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Les Agrumes
Oranger, citronnier, pamplemoussier, etc.
le genre Citrus
On donne le nom d'agrumes aux fruits produits par les arbres et arbrisseaux des genres Citrus, Poncirus (Citronnier épineux), Fortunella (F. japonica; F. margarita), Limonia, Microcitrus, Citropsis et Triphasia. On se contentera de ne parler ici que des plus courants, qui sont tous du genre Citrus : orangers, citronniers, pamplemoussiers, madariniers, bigaradiers, etc. Ce sont plantes Dicotylédones- dialypétales, hypogynes, de la tribu des Aurantiées ou Citrées, famille des Rutacées. Elles sont presque toutes originaires des régions tropicales de l'Inde, de la Chine et des archipels océaniens, seul le pomélo provient d'Amérique centrale. Aujourd'hui, les agrumes sont cultivés dans toutes les régions chaudes du globe pour leurs feuilles, leurs fleurs et leurs fruits.

Les espèces du genre Citrus sont des arbres de moyenne taille à feuilles alternes, tige- ligneuse; fleurs terminales, solitaires ou en grappe, à calice urcéolé; corolle à 5-8 pétales; 20-60 étamines; anthères-biloculaires; ovaire multiloculaire; fruit charnu, indéhiscent, à épicarpe glanduleux, mésocarpe spongieux, endocarpe à vésicules spongieuses dont la pulpe contient un suc plus on moins sucré et acide; l'écorce du fruit, les feuilles et plusieurs autres parties contiennent des vésicules d'huile essentielle d'une odeur suave, tonique, excitante et employée surtout en parfumerie. 

Les principaux agrumes

Le Bigaradier (Citrus Aurantium).
Le Bigaradier est un des types du genre Citronnier-oranger, désigné par Poiteau et Risso sous le nom de Citrus bigaradia (C. vulgaris); il se distingue par ses rameaux épineux, ses feuilles elliptiques et son fruit, la bigarade, de moyenne grosseur, à surface tourmentée, un peu rude, rouge orangé foncé, présentant une écorce amère et odorante, un suc acide amer. Les bigaradiers se cultivent plutôt pour leurs feuilles et pour leurs fleurs, dont on fait l'essence de néroli, l'eau de fleurs d'oranger, etc.; mais leurs fruits servent aussi à préparer, dans les espèces naines ou lorsqu'ils sont très jeunes (petits grains ou orangettes), les chinois confits, et, un peu avant leur maturité, l'écorce d'oranges amères.  Parmi la trentaine de variétés connues de Bigaradiers, citons :  C. a. asperma, C. a. bizarria, C. a. corniculata, C. b. crispifolia, C. a. hispanica, C. a. myrtifolia, C. a. sinensis, etc.

Tige d'oranger.
Tige florifère de Bigaradier (Citrus aurantium).

Le Bigaradier franc, originaire de la Chine et de l'Inde, se cultive particulièrement en Andalousie, d'où l'écorce des bigarades est envoyée  aux Pays-Bas pour y fabriquer la liqueur connue sous le nom de curaçao. Les fleurs de cette variété sont fort recherchées pour la préparation l'eau distillée et d'huile essentielle. Le Bigaradier chinois a les fruits petits. On les cueille d'ordinaire avant leur maturité pour les faire confire au sucre. Le Bigaradier bizarrerie est une des curiosités végétales les plus extraordinaires. Il porte sur le même individu jusqu'à cinq sortes de fruits : cédrats, oranges, bigarades et des fruits mélangés moitié cédrat, moitié orange. Cette variété a été découverte en 1644 par un jardinier de Florence, qui la multiplia par la greffe. Le Bigaradier à fruit corniculé, a des fleurs grandes, très odorantes, un fruit arrondi, plus large au sommet qu'à la base, et qui est muni latéralement d'appendices en forme de cornes; son écorce est rugueuse, d'un jaune rougeâtre; pulpe jaune, acide, peu amère.

