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Théophraste
(372-287 av. J.-C.) est un naturaliste et philosophe
grec né à Eresos dans l'île de Lesbos,
qu'il délivra deux fois, dit-on, du joug des tyrans. Il était
fils d'un foulon nommé Mélanthas, et son véritable
nom était Tyrtame. Théophraste n'est qu'un surnom
que lui donna Aristote, à cause de l'élégance de son
élocution, et qui signifie homme au langage divin.
Disciple à Lesbos de Leucippe ou Alcippe, il vint très jeune à Athènes. Il y suivit d'abord les leçons de Platon, puis celles d'Aristote, de 14 ans son aîné, dont il ne tarda pas à devenir l'élève le plus brillant, et par la suite l'ami le plus dévoué. Lorsque Aristote, persécuté dans Athènes, résolut de se retirer à Chalcis, ce fut Théophraste qu'il choisit pour disposer de sa bibliothèque et lui succéder au Lycée qu'il gouverna pendant trente-cinq ans. L'école péripatéticienne prospéra tellement entre les mains de son nouveau chef, que ses leçons, à en croire Diogène Laërce, réunirent souvent jusqu'à deux mille auditeurs. La persécution à laquelle Aristote s'était soustrait par la retraite, ne pouvait manquer d'atteindre son successeur. Il fut accusé d'impiété pour avoir proclamé la Fortune maîtresse du monde, mais les accusations portées contre lui soulevèrent une indignation si générale, qu'elles retombèrent sur l'accusateur, que le philosophe eut la générosité de protéger contre le ressentiment des Athéniens. Plus tard, il dut quitter Athènes quand fut portée la loi qui défendait, sous peine de mort, d'enseigner la philosophie sans autorisation; mais, l'année suivante, la loi fut rapportée, et le professeur reparut au milieu de ses élèves, plus empressés que jamais de recueillir ses savantes leçons. Comme professeur, il fut remarquable par son érudition, par sa science et le charme de son langage. Après son maître Aristote, il enseignait, avec un égal succès, la rhétorique et la philosophie. Il écrivit beaucoup : Diogène Laërce cite près de 240 ouvrages, dont quelques-uns fort étendus, qui portaient sur la rhétorique et la poétique, la logique, la métaphysique, la physique et la psychologie, la botanique, la zoologie et la physiologie, sur la morale et la politique, sur l'histoire des sciences et de la philosophie. On sait qu'il a traité dans ses ouvrages des Pierres, des Vents, des Signes du beau temps, du Feu, des Poissons, le Vertige, de la Lassitude, de la Sueur, des Odeurs. Théophraste avait encore écrit des recueils de lois, une histoire religieuse, une histoire de la géométrie, etc. Son oeuvre, comme
celle du maître, suppose en fait l'ensemble des études qui
restèrent en honneur dans l'école péripatéticienne.
Mais de cette oeuvre n'ont survécu au temps que les Recherches
sur les plantes, Peri phytôn historiai (où l'on
trouve le germe du système sexuel), les Causes des plantes
(ou de la végétation), Peri phytôn aitiôn,
les Caractères, Ethikoi karaktêres ( recueil
de portraits moraux: c'est le plus célèbre de tous ses ouvrages;
il a servi de modèle aux Caractères Dépourvu d'ambition,
fuyant les honneurs et le pouvoir, il n'exerça aucune fonction publique,
quoiqu'il fût le maître et l'ami de Démétrius
de Phalère, qui gouverna longtemps Athènes; il repoussa
les largesses de Ptolémée, fils
de Lagus, qui cherchait à l'attirer en Égypte,
et n'accepta de Cassandre, roi de Macédoine,
que les marques de sa considération et de son estime. La vie de
cet homme célèbre fut donc tout entière appliquée
à la philosophie pratique, à l'étude, à l'enseignement,
à la composition de ses nombreux ouvrages.
