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Louis XIV |
Aperçu | La minorité de Louis XIV | Guerre et vanité | La faim et les cendres |
Louis XIV est un roi de France, surnommé le Grand, baptisé sous les noms de Louis-Dieudonné, né à Saint-Germain-en-Laye, le 5 septembre 1638, mort à Versailles, le 1er septembre 1715, fils aîné de Louis XIII et d'Anne d'Autriche. Il n'avait pas cinq ans lorsque la mort de son père l'appela au trône (14 mai 1643). En dépit du testament du feu roi, Anne d'Autriche se fit déclarer par le parlement « régente pour en avoir la pleine autorité », c.-à-d. sans être obligée de régler ses actes de gouvernement sur les décisions d'un conseil que la prudente méfiance de Louis XIII avait prétendu lui imposer. Elle s'empressa d'ailleurs d'échapper à la cabale de ses anciens amis, les Importants, pour accorder tout pouvoir sur l'Etat au cardinal Mazarin, désigné par Richelieu comme le plus capable de conduire à bien les affaires extérieures. Bien que le jeune roi ait été déclaré majeur aussitôt entré dans sa quatorzième année (1651), la première partie de son règne, jusqu'en 1661, se confond avec le ministère de Mazarin. La minorité de Louis XIV fut ainsi agitée au dedans par les troubles de la Fronde et signalée au dehors par des guerres avec l'empire et l'Espagne, qui ne furent terminées que par le traité conclu en 1649 avec l'empereur à Munster et par la paix des Pyrénées, conclue en 1659 avec l'Espagne. Par ce dernier traité, Louis XIV épousa l'infante Marie-Thérèse d'Autriche, fille du roi d'Espagne. Il n'est pas exact de prétendre que le cardinal Mazarin ait négligé l'éducation du roi, qui le considérait « comme un père » (Voltaire). Mais cette éducation ne fut pas «-livresque ». Le roi fut progressivement initié à la connaissance des humains, au maniement des affaires. Il sut à qui il pouvait se fier, quels intrigants et quels ambitieux il devait écarter. Son mariage avec l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse, par les droits ou prétentions qui devaient en découler (1659), avait comme fixé à l'avance l'orientation de sa politique extérieure. Mazarin avait d'ailleurs reconnu dans son royal élève « l'étoffe de deux rois et d'un honnête homme ». Le monarque absolu. « Monsieur, je vous ai fait assembler avec mes ministres et mes secrétaires d'Etat, pour vous dire que jusqu'à présent j'ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par M. le cardinal. Je serai à l'avenir mon premier ministre. Vous m'aiderez de vos conseils lorsque je vous les demanderai. Je vous prie, Monsieur le chancelier, de ne rien sceller que par mes ordres, et vous, mes secrétaires d'Etat, de ne rien faire que par mon commandement. »Ce ne furent pas de vaines paroles : la disgrâce et le procès criminel du surintendant Fouquet prouvèrent bientôt à tous que le nouveau maître ne le céderait à personne ni en vigueur de caractère, ni en lucidité d'esprit, ni en force de dissimulation. Mais il ne se contenta pas de gouverner par intermittence : « Je m'imposai pour loi, écrit-il lui-même, de travailler régulièrement deux fois par jour, et deux ou trois heures chaque fois, avec diverses personnes, sans compter les heures que je passais seul en particulier, ni le temps que je pourrais donner extraordinairement aux affaires extraordinaires s'il en survenait, n'y ayant pas un moment où il ne fût permis de m'en parler, pour peu qu'elles fussent pressées. »Ce gouvernement personnel, l'évolution de l'histoire de France depuis deux siècles environ en fit un gouvernement absolu et de droit divin. Louis XIV en expose ainsi les principes à son petit-fils : « La France est un Etat monarchique dans toute l'étendue de l'expression. Le roi y représente la nation entière, et chaque particulier ne représente qu'un seul individu envers le roi. Par conséquent, toute puissance, toute autorité résident dans les mains du roi, et il ne peut y en avoir d'autres dans le royaume que celles qu'il établit [...]