Le Citronnier (Citrus limon). 
Cet arbuste, que l'on appelle également Limonier et que plusieurs auteurs ont pu considérer comme une simple variété du Citrus Aurantium ou Bigaradier, est originaire, pense-t-on, du nord-ouest de l'Inde. Il croît en tout cas spontanément dans la partie de l'Inde située au delà du Gange, d'où il a été successivement répandu, par les Arabes, dans toutes les contrées qu'ils soumirent à leur domination. Les Croisés le trouvèrent en Syrie et en Palestine vers la fin du XIe siècle et le rapportèrent en Sicile et en Italie. Il se répandit dans le reste de l'Europe vers la fin du XVe siècle. Il est abondamment cultivé dans toute la région méditerranéenne, ainsi qu'aux Canaries et aux Açores. Sa hauteur ne dépasse pas ordinairement trois on quatre mètres. Ses jeunes pousses et ses bourgeons sont d'un pourpre rougeâtre. Les feuilles, ovales-aiguës, sont souvent accompagnées, à leur aisselle, d'épines aiguës. Les fleurs, assez longuement pédonculées, sont blanches en dedans et plus ou moins teintées, en dehors, de pourpre vineux ou rosé. Ses fruits, bien connus sous le noms de citrons ou limons, sont ovoïdes et terminés supérieurement par un mamelon conique.

Le Bergamotier (Citrus bergamia). 
 Le Bergamotier ordinaire a été désigné sous le nom de Citrus bergamia vulgaris, par Risso et Poiteau. On nomme bergamotes les fruits qu'il produit (à ne pas confondre avec la variété de poires du même nom). C'est un arbre à rameaux menus ou munis d'épines courtes. Ses feuilles, à pétioles quelquefois ailés, sont oblongues, dentées, acuminées, obtuses; ses fleurs, petites, très odorantes, ont 30 étamines; ses fruits d'un jaune pâle, à vésicules concaves, sont souvent en forme de poire; leur pulpe est un peu acide et d'un goût très agréable. Il y a plusieurs variétés de Bergamotier, entre autres celle à fruit rugueux, celle à petit fruit, puis la mellarosse, et enfin la mellarose à fleurs doubles. L'écorce de la bergamote est douée d'une odeur particulière, mais très agréable. On en extrait, ainsi que des fleurs, une huile essentielle, qu'on nomme huile de bergamote, qui entre dans une foule de préparations de parfumerie. L'écorce vidée et séchée sert aussi à faire de petites boîtes qui conservent très longtemps leur parfum. 

Le Limettier (Citrus limetta).
Très proche du Bergamotier, le Limettier est  un arbre à rameaux épineux probablement originaire de l'Inde et cultivé dans toute la région méditerranéenne. Ses fruits, appelés limettes ou limes, sont ovales, arrondis et terminés par un mamelon; ils contiennent tous une écorce jaune pâle, une pulpe aqueuse douceâtre, d'une saveur assez agréable, quoique plus on moins amère. On en extrait une essence dite essence de Limette, qui est analogue à celle qu'on retire du fruit du Bergamotier.

Le Cédratier (Citrus medica). 
Le Cédratier est un arbuste, considéré aujourd'hui comme une espèce distincte, mais dans lequel on a aussi vu, dans le passé, une variété du Citronnier proprement dit (Citrus limonum Risso). On l'appelle également Citronnier des Juifs. C'est le Citrus Cedra de J.-B. Ferrarius (Hespérides, 1646, tab. 59, 64, 63), le Citrus medica Cedra de G. Gallesio (Traité du Citrus, 1814, p. 87), et très probablement la véritable Pomme de Médie des Anciens. On le croit originaire de l'Inde, d'où sa culture se serait répandue de très bonne heure dans l'Asie occidentale, surtout en Mésopotamie, en Médie et en Perse ( A. De Candolle, Origine des Plantes cultivées, 1883, p. 443). Passé de là en Grèce, en Italie (vers le IIIe ou IVe siècle de notre ère), puis en Sicile, en Sardaigne et en Corse, il est maintenant naturalisé dans beaucoup de localités de la région méditerranéenne. On le cultive également aux Açores et à Madère. Il diffère du Citronnier proprement dit par ses feuilles plus grandes, elliptiques, peu ou point acuminées, souvent même échancrées au sommet et par ses fruits plus gros, inégalement rugueux ou mamelonnés à la surface, avec des sillons longitudinaux et transversaux plus ou moins profonds. Ces fruits, bien connus sous le nom de cédrats, ont une écorce épaisse et résistante, qui sert à la préparation de conserves sucrées très estimées. On en extrait une huile essentielle à odeur suave, dite Essence de Cédrat, très employée en parfumerie. Leur pulpe verdâtre, relativement peu abondante, a une saveur douce, légèrement acidulée. 

