même temps, produirait le même effet
que la force variable. (M. D.) |
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