« Il ne se voit rien, dit Labruyère, où le goût antique se fasse mieux sentir, et où l'élégance grecque éclate davantage. »On comprend combien les hautes théories de la science devaient gagner à être exprimées dans un tel langage, et qu'en unissant à la profondeur des vues et des pensées un style plein de grâce et d'euphonie, d'expression et de chaleur, Théophraste ait mérité le titre que Cicéron se plut à lui décerner, « du plus élégant et du plus érudit des philosophes . » Il mourut à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. Théophraste, naturalisteC'est surtout comme observateur de la nature ou de l'humain et comme historien que Théophraste occupe une place très voisine d'Aristote. Il y a un grand nombre d'observations personnelles ou vérifiées dans l'Histoire, où il distingue les plantes![]() L'Histoire des
plantes.
Théophraste n'avait voyagé que dans la Grèce et l'Asie Mineure; aussi, bien qu'il décrive avec assez de soin les plantes des contrées qu'il avait parcourues et que par conséquent il avait observées lui-même, il parle avec moins d'exactitude des plantes de l'Inde, de l'Éthiopie et de l'Égypte, à la vérité en petit nombre, qu'il ne connut que par les récits des marchands, des voyageurs ou des naturalistes qui avaient suivi les expéditions d'Alexandre. Il n'établit qu'une classification
assez vague parmi les végétaux Il examine, dans des chapitres séparés, les plantes aquatiques, potagères, parasites, succulentes, oléagineuses et céréales. Il ne décrit pas toutes celles qu'il nomme, mais, lorsqu'il s'attache à le faire, il les envisage sous les divers rapports de leur génération, de leur grandeur, de leur consistance, et cette description est si complète qu'elle ne laisse rien à désirer. Il se montre parfois trop crédule, relativement à leurs propriétés médicales, mais il faut dire qu'écrivant en botaniste plutôt qu'en médecin, il attachait peu d'importance à cette dernière considération. Dans le neuvième livre, il parle des sucs, des résines, des larmes, des baumes, des parfums, de quelques médicaments très actifs et de certains poisons tirés des végétaux. Le fragment du dixième livre traite des racines médicamenteuses. L'Histoire des plantes est surtout remarquable par le nombre et la variété des notions qu'elle renferme; c'est le premier monument et le plus étendu que nous ait légué l'Antiquité sur l'étude du règne végétal. Les causes de
la végétation.
Poursuivant les idées d'Aristote
qui voyait entre les plantes et les animaux une analogie frappante, Théophraste
établit que les uns et les autres sont soumis aux mêmes lois
relativement à l'organisation, au développement, à
la nutrition La reproduction a lieu par l'union intime
des sexes Les fruits Une fois la fécondation Il compare la racine à l'estomac Théophraste distingue les tiges ascendantes des tiges rampantes, et les feuilles séminales des feuilles caulinaires. Il sait que certaines plantes lèvent avec deux feuilles séminales et d'autres avec une seule. Les feuilles L'écorce est analogue à la
peau chez les animaux. Il y en a de deux sortes : l'une est l'épiderme,
qui, dans les plantes herbacées, recouvre un tissu cellulaire plus
ou moins épais et succulent; l'autre est l'écorce, proprement
dite, qui enveloppe les végétaux ligneux. Elle élabore
les sucs nutritifs et contribue puissamment à la régénération
des arbres; cependant il en est quelques-uns, comme le liège, qui
peuvent perdre leur écorce sans inconvénient. Celle du cerisier
se régénère rapidement, celle de la vigne est composée
de fibres sans parenchyme L'organisation générale de la plante se compose de tubes capillaires, fibreux, propres à l'absorption des sucs nutritifs. Ces vaisseaux sont isolés et ne peuvent se confondre entre eux. Les fibres ont une direction longitudinale et parallèle dans le pin et le sapin; dans le liège, elles se croisent dans tous les sens. On retrouve ces fibres jusque dans les fruits et dans les fleurs. La plante possède en outre des vaisseaux plus volumineux, analogues aux veines, qui servent à charrier la sève et les sucs propres à la nutrition. Le parenchyme est placé entre les fibres et les vaisseaux séveux. Il abonde dans le fruit, dans les organes charnus, mais il est également répandu dans toutes les parties de la plante. Le bois des hautes montagnes est plus compacte,
plus dur et d'un meilleur usage que celui des terrains marécageux.