Le Pamplemoussier (Citrus maxima) et le Pomelo (Citrus paradisi). 
On nomme Pamplemoussier (Citrus maxima) une variété d'arbres souvent épineux à feuilles coriaces, épaisses, portées sur de longs pétioles, très dilatés; à fleurs très grandes; fruits, qui atteignent de très grosses dimensions, arrondis ou en forme de poire, coloriés d'un jaune pâle et présentant une écorce lisse à vésicules planes ou convexes; la pulpe, légèrement verdâtre, est peu abondante et sapide. Le Pamplemoussier s'élève quelquefois à la hauteur de 8 mètres; il est originaire de l'Inde, et fut transporté en Amérique par le capitaine Shaddock, d'où lui est venu aussi le nom de Schaddeck donné au Pamplemousse outre-Atlantique. Le nom de Pamplemousse est également donné couramment  mais improprement à un autre fruit, qu'il convient d'appeler Pomélo, et qui est produit par le Citrus paradisi. C'est l'hybride naturel du Pamplemoussier et de l'Oranger, et c'est celui-là que l'on trouve ordinairement sur les marchés.

L'Oranger (Citrus sinensis).
L'Oranger proprement dit, qui fournit les oranges douces, est sans doute l'agrume le plus important. D'un point de vue strictement botanique, il est très proche du Bigaradier, et seules les distinguent leurs saveurs du fruit, douce pour l'Oranger, amère pour le Bigaradier. Les orangers se distinguent plus nettement des citronniers, cédratiers, limettiers, etc., par leurs fleurs entièrement blanches, leur fruit jamais allongé, sans mamelon au sommet, à peau peu ou point bosselée, médiocrement adhérente avec la partie juteuse, et des Pamplemousses par l'absence complète de poils sur les jeunes pousses et sur les feuilles, par un fruit moins gros, de forme sphérique et de peau moins épaisse. 

L'oranger à fruit doux croît spontanément dans les provinces méridionales de la Chine, à Amboine (Indonésie), aux îles Marianes, et dans la plupart des autres îles de l'Océan Pacifique. On attribue généralement son introduction en Europe aux Portugais. Gallesio avance, toutefois, que cet arbre a été introduit de l'Arabie dans la Grèce et dans les îles de la Mer Egée, d'où il a été transporté dans toute l'Italie

Les variétés d'Oranger sont nombreuses. Un jardinier du roi de Naples en avait dressé une monographie qui n'en comprenait pas moins de 250, toutes parfaitement distinctes. Parmi celles qu'on cultive pour leurs fruits (orangers proprement dits), citons : l'Oranger de Nice (C. s. nicensis), très productif, dont les fruits sont fort gros et à pulpe d'un jaune foncé; l'O. de Gênes (C, s. genuensis), à fruits de moyenne grosseur et ronds, à la chair rougeâtre; l'O. de Malte (C. s. melitensis), à fruits gros, de peau et de chair rougeâtres; l'O. de Majorque ou du Portugal (C. s. balearica), à fruits moyens, de peau mince, jaune et lisse; l'O. de Jéricho (C. s. hierochuntica), a fruits ronds, de peau jaune et de chair très rouge; le C. s. asperma, aux fruits petits, ronds, sans pépins, de chair rouge, comestibles longtemps avant que la peau ait jauni; le C. s. limonoformis; le C. s. duplex, etc. 

Le mandarinier (Citrus reticulata). 
Le Mandarinier, ou Oranger des Mandarins, était autrefois considéré comme une variété d'Oranger. Son fruit, la mandarine a, elle, une saveur propre, qui, de fait, se rapproche de celle de l'orange douce, mais elle est plus petite, bosselée à la surface et déprimée en dessus; de plus sa peau, peu épaisse, est d'odeur forte, sa chair a presque toujours un aspect sanguinolent. La clémentine est un hybride de mandarine et d'orange.

