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Huygens

Christiaan Huygens est un physicien et astronome né à La Haye le 14 avril 1629. Son père remplissait des fonctions importantes, à la cour des princes d'Orange. Dès son enfance, il annonça ce qu'il deviendrait un jour. Sans avoir négligé l'étude du latin et du grec, il savait à neuf ans l'arithmétique, la géographie et la musique. Son goût pour la mécanique se révéla dès l'âge de treize ans et décida son père, qui fut son premier précepteur, à l'envoyer les étudier à Leyde. On a conservé dans quelques collections hollandaises des modèles de machines exécutées à cette époque par le futur géomètre.
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Huygens.
Christiaan Huygens (1629-1695).

Entre les années 1655 et 1663, Huygens fit plusieurs voyages en France et en Angleterre. On a remarqué que pendant son premier séjour en France, il fut reçu docteur en droit, à l'université d'Angers, la seule où les protestants pussent alors prendre des grades.

Huygens est un des savants étrangers que les libéralités de Louis XIV et le zèle intelligent de Colbert appelèrent à Paris; de l'année 1666 à l'année 1681, il fut un des membres les plus zélés et les plus distingués de l'Académie des sciences de Paris. Plus tard [1685], à l'époque des édits contre les protestants, il refusa noblement de profiter de l'exception qu'on lui proposait de faire en sa faveur, et il rentra chez lui.

II n'est pas de notre sujet d'analyser ici les travaux qui, dès l'année 1657, placèrent Huygens parmi les premiers géomètres de l'Europe.

Après les voyages qu'il avait faits en Europe pour perfectionner son instruction, à peine rentré dans son pays, Huygens, qui est toujours parvenu à construire avec perfection les instruments les plus délicats, fabriqua une grande lunette dont il tailla et polit lui-même les verres.

Avec cette lunette, il reconnut en 1655 que Saturne est entouré, non de globes, mais d'un anneau, et en même temps aperçut un satellite de cette planète; on l'a nommé plus tard Titan.

II a observé en 1659 avec quelque sûreté les taches de Mars, dont le premier dessin a été fait à Naples en 1636 par Fontana. (Lebon).

Mais nous ne pouvons oublier de mentionner l'ouvrage publié [à Paris] en 1673, sous le titre d'Horologium oscillatorium, dans lequel se trouvent développés les principes qui ont donné une si grande régularité aux pendules astronomiques, et le germe des inventions auxquelles les chronomètres doivent leur perfection actuelle; ni son Traité sur la lumière, publié [en Français] en 1690, où se trouvent sa loi célèbre sur la double réfraction et les premiers traits de cette polarisation lumineuse; ni son système sur Saturne (Systema Saturnium[2]), publié eu 1659, dont nous [Arago] avons fait ressortir le mérite en parlant de cette planète dans notre Traité d'Astronomie populaire; ni surtout des découvertes relatives à la mesure de la force centrifuge.
L'Académie des Sciences avait délégué Richer en 1672 à Cayenne, afin d'y observer Mars à l'instant où cette planète serait observée à Paris, pour déduire de ces observations la parallaxe de Mars et par suite la distance de la Terre au Soleil. Mais on trouva un nombre incertain pour cette parallaxe. Ce long et pénible voyage eut cependant un résultat scientifique, car Huygens, d'après ses théories sur la force centrifuge, démontra que la Terre est renflée a l'équateur, et s'appuyant sur cette observation de Richer que le pendule battant la seconde est plus court à Cayenne qu'à Paris. (Lebon).
[2] Il y explique que l'anneau de Saturne est un corps plat, incliné sur le plan de l'orbite de la planète, entraîné par elle parallèlement à lui-même (Lebon).
Huygens mourut le 6 juin 1695 [3]. On a attribué la défaillance que son intelligence subit quelques mois avant ce terme fatal, à des chagrins de famille et à un excès de travail. Pendant son séjour en France, il avait éprouvé un malheur du même genre, et, chose singulière que les physiologistes expliqueront s'ils le peuvent, il se retrouva, lorsqu'il revint à la lucidité, en pleine possession des connaissances qui s'étaient totalement effacées de son esprit pendant sa maladie intellectuelle.
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La Lumière et l'hypothèse de l'éther

« L'on ne saurait douter que la lumière ne consiste dans le mouvement de certaine matière. Car, soit qu'on regarde sa production, on trouve qu'ici sur la Terre c'est principalement le feu et la flamme qui l'engendrent, lesquels contiennent sans doute des corps qui sont dans un mouvement rapide, puisqu'ils dissolvent et fondent plusieurs autres corps des plus solides : soit qu'on regarde ses effets, on voit que, quand la lumière est ramassée (comme par des miroirs concaves), elle a la vertu de briller comme le feu, c'est-à-dire qu'elle désunit les parties des corps ce qui marque assurément du mouvement, au moins dans la vraie philosophie [ = philosophie naturelle ou physique], dans laquelle on conçoit la cause de tous les effets naturels par des raisons de mécanique [par opposition aux causes chimériques telles que les qualités occultes]. Ce qu'il faut faire, à mon avis, ou bien renoncer à toute espérance de jamais rien comprendre dans la physique.