La partie du bois la plus solide est celle qui touche à la moelle.
Cette substance importante remplit tout l'intérieur de la tige.
Le palmier Dans un dernier chapitre, il s'occupe des
maladies propres aux végétaux; elles ont pour cause l'intempérie
des saisons On pas frappé d'étonnement quand on voit un si grand nombre de faits nouveaux, tant de généralités lumineuses être le résultat des recherches et des conceptions d'un seul homme, car, hâtons-nous de le dire, Théophraste, loin de chercher à s'approprier les découvertes de ses prédécesseurs, a fait lui-même l'histoire des botanistes, des rhizotomes (= coupeurs de racines) qui l'avaient précédé, et a rapporté avec scrupule à chacun d'eux les observations qui leur étaient propres. Il faut donc regarder le philosophe d'Erèse comme le véritable créateur de la botanique, car avant lui l'étude des plantes n'avait eu pour objet que leur application à la médecine, et la science proprement dite n'existait pas. Héritier des doctrines et en quelque
sorte de la gloire d'Aristote, Théophraste poursuivit la tâche
que lui avait léguée son maître, et porta dans l'étude
du règne végétal la même lumière qu'Aristote
avait répandue sur l'histoire des animaux L'étude
de la nature dans d'autres ouvrages.
On a également de ce philosophe quelques traités relatifs à la physique, à la médecine, à la physiologie, à la métallurgie, aux météores, fragments épars qui ne permettent pas d'entrevoir s'ils se rattachent à quelque doctrine générale et qui ont été trop souvent défigurés par l'ignorance ou la maladresse des commentateurs. Théophraste philosophe et littérateurNous avons dit quels furent les titres de Théophraste comme naturaliste; mais l'idée que tant de travaux nous donnent d'un pareil génie serait incomplète, si nous n'y ajoutions quelques traits relatifs à ses autres écrits, ainsi qu'à sa personne. Disciple de Platon et successeur immédiat du chef de l'école péripatéticienne, Théophraste joue en même temps un rôle très éminent dans l'histoire de la philosophie. Il enseigna toutes les parties de la littérature, depuis la grammaire et la dialectique jusqu'à la métaphysique et à la poésie.En rhétorique,
il donnait, selon Cicéron, des préceptes
soignés; en logique, il commentait, comme l'a montré Prantl,
presque toutes les parties de l'Organon Appliquant à tous les sujets la rigueur, la lucidité de ses méthodes, il transforma en science d'observation la morale qui, jusqu'à lui, n'avait consisté qu'en préceptes et en apophtegmes; il réunit dans ses considérations morales la philosophie austère de Socrate et de Platon à l'atticisme de Diogène et d'Épicure, et c'est à son école que se forma l'ingénieux Ménandre qui, lui-même, devait servir de modèle à Térence. Les Caractères eux-mêmes, quelle que fût d'ailleurs la place de cette collection de portraits dans l'oeuvre de Théophraste, impliquent l'emploi de la même méthode, pour qui les considère en eux-mêmes et non dans l'originale imitation de La Bruyère. Méthode qui se retrouve encore dans ses fragments historiques, où il classait sur chaque question les opinions de ses prédécesseurs, de manière à fournir, comme l'a établi Diels, des documents aux biographes, aux auteurs des Successions des philosophes et de doxographies, en particulier à celui des Philosophomena attribués tantôt à Origène, tantôt à saint Hippolyte, à celui des Stromates du pseudo-Plutarque, à Diogène Laërce et à Stobée, à cet Aétius chez qui presque tous ont puisé et dont Diels a tenté de reconstituer les Placita. (P.-A. Cap / F. Picavet).
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