Caractères généraux des agrumes

Les agrumes, dont on prendra pour type l'Oranger, sont des arbres ou des arbrisseaux, souvent épineux, à feuilles composées, parfois trifoliolées, plus souvent unifoliolées, entières ou crénelées, coriaces et portées par un pétiole ailé, à fleurs blanches, douées d'une odeur suave, axillaires, solitaires ou réunies en cymes. Le calice est cupuliforme ou urcéolé, à 3-5 divisions; la corolle est composée de 4-8 pétales linéaires, oblongs; imbriqués, généralement sessiles, charnus et l'androcées d'étamines en nombre indéfini, à filets unis entre eux dans une étendue variable, en faisceaux inégaux (polyadelphie inégale), et portant des anthères oblongues, biloculaires, déhiscentes par des fentes longitudinales. Le gynécée est formé d'un ovaire libre, entouré à sa base d'un disque annulaire ou cupuliforme et surmonté d'un style cylindrique, terminé par une tête stigmatifère lobée. L'ovaire est multiloculaire, et dans l'angle interne de chaque loge s'insèrent 4-8 ovules descendants, anatropes, disposés sur deux séries. Le fruit est une baie multiloculaire (hespéridie), globuleuse, parfois déprimée, dont le péricarpe, peu épais, est composé de trois couches. L'extérieure (épicarpe), de couleur jaune plus ou moins foncée est odorante : ce qu'elle doit aux nombreux réservoirs d'essence dont elle est criblée. La moyenne (mésocarpe) est blanche, molle et spongieuse, en général inodore et sans saveur. L'intérieure (endocarpe), habituellement réduite à une mince membrane translucide, tapisse la paroi convexe du fruit et s'enfonce jusqu'au centre en formant des lames verticales rayonnantes, qui séparent les unes des autres les loges ou quartiers. La pulpe succulente, sapide, qui remplit ces quartiers, ne fait pas partie du péricarpe primitif, c'est une formation cellulaire, qui prend naissance à la surface interne de l'endocarpe : les cellules, d'après Baillon, s'allongent en dirigeant leur sommet vers le centre jusqu'à la rencontre des placentas chargés d'ovules ou de jeunes graines, en formant autant de tubes, qui se déforment par compression réciproque et dans l'intérieur desquels se produit le liquide acidulé ou sucré.

Les graines restent toujours en dehors des cellules en question et ne leur adhèrent pas. Ordinairement peu nombreuses, elles sont pourvues de téguments -glabres, dont l'intérieur est parcheminé et résistant, et renferment un ou plusieurs embryons charnus, sans albumen. L'écorce odorante des oranges s'appelle encore peau ou zeste.
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a.- fleur d'oranger (coupe longitudinale);
b. - graine; c et d. - embryons.
L'histoire des agrumes

L'Oranger n'a été acclimaté dans le bassin de la Méditerranée et même dans l'Asie occidentale qu'à une époque relativement récente. Il était complètement inconnu aux Grecs et aux Romains. Le mythe du jardin des Hespérides peut concerner, en effet, le fruit d'une Citrée quelconque, le citron par exemple, qui est mentionné pour la première fois par Théophraste, au IIIe siècle av. J.-C., sous le nom de pomme de Médée (ou de Médie?); il est loisible, en outre, étant donnée l'imagination fertile des Anciens, de la placer où l'on veut, en Mésopotamie aussi bien que sur la côte d'Afrique. Gallesio, qui est l'auteur, ainsi que Risso, de remarquables travaux sur les Citrées, présumait même que l'Oranger n'était pas cultivé dans la partie occidentale de l'Inde au temps de Diodore de Sicile, de Néarque et d'Arrien, car il a étudié à ce point de vue leurs ouvrages et leurs relations, et il n'y est fait nulle part mention de cet arbre. Cependant, le sanscrit avait un nom pour l'orange, nagrunga, dont les Hindous ont fait narondj, les Arabes narounj, les Espagnols naranja, et qui serait devenu, au Moyen âge, le latin arancium, puis aurantium. Mais ce nom s'applique à peu près sûrement au Bigaradier, à l'oranger à fruits amers, et c'est lui qu'ont connu le premier les Arabes, importateurs des Orangers vers l'Occident. Originaire de la région orientale de l'Inde, peut-être aussi de l'Asie du Sud-Est (Péninsule indochinoise) et de la Chine méridionale, le Bigaradier se serait répandu, depuis les Romains, du côté du golfe Persique et, à la fin du IXe siècle, en Arabie, par l'Oman, l'Irak à partir de Bassorah, et la Syrie.  Les Croisés le virent en Palestine et, dès 1002 on le cultivait en Sicile, probablement à la suite des incursions des Arabes. Ceux-ci l'introduisirent en Espagne et vraisemblablement aussi dans l'Afrique orientale, ou les Portugais le trouvèrent établi lorsqu'en 1498 ils doublèrent le Cap. 