Et comme, suivant cette philosophie, l'on tient pour certain que la sensation de la vue n'est excitée que par l'impression de quelque mouvement d'une matière qui agit sur les nerfs au fond de nos yeux, c'est encore une raison de croire que la lumière consiste dans un mouvement de la matière qui se trouve entre nous et le corps lumineux.

De plus, quand on considère l'extrême vitesse dont la lumière s'étend de toutes parts, et que, quand il en vient de différents endroits, même de tout opposés, elles se traversent l'une l'autre sans s'empêcher; on comprend bien que quand nous voyons un objet lumineux, ce ne saurait être par le transport d'une matière, qui depuis cet objet s'en vient jusqu'à nous, ainsi qu'une balle ou une flèche traverse l'air [telle est la théorie dite de l'émission] : car assurément cela répugne trop à ces deux qualités de la lumière, et surtout à la dernière. C'est donc d'une autre manière qu'elle s'étend, et ce qui nous peut conduire à la comprendre, c'est la connaissance que nous avons de l'extension du son dans l'air.

Nous savons que par le moyen de l'air, qui est un corps invisible et impalpable, le son s'étend tout à l'entour du lieu où il a été produit, par un mouvement qui passe successivement d'une partie de l'air à l'autre, et que l'extension de ce mouvement se faisant également vite de tous côtés, il se doit former comme des surfaces sphériques qui s'élargissent toujours et qui viennent frapper notre oreille. Or il n'y a point de doute que la lumière ne parvienne aussi, depuis le corps lumineux jusqu'à nous, par quelque mouvement imprimé à la matière qui est entre deux : puisque nous avons déjà vu que ce ne peut pas être par le transport d'un corps qui passerait de l'un à l'autre. Que si, avec cela, la lumière emploie du temps à son passage, ce que nous allons examiner maintenant, il s'ensuivra que ce mouvement imprimé à la matière est successif, et que par conséquent il s'étend ainsi que celui du son, par des surfaces et des ondes sphériques : car je les appelle « ondes » [d'où le nom de théorie des ondulations] à la ressemblance de celles que l'on voit se former dans l'eau quand on y jette une pierre, qui représentent une telle extension successive en rond, quoique provenant d'une autre cause, et seulement dans une surface plane. Mais si le mouvement du son et celui de la lumière se ressemblent en cela, ils diffèrent en plusieurs autres choses : savoir en la première production du mouvement qui les cause; en la matière dans laquelle ce mouvement s'étend; et en la manière dont il se communique.

Car pour ce qui est de la production du son, on sait que c'est par l'ébranlement subit d'un corps tout entier ou d'une partie considérable, qu'il agite tout l'air contigu. Mais le mouvement de la lumière doit naître comme de chaque point de l'objet lumineux, pour pouvoir faire apercevoir toutes les parties différentes de cet objet. Et je ne crois pas que ce mouvement se puisse mieux expliquer qu'en supposant ceux d'entre les corps lumineux qui sont liquides, comme la flamme, et apparemment le soleil et les étoiles, composés de particules qui nagent dans une matière beaucoup plus subtile, qui les agite avec une grande rapidité, et les fait frapper contre les particules de l'éther qui les environnent et qui sont beaucoup moindres qu'elles, mais que dans les lumineux solides comme du charbon, ou du métal rougi au feu, ce même mouvement est causé par l'ébranlement violent des particules du métal ou du bois, dont celles qui sont à la surface frappent de même la matière éthérée. L'agitation au reste des particules qui engendrent la lumière doit être bien plus prompte, et plus rapide que n'est celle des corps qui causent le son, puisque nous ne voyons pas que le frémissement d'un corps qui sonne est capable de faire naître de la lumière, de même que le mouvement de la main dans l'air n'est pas capable de produire du son.

Maintenant si l'on examine quelle peut être cette matière dans laquelle s'étend le mouvement qui vient des corps lumineux, laquelle j'appelle « éthérée », on verra que ce n'est pas la même qui sert à la propagation du son.

