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L'État
lagide
Le rôle de
pharaon que leur prêtait l'imagination populaire, les Ptolémées
le jouèrent, il faut bien le dire, avec un art consommé.
Ils en prirent le costume parce qu'il symbolisait la toute-puissance royale,
et, comme le roi d'Égypte devait
être dieu, ils se firent du même coup adorer; ne se refusant
pas d'ailleurs à prendre part eux-mêmes au culte rendu aux
dieux et aux anciens rois du pays, en leur qualité de chefs de la
religion ( Religion égyptienne ).
Est-il besoin de dire qu'ils conservèrent scrupuleusement toutes
les cérémonies
et tous les usages relatifs à la royauté : panégyries
annuelles, association du prince héritier au trône paternel,
mariages entre frères et soeurs, pratique funéraire de l'embaumement,
etc. Mais ils ne s'en tinrent pas à ce formalisme. Leur politique
extérieure fut celle des pharaons. Sans doute, ils laissèrent
subsister en toute indépendance le royaume de Nubie
dont les pharaons, depuis Pepi (Ancien Empire)
jusqu'à Ramsès III (Nouvel
Empire), s'étaient efforcés de faire une province égyptienne;
mais c'est qu'avec les migrations successives, le royaume de Napata
s'était civilisé à l'égal de l'Égypte,
et, s'il ne pouvait plus prétendre renouveler les exploits des Piankhi,
des Sabacon, et de Taharqa (Basse Époque),
il avait au moins la prétention de n'être pas traité
en quantité négligeable.
La constitution et
l'administration de l'Égypte sous les Ptolémées
furent un très habile compromis entre l'organisation indigène
primitive et la conception cosmopolite que pouvait se faire d'un État
monarchique une lignée de princes profondément imbue des
idées d'Alexandre. Autour du roi
se trouvait groupée une hiérarchie nobiliaire, à la
fois égyptienne, persane et macédonienne : les parents du
roi, les gardes du corps, les amis, les envoyés, et les parents
catèques. A ces titres nobiliaires, qui étaient à
l'origine les désignations de véritables fonctions, s'ajoutaient
certains titres militaires devenus purement honorifiques. C'était
dans cette noblesse que se recrutaient les hauts fonctionnaires de palais,
l'épitrope, ou régent, personnage dont l'autorité
balançait quelquefois la puissance royale, le garde du sceau qui
était aussi directeur du musée et, en sa qualité de
prêtre d'Alexandre et des Lagides, le chef du clergé grec
et indigène; les archypérètes ou payeurs généraux
des troupes macédoniennes, l'archicynège ou grand veneur,
l'archedeatre ou principal majordome. Au point de vue administratif, l'Égypte
restait, à l'exception des communautés grecques d'Alexandrie,
de Ptolémaïs
et de Naucratis ,
divisée en nomes qui se subdivisaient en cités (kômai)
et territoires cultivés (topoi). Le nome était administré
par un nomarque ou stratège (charge devenue civile de militaire
qu'elle était à l'origine) qui avait en sous-ordre un épistate
du nome, autorité essentiellement judiciaire; la cité par
l'épistate de la cité, sorte de gouverneur juge, et les territoires
cultivés par un toparque assisté d'un épimélite.
Le stratège avait sous ses ordres un interprète, un agoranome
ou intendant des marchés, des ingénieurs chargés du
service technique de l'irrigation et des autres travaux publics, des laocrites
ou juges de paix, et enfin les nombreux cheikhs de tous les villages du
nome (presbyteroi).
Postérieurement,
l'administration provinciale de l'Égypte fut divisée en trois
épistratégies ou vice-royautés : la Basse-Égypte,
l'Heptanomide ou Moyenne-Égypte, et la Haute-Égypte avec
Héliopolis ,
Memphis
et Ptolémaïs
pour chefs-lieux, mais sans préjudice des nomes, passés au
degré de subdivision. Cette complication du rouage administratif
porta aussi sur les nomes qui se subdivisèrent en toparchies. Alexandrie,
capitale de l'Égypte en même temps que cité grecque,
c. -à-d. divisée en phyles et en dèmes, avait le privilège
de posséder une administration centrale et une administration locale.