L'Oranger proprement dit, l'oranger à fruit doux, est d'importation encore plus récente. Originaire de la Péninsule indochinoise et de la Chine méridionale, où, à une époque lointaine, serait survenue, d'après une hypothèse assez plausible, une dérivation, soigneusement propagée, du Bigaradier en Oranger doux, il s'est répandu d'abord, par l'effet des semis, dans la région de l'Inde, peut-être vers le commencement de l'ère chrétienne; il a gagné ensuite l'Occident, par des migrations vraisemblablement analogues à celles du Bigaradier, mais postérieures de 400 ou 500 ans, car jusqu'au commencement du XVe siècle les ouvrages arabes et les chroniques ne parlent que d'oranges amères ou aigres. La date approximative de son introduction en Europe se place donc aux environs de 1400 et, dès les premières années du XVIe siècle, une foule d'écrivains parlent de l'orange douce comme d'un fruit couramment cultivé en Espagne et en Italie. Bientôt toutes les contrées que baigne la Méditerranée en produisirent. En 1566, les plantations d'Orangers d'Hyères présentaient l'aspect d'une véritable forêt; Fréjus, Aix-en-Provence, Marseille, puis la Corse et la Sardaigne en eurent à leur tour, et vers 1650 on voyait à Perpignan deux longues lignes d'Orangers séculaires, qui ombrageaient une large rue. 

Dans le Nord de la France, il n'a existé, pendant longtemps, qu'un seul oranger, et encore était-ce un bigaradier non greffé : semé à Pampelune, en 1421, il avait été transporté, déjà grand, à Chantilly, puis à Fontainebleau, et, de là, en 1684, à Versailles, baptisé successivement des noms de Grand Connétable, Grand Bourbon et François ler. Louis XIV en fit venir et planter d'autres, et, comme il s'en montrait admirateur passionné, l'oranger devint en vogue pour l'ornementation des grands jardins à la Le Nôtre; on les y alignait, ainsi qu'on le fait encore aujourd'hui, de chaque côté des allées principales, dans des caisses, et, pour les préserver des rigueurs de l'hiver, on leur construisit des serres monumentales, appelées orangeries. En Amérique, on signale l'Oranger un siècle à peine après la conquête et, maintenant, il en existe des bois jusque dans le Sud des États-Unis. Quant au Mandarinier, qui paraît avoir pour patrie la Péninsule indochinoise et quelques provinces de la Chine, Rumph l'a rencontré, au milieu du XVIIe siècle, dans toutes les îles de la Sonde (Indonésie); mais sa culture ne s'était pas encore répandue en Inde, où elle a pris, depuis, une grande extension dans le district de Khassia, et, au commencement du XIXe siècle, elle était toute nouvelle dans les jardins d'Europe.

L'arboriculture des agrumes

On cultive l'Oranger en pleine terre ou en caisse. En pleine terre, il n'est pas exigeant sur la nature du sol, pourvu que celui-ci soit frais, bien drainé, ou, s'il est perméable, suffisamment irrigué. Il lui faut, par contre, un climat chaud et de préférence maritime; sans longues sécheresses et sans hivers rigoureux : le littoral de la Méditerranée, en Europe et en Algérie, lui convient, à cet égard, tout particulièrement. Pourtant, on a vu, en Provence, les orangers geler, mais jamais assez complètement pour qu'ils ne puissent être rabattus sur les branches principales et rétablis en peu d'années par la vigueur naturelle de leur végétation. Abandonné à lui-même, l'oranger peut atteindre en France une dizaine de mètres de hauteur et il ne donne son maximum de production que vers l'âge de quinze ans; il porte alors un nombre considérable de fruits. Par la greffe, on le fait produire beaucoup plus tôt et, si on le taille de telle sorte qu'il ne dépasse pas 3 m, on a moins de fruits, mais ils sont plus beaux et bien plus savoureux. La multiplication des orangers se fait quelquefois encore par marcottes ou par boutures; mais le procédé qui est aujourd'hui le plus généralement employé est la greffe en écusson ou en fente sur des sujets obtenus de semis : graines d'oranges douces, d'oranges amères ou de citrons. Longtemps la préférence a été donnée à ces dernières; mais il semble qu'il faille l'accorder aux secondes. On s'est souvent demandé, à ce propos, si les oranges douces donnent, quand on les sème, des oranges douces, les bigarades des oranges amères: Gallesio, qui a fait en Europe de nombreuses expériences, est absolument affirmatif; Mac-Fadyen a, au contraire, vu fréquemment, à la Jamaïque, des graines d'oranges douces produire des arbres à fruits amers, mais jamais l'inverse; cette différence de résultats tiendrait à la nature du sol. Quoi qu'il en soit, les semis de bigaradier et de citronnier sont ceux qui réussissent le mieux; il n'y a, du reste, que trois ou quatre variétés d'oranges douces qui se reproduisent franches de pied par le semis de leurs pépins