L'air est de telle nature qu'il peut être comprimé et réduit à un espace beaucoup moindre qu'il n'occupe d'ordinaire; et qu'à mesure qu'il est comprimé il fait effort pour se remettre au large : car cela, joint à sa pénétrabilité qui lui demeure nonobstant sa compression, semble prouver qu'il est fait de petits corps qui nagent et qui sont agités fort vite dans la matière éthérée, composée de parties bien plus petites.

Mais l'extrême vitesse de la lumière, et d'autres propriétés qu'elle a, ne sauraient admettre une telle propagation de mouvement, et je vais montrer ici de quelle manière je conçois qu'elle doit être. Il faut expliquer pour cela la propriété que gardent les corps durs pour  transmettre le mouvement les uns aux autres.

Lorsqu'on prend un nombre de boules d'égale grosseur, faites de quelque matière fort dure, et qu'on les range en ligne droite, en sorte qu'elles se touchent, l'on trouve, en frappant avec une boule pareille contre la première de ces boules, que le mouvement passe comme dans un instant jusqu'à la dernière, qui se sépare de la rangée, sans qu'on s'aperçoive que les autres se soient remuées. Et même celle qui a frappé demeure immobile avec elles. Où l'on voit un passage de mouvement d'une extrême vitesse et qui est d'autant plus grande que la matière des boules est d'une plus grande dureté. Mais il est encore constant que ce progrès de mouvement n'est pas momentané, mais successif, et qu'ainsi il y faut du temps. Car si le mouvement, ou si l'on veut, l'inclination au mouvement ne passait pas successivement par toutes ces boules, elles l'acquerraient toutes en même temps, et par conséquent elles avanceraient toutes ensemble, ce qui n'arrive point mais la dernière quitte toute la rangée, et acquiert la vitesse de celle qu'on a poussée.

Or pour appliquer cette sorte de mouvement à celui qui produit la lumière, rien n'empêche que nous n'estimions les particules de l'éther être d'une matière si approchante de la dureté parfaite et d'un ressort si prompt que nous voulons.

Mais quand nous ignorerions la vraie cause du ressort, nous voyons toujours qu'il y a beaucoup de corps qui ont cette propriété; et ainsi il n'y a rien d'étrange de la supposer aussi dans des petits corps invisibles comme ceux de l'éther ». ( (Huygens, Traité de la lumière, chapitre I, 1690.).

Huygens eut à soutenir durant son séjour à Paris des discussions de priorité avec l'abbé Hautefeuille relativement à l'invention du ressort spiral dont il avait surmonté le balancier des montres ordinaires. On se rappelle encore la querelle que lui fit un de ses compatriotes Hartsoeker, qu'il avait lui-même amené à Paris, sur l'observation de animalcules qu'on aperçoit dans certains liquides. On n'a pas oublié non plus qu'il se vengea noblement de son irascible adversaire, en avouant que dans une publication faite dans un Journal, on avait eu tort de ne point nommer Hartsoeker, et de ne pas proclamer ses droits à la découverte qu'il réclamait.

[3] Le 8 juillet 1695, selon Lebon.
Le Cosmotheoros, ouvrage dans le genre des Dialogues de Fontenelle, ou peut-être davantage encore dans celui du Songe de Kepler, offre plusieurs chapitres qui prétendent à de justes critiques, ceux entre autres où Huygens nous parle des connaissances musicales des habitants des planètes.
Nous dirons à regret, en terminant cette esquisse de la vie de Huygens, que dans un de ses voyages à Paris, il connut Ninon de Lenclos, et lui adressa des vers peu irréprochables sous le rapport de la pensée et de la forme. Voltaire a eu la malice de nous les conserver, et ils sont souvent cités par ceux qui prétendent établir l'incompatibilité du génie en matière de sciences et du talent poétique. Une telle conclusion, il faut l'avouer, est peu logique lorsqu'elle a pour base quatre mauvaises rimes mises en balance avec ce que l'esprit humain a produit de plus ingénieux. (Arago, c, 1850).

Voici l'indication des principales découvertes de Huygens avec leur date :

1655 - Huygens découvre un satellite de Saturne, et ne cherche pas les autres parce qu'il était persuadé, opinion bizarre chez un si grand homme, que le nombre des satellites ne pouvait pas être supérieur au nombre des planètes principal, et qu'après la découverte du nouveau satellite le système solaire était complet, ou composé de six planètes et de six satellites.

1656 - Découverte de la nébuleuse d'Orion.

1657- Application du pendule aux horloges.

1659 - Publication du Systema Saturnium.

1665 - Application du ressort spiral aux balanciers des montres.

1690 - Publication du Traité sur la lumière.

Le Cosmotheoros (sive de terris coelestibus earumque ornatu conjecture), publié en 1698, après la mort de son auteur, renferme une comparaison optique de l'éclat du Soleil à celui de Sirius [Grand Chien].

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