En tant que municipalité, elle avait une Boulè ou conseil
élu. Elle était le siège d'un exégète,
d'un hypomnématographe, d'un archidicaste ou président de
la cour d'appel (les 30 juges royaux : 10 pour Memphis,
10 pour Thèbes ,
10 pour Héliopolis ),
d'un stratège de nuit, d'un alabarque ou directeur des contributions,
du dioecète ou ministre des finances, de l'hypodioecète et
des autres hauts fonctionnaires de l'administration des finances, l'économe
et le basilicogrammate desquels dépendaient tous les comogrammates
et topogrammates de l'Égypte.
Ptolémaïs ,
fondée par Sôter sur l'emplacement de Psoï (aujourd'hui
Menschieh) venait par rang d'importance après Alexandrie
: son organisation était entièrement grecque. Naucratis ,
l'ancienne colonie milésienne, avait des timouques et un hellenion.
Les décrets de Rosette
et de Canope
divisent les temples de l'Égypte en trois classes selon leur importance.
Chaque temple était desservi par une corporation de prêtres
composée de plusieurs phylai, dirigée par des phylarques.
Chaque temple avait un conseil de vingt à vingt-cinq prêtres
renouvelable chaque année et chargé de régler toutes
les affaires intérieures et extérieures du temple. La hiérarchie
sacerdotale, telle qu'elle nous est donnée par les mêmes décrets,
comprenait les grands prêtres qui pouvaient être grecs, les
prophètes, les hiérotolistes, les ptérophores et les
hiérogrammates. L'organisation militaire des Lagides présente
le même caractère de complexité qui se retrouve alors
dans toutes les institutions de l'Égypte. Elle comprend les diadoques,
troupe d'élite macédonienne casernée autour du palais,
les catèques ou territoriaux qui composaient les colonies militaires.
On donnait souvent le nom d'épigones
aux catèques nés dans le pays, c.-à-d. fils des premiers
colons, vétérans qui s'établirent après les
conquêtes. Ces colons étaient de toutes origines. L'armée
active se composait de mercenaires (xenoi et mistophoroi)
et de troupes indigènes. |
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La
dynastie des Ptolémées (Lagides)
Ptolémée
Ier Sôter.
Ptolémée
prit le gouvernement à titre de satrape à l'exemple des autres
généraux d'Alexandre. Il fut d'abord servi par la mauvaise
fortune de son rival Perdiccas,
qui échoua devant Péluse .
La troisième année de son gouvernement il avait, par des
campagnes heureuses, réuni à l'Égypte, Cyrène ,
la Syrie, la Coelésyrie
et la Phénicie. L'éloignement de sa province aurait pu le
tenir à l'écart des guerres qui divisèrent les diadoques;
il n'en fut rien.
C'est ainsi que,
en 315,
nous le voyons s'associer aux projets de Cassandre,
de Lysimaque et
de Séleucus contre l'ambition d'Antigone.
L'année suivante, il réprime les velléités
d'indépendance que manifestent Chypre
et Cyrène
et engage une nouvelle campagne en Syrie contre Démétrius,
fils d'Antigone. II le bat à Gaza, puis, battu à son tour
dans la personne de son sous-lieutenant Cellés qui n'avait pu empêcher
la jonction d'Antigone et de Démétrius, il évacue
la Syrie. Le pacte de désintéressement conclu en 311
entre les quatre généraux ayant été rompu par
la mauvaise foi d'Antigone, qui mettait des garnisons dans les villes grecques
après avoir adhéré à la reconnaissance de leur
liberté, la guerre éclate de nouveau, mettant aux prises
les troupes des alliés et d'Antigone un peu partout, sur l'Hellespont,
en Cilicie
où Léonès, lieutenant de Ptolémée, fut
vaincu, sur la côte occidentale de l'Asie Mineure, dans les Cyclades,
en Grèce où la flotte de Ptolémée s'empare
coup sur coup de Sicyone ,
de Corinthe et de Mégare.
L'année
307
fut favorable aux armées d'Antigone. Après s'être emparé
d'Athènes, Démétrius cingla vers Chypre, où
il détruisit la flotte de Ptolémée, mais, l'année
suivante, le père et le fils échouèrent dans leur
attaque combinée contre Péluse. Antigone se tourna alors
contre Rhodes
qui résista grâce aux secours des trois confédérés.
Mais Ptolémée, toujours habile, après l'avoir soutenue
dans sa résistance, lui donna le conseil de traiter avec Antigone.