. La nation ne fait pas corps en France; elle réside tout entière dans la personne du roi. »La propriété des biens fonciers ou même mobiliers ne dérive que d'une concession gracieuse du roi à ses sujets. « Tout ce qui est dans le royaume vous appartient au même titre - dit-il à son héritier présomptif - et l'argent de votre cassette, et celui que vous voulez bien laisser dans le commerce de vos sujets. »La puissance royale vient de Dieu, et ne dépend que de Dieu seul, sans nul intermédiaire, pas même le pape. « Celui qui a donné des rois aux hommes a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à lui seul d'examiner leur conduite. La volonté de Dieu est que quiconque est né sujet obéisse sans discernement. »Le for intérieur de la conscience religieuse n'est pas à l'abri des atteintes de cet universel despotisme qui valut à Louis XIV, de la part des Anglais et des Hollandais, le surnom de « Grand Turc très chrétien ». En théorie, et telle que Bossuet l'a doctrinalement décrite dans la Politique tirée de l'Écriture sainte, la monarchie de Louis XIV rappelle la monarchie de l'ancienne Perse, le Bas-Empire, les tsars, les sultans, mais avec beaucoup plus de raisonnements, d'argumentation politique et religieuse pour l'imposer, pour la faire valoir aux yeux d'une nation que son caractère et son histoire ne destinaient pas à la subir bien longtemps : surtout si la gloire, commune au roi et à la nation, venait à lui faire défaut. Aussi, en fait, l'absolutisme et la foi en l'absolutisme ont-ils, sous le règne de Louis XIV, suivi l'apogée ou le déclin de la force des armes, « qui sont journalières » (Mme de Sévigné). Mais l'orgueil du roi ne l'a jamais abandonné. Il était tel, dit le duc de Saint-Simon, que « sans la crainte du Diable que Dieu lui laissa jusque dans ses plus grands désordres, il se serait fait adorer et aurait trouvé des adorateurs ». Aucun souverain n'a réussi à faire passer aussi aisément, devant ses contemporains et devant certaine histoire, les scandales de sa vie privée et les excès de sa politique. Sa pleine et tranquille assurance pénétrait d'une majesté singulière ses actes et ses discours les plus insignifiants ou les plus ordinaires. « Il n'avait ni la grâce chevaleresque de François ler, ni la séduisante familiarité de Henri IV. »Mais il était toujours roi, à toute heure et dans les moindres choses : « jetant sa canne par la fenêtre pour n'en point frapper un gentilhomme, supportant avec une égale dignité la joie, la colère, la douleur physique même, échappant par cette inaltérable majesté aux faiblesses de la nature humaine, il fut parfois odieux sans jamais être ridicule » (Prévost-Paradol).Le développement de la cour, les minuties de l'étiquette, enfin la création de Versailles, ce temple de l'absolutisme, furent les conséquences naturelles de l'idée en quelque sorte religieuse que Louis XIV se fit de son pouvoir et de sa personne. Ce qui le met à part de la foule des despotes, c'est que, malgré sa vanité, il conserva le bon sens, la faculté « d'emprunter à autrui sans imitation et sans gêne », le tact et l'urbanité dans le choix et le maniement des gens : toutefois c'est aux recommandations suprêmes de Mazarin qu'il dut en partie, ne l'oublions pas, la collaboration des ministres éminents qui allaient former son premier conseil, entre autres le diplomate Hugues de Lionne et le financier, ou plutôt le ministre universel Jean-Baptiste Colbert. La vie privée de Narcisse. La vie de cour. La vie de cour se résumait en une série de rites d'adulation autour de la personne du roi, auxquels il se prêtait, de son lever à son coucher, avec une complaisance qui surprend et révulse en même temps. Les grands officiers de la cour étaient les grands prêtres de ce culte; d'innombrables auxiliaires les assistaient, jaloux de leurs fonctions minuscules, qui leur permettaient d'approcher de la personne sacrée. Le lever, avec ses grandes et petites entrées, les audiences, le service divin, les repas, l'appartement, le coucher, se tenaient, selon un cérémonial minutieux, ainsi que les chasses, les collations dans les jardins, les promenades sur l'eau, les bals, les représentations théâtrales dans ces beaux décors de Fontainebleau, de Marly ou de Versailles. Les satisfactions de vanité étaient le ressort principal de cette vie de cour, qui imposait, d'ailleurs, mille contraintes pénibles. Elle dressait à la dissimulation des sentiments les plus naturels. Le vrai courtisan, maître de son masque et de ses paroles, ne cherche qu'à plaire au roi par son attitude souriante et dégagée, par une flatterie spirituelle, par un raffinement inédit dans son empressement à servir. Le maître n'aime ni la fermeté, ni l'indépendance de caractère. Si séduisante qu'elle soit par ses dehors, la vie de cour a favorisé trop d'intrigants et n'a pas contribué à élever les âmes. Elle a aidé aussi au dérèglement des moeurs, en proposant aux meilleures familles