On donne aux jeunes plants les soins et on fait les repiquages ordinaires. On greffe à deux ou trois ans. Il n'est besoin ensuite d'autres soins que ceux donnés aux arbres fruitiers en plein vent : on supprime le bois mort et on élague les branches chiffonnes de l'intérieur. D'après la destination des fruits, on, en fait en général trois récoltes. La première a lieu en fin d'octobre, alors qu'ils ne sont pas encore bien mûrs : on peut à ce moment leur faire supporter, sans inconvénients, de longs voyages; la seconde se fait en décembre, quand, presque mûrs, ils sont encore en état de voyager; la troisième au printemps, quand ils sont tout à fait mûrs mais ils ne peuvent plus alors se conserver au delà de quelques jours et doivent être consommés sur place.

Les fleurs sont récoltées surtout sur le bigaradier. La floraison commence vers la cinquième année; elle est à son maximum d'intensité vers la quarantième année. La récolte a lieu tous les jours, même deux fois par jour; on ne laisse d'ailleurs pas porter fruit aux arbres cultivés pour leurs fleurs. Un bigaradier donne en moyenne 40 kilogrammes de fleurs par an, un oranger véritable à peine la moitié. De même un bigaradier produit en moyenne 4000 fruits, un oranger 3000. 

En caisse ou en pot, on installe l'oranger dans un sol meuble et enrichi de terreau sur un bon drainage; chaque année on renouvelle la couche superficielle dans les récipients. La recette de ce terreau a été longtemps très compliquée et le chef de chaque orangerie en faisait un secret. On a reconnu l'inutilité de ces préparations et, depuis plus de 150 ans, on n'emploie plus qu'un mélange à parties égales de bonne terre légère de jardin et de terreau de couches rompues. Au printemps et en été, on arrose fréquemment et on bassine le feuillage avec une pompe; de bas en haut. Dès le mois de septembre on diminue l'arrosage. Du milieu d'octobre au milieu de mai (à Paris), on rentre l'arbre dans une serre qu'on chauffe tout juste pour qu'il ne gèle pas et on ne lui donne plus que la quantité d'eau strictement nécessaire pour l'empêcher de mourir de soif.

Quand le jeune oranger a son feuillage qui jaunit et tombe, il faut le dépoter à nu, le débarrasser de toute l'ancienne terre adhérente aux racines; le planter dans du terreau pur, sur une couche tiède ou sourde, et lorsqu'il est rétabli; le replacer, dans une caisse pleine de nouvelle terre. On doit renouveler aussi de temps en temps la terre des grands orangers, qu'on cultive, à cet effet, dans des caisses dont les côtés s'ouvrent à charnière, comme les portes d'une armoire. On fait venir en général, les jeunes orangers du Midi; sous forme de plant prêt à recevoir la greffe ou greffé depuis un an. Lorsqu'on sème, on le fait dans un mélangé à parties égales de terreau de feuilles et de terre de bruyère, on conserve les pots enterrés dans le terreau d'une couche tiède, le premier et le second hiver, et on ne commence à les exposer tout à fait à l'air, l'été, qu'à 3 ou 4 ans.

On ne doit pas tailler les petits orangers; on taille les grands en mi-septembre, avant de les rentrer; on leur donne d'ordinaire une forme arrondie et régulière, soit en demi-sphère ou champignon, soit en cylindre à face supérieure bombée. Sous le climat de Paris, l'oranger n'est guère qu'un arbre d'ornement; il produit pourtant des fleurs. Les orangers des jardins publics et des grands parcs sont, du reste, en réalité, des bigaradiers. Quant aux orangers nains, à feuilles de myrte, ou orangers de la Chine, ce sont surtout des plantes d'appartement, qu'on tient en jardinière ou en pot, dans une chambre pas trop chauffée, et qui produisent de jolies petites oranges minuscules; celles-ci sont toutes disposées à pulluler, mais elles épuisent la plante et il faut n'en conserver que quelques-unes, si l'on veut qu'elle fleurisse convenablement chaque année.

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