Les Rhodiens se trouvèrent si bien de ses bons offices et de ses
conseils qu'ils lui décernèrent les honneurs divins avez
le titre de Sôter. Une nouvelle ligue se forma bientôt contre
Antigone; aux trois confédérés se joignit Séleucus.
La journée d'Ipsus ,
fatale à Antigone, ne mit pas fin aux rivalités. Le partage
de ses dépouilles divisa les vainqueurs en deux camps et donna lieu
à de nouvelles guerres, au cours desquelles Ptolémée
fut assez heureux pour reprendre Chypre et Cyrène.
Une légende
assez consolante pour l'amour-propre du peuple vaincu faisait naître
Alexandred'Olympias
et du roi sorcier Nectanébo réfugié
en Macédoine .
Ptolémée
Sôter étant considéré comme fils de Philippe,
il en résultait que les Lagides avaient tous les droits possibles
à la double couronne. De fait, Ptolémée Ier
Sôter se montra en Égypte scrupuleux observateur de la légalité
: les monuments portant les cartouches de Philippe
Arrhidée et d'Alexandre Aegos
en font foi. Ce n'est qu'en 304
qu'il se décida à prendre la couronne et les titres royaux
et fit frapper monnaie en son nom, mais en datant ses années de
règne d'après la durée totale de son gouvernement.
L'an 39 de ce comput, il associa à son trône Ptolémée,
le fils qu'il avait eu de Bérénice sa première femme.
Son règne n'a pas laissé que des souvenirs militaires : c'est
à Sôter, en effet, qu'il faut faire honneur des rapides procès
que fit la nouvelle capitale. ll construisit le phare, dans l'île
de Phares qu'il relia au port, fonda l'école et la bibliothèque
d'Alexandrie, attira les plus illustres
des savants et des artistes grecs. Le Museon, son palais, était
une véritable académie. II se montra, en un mot, fidèle
exécuteur des magnifiques projets d'Alexandre.
Philadelphe.
Son fils et successeur,
Philadelphe, né à Cos pendant l'expédition de 308
dans les Cyclades où Bérénice l'avait suivi, eut pour
précepteurs Straten et Philètas. Le règne de ce prince
s'en ressentit heureusement. Sans prendre à la lettre les louanges
dithyrambiques de Théocrite, on peut
dire néanmoins que, pendant les trente-huit ans de règne
de Philadelphe, l'Égypte fut très prospère. Alexandrie,
devenue de plus en plus la capitale intellectuelle du monde grec ( Les
Écoles d'Alexandrie), redoubla d'éclat et de grandeur;
le phare fut achevé, la bibliothèque transportée du
Brachium dans le magnifique palais du Serapeum, la Version des Septante
( Bible )
commencée. D'autres traductions paraissent aussi avoir été
entreprises à la même époque, notamment celle d'une
histoire d'Égypte par Manéthon.
L'intérêt porté aux questions économiques et
commerciales ne fut pas moins grand. Pour créer de nombreux débouchés
aux produits des industries locales, on explore la côte orientale
et l'intérieur de l'Afrique (voyages de Timosthène et d'Aristocréon)
( La
découverte et l'exploration de l'Afrique); le canal du Nil à
la mer, repris par Neko ( Basse
Époque)
et par Darius, est continué; des flottes
partent d'Arsinoé
(non loin de Suez) dans la direction de la mer des Indes et du golfe Persique .
Cette révolution opérée par les idées grecques
ne porte néanmoins aucune atteinte à la religion de l'Égypte .
A l'exemple des pharaons, Philadelphe affecte des revenus aux temples,
contribue à leur embellissement et même les reconstruit (Isis
de Philae). Ses guerres avec son frère
Magna, l'instigateur de la révolte de Cyrène
et Antiochus se terminèrent à
son avantage. Il engagea ce dernier à répudier Laodice pour
épouser sa fille Bérénice.
Evergète
Ier.
Son fils Evergète
lui succéda en 246.
Le premier acte de ce prince fut l'expédition de Syrie qu'il
entreprit pour venger sa soeur Bérénice, que Laodice venait
de faire assassiner peu de temps après la mort d'Antiochus. Il parcourut
en vainqueur toute l'étendue de l'empire séleucide, et rapporta
triomphalement en Égypte les statues
divines et les trésors des temples enlevés par Cambyse. Quelques
années après (240),
Séleucus II, roi de Syrie, se crut assez fort pour envahir l'Égypte.