de France, comme un but de vile ambition, l'exceptionnelle fortune des favorites du roi. Elle a développé, enfin, la passion du jeu avec toutes les dérives qui l'accompagnent. On jouait gros jeu à la cour, et si quelques habiles en vivaient. d'autres, plus nombreux, y dissipaient le patrimoine des ancêtres, base d'une légitime influence locale dont on ne savait plus le prix. Des affaires troubles, comme l'affaire des poisons, qui éclata au plus beau moment du règne, jettent un jour inquiétant sur les dessous d'une société si brillante. Cet attrait pour les devins, sorciers et magiciens, ces empoisonnements, ces avortements, révèlent, au moins dans certains milieux, un état de déséquilibre et de vertige. Si la Brinvilliers, la Voisin et leurs comparses n'eurent pas la clientèle étendue dont ils se réclamèrent et qui effara le lieutenant de police La Reynie, il subsistait dans le monde de la cour assez de ferments de scandales pour troubler un roi qui, malgré ses faiblesses, se souciait des apparences et détesta toujours la dépravation. La famille légitime. Il avait eu trois fils; le second, Philippe d'Anjou, monta en 1700 sur le trône d'Espagne, et le troisième, le duc de Berry, mourut en 1714. L'aîné, Louis, duc de Bourgogne, qui naquit en 1682 reçut l'éducation de son gouverneur, le duc de Beauvilliers, et de Fénelon, son précepteur. Il devint pieux, laborieux, attentif à ses devoirs jusqu'au scrupule. Peu doué pour la guerre, semble-t-il, il montra pour les affaires d'heureuses dispositions. Et lorsqu'il devint héritier présomptif par la mort de son père, il fut l'espoir de ce petit cercle d'esprits distingués qui rêvaient de revenir aux traditions aristocratiques de la royauté. Il épousa, en 1697, Marie-Adélaïde de Savoie, jeune femme charmante, qui fut une épouse parfaite et égaya beaucoup la vieillesse mélancolique du roi. L'un et l'autre moururent en 1712, à quelques jours de distance, d'une rougeole maligne. Ils ne laissaient qu'un fils, qui devait être Louis XV. -
Les favorites et les bâtards. Depuis 1666, elle était remplacée dans la faveur du roi par Athénaïs de Rochechouart, marquise de Montespan, qu'elle avait eu l'imprudence d'accueillir dans son intimité. La nouvelle favorite, qui appartenait à la haute noblesse, avait séduit le roi par son esprit et sa beauté hardie, qui contrastait avec la grâce un peu fragile de Louise de La Vallière. Sa liaison fut coupée d'orages où éclatait son caractère altier. Des nombreux enfants qu'elle eut, quatre survécurent Mlle de Nantes, mariée au duc de Bourbon; Mlle de Blois, mariée à Philippe d'Orléans; le duc du Maine et le comte de Toulouse. Louis XIV, au cours de ces liaisons, d'ailleurs coupées de passades, abandonna toute vergogne et donna un instant le scandale d'avoir, presque en même temps, des enfants de la reine et de deux maîtresses, dont l'une était mariée. Suivant l'exemple de son aïeul, il légitima tous ses bâtards par lettres-patentes enregistrées au Parlement. Au déclin de la faveur de Mme de Montespan, qui lutta jusqu'au bout avant de finir, elle aussi, dans la pénitence, le roi eut encore quelques brèves liaisons, notamment avec Mlle de Fontanges. Après 1681, les objurgations de Bossuet, ses sentiments religieux, l'inclinèrent à une vie plus régulière. Mais ce retour s'accompagna d'une passion nouvelle pour Françoise d'Aubigné, petite-fille du célèbre poète calviniste (Agrippa d'Aubigné), mais catholique de naissance et veuve depuis 1660 de Scarron. Sans fortune, mais insinuante, elle sut intéresser la reine à son sort, tandis que Mme de Montespan lui confiait l'éducation de ses enfants. Son esprit solide et sa beauté plurent au roi, qui érigea pour elle en marquisat la terre de Maintenon. Mais elle lui résista et réussit même à rapprocher le roi de la reine; à la mort de Marie-Thérèse, un mariage secret l'unit à Louis XIV. Le roi, ainsi rentré dans la règle, s'appliqua à racheter par une grande sévérité les erreurs de son passé. On en voulut beaucoup à Mme de Maintenon d'une réforme qui assura au roi la dignité de sa vieillesse, mais qui déçut de vilains calculs. On l'a aussi rendue responsable du zèle que le roi montra contre les Protestants et les Jansénistes. Mêlée aux affaires de l'État par le roi lui-même, calculatrice et peut-être ambitieuse, elle se trouve associée aux erreurs et aux embarras de la fin du règne. Mais il serait injuste de méconnaître sa piété et de ridiculiser l'idée mystique