Une seconde expédition d'Evergète le contraignit à
la fuite. Mais s'étant réconcilié avec son frère
Antiochus Hierax, que le roi d'Égypte avait favorisé à
ses dépens, celui-ci jugea expédient de conclure une trêve
de dix ans. De nouveaux démêlés s'élevèrent
entre les deux frères et favorisèrent les desseins d'Evergète,
qui put se livrer en toute sécurité à l'administration
intérieure de l'Égypte. Il éleva un temple à
Canope,
continua celui de Pselchis (Dakkeh) fondé par le roi de Nubie ,
Ergamène, ainsi que ceux de Philae
et d'Esneh .
Son nom ainsi que celui de sa femme et soeur, la reine Bérénice,
se lisent également sur plusieurs monuments de Thèbes .
Ce fut cette reine qui, pendant la campagne d'Asie, consacra à Aphrodite
sa chevelure pour l'heureux retour de son époux. On sait que l'astronome
Conon
de Samos ,
pour donner une explication flatteuse de sa disparition, publia qu'elle
brillait au ciel sous la forme d'une constellation
( Chevelure de Bérénice ).
Philopator.
Philopator, fils
d'Evergète, souilla son règne du sang de son frère
Magas, de sa mère Bérénice et de son hôte, Cléomène,
le roi fugitif de Sparte, que son père
avait accueilli. Il commit tous ces crimes à l'instigation de son
ministre Sosibios, qui n'avait trouvé rien de mieux, pour conserver
son ascendant, que de flatter ses plus bas penchants. Le surnom de Philopator,
dont il jugea prudent de s'affubler, ne donna pas le change à l'opinion
publique, qui s'obstina à le rendre responsable de la mort de son
père. L'histoire militaire de son règne est remplie par ses
guerres avec Antiochus le Grand. Après deux malheureuses campagnes,
il défit à Raphia (216)
son redoutable adversaire qui prit la fuite et se résigna à
un traité onéreux.
Philopator reprit
possession des villes de Palestine et de Syrie conquises par ses prédécesseurs.
II lui restait un crime à commettre : le meurtre de sa femme, Arsinoé.
Peu de temps avant sa mort, il la sacrifia à sa passion pour Agathoclée.
Ses forfaits ne le détournèrent pas, néanmoins, de
la politique prudente des Ptolémées
à l'égard du parti clérical : il le combla comme avaient
fait ses pères et attacha son nom à de nombreuses constructions
ou restaurations à Akhmîn ,
à Thèbes ,
à Edfou ,
à Philae, à Dakkeh, etc.
Epiphane.
Son fils Epiphane
n'avait que cinq ans quand il fut appelé à régner.
Trois régents se succédèrent pendant sa minorité
: Agathaclès, Tlepolemos et Aristomène. Le peuple, lassé
du premier, se révolta et arracha au jeune roi sa condamnation;
le second perdit également la vie en perdant le pouvoir. Les troubles
qui éclatèrent en Égypte pendant la minorité
d'Epiphane incitèrent Antiochus à reprendre les hostilités.
Battus par Scopas, général de Ptolémée, il
ne tarda pas à prendre sa revanche et fit rentrer sous sa domination
les villes de Cilicie ,
de Lycie, de Syrie et de Palestine qui avaient des garnisons égyptiennes.
Les affaires d'Europe le déterminèrent néanmoins à
ne pas abuser de sa victoire et il scella la paix de la main de sa fille
Cléopâtre,
qu'Epiphane épousa. Cette princesse apporta comme dot la province
de Syrie. Epiphane se montra par ses cruautés le digne fils de son
père; il n'épargna ni les révoltés de Lycopolis
(Assiout )
qu'il fit mettre à mort, ni Scopas, son général, qu'il
abandonna à la rancune d'Aristomène, ni même ce dernier,
dont la tutelle lui pesait et qu'il condamna à prendre la ciguë.
II n'eut pas lui-même une meilleure fin : il mourut empoisonné
pendant les préparatifs d'une expédition contre le successeur
d'Antiochus, après vingt-quatre ans de règne. Thèbes ,
Esneh ,
Edfou ,
Ombos ,
Philae,
eurent part à ses largesses. Ses cartouches se répètent
sur leurs monuments. Ajoutons que c'est en l'honneur d'Epiphane que les
prêtres réunis à que rendirent le fameux décret
bilingue, trouvé à Rosette
et qui a été la base du déchiffrement des hiéroglyphes
par Champollion.
Philométor.
Philométor
n'avait que cinq ans quand il succéda à son père.
Pendant sa minorité, la régence fut d'abord exercée
par sa mère, Cléopâtre,
puis, simultanément, par Lénéos et Euléos.
La possession de la Coelésyrie ,
de la Phénicie et de la Judée mit encore aux prises les armées
lagide et séleucide. L'appui moral de Rome que sa guerre avec Persée
empêchait d'agir plus efficacement, ne put empêcher Antiochus
de reconquérir les provinces abandonnées par son grand-père.
II entra en Égypte, surprit Philométor dans Memphis
et marcha sur Alexandrie, où le
jeune frère du roi venait d'être proclamé sous le nom
d'Evergète II. Une révolte des Juifs l'obligea à lever
le siège, mais, avant de quitter l'Égypte, il eut soin de
remettre lui-même Memphis aux mains de Philométor, avec l'espoir
que la revendication de son trône mettrait ce dernier en guerre avec
son frère.
Au contraire, la
crainte qu'il leur inspirait les unit dans un commun effort. Mais il ne
fallut pas moins d'une nouvelle intervention de l'ambassadeur romain, Popilius
Lenas, pour l'obliger à évacuer l'Égypte qu'il avait
de nouveau envahie (168).
Toutefois, l'espoir d'Antiochus ne fut pas complètement déçu
: le partage de l'empire mit aux prises les deux frères. Evergète
ne voulait pas se contenter de Cyrène
et de la Libye ;
Philométor refusait de se rendre aux ordres du sénat romain,
qui lui enjoignait d'y ajouter Chypre. Ils finirent par tomber d'accord
au prix de la concession de quelques villes cypriotes, et la fin du règne
de Philométor ne fut troublée par d'autres guerres que celle
qu'il fit pour soutenir les prétentions d'Alexandre Bala contre
Démétrius, puis celles de Démétrius contre
Alexandre
Bala. Heureux dans ses entreprises, il assura chaque fois le succès
de son allié.
Evergète
II et Sôter II.
Evergète
II (Physcon), qui n'attendait que sa mort pour prendre possession du trône
d'Égypte, commença par faire exécuter son neveu Eupator,
que Cléopâtre
avait fait proclamer roi. II faut dire qu'il n'était arrivé
à ses fins qu'en épousant la veuve de son frère et
en s'attribuant la régence. Une insurrection, causée par
la haine et le dégoût qu'il inspirait, l'obligea à
se réfugier à Chypre avec sa seconde femme, Cléopâtre
II, fille de la première. Mais la victoire que remporta son parti
lui rendit le pouvoir et Cléopâtre
dut, à son tour, chercher refuge à la cour de Démétrius
Nicator.
Sôter II ou
Lathyre fut en quelque sorte imposé par les Alexandrins. Sa mère,
Cléopâtre
II, qui favorisait son frère Alexandre,
après des années d'hostilité sourde, le fit faussement
convaincre de tentatives parricides et exiler en qualité de gouverneur
à Chypre (106)
et fit couronner son frère. Alexandre lui marqua quelques années
plus tard sa reconnaissance en la faisant assassiner. Cet acte monstrueux
et beaucoup d'autres, comme la violation du tombeau d'Alexandre le Grand,
réussirent si bien à lui aliéner l'affection des Alexandrins
qu'il dut fuir à son tour, chassé par une émeute,
et abandonner le trône à l'exilé de Chypre. Le retour
de Lathyre ne rencontra pas le même accueil dans toute l'Égypte
: Thèbes refusa de le reconnaître. Il se mit en route contre
l'ancienne capitale, s'en empara et la livra à toutes les horreurs
de la guerre. Son règne s'acheva paisiblement en 81.
L'ingérence
de Rome.