qu'elle avait d'être destinée à assurer le salut du souverain. A la cour, elle vivait très simplement, s'occupant de bonnes oeuvres, et souvent rebutée par l'humeur du roi, que la vieillesse assombrissait. Elle trouvait quelque douceur à sa maison de Saint-Cyr, qu'elle avait fait fonder, en 1686, pour l'éducation des demoiselles nobles et qu'elle dirigeait avec application et bon sens. Elle s'y retira très dignement après la mort du roi et y mourut en 1719. Les princes de sang. 1661-1715 : le règne de Louis XIV. Après s'être assuré de la neutralité de l'Angleterre, Louis XIV déclara en 1672 la guerre aux Hollandais, qui s'étaient précédemment joints à ses ennemis : la campagne fut ouverte avec de brillants succès par le roi en personne, suivi de Turenne et de Condé; c'est au début de cette campagne qu'eut lieu le célèbre passage du Rhin. Le roi d'Espagne, l'Empereur et l'électeur de Brandebourg, que la puissance du monarque français épouvantait, se liguèrent alors contre lui (1674) et commencèrent une nouvelle guerre : Louis s'empara de nouveau de la Franche-Comté, Turenne entra dans le Palatinat, qu'il mit à feu et à sang; Schomberg battit les Espagnols dans le Roussillon; Condé défit le prince d'Orange à Senef; Duquesne gagna deux batailles navales contre Ruyter, qui périt dans la dernière. L'Angleterre étant venue se joindre à la coalition, Louis XIV offrit la paix : il signa, en 1678, le traité de Nimègue, qui lui assurait la Franche-Comté. C'est après ces succès que lui fut décerné le surnom de Grand. La paix ne l'empêcha pas d'ajouter à la FranceStrasbourg, bombardé pour avoir insulté le pavillon français, et Gênes dut également s'humilier devant Louis XIV (1685). Mais la révocation de l'édit de Nantes (1685) vint interrompre le cours de tant de prospérité : cet acte de rigueur fit sortir de France une foule de familles qui portèrent chez l'étranger leur industrie et leur fortune. Peu après se forma la ligue d'Augsbourg (1686), par laquelle l'Empire, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande se coalisèrent de nouveau contre la France. La campagne s'ouvrit pour Louis XIV par des succès que contre-balança la perte de la bataille navale de La Hogue. Les années 1692, 1693 et 1694 furent signalées par la prise de Namur et les victoires de Fleurus, de Steinkerque, de Nerwinde et de La Marsaille; mais Namur fut reprise par Guillaume à la fin de 1694, et, lasses d'hostilités inutiles, les puissances belligérantes conclurent le traité de Ryswyk (1697) : le roi abandonna ses dernières conquêtes, excepté Strasbourg. La mort de Charles II, roi d'Espagne, qui laissait sa couronne à Philippe, duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, amena une nouvelle coalition, dirigée par le célèbre triumvirat d'Eugène. Ces années furent mêlées de succès et de revers; mais en 1704, les Français furent battus à Hochstett, en 1706 à Ramillies et à Turin, et ils perdirent les Pays-Bas et l'Italie. Enfin, en 1707, Berwick gagna en Espagne (L'Espagne au XVIIIe siècle) la victoire signalée d'Almanza, et Duguay-Trouin battit les flottes ennemies dans plusieurs rencontres. Cependant Louis XIV, ayant éprouvé quelques revers l'année suivante, demanda la paix; on ne lui fit que des réponses dures et humiliantes, et il se vit forcé de continuer la guerre; elle ne fut pas heureuse : Villars fut vaincu à Malplaquet par Marlborough et le prince Eugène (1709). Tout semblait perdu lorsque Vendôme gagna la victoire de Villaviciosa, qui rendit le trône d'Espagne à Philippe (1710), et Villars celle de Denain (1712); qui amena la paix d'Utrecht (1713) : par ce traité, Louis XIV conservait ses conquêtes (Alsace, Artois, Flandre, Franche-Comté, Cerdagne, Roussillon). Il mourut deux ans après, le 1er septembre 1715, laissant la couronne à son arrière-petit-fils, Louis XV, qui n'était âgé que de 5 ans. Il avait perdu peu auparavant son fils, dit le Grand Dauphin, et son petit-fils, le duc de Bourgogne. Les chefs-d'oeuvre sortis de la main de ces artistes , pour la plupart protégés du roi, avaient élevé l'orgueil de la France et fortifié par l'admiration cette unité nationale que Duquesne et Condé, Tourville et Turenne, Duguay-Trouin et Villars, Luxembourg et Catinat, Vendôme et Créquy, Boufflers et Jean Bart, consacrèrent par la victoire. N'oublions pas sur cette liste un grand ingénieur qui fut un grand citoyen Vauban. (H. Monin / HGP).
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