Le meurtre de sa
fille, Bérénice, par Alexandre II, fils de Ptolémée
Alexandre Ier, et d'Alexandre II par le
peuple indigné, amena eu pouvoir son fils naturel, Ptolémée
Aulète. Aulète, qui avait tout à craindre des Romains,
dont il remplaçait le protégé, par le libre choix
du peuple d'Alexandrie, ne tarda pas à
devenir à son tour leur client. Chassé d'Alexandrie par ce
même peuple indigné de ce qu'il s'était laissé
prendre l'île de Chypre, il dut se réfugier à Rome
et y solliciter par toutes sortes de bassesses les secours nécessaires
à la reprise de son pouvoir. Pompée,
alors consul, lui donna des lettres pour Gabinius, gouverneur de Syrie,
qu'il acheva de gagner avec des présents. C'est ainsi qu'il put
rentrer en 55
à Alexandrie, accompagné d'une légion, et s'y maintenir
avec une garde de soldats gaulois que lui laissa Gabinius. En vertu de
son testament, dont Pompée avait été constitué
dépositaire, Aulète eut pour successeurs son fils Ptolémée
(Neos Dyonysios), âgé de treize ans, et sa fille Cléopâtre
VII, qui en avait dix-sept. Les secours
que cette dernière envoya à Pompée pendant sa guerre
contre Jules César, la firent chasser d'Alexandrie
ou elle ne rentra que rappelée par César après sa
victoire.
L'ingérence
des Romains dans les affaires des Ptolémées ne tarda pas
à blesser les Alexandrins, excités, d'ailleurs, par l'eunuque
Pothin, Théodote et Achillas, ministres du jeune Ptolémée,
qui l'entretenaient dans une perpétuelle aversion de sa soeur. Une
armée de 22 000 hommes, commandée par Achillas, marcha sur
Alexandrie.
César
s'enferma dans le Bruchion avec Cléopâtre
qu'il refusa de livrer au peuple en délire et soutint un siège
qui ne prit fin qu'à l'arrivée des renforts envoyés
par Domitius Calvinus. Ptolémée s'était constitué
son prisonnier. Victorieux, César consentit à le délivrer,
estimant que le groupement de toutes les forces autour du roi, loin de
lui créer de nouvelles difficultés, lui permettrait de s'emparer
de l'Égypte par une victoire décisive. Et, en effet, à
peine rendu à la liberté, Ptolémée prit le
commandement de son armée, essuya une première défaite
en essayant d'arrêter au passage Mithridate
de Pergame
qui se portait au secours de César, puis fut battu et perdit la
vie dans une seconde rencontre avec les troupes de ce dernier (47).
Fidèle exécuteur du testament d'Aulète, César
n'usa pas de sa victoire pour s'emparer de l'Égypte, mais appela
le jeune frère de Ptolémée à régner
conjointement avec Cléopâtre.
Celle-ci resta d'ailleurs
après comme avant la véritable souveraine du pays. La mort
de son second mari, empoisonné après un très court
règne, ne changea donc rien à la situation. Elle se résigna
à régner dans la dépendance de Rome, dont les légions
restaient en permanence en Égypte. César assassiné,
elle prit parti pour les triumvirs et obtint la reconnaissance de son fils
Césarion comme roi. On sait comment elle s'empara de l'esprit d'Antoine
qui l'avait mandée à Tarse pour s'expliquer sur son attitude
pendant la guerre civile. Elle sut se servir habilement de lui pour étendre
les possessions de l'Égypte : c'est ainsi quelle se fit donner toute
la région orientale du bassin de la Méditerranée,
la Phénicie, la Syrie, une partie de la Cilicie ,
Chypre, l'Arabie des Nabatéens,
en somme, la plupart des pays en relations commerciales avec Alexandrie.
Antoine ayant répudié, pour l'épouser, sa femme Octavie,
soeur de son collègue Octave, celui-ci
le fit accuser devant le Sénat d'avoir démembré l'Empire
et destituer. La guerre fut déclarée à Cléopâtre.
La bataille navale d'Actium ,
perdue par Antoine, suivie bientôt de l'invasion de l'Égypte
par les légions d'Octave, mit à néant les desseins
grandioses de Cléopâtre. Après la prise d'Alexandrie,
leur dernier refuge, Antoine et Cléopâtre se donnèrent
la mort, le premier pour ne pas tomber vivant aux mains de son rival, la
dernière après avoir vainement essayé ses charmes
sur Octave, et pour échapper à l'humiliation d'être
exhibée vivante à son triomphe (30).
L'Égypte fut réduite en province romaine. (Georges